La formation au temps du confinement... et le « jour d’après » ?


L’expérience est inédite : la formation continue … à distance des apprenants, à distance de nos habitudes, de nos certitudes …. Que retiendrons nous de cet épisode ?
Vivre ces moments avec son lot d’émotions contradictoires : colère, angoisse, sentiment d’impuissance, résignation, accommodation, espoir … selon nos situations de « confinés », plus ou moins supportables, plus ou moins pesantes. Vivre ces moments et accueillir nos émotions, les mettre en mots, élaborer le vécu présent pour reprendre prise sur notre devenir …
Qu’apprenons-nous ou réapprenons-nous, formateurs, enseignants, universitaires … de notre activité professionnelle à l’occasion de cette distanciation contrainte ?

Peut-être tout d’abord deux éléments essentiels de nos pratiques :
- La situation actuelle remet crûment en évidence l’inégalité des conditions d’apprentissage des adultes en reprise d’étude comme des étudiants de formation initiale : inégalité d’accès aux moyens numériques, certes, mais aussi inégalités quant à la charge mentale quotidienne, aux conditions de vie …
- La formation à distance qui s’impose en ce moment attire plus spécifiquement notre attention sur la variété des manières d’apprendre mais surtout rappelle que l’apprentissage est aussi un effort, ; un effort exigeant de confrontation avec un objet potentiel de savoir : un texte d’auteur, un témoignage d’autrui, les traces d’une expérience vécue, … Pour s’engager dans cette exigence, il faut à la fois des conditions favorables et des dispositions pédagogiques capables de soutenir la volonté d’apprendre.

Ces inégalités et ces exigences particulières ne sont pas apparues avec l’épidémie mais peut-être, « en cours » en présence des apprenants avons-nous fini par oublier ces points aveugles « au cours » de nos pratiques. Saurons-nous nous en souvenir, le jour d’après ?

Notre monde présent résulte des décisions prises hier et nos engagements d'aujourd’hui préfigurent le monde de demain. Notre vie quotidienne, voire notre survie, dépend des contributions de chacun à la vie collective, aussi invisibles soient-elles. C’est aussi ce que nous rappelle la crise sanitaire que nous affrontons
Alors, de ce point de vue, pouvons-nous continuer à penser que l’avenir professionnel de chacun dépend d’une « liberté de choisir » en fonction de compétences personnelles soigneusement et individuellement capitalisées ?

Car si les compétences correspondant à des capacités à agir avec efficacité, elles sont aussi capacités à agir dans un environnement et au sein de collectifs qu’il s’agit de considérer. L’efficacité de l’action est aussi une éthique de l’action.
Il nous appartient, enseignants, formateurs, universitaires, de tirer leçon des événements présents, de réaffirmer la tradition humaniste de la formation tout au long de la vie : reconnaitre les capacités de chacun, instruire et former des hommes et des femmes « capables », c’est-à-dire capables de penser le monde, capables de changer le monde.

Isabelle Houot , 13 avril 2020