Veille Libre et communs en formation

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Veille libre
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Innovation Pédagogique

Un article, sous licence CC by sa, repris du site de l'éveilleur, espace web de l'université de Sherbrooke une publication sous licence variable

Depuis 2019, l'Université de Sherbrooke est associée au mouvement l'éducation ouverte grâce à sa participation active au sein de la fabriqueREL. Il s'agit d'un projet interétablissement en enseignement supérieur qui a comme mission d'accompagner dans la création de ressources éducatives libres (REL) disciplinaires francophones de qualité. Encore cette année, il est possible pour les personnes enseignantes en enseignement supérieur de soumettre un projet de création ou d'adaptation de REL.

Pour être admissible, le projet doit s'inscrire dans l'une des deux catégories suivantes :

  • Catégorie 1 – Manuel (entre 10 000 $ et 15 000 $)
  • Catégorie 2 – Notes de cours (entre 5 000 $ et 10 000 $)

Accédez au guide et formulaires pour soumettre un projet. Date limite : lundi 11 mars 2024 à midi

L'UdeS et les REL : une ouverture naturelle depuis 2019

La communauté UdeS s'est, depuis le début, montrée interessée aux REL et très ouverte aux partages des ressources d'enseignement. Plusieurs projets de REL qui ont été produits par des personnes enseignantes en collaboration avec la fabriqueREL :

  • La démarche entrepreneuriale : Qui suis-je, Où vais-je, Comment y aller ?, Jean Bibeau, École de gestion, 2022-2023 (en cours de complétion), CC BY-NC.
  • Modélisation et analyse spatiale dans R. Philippe Apparicio, Département de géomatique appliquée, 2023 (en cours de complétion), CC BY.
  • Manuel d'autoformation en lien avec une approche culturelle de l'enseignement au primaire, Mélanie Champoux, Faculté d'éducation, 2023 (en cours de complétion), CC BY-SA.
  • Calcul multivariable :Une approche libre, Juan-Carlos Bustamante, Département de mathématiques, 2022, CC BY-NC-SA.
  • Être humain : Rencontre et accompagnement, Marjorie Désormeaux-Moreau, École de réadaptation, 2021, CC BY et CC BY-NC-SA (les balados).
  • Valoriser les données pour soutenir la réussite scolaire, Daniel Chamberland-Tremblay, École de Gestion, 2021, CC BY-NC-SA.
  • Banque ouverte d'activités d'analyse d'images de télédétection et de sorties terrain autoguidées, Amélie Fréchette, Département de géomatique appliquée, 2021, CC BY-NC.
  • Simulation de développement modulaire : jeu vidéo rétro, Marie-Flavie Auclair-Fortier, Département informatique, 2020, CC BY-NC.
  • Module de mise en forme sur les intégrales, Virginie Charette, Département de mathématiques, 2020, CC BY-SA.
  • Série de 13 manuels de physique, David Sénéchal, Claude Bourbonnais, André-Marie-Tremblay, Département de physique, 2020, CC BY-NC.

Sources :

fabriqueREL. (s.d.). https://fabriquerel.org/


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[Extrait d'un post LinkedIn]

Grandes Ecoles : la politique des petits pas ne suffira pas !

💡 Depuis mars 2023, nous travaillons avec une équipe d'étudiants motivés à la création d'un master interdisciplinaire en "Politiques de l'urgence écologique". Un projet inédit en France, qui devait rassembler 8 écoles lyonnaises, des dizaines d'étudiants et enseignants, qui avait pour vocation de casser les murs entre les disciplines pour espérer faire bouger le monde de l'enseignement supérieur.

❌ Verdict : ce projet n'aboutira pas, nos écoles ayant préféré une option moins difficile à mettre en place, un DIU (pour Diplôme Inter-Universitaire, formation plus courte et dont le diplôme n'est pas reconnu par l'Etat). Or, les formations sur les transitions existent partout, mais sont très rarement accréditées et, souvent, n'adressent pas le problème de manière globale. La demande des étudiants, de plus en plus partagée, de masters adressant frontalement la question de l'urgence écologique, est motivée par la nécessité de former des décideurs et décideuses aux compétences reconnues, qui sauront impulser des dynamiques de changement dans tous les milieux professionnels dans lesquels ils seront amenés à travailler.

🗣 Aujourd'hui, nous lançons une bouteille à la mer, en publiant notre travail de ces 6 derniers mois pour que les écoles et universités puissent s'en saisir.
Maquette pédagogique, présentation des objectifs, budget, grille de compétences : tout est là. Ces documents ne sont pas parfaits, mais ils ont l'avantage d'exister.

🏛 Nos formations ne peuvent plus se permettre de rester aveugles et sourdes aux grandes transformations qui nous attendent. La "politique des petits pas", bien que compréhensible et légitime, nous amène droit dans le mur - à peine moins vite que l'inaction.
Aux étudiants, aux enseignants, à tous ceux qui souhaitent que l'enseignement supérieur bouge : contactez vos écoles et saisissez-vous de ce type d'initiative.

Comme cela est rappelé dans le document ci-dessous :

"Nous sommes étudiants au XXIe siècle. Notre génération est appelée à gérer un monde qui part à la dérive, et nous ne sommes pas formés à le faire."

Malgré tout, et en l'absence de réaction suffisante de la part de nos décideurs, nous devons continuer d'imaginer, d'impulser et de défendre la nécessité d'une bascule.


La proposition de Mastee interdisciplinaire sur l'urgence écologique

Pour le Collège des Hautes Études Lyon Science[s]

extrait du document en pièce jointe à l'article

Sur les objectifs pédagogiques

Ce master, généraliste et professionnalisant, doit permettre aux étudiants :

  • D'approfondir leurs connaissances dans les domaines les plus critiques à la compréhension de l'urgence écologique, de ses origines et de ses solutions ; intégrant des enseignements en sciences humaines et sociales, en sciences expérimentales, en sciences de l'ingénieur, en droit et en management, et permettant l'obtention d'une vision systémique globale ;
  • De se doter de compétences concrètes visant la mise en oeuvre de politiques de redirection écologique ambitieuses dans des milieux professionnels variés ;
  • De développer leur esprit d'initiative et la volonté d'être utile plus qu'important, afin de former une nouvelle génération de diplômés qui sauront prendre en main les défis du siècle.

Sur le contenu

Pour rappel : le Shift Project recommande au minimum 165 h d'enseignement théorique pour adresser correctement la seule problématique énergie-climat. Or cette formation a pour objectif d'aller plus loin, en étendant le champ des enseignements pour donner une vision systémique et pluridisciplinaire des enjeux de l'urgence écologique. La proposition de maquette pédagogique (voir annexe A1) additionne les heures de cours théoriques et pratiques, qui permettent aux étudiants d'appréhender l'aspect concret des transitions, et repose sur une base de 650 h de cours en 2 ans.

La 1ere année de master est pensée comme année d'études interdisciplinaire axée sur la compréhension des enjeux écologiques et l'analyse des constats alarmants dans tous les domaines de la société.

La 2e année s'axerait quant à elle sur une mise en mouvement des étudiants et l'utilisation des connaissances acquises en 1ere année pour développer la capacité à impulser le changement, via de nombreux cours-projets et des méthodes pédagogiques innovantes.

A noter qu'il nous semble essentiel, pour les étudiants du CHEL[s] qui n'auront pas eu l'opportunité d'entrer dans cette formation en M1, de permettre l'admission directe en M2, sous réserve d'avoir les prérequis nécessaires pour compenser l'absence de la première année de cours.

Sur l'aspect fonctionnel

S'agissant des locaux, il est proposé que les étudiants suivant ce master aient cours chaque semestre dans une école différente du CHEL[s]. Cela afin de préserver une certaine stabilité dans la mise en place des enseignements tout en permettant aux différentes écoles de mutualiser leurs équipements.

Certaines écoles ayant plus d'espace à mettre à disposition, le dialogue doit s'engager pour arriver au meilleur compromis.

S'agissant des cours, les enseignements proposés dans la maquette pédagogique sont des cours créés spécifiquement pour cette formation et nécessiteront donc certains enseignements dédiés.

L'organisation proposée du master est la suivante :

1. Tronc commun : cours magistraux interdisciplinaires évoluant autour de 4 grandes thématiques : Constats scientifiques / Economie / Politique / Société et culture.

2. Cas pratiques : cours opérationnels et professionnalisants, faisant appel à des intervenants extérieurs.

3. Projets transversaux (M2) : cours-projets semestriels dont la thématique est à choisir par les étudiants parmi une liste prédéfinie, avec l'objectif d'aborder l'aspect le plus concret de leur apprentissage via des partenariats avec des professionnels


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Convaincu qu'une veille rendue publique peut servir à d'autres et qu'elle ne peut que s'enrichir si son écriture est ouverte à des contributions, je cherchais vainement depuis quelques années un outil simple d'usage qui le facilite.

Voici une courte présentation d'une solution collaborative qui permet de publier une référence d'un simple clic sur un marque page de son navigateur et ses premières mises en oeuvre dans l'environnement Yeswiki des Riposte Créative.

Les difficultés d'une veille partagée

Mes premières publications de veille remontent au début des années 2000 quand élu au numérique à Brest, j'ai voulu donner à voir les textes (articles, interviews, diaporamas...) produits autour de la politique publique du numérique à Brest. Dans une approche de coopération ouverte, il me semble important de rendre public, de "donner à voir" ce qui est réalisé, surtout lorsque c'est financé avec de l'argent public [1].

Le développement de wiki-brest, carnets d'écritures collaboratives au pays de Brest en utilisant la plate-forme médiawiki m'a alors fait utiliser cet outil pour publier une trace de l'action publique appuyé par une compétence interne au service "internet et démocratie locale' de la ville sur cet outil et un hébergement associatif chez le chaton brestois Infini.

Différentes collectes ont alors été développées sur un espace dédié "wiki-a-brest" :

Cette écriture en médiawiki était ouverte à tous (via wiki-brest en particulier) mais elle demande un effort : aller à la bonne page pour écrire, l'éditer, ajouter "à la main" le texte et le lien associé.

Comme nous n'avons pas appris à documenter nos projets et initiatives et encore moins les projets semblables des autres, inciter à partager une référence a toujours demandé un certain volontarisme et cette écriture publique s'est naturellement arrêtée sur cet espace quand j'ai terminé mon mandat électif.

Dans une même logique nous avons aussi développé un espace collaboratif plus large Intercoop réseau des réseaux francophones autour des transitions, de la coopération, de l'intelligence collective et des pratiques collaboratives autour des communs numériques, ou autour des pratiques collaboratives.
Cette veille publique a connu une belle audience avec plus d'un million de pages vues et m'a motivé à poursuivre dans une veille publique.

Intercoop, est né aux Etés Tic de Bretagne en 2007 dans le prolongement du groupe IC-Fing, du Forum des usages coopératifs, des ateliers sur la coopération d'Autrans et des rencontres Moustic

Des bibliothèques de liens ont aussi été mises en oeuvre après un développement médiawiki (merci Fred) telle une liste de 500 sites francophones sous Creative Commons. Beaucoup de ces répertoires n'ont pas survécu à un changement de version PHP et au départ de la personne compétente du service (c'était un peu technique). [2]

J'ai aussi essayé des outils de gestion de flux RSS comme Netvibes mais il était difficile d'en faire un outil collaboratif. La collecte avec ce type d'outil est par ailleurs peu sélective sur les contenus et limitée aux sites ayant un flux RSS.

Le tournant des Riposte Créative

C'est la crise du Covid qui m'a fait pratiquer l'outil Yeswiki où, avec Laurent Marseault, nous avons mis en oeuvre Riposte Creative Territoriale pour un collectif animé par la Direction de l'innovation du CNFPT.

Plusieurs articles de ce blog présentent la dynamique collaborative facilitée par cet outil convivial. [3]. Et ces dernières années les usages de cet outil libre se sont largement développés dans le monde associatif et de la transition. [4]

Dans l'esprit de cet espace ouvert en écriture sans contrôle préalable plusieurs autres espaces ont été développés tels

  • Riposte Créative Bretagne initié avec Benoît Vallauri qui référence aujourd'hui 800 initiatives en solidarité (en réponse à la crise du Covid) puis autour de l'innovation sociale, des communs, du climat et de la transition
  • Riposte Créative Pédagogique initié avec Jean Marie Gilliot qui a cherché à mutualiser les réponses dans l'enseignement supérieur aux situations de confinement ouis s'est lui aussi élargi aux réponses à la crise climatique et plus récemment à l'arrivée des IA génératives.

Habitué aux sites contributifs outillés par spip, (tels Innovation pédagogique et transition et a-brest ou Bretagne-Créative basés sur l'écriture d'articles, j'y ai découvert une forme d'écriture plus facile d'accès sous forme de fiches renseignées à l'aide de petits formulaires indexés par des mots-clés.

Ces deux modes d'écriture sont complémentaires comme le montrent notamment les aller-retour via les flux RSS entre site spip d'Innovation pédagogique et transition et Yeswiki de Riposte Créative Pédagogique.

La découverte du référencement par marque page

C'est au détour d'une question posée sur le Forum Yeswiki que Fred Renier de Supago Florac m'a fait découvrir son tutoriel " bookmarklet veille partagée " permettant d'installer un marque page actif qui entre la référence d'un lien web et son titre d'un simple clic.

Enfin il devient facile de réaliser une veille sur un sujet, réutilisable par d'autres et ouverte aux contributions. Et surtout cela se fait d'un simple clic au fil de vos lectures dés lors que le bouton associé à la veille est glissé dans vos marque page.

Vous pouvez en voir une mise en oeuvre sur les veilles
dans Riposte créative pédagogique

Dans cette phase d'expérimentation après avoir été séduit par la facilité d'usage et la simplicité d'installation (compter 10mn si on on est un peu familier d'un yes wiki) cela m'intéresserait d'échanger avec d'autres utilisateurs sur des retours d'usage d'une veille partagée.

Pour ma part, ayant du temps étant retraité, je mets un peu d'énergie pour donner à voir les initiatives en transition (les centaines de fiche de Riposte Créative Bretagne ou de Riposte Créative Pédagogique et cette veille me semble un complément utile pour afficher des liens que j'ai trouvé intéressants et qui peuvent être utiles à d'autres. C'est aussi le pari à vérifier qu'une veille collaborative est plus riche et demande moins d'effort qu'une addition de veilles individuelles menées en parallèle chacun.e de son côté.

Les étapes pour installer une veille partagée

Je reprends ici sous forme de texte la démo du tutoriel de Fred Renier que je vous recommande vivement. Cet écrit me sert de pense bête dans mes installations de veilles partagées.

  • il vous faut initier une base de donnée dans votre yeswiki (en étant connecté comme admin)
  • en ajoutant un "bookmarklet" via le constructeur graphique
  • en éditant une instance de votre base il apparait comme "saisir une fiche" que vous glissez dans votre barre de marque page
  • dans une page qui servira à afficher les liens partagés, vous ajoutez un composant "bouton"
  • vous copier le code javascipt copié du marque page (via modifier le marque page)
  • vous éditez le bouton en remplaçant le champ lien par ce code
  • il ne reste plus qu'à ajouter le composant éditer la base pour afficher les résultats de la veille
  • j'ai aussi modifié le nom du marque page pour qu'il soit plus intuitif d'usage comme "veille IA"

Bien sur pour que cela fonctionne, il vous faut cliquer sur ce marque page sur quelques pages jugées intéressantes.

NB : Dans mes veilles sur IA génératives en formation et conventions citoyennes en Bretagne j'ai rajouté quelques listes de mots clé pour faciliter l'accès aux ressources référencées.


Merci de vos retours


[1] voir à ce sujet Premier pas vers une gouvernance contributive, Retour d'expérience sur une politique publique du numérique à Brest

[2] il y aurait un travail de récupération à faire à partir des archives d'internet archivz

[4] voir par exemple la page "Ils utilisent YesWiki"


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Durant la crise du Covid la direction innovation publique du CNFPT (Centre National de la Formation Publique Territoriale) a utilisé un espace collaboratif ouvert : Riposte Créative Territoriale pour poursuivre ses activités durant le confinement. Pendant deux ans, quelques dizaines de personnes ont ainsi développé un espace dans un esprit de communs, en participation ouverte, où tout ce qui était produit était public et rendu réutilisable par une licence Creative Commons. Une étude menée à travers 13 interviews a permis d'expliciter ce que recouvrait pour les participants actifs à Riposte Créative Territoriale cette pratique des communs. Communiqués lors d'un colloque ESREA à Milan (Sanojca Briand, 2022), les résultats de cette étude proposent une grille en dix niveaux pour décrire l'appropriation des communs. Cet article présente cette grille, pour la rendre accessible et réutilisable lorsqu'il s'agit d'évaluer un niveau d'engagement dans la participation aux communs. L'écrit s'appuie sur le texte de la communication parue dans les actes du colloque "New seeds for a world to come : policies, practices and lives in adult education and learning"

Cette grille est maintenant utilisée dans une nouvelle étude auprès d'une communauté d'agents du service public "Utilo", autour de la facilitation. le projet Utilo Tilab laboratoire d'innovation publique d'intérêt général commun. Cette nouvelle étude interroge "en quoi la pratique des communs peux être facteur d'émancipation au travail".

Résultat d'une étude auprès des acteurs de Riposte Créative Territoriale durant le confinement et la crise du Covid

La notion de communs est définie par trois caractéristiques interdépendantes : «
(1) une ressource en accès partagé ;
(2) un système de droits et d'obligations (un faisceau de droits) qui précise les modalités de l'accès et du partage des bénéfices associés entre les ayants-droit et enfin
(3) l'existence d'une structure de gouvernance qui veille au respect des droits et à la garantie de la reproduction à long terme de la ressource » (Coriat, 2017, p. 267). [1]

Michel Briand : Pourrais tu te présenter en quelques mots ?

ES : Je m'appelle Elzbieta Sanojca, je suis maître de conférence en sciences de l'éducation à l'université de Rennes 2. Je m'intéresse à la formation des adultes et en particulier à la manière dont les adultes apprennent. Cela concerne non seulement les formes formelles d'apprentissage (formation continue par exemple), mais aussi et surtout les formes non formelles voire informelles d'apprentissage, par l'activité de travail par exemple, l'engagement dans des collectifs professionnel ou citoyen etc...

Dans les différents contextes où l'apprentissage peut se produire, je m'intéresse en particulier à la dynamique collaborative qui conduit à la co-construction des savoirs. Mes travaux actuels s'inscrivent en continuité de ma recherche doctorale (Sanojca, 2018) qui portait sur l'analyse des compétences collaboratives et leur développement en formation des adultes. [2]

MB : Peux-tu présenter l'étude réalisée autour de Riposte Créative Territoriale Créative et de la pratique des communs à cette occasion ?

ES : C'est une étude qui porte sur le collectif qui, au sein de la direction Innovation du CNFPT (Centre National de la Formation Publique Territoriale), a ouvert un espace collaboratif nommé Riposte Créative Territoriale, en réponse à la crise du Covid-19 [3].

Si les personnes impliquées dans cette dynamique ont été auparavant sensibilisées aux pratiques de l'innovation publique, cette nouvelle expérience de Riposte a fait apparaître un éléments particulièrement intéressant : ces collectifs apprenants ad hoc ont tenu à affirmer une valeur particulière attribuée à à la dynamique d'apprentissage et aux ressources produites collectivement (les connaissances). Le terme de « communs » en référence aux travaux d'Elionor Ostrom a été choisi par les acteurs des Ripostes pour designer cette valeur.

C'est par le choix de ce terme qu'apparaît le lien avec mes précédents travaux : je rappelle rapidement que " avoir le souci des communs " est le troisième pivot [4] des compétences collaboratives que j'ai identifié dans ma thèse [5].

La notion de communs est importante dans la dynamique de collaboration. Avoir ce souci des communs peut renforcer la durabilité d'efforts collectifs pour travailler sur le projet. Cela se produit, lorsque les collectifs se questionnent sur la nature de ce qui est collectivement produit et en plus lui confèrent la valeur de communs par exemple par l'attribution d'une licence de partage telle les « Creative Commons ».

Ce qui m'a paru intéressant de questionner dans le cas de Riposte est de savoir :

en quoi cette forme de valorisation des productions issues des apprentissages en communs (les connaissances) fait naître de nouvelles pistes pour penser la formation des adultes aujourd'hui ?

MB : Quelles étaient les personnes concernées par ces entretiens ?

ES : Riposte Créative Territoriale (RCT) est un espace collaboratif créé de manière spontanée en réponse à la crise du COVID et concerne des acteurs de l'innovation territoriale proches de la direction innovation du CNFPT.

Durant les 18 mois de fonctionnement que cette enquête prend en compte, trois phases se sont succédées :

  • une réaction au choc du 1er confinement avec un fonctionnement en groupes de travail (mars-juin 2020) ;
  • un temps de pérennisation, avec l'élargissement à des agents de collectivités territoriales sur des problématiques identifiées par les acteurs RCT (ex : « nouveau rôle du manager public » ou « implanter le collaboratif dans nos structures ») (automne-hiver 2020) ;
  • un temps de ré-institutionnalisation avec la mise en place de modalités de formation en « cercles apprenants » (au printemps 2021).

Les personnes qui ont participé à cette dynamique du dispositif « Riposte » sont des personnes qui pour beaucoup se connaissaient déjà avant puisque qu'elles ont participé aux activités de cette direction, notamment aux Universités de l'innovation publique qui existaient depuis trois à quatre ans avant la crise. Pour cette étude nous avons sélectionné les acteurs les plus impliqués dans la dynamique de « Riposte », soit treize personnes interviewées par entretien compréhensif [6].

MB Qu'est- ce que les entretiens t'ont permis de comprendre ?

ES : Pour répondre à cette question, il faut préciser le cadrage théorique auquel l'analyse des données se réfère. Il s'agit de la théorie de l'activité d'Yrjö Engeström (Engeström, 2010) qui soutient, entre autres, que la transformation de l'activité s'appuie sur un nouveau concept qui se forme dans un mouvement allant de l'abstrait vers le concret. Sous cet angle il s'agit de comprendre comment le concept de communs influence les changements de pratiques des professionnels dans leur contexte de travail, une fois l'expérience d'apprentissage collectif passée.

Au final, les entretiens m'ont permis de dégager plusieurs étapes de maturité dans la prise en compte du concept de communs dans la conscience ou/et dans les pratiques des personnes interviewées. C'est le résultat principal de cette étude : établir un cheminement des conscientisations du concept de communs qui s'effectue dans un double mouvement :

  • interne, lié à une une prise de conscience progressive du sens du concept ;
  • externe : un moment où les personnes commencent à agir de manière visible, au nom du concept particulier, ici, donc, les communs.

La grille de compréhension

La figure qui suit catégorise les moments signifiants de la formalisation du concept de « communs » à partir de la description des activités professionnelles réalisées par les enquêtés, avant, pendant ou après l'expérience de RCT. Chaque catégorie s'accompagne des exemples de verbes d'actions estimés les plus explicites pour comprendre le sens attribué à la catégorie choisie.

En premier « Etre exposé à sans intention particulière » :

Les personnes sont prises dans un mouvement sans une intention personnelle clairement formulée ; elles sont en quelque sort exposées aux usages d'un concept qui ne fait pas partie de leur culture. L'expérience vécue est positive « je me sentais bien dans ce paysage des personnes ou dans cet environnement des personnes qui parlaient des communs » (comme le disent les interviewés) ; c'est probablement une condition pour que le souhait d'approfondissement apparaisse.

En second « Agir en conscience mais sans poser les mots justes » :

C'est un autre cas de figure : on peut faire des communs sans le savoir. C'est d'ailleurs la situation de la plupart des « commoneurs », tels la grande majorité des 20 000 acteurs des jardins partagés en Bretagne qui pratiquent les communs en actes [7]. Dans le cas de RCT, quelques dizaines de personnes ont contribué occasionnellement à la dynamique sans pour autant avoir conscience de participer à un commun.

au départ du dispositif RCT, pour beaucoup de participants la notion de communs a été introduite par les deux animateurs du projet. « le terme de communs est d'emblée affiché pour rendre compte de la manière de fonctionner du collectif : “Ces communautés de pratiques ouvertes sont animées dans une logique de communs comme une modalité de fonctionnement de communs attribuée aux productions collectives. Cela se traduit par les règles de fonctionnement (« accords de groupe ») proposées et discutées par les acteurs de la communauté : (1) toute personne peut contribuer ; (2) tous les échanges, notes de réunions, sont publiés et restent accessibles y compris aux non participants ; (3) à ces productions sont attribuées une licence qui les protège comme communs (Creative Commons by sa).

Toutefois, ce terme de communs est consenti plus qu'il n'est choisi au moment de la création de RCT. Il fait consensus puisque sa compréhension est chargée d'ambiguïtés surtout pour les acteurs du service public qui l'associent avec la notion d'intérêt général et parfois même l'utilisent en synonyme de « mise en commun ».

Les étapes suivantes, sont elles liées à une prise de conscience progressive « Prendre conscience la faire émerger » :

  • en sédimentation lente :

Vivre des situations qui interpellent. Cela se produit dans un mouvement de l'inconscient vers l'intentionnel, sans pour autant que le croisement avec un concept ait eu lieu. En participant à l'espace de RCT où tout ce qui est produit est mis en ligne, donc partagé avec les autres, chacun peut contribuer et publier directement sans passer par une validation de sa hiérarchie. Beaucoup de personnes sont interpellées par ce mode de fonctionnement qui n'est pas habituel dans leur organisation.

  • par interpellation, étonnement

Cela se passe par la découverte : « tiens, quelqu'un parle de communs et ça nous fascine. » Elle peut s'accompagner de l'effet « wouahou », un enchantement qui surgit lorsqu'un événement fort se produit imposant sinon une remise en cause, toit au moins un arrêt réflexif et un examen d'un fonctionnement habituel « oui, ça me parle ; c'est quelque chose auquel j'aimerais bien m'intéresser ».

A partir de ce moment du processus, l'attention d'une personne s'éveille et la formation d'un concept devient plus intentionnelle, car dorénavant dotée d'un nom.

L'étape plus avancée de l'appropriation d'un concept (ici : les communs) serait « poser les mots pour soi » :

« Formaliser pour soi », « prendre les mots des autres » sont des expressions qui témoignent cette prise de conscience. Si, nous l'avons dit, au début de RCT seuls les concepteurs de l'espace faisaient clairement référence au terme de communs, les entretiens montrent qu'avec l'expérience de RCT, la compréhension de ce concept s'affine et s'harmonise. Elle rentre dans le vocabulaire des participants : neuf interviewés sur treize emploient ce mot pour définir RCT.

Puis « fertiliser le terreau » :

Vient ensuite cette étape d'enrichissement ou comme l'exprime certains de « cultiver le terreau » de ce nouveau concept. Cela peut prendre des formes très diverses, par exemple lire des textes sur les communs, échanger avec des personnes actrices des communs, etc...

Les verbes associés à ses formes d'activités sont : « cultiver la passion », « maintenir le questionnement », « aller butiner », « observer ». Il reste à noter que cette phase de fertilisation du terrain peut être extrêmement longue.

« Vouloir changer », « vouloir externaliser » :

C'est un moment décisif pour passer à l'action. Il est comparable à ce que l'on désigne par la conversion des opportunités vers les choix effectifs (Sen 1984/2008). Les expressions collectés dans nos données qui illustrent cette phase sont : « changer ses représentations, « être intimement convaincu », « avoir un concept à disposition », « vouloir accompagner son changement », « vouloir intéresser les autres parce ce que sa vision a changé ». A partir de ce moment, et si des conditions externes convergent, un passage à l'action peut avoir lieu.

« Effet bascule » :

C'est la prise de conscience mise en actes qui fait bascule. J'appelle ça « un point bascule » puisqu'il existe clairement un « avant » et un « après » dans la manière d'agir des acteurs concernés. Cela s'exprime par une phrase telle que : « Non, là, je ne peux plus faire comme avant. ».

Cet effet de bascule, dans le cas des Ripostes, était assez facile à identifier, puisque qu'il s'est produit dans un moment de crise entendu au sens large comme étant une période difficile, traversée par un individu, par un groupe et qui entraîne une recomposition et transformation du système qui n'est plus opérant. La crise peut donc faire basculer l'intention vers l'action mais la forme de l'action choisie dépend d mate la maturité du concept qui oriente la structuration d'un nouveau système de l'activité.

« Construire son nouveau système d'activité » :

A ce stade, la personne commence à justifier l'envie de faire autrement son métier : « depuis toujours, j'ai considéré qu'il faut que je fasse mon métier de telle manière ; là, je ne peux pas faire autrement. » Cette volonté de changement - s'exprime de différentes manières : s'investir, expliciter aux autres, faire converger le « déjà-là ».

Le changement implique la construction d'un nouveau système d'activité. Dans les données collectées, les expressions sont nombreuses pour décrire ce changement : « se donner un espace d'autorisation », « faire des petites touches », « se connecter au concret » ou « structurer le nouveau processus », « formaliser », « expliciter le sens »...

C'est une première étape d'ancrage dans la réalité. Dans le cas de RCT, le nouveau systéme d'apprentissage que les personnes ont commencé à concevoir correspond à un nouveau dispositif de formation, les cercles d'apprentissage [8].

« Légitimer dans son environnement de travail » :

C'est une forme plus implantée de la transformation. Elle se traduit par les verbes d'action tels que : « légitimer l'action », « se connecter aux autres semblables », « modéliser, connecter la recherche », « expliciter la démarche aux autres ». Non seulement on produit des transformations par petites touches de ses activités, mais on commence à diffuser ces comportements dans la culture de sa structure. Dans cette étape, la constitution d'alliances est nécessaire pour établir un rapport de force favorable et pour garantir une durabilité du système d'activité naissant.

Et la dernière étape, « connecter aux enjeux de société »

est la plus mature de l'appropriation d'un concept de communs que nous avons identifié dans les données collectées (présente seulement pour une personne interviewée). A ce niveau, il s'agit d'un élargissement du périmètre d'actions possibles : le désir de transformation s'ancre dans l'environnement de vie, au-delà de l'espace d''activité professionnelle. L'engagement dans cette logique de communs s'exprime en connexion aux enjeux de société et s'illustre par la construction d'un réseau de partenaires et associatif, l'implication dans une dynamique de territoire.

MB Merci de cette présentation de la grille d'appropriation du concept de communs. Quelle suite pour ce champ d'études de la transformation professionnelle et personnelle ?

ES : Cette étude a mis en exergue le processus de transformation à partir d'une appropriation d'un concept de communs : nécessairement long et en partie invisible. La linéarité de l'échelle est indicative car, en réalité la progression dépend de nombreux facteurs externes ou internes (les aléas de la vie quotidienne ou bien les conditions du contexte professionnel plus ou moins favorables, ou encore les dispositions des personnes à percevoir et intégrer ce qui s'offre à elles comme une ressource utile).

C'est un outil d'appréciation d'un cheminement d'une transformation des pratiques à partir d'un concept de communs, évalué sur la base de ce qui est, ou pas « déjà-là » dans la conscience des personnes.

Pour la suite nous voudrions approfondir la compréhension des transformations des pratiques dans des environnements professionnels qui découlent d'une pratique de productions de communs. Ce faisant, nous voudrions vérifier la thèse de Pharo (2022), qui considère que le désir de rétablir une part de communs dans la vie sociale équivaut à une forme renouvelée d'émancipation. Selon lui, agir au nom des communs permet de créer des espaces intermédiaires d'équilibre ; cela en contrepoids des logiques marchandes et de la recherche de performance.

Il pourrait être intéressant de questionner la robustesse des transformations prenant appui sur les communs : en quoi les communs produisent de manière effective des changements dans les organisations ? Mais aussi, quelle est la force émancipatrice des communs au sein de collectifs de travail ? C'est d'ailleurs l'axe de travaux conduits actuellement avec un spécialiste du sujet d'émancipation Jérome Eneau.

Cette nouvelle étude s'effectue à partir du projet Utilo [9], décrite par des personnes qui y sont engagées au sein d'une communauté d'acteurs de l'innovation publique territoriale. Ces acteurs se rencontrent dans un espace de tiers-lieu de l'innovation territoriale le « Tilab » qui est un laboratoire d'innovation publique porté par la Région et les services de l'état en région Bretagne. Nous souhaitons décrire ce processus d'émancipation qui prend appui sur la participation aux communs : de quoi on se libère ? pour aller vers où ?

Bibliographie

Coriat, B. (2017). Communs, l'approche économique. Dans, M. Cornue, F. Orsi, J. Rochfeld (dir.) Dictionnaire des biens communs (p. 266- 269). PUF

Engeström, Y. (2010). Activity Theory And Learning At Work. Dans M. Malloch, L. Cairns, K. Evans, & B. O'Connor, The SAGE Handbook of Workplace Learning (p. 86-104). Sage publications.

Pharo, P. (2020). Éloge des communs. Presses Universitaires de France.

Sanojca, E. (2018). Les compétences collaboratives et leur développement en formation d'adultes. Le cas d'une formation hybride. Thèse de doctorat en Sciences de l'éducation. Rennes, Université Rennes 2. (en ligne sur : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01709910)

Sanojca, E. Briand, M. (2022). The ‘commons' as a new value in adult learning. Proceedings of the 10th ESREA Triennial European Research Conference. University of Milano Bicocca, September 29 – October 2 2022, Milano, Italy (sous presse).

Sen , A (1984/2008) Capability and Well-Being. Dans D. M. Hausman (ed.) Phe philosophy of economics : an anthology (pp. 270-293). Cambridge University Press


[1] les phrases mises en citation sont extraites de la traduction de l'article (Sanojca, E. Briand, M. , 2022)

[2] Voir à ce sujet l'article :
"Les compétences collaboratives et leur développement en formation d'adultes. Le cas d'une formation hybride." qui présente quelques résultats de la thèse qui "cherche à identifier les compétences à développer pour travailler plus facilement avec les autres avec un éclairage sur ces capacités d'agir, appelées par convenance « compétences collaboratives », ainsi que les modes opératoires de leur développement en formation". (Sanojca 2018)

[3] En réponse à la crise du Covid-19, le labo du CNFPT a lancé la "Riposte créative territoriale" dès mars 2020, à l'initiative de membres de la communauté de l'innovation publique territoriale (retrouvez l'appel initial). L'objectif ? Co-construire, avec les collectivités territoriales, les réponses formatives innovantes pour faire face à ces défis complètement inédits, en mobilisant l'intelligence collective. Comment développer des modes d'apprentissage dans l'urgence, pour des solutions créatrices de valeur sociale pour le service public territorial et la démocratie locale ? Notre intention fait écho à l'alerte de Bruno Latour : « Si on ne profite pas de cette situation incroyable pour changer, ce serait gâcher une crise. » extrait de la présentation de la génèse en ligne.

[5] Sanojca, E. (2018). Les compétences collaboratives et leur développement en formation d'adultes. Le cas d'une formation hybride. Thèse de doctorat en Sciences de l'éducation. Rennes, Université Rennes 2.

(en ligne sur : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01709910 ).

Cette étude s'inscrit dans dans l'intérêt que je porte aux processus de coopération que je divise en trois temps :

  • le premier, préalable à la coopération, concerne les caractéristiques individuelles des personnes ;
  • le second sur le processus lui-même : comment les personnes font pour travailler ensemble ;
  • et enfin comment s'élabore le produit collectif et quelle est la relation à ce produit collectivement réalisé.

[6] Dans une visée compréhensive, l'enquête relève d'une démarche qualitative et s'appuie sur deux sources de données :

  • les treize entretiens compréhensifs (Kaufmann, 2011) où la sélection des interviewés prenait en compte le critère d'implication dans RCT (les plus actifs). Cela représente 7 femmes et 6 hommes, majoritairement cadres de la fonction publique (85 %), acteurs du réseau de l'innovation publique territoriale, avec une expérience de 2 à 3 ans minimum (77%).
  • dans une moindre mesure, les données textuelles à partir des productions des groupes impliqués dans la dynamique de RCT.

[7] avec pour chaque jardin une gouvernance particulière adaptée au contexte de leur jardin voir à ce sujet Vert le jardin.

[8] les cercles proposés viseront à s'ouvrir au paradigme de l'apprenance en multipliant les espaces ouverts, collectifs, réflexifs, expérientiels, fondés sur l'autonomie des apprenants pour favoriser leurs apprentissages à l'intérieur et à l'extérieur de leurs espaces dédiés.

Ces cercles viseront donc à répondre aux attentes des participants en proposant une opportunité de transformation à partir de leur expérience professionnelle. Ils seront donc des espaces apprenants mais aussi capacitants (Cf. Monique Castillo, Christian Batal et Solveig Oudet) dans la mesure où ils contribueront au développent du pouvoir d'agir des participants.

Extrait de la page de présentation des cercles sur RCT

[9] Comment animer une communauté d'entraide et susciter l'intelligence collective pour concevoir ou faire avancer un projet ? Quelles sont les méthodes et pratiques sur lesquelles on peut compter pour animer un atelier coopératif, mener une démarche participative dans son ensemble, ou encore aider à la mise en place d'un projet de co-conception ?

Voici les questions que se sont posés les pionniers de la communauté UTILO. Ce groupe de 25 agents publics venant de 14 administrations et collectivités différentes ont alors créé collectivement le guide UTILO.

extrait de la page de présentation du projet


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Nantes Université s'investit pleinement dans l'Éducation Ouverte et ce, à travers la feuille de route stratégique adoptée en novembre 2022.

C'est dans ce contexte, que nous organisons, en juin, 3 ateliers dédiés aux RELs, au sein de Nantes Université, en collaboration avec le Centre de Développement Pédagogique et les Bibliothèques Universitaires :

  • Le 6 juin de 17h à 18h ” Les RELs pour quoi faire ? “, à la Halle 6 Ouest (île de Nantes). Sur la base de cartes inspirantes, cet atelier vise à réfléchir ensemble aux raisons pour lesquelles on veut faire des RELs.
  • Le 15 juin de 11h30 à 12h30 Je crée ma REL” Cet atelier vise à vous initier à la création d'une REL en réutilisant des éléments existants et en y adossant une licence.
  • Le 27 juin de 12h à 13h30 “Je crée ma REL”, au Lab BU Sciences, Campus Lombarderie à Nantes. Cet atelier vise à vous initier à la création d'une REL en réutilisant des éléments existants et en y adossant une licence.
Illustration de l'atelier “Les RELs pour quoi faire” du 7 avril 2023

Vous êtes personnel de Nantes Université ? Cet atelier est gratuit et ouvert. Toutes les informations et lien d'inscription ici.

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la chaire Unesco REL -IA

La conférence OER24, qui s’est tenue à Cork, en Irlande, les 27 et 28 mars derniers, a été une occasion précieuse de partager les avancées et les réflexions dans le domaine de l’éducation ouverte.

Organisée par ALT, l’Association for Learning Technology, en partenariat avec Munster Technological University (MTU), cet événement offre une plateforme internationale pour partager les meilleures pratiques, les idées novatrices et les défis à relever et ainsi promouvoir l’accès ouvert au savoir.

L’écosystème des REL en français et le projet Florilège

Lors de la conférence, j’ai eu l’opportunité de partager nos travaux sur le projet Florilège, une initiative visant à détecter, extraire, annoter et restituer les REL francophones grâce à l’intelligence collective et artificielle.

Le projet Florilège répond à de nombreux défis en combinant l’IA et l’intelligence collective, mais suscite également de nouvelles questions passionnantes :

  • Est-ce que ce modèle est exportable ?
  • Quand nous avons une plateforme REL de pointe utilisant l’IA, avons-nous toujours besoin de REL ?
  • Comment pouvons-nous concilier qualité et équité dans ce domaine ?

Des présentations inspirantes, des discussions stimulantes !

Les présentations ont mis en lumière cinq thèmes clés de l’éducation ouverte :

  • le paysage de l’éducation ouverte et son potentiel transformateur
  • le rôle des ressources éducatives libres dans l’inclusivité
  • la connexion entre l’éducation ouverte et la recherche numérique
  • les dimensions éthiques de l’intelligence artificielle générative dans la création de contenu éducatif
  • les pédagogies innovantes dans l’expérience d’apprentissage.

Keynote _ Dr Rajiv Jhangiani

Une des présentations qui a retenu mon attention était celle de Dr Rajiv Jhangiani, qui a utilisé le storytelling pour mettre en lumière les défis et les opportunités de l’éducation ouverte. Son récit captivant a souligné l’importance du soutien institutionnel pour des équipes éducatrices impliquées dans l’adoption des REL. Pour voir ou revoir son intervention :

“Educators cannot be left to do it alone or even the brightest flame will burn out”

“Les éducatrices et éducateurs ne peuvent pas être laissés seul·es à le faire, sinon même la flamme la plus brillante s’éteindra”_Dr Rajiv Jhangiani

Joint Keynote : “The future isn’t what it used to be : Open Education at a Crossroads”*

* “Le futur n’est plus ce qu’il était : l’éducation ouverte à un tournant.”

Le deuxième jour, nous avons eu le plaisir d’écouter une présentation conjointe par la Dr Catherine Cronin et la Professeure Laura Czerniewicz. Leur discours offre une réflexion approfondie sur l’avenir de l’éducation ouverte et la transformation numérique. Je vous recommande vivement la lecture de leur essai ainsi que la vidéo ci-dessous :

Les sessions GASTA !

Parmi les moments forts de la conférence figuraient les sessions GASTA, un format atypique de présentations éclair de cinq minutes. Ces sessions, habilement modérées par Dr Tom Farrelly, ont permis aux participant⸱es de découvrir rapidement une variété de sujets et de perspectives, et je vous encourage à visionner les rediffusions ci-dessous pour revivre ces moments fascinants !

A haon [ah hain]  –  a dó [ah dough]  – a trí [ah tree]  – a ceathair [ah cah-her]  – a cúig [ah coo-ig] GASTA!

Traduction du gaélique irlandais : “Un (ah ouain) – Deux (ah dou) – Trois (ah trie) – Quatre (ah kah-air) – Cinq (ah kou-ig) GASTA !”

En dehors des sessions formelles, les pauses-café, les déjeuners et diners ont offert des occasions précieuses de collaboration et d’échange d’idées. J’ai été ravie de rencontrer des collègues du monde entier et d’apprendre des initiatives passionnantes dans le domaine de l’éducation ouverte.

J’espère que cet article vous a donné un aperçu des temps forts de l’événement et vous a inspiré à poursuivre votre propre exploration dans ce domaine !

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Le 18 mars dernier s’est tenu le webinaire de lancement du groupe thématique numérique #GTnum #GenIAL, qui portera sur l’impact de ChatGPT et autres modèles de langage sur l’éducation. Ce webinaire a permis de présenter le consortium, les objectifs du projet et d’échanger avec les partenaires intéressé·es.

Ce GTnum s’inscrit dans la suite du GTnum #IA_EO (“L’impact de l’Intelligence Artificielle à travers l’Éducation Ouverte”), co-animé de 2020 à 2022 par Nantes Université et IMT-Atlantique Brest, avec le soutien du Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse et la contribution des délégations régionales académiques au numérique éducatif (DRANE) de Nantes et de Rennes.

Petit rappel de ce que sont les GTnum

Les groupes thématiques numériques (GTnum) sont des groupes de recherche participative animés par des laboratoires universitaires associés à des territoires académiques. Ils sont coordonnés par le bureau du soutien à l’innovation numérique et à la recherche appliquée de la Direction du numérique pour l’éducation (sous-direction de la transformation numérique-bureau TN2) du Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse.
Les GTnum ont pour objectif de mettre à disposition des équipes éducatives, de façon accessible et ouverte, un état de la recherche sur quelques grandes thématiques relatives au numérique dans l’éducation.

Informations complémentaires sur les #GTnum

Le GTnum #GenIAL entre dans le cadre des #GTnum 2023-2026. Les travaux porteront sur la thématique”IA génératives et grands modèles de langage conversationnels et/ou multimodaux“, avec le soutien du Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse (Direction du numérique pour l’Éducation).

Ce GTnum est porté par Nantes Université au travers de notre Chaire RELIA.
La coordination et l’animation du groupe sont assurées par Bastien Masse et Class’Code.
Les autres partenaires de ce projet sont :

Ce groupe de travail s’intéressera à la problématique suivante :

Comment l’intégration des LLM (Large Language Models, grands modèles de langage) et de l’IA générative dans le domaine éducatif influence-t-elle les conceptions pédagogiques traditionnelles, les structures organisationnelles et les perceptions des acteurs éducatifs ?

Pour y répondre, 3 axes de travail seront explorés tout au long du projet :

  • les enjeux et impacts de l’IA générative pour les enseignant·es ;
  • les enjeux et impacts de l’IA générative pour les apprenant·es ;
  • les enjeux et impacts de l’IA générative sur les dispositifs éducatifs.

Pour en savoir plus sur les objectifs du projet, les productions envisagées, les moyens de nous contacter et contribuer, vous pouvez :

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Colin de la Higuera, Avril 2024



Résumé

Avec l’intelligence artificielle (IA), un enjeu majeur de l’éducation est d’amener chacun·e à savoir mobiliser ses connaissances. Cette mobilisation sera nécessaire pour résoudre des problèmes d’ordre professionnel, social, familial, etc. Mais, depuis l’arrivée de ChatGPT, “mobiliser ses connaissances” ne veut plus dire la même chose qu’auparavant. Ceci implique qu’une mission de l’école devient d’enseigner à travailler avec ChatGPT. Mais cela ne suffira pas. Il faudra aussi être capable de retrouver ses connaissances et parmi celles-ci les livres et les ressources éducatives que nous avons utilisés pendant notre apprentissage.

Or, notre éducation est essentiellement éphémère : à la fin de l’année, il faut rendre les livres. Les environnements numériques de travail (ENT, ou ENA, pour environnement numérique d’apprentissage au Québec) ne laissent plus accès au cours une fois l’examen passé.

Il faut donc passer à une éducation durable, c’est-à-dire une éducation qui cherche à permettre une longévité accrue des connaissances “acquises”. Celle-ci a besoin, pour exister, des ressources éducatives libres et des principes de l’éducation ouverte pour sortir de cette marchandisation des supports, mais aussi d’un travail avec l’IA pour apprendre à travailler avec celle-ci.


Image de Freepik générée par IA (Midjourney 6)

Mobiliser ses connaissances

Les objectifs de l’éducation sont nombreux. Depuis les apports d’Internet et aujourd’hui de l’IA, peut-être faut-il considérer qu’un objectif majeur de l’éducation est de permettre à chacun·e de mobiliser ses connaissances.

Pour cela, il convient de se pencher sur deux questions : Que sont « ses connaissances » et d’où viennent-elles ? Comment les mobilise-t-on ?

Si au siècle dernier les connaissances étaient acquises pendant sa scolarité, puis entretenues par ses lectures et son expérience, il a fallu petit à petit intégrer les connaissances qui n’étaient pas acquises mais étaient cependant mobilisables : celles que l’on pouvait trouver sur Internet en particulier. C’est pour cela que des pays comme le Danemark ont introduit la possibilité d’avoir accès à Internet pendant les examens, y compris le baccalauréat1.

Plus timidement, en France, des cours de documentation ont été proposés pour apprendre à chercher de l’information, à sourcer celle-ci, à commencer à distinguer le vrai du faux. Ailleurs, le terme « source triangulation » est utilisé pour bien mettre en avant qu’il s’agit de quelque chose de complexe, qui s’étudie, qui s’apprend.

L’intelligence artificielle sera présente dans tous les moments où l’adulte aura à opérer, à prendre des décisions, à évaluer une situation. Ces moments se produiront dans sa vie professionnelle ou dans ses interactions avec le monde : dans sa communication, dans ses choix démocratiques, dans la gestion de sa santé, de sa famille.

Pour les enfants et les adolescent·es, le cadre scolaire pourrait établir les conditions dans lesquelles l’accès à l’IA serait autorisé, mais il ne fait nul doute qu’à l’extérieur de l’école, ce sera un outil d’interaction qui pourra être utilisé. Et le sera.

Si nous voulons des citoyen·nes averti·es et que les connaissances nécessaires soient équitablement partagées, il est donc indispensable d’apprendre correctement à utiliser cette IA. Ce qui implique qu’elle soit enseignée à l’école.

Mais cela ne suffira pas. Il faut également prendre soin d’un sujet pressant, mis en évidence par l’adaptation à marches forcées du système éducatif aux effets du Covid et à l’arrivée de l’IA générative : notre éducation est éphémère.

Une éducation éphémère ?

Dans le système éducatif, il est nécessaire de rendre ses livres à la fin de l’année. C’est le cas dans les endroits où les livres sont à la charge des familles qui vont passer par la « bourse aux livres » pour tenter de récupérer un peu d’argent sur les livres de l’année antérieure afin d’acheter ceux de l’année à venir. C’est également le cas pour les endroits où les collectivités locales rendent gratuit l’accès au livre (on objectera que la gratuité est payée avec nos impôts…) : en fin d’année, il faut les rendre. C’est sans doute normal -ou devenu normal- mais cela laisse supposer que la connaissance a été acquise et que les supports de la connaissance ne sont plus nécessaires. Qu’il n’est pas concevable d’avoir envie de vérifier quelque chose un an ou dix ans plus tard. Je suis d’une génération qui a gardé son Bled et son Bescherelle pendant très, très longtemps. Cette idée que la connaissance, une fois apprise, n’a plus besoin de support, n’est pas très durable.

Les ENT (environnements numériques de travail) ne font guère mieux et ont une fâcheuse tendance à ne plus laisser l’accès aux ressources de l’année précédente. Ainsi, un·e élève ou étudiant·e qui a terminé son année ou son semestre ne peut plus, là non plus, retrouver une information précieuse. À croire qu’on cherche à valider le raisonnement qu’une fois le contrôle ou l’examen passé, il n’y a plus besoin de retrouver ses notes. Bien entendu, l’élève ou l’étudiant·e pourrait repartir sur ses notes de cours, sur ses livres personnels. Ou même conserver soigneusement une copie numérique des supports de l’année. En tant qu’enseignant, à l’université, je crains que ce ne soit pas le cas : l’ensemble de ce qu’il/elle trouve dans son ENT lui suffit…pour passer l’examen.

Je suis conscient que ces deux remarques ont un caractère trop général, et il est probable que dans telle ou telle région, université ou lycée, on ait trouvé des solutions pour permettre un accès dans le temps aux connaissances supposées acquises.

Image de jcomp sur Freepik

Quelles conséquences pour l’élève ?

Les conséquences sont connues des enseignant·es : quand on demande à un·e élève de mobiliser une connaissance au programme de l’année précédente, il y a souvent un réel oubli et une dénégation (pas vu) mais surtout l’incapacité par l’élève d’imaginer une stratégie pour pouvoir retrouver le document dans lequel cette connaissance était explicitée.

Attention, cela ne signifie pas qu’il n’existe pas de façon de retrouver cette connaissance ! L’enjeu est que ce n’est pas simple et, en fermant les portes brutalement en fin d’année, le message est tout de même plutôt « tu n’auras plus besoin de retrouver ces supports ».

Un détour par l’apprentissage automatique

Le moteur de l’intelligence artificielle s’appelle l’apprentissage automatique (machine learning). Cette idée fondatrice, on la doit, comme beaucoup de choses en informatique, au génie d’Alan Turing qui écrivait en 19502 que pour construire une machine intelligente, il valait mieux la construire à l’image d’un enfant qu’à celle d’un adulte. En dotant la machine de la capacité d’apprendre, on en ferait une machine intelligente :

Instead of trying to produce a programme to simulate the adult mind, why not rather try to produce one which simulates the child’s? If this were then subjected to an appropriate course of education one would obtain the adult brain.

Alan Turing, 1950

En simplifiant un peu, un algorithme d’apprentissage automatique va partir de données et exploiter les motifs et régularités de celles-ci pour construire un ensemble de règles susceptible de prendre une nouvelle donnée et de prédire pour celle-ci une classe ou un score.

Un enjeu majeur de l’apprentissage automatique est de pouvoir comparer différents algorithmes, de chercher à améliorer son algorithme pour qu’il fasse mieux qu’un autre, ou mieux que les humains. Pour pouvoir définir ce « mieux », il est utile de définir une fonction mathématique qui permet de compter la précision de l’ensemble de règles en question, ou l’erreur commise. Mais -et c’est là un saut conceptuel étonnant mais qui fonctionne très bien- il suffit maintenant de chercher uniquement à optimiser cette fonction mathématique. Par exemple à trouver l’ensemble de règles qui minimise l’erreur. Et cela devient un « simple » problème d’analyse : trouver R tel que fe(R) est minimum (sans entrer dans les détails, fe est la fonction qui mesure l’erreur d’une règle R). Des calculs de dérivées partielles fonctionnent très bien.

Rien de choquant à ce que les mathématiques apportent une réponse. On a même (grâce à Vapnik3) une caractérisation mathématique des raisons pour lesquelles ce tour de passe-passe fonctionne.

Le moteur (et non le simple indicateur) d’un algorithme d’apprentissage est donc l’optimisation de sa fonction d’évaluation.

Dans le contexte de l’apprentissage humain, l’équivalent serait d’utiliser les notes et les scores comme des objets de l’apprentissage et non comme des indicateurs de progrès.

Apprendre pour passer ses examens

L’arrivée de l’IA dans l’éducation nous fait prendre conscience d’un enseignement « porté » par les évaluations et par les notes. Et là aussi, nous voyons bien que souvent, l’enjeu devient celui d’avoir une bonne note (combien de parents demandent à leurs enfants « Qu’as-tu appris à l’école aujourd’hui ? » plutôt que « As-tu eu des notes aujourd’hui ? » ?). Et, en cohérence avec cela, l’objectif de l’apprentissage peut être vu comme la construction d’un savoir éphémère, utile à réussir son contrôle ou son examen. En fin de compte, si l’objectif est d’obtenir de bonnes notes, est-il vraiment utile de s’encombrer d’un savoir ? Ce qui fonctionne pour une machine ne serait-elle pas similairement utile pour l’humain ?

Notons que le débat n’est pas ici nécessairement de savoir si le système éducatif fonctionne comme cela, mais sur la perception que peut avoir un·e élève ou étudiant·e. Voire un·e enseignant·e. Et nous entendons hélas bien trop souvent les un·es et les autres justifier de l’importance de telle ou telle matière par le coefficient dans l’évaluation finale…

L’intelligence artificielle est un révélateur

Lorsque l’IA a été utilisée pour classer des lettres de recommandation et que ce classement a abouti à effectuer une sélection très discriminatoire en faveur des hommes blancs, la réaction générale a été d’accuser l’IA d’être biaisée. Une analyse plus fine a montré que si l’IA pouvait accroître les biais, ceux-ci étaient en réalité déjà présents dans les données4. Une vision optimiste est alors de voir l’IA agir comme un révélateur : elle permet d’exposer des biais qui ne sont pas toujours visibles.

Depuis l’arrivée de ChatGPT, la question du contrôle des connaissances est posée. En particulier, l’évaluation dite sommative qui s’effectue sur des travaux effectués hors de la classe. Il est aujourd’hui évident que l’IA trouve toute sa place à côté de la gomme et du crayon (on peut même imaginer qu’elle a remplacé la gomme et le crayon) et que chez lui/elle, l’élève ou l’étudiant·e utilise l’IA. Cela entraîne de fait de nombreuses frustrations de la part des enseignant·es, qui se croient condamné·es à lire, corriger et noter des travaux loin d’être personnels.

Une analyse hâtive est de penser que l’IA crée un problème. En réalité, elle expose (révèle) un problème qui existait déjà : toutes sortes de façons de s’accommoder de la situation existaient et le Covid a été un second révélateur ici. En quelque sorte, ChatGPT n’est qu’une démocratisation de la tricherie5.

L’IA apporte une solution à la question d’obtenir des bonnes notes. Des études récentes montrent que les élèves sont persuadé·es que c’est le cas : utiliser les IA génératives permet d’avoir de meilleures notes6. Notons bien qu’il n’est pas dit dans les enquêtes qu’elles permettent de mieux apprendre !

Il est devenu clair pour toutes les parties que si le but de l’éducation se résume à avoir de bonnes notes, l’IA est un allié de poids.

La culture de la question

Dans la Chaire UNESCO de philosophie enseignée aux enfants, à Nantes Université, il est question de la « culture de la question ». Le questionnement est une clé de la philosophie et on peut s’appuyer sur l’envie naturelle des enfants à questionner pour développer le sens de la question7.

Internet représentait en quelque sorte la culture de la réponse : la capacité d’obtenir des réponses à des questions et, même, à ne pas poser de question et se contenter de jeter un ou deux mot(s) à son moteur de recherche.

Avec les IA génératives, les choses sont différentes : il s’agit de prompter, d’engager une conversation avec l’IA pour obtenir des réponses utiles. Cela suppose deux choses : que l’on comprenne cette logique de la question, mais aussi qu’on dispose des éléments pour la poser. Dans un domaine inconnu, impossible de poser une question, sauf si celle-ci est celle d’un contrôle !

L’éducation durable ou l’éducation au développement durable ?

Ce qui n’est pas éphémère est durable. On pourra fouiller la littérature, le concept d’éducation durable a l’air de ne pas exister. Si vous interrogez le web, les réponses sont invariablement « l’éducation au développement durable, c’est… ». Vous pouvez insister et dire qu’il ne s’agit pas de ça, rien n’y fait. Vous pouvez aussi questionner ChatGPT et, instantanément, celui-ci vous répond : « L’éducation durable, également connue sous le nom d’éducation au développement durable, est un concept… ».

Peut-être est-ce parce que dans le contexte onusien, « durable » est l’adaptation en français du terme anglais « sustainable », et si dans d’autres contextes les termes sont à peu près interchangeables, dans celui de l’éducation, ils ne le sont pas. C’est ainsi que, quand on lit la feuille de route de l’ODD/SDD 4 pour « une éducation de qualité pour tous », on voit bien que nulle part, la nécessité d’une éducation durable dans le temps n’est nécessaire8. Il y a bien un agenda pour la « sustainable education » (Stirling 9), mais on notera qu’il s’agit bien plus d’une éducation à une société durable (sustainable) qu’une éducation non éphémère.

L’éducation durable serait celle qui cherche à permettre aux connaissances d’être remobilisées ultérieurement, directement -car elles sont acquises- ou indirectement, car on saura interroger l’intelligence artificielle pour les récupérer.

Les REL comme contribution à une éducation plus durable

Face à ces constats, les solutions ne sont peut-être pas si éloignées : on peut en particulier briser le cercle vicieux du livre qui est rendu à la fin de l’année universitaire ou scolaire en remplaçant le modèle marchand par celui des ressources éducatives libres (REL). Adopter des REL plutôt que des manuels gratuits payants (payés par les contribuables ou par les parents) doit permettre de se reposer sur des communautés de pratique et d’assurer à la fois l’évolution dans le temps et une consultation à tout moment (comme une page Wikipédia).

Bien entendu, le remplacement progressif des manuels scolaires -par ailleurs extrêmement chers- par des ressources éducatives libres, ne suffit pas. Il est essentiel de revenir à un concept qui prend tout son sens dans le contexte du « durable » : l’éducation doit permettre d’apprendre à apprendre.

Conclusion : mobiliser ses connaissances

En fin de compte, avec l’avènement de l’IA, c’est sans doute le sens de l’expression « mobiliser ses connaissances » qui a changé. Il convient donc de chercher ce que cela recouvre aujourd’hui. En fin de compte, sur un nouveau sujet, il s’agit de retrouver des connaissances que l’on a déjà acquises ou qu’on est capable de (re)mobiliser.

L’arrivée si rapide de l’IA nous permet de constater que notre éducation ne conduit pas au développement des aptitudes permettant cette mobilisation. La formation à l’utilisation de l’IA par toutes et tous, le choix de modèles permettant une réutilisation dans le temps des ressources éducatives, et un travail en profondeur pour ne pas faire des contrôles de connaissances et des examens un objectif de l’éducation : ce sont trois directions qu’il convient d’envisager pour aller vers une éducation plus durable.

Quelques références

  1. Les Danois utilisent Internet pendant leurs examens, y compris le baccalauréat. Il est difficile de trouver des sources (autres que les explications de nos collègues danois). Mais -avec des interruptions liées à des changements de majorités politiques- c’est le cas depuis 2009 : https://thenextweb.com/news/students-denmark-allowed-full-access-internet-exams. ↩
  2. Alan Turing discute, dans son article de 1950, des possibilités de rendre une machine intelligente, de la façon de discerner cette intelligence (ce qui deviendra plus tard le test de Turing) et de la meilleure façon d’y arriver.
    Computing Machinery and Intelligence. Mind, Volume LIX, Issue 236, October 1950, Pages 433–460, https://doi.org/10.1093/mind/LIX.236.433 ↩
  3. Vladimir Vapnik est un chercheur soviétique puis américain, à qui on doit certains des principaux résultats théoriques de l’apprentissage automatique.
    Statistical Learning Theory (Théorie de l’apprentissage statistique), 1998. ↩
  4. La question des biais dans l’analyse des lettres de recommandation s’est réellement passée. On trouve cela analysé dans un rapport de l’UNESCO de 2018 (https://en.unesco.org/Id-blush-if-I-could). ↩
  5. On trouve facilement sur le web de nombreux sites permettant de se faire écrire -moyennant finances- son mémoire, sa composition, son devoir. Par exemple : https://redaction-de-memoire.fr/. ↩
  6. Dans une étude de 2023, au Royaume-Uni, 67% des élèves admettaient avoir utilisé ChatGPT. Et parmi ceux-ci, 68% indiquaient que cela avait permis d’améliorer leurs notes. Les détails scientifiques de cette étude manquent et il serait judicieux de la reproduire en France. On s’intéressera alors à savoir si la perception est d’avoir mieux appris ou juste d’avoir eu de meilleures notes. https://www.rm.com/news/2023/artificial-intelligence-in-education. ↩
  7. Le questionnement est un outil de base en philosophie, en particulier quand il s’agit d’inclure les enfants. Débat scolaire : les enjeux anthropologiques d’une didactisation https://journals.openedition.org/trema/598. ↩
  8. L’Objectif de Développement Durable 4 s’intitule « Éducation de qualité » et se résume ainsi : assurer l’accès de toutes et tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie. https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/education/. ↩
  9. Stephen Stirling est un chercheur britannique. Il promeut l’idée d’une éducation pour un monde durable. Ses analyses profondes doivent permettre de montrer que le point de vue exprimé dans cet article est plus proche qu’il ne paraît du sien. Sa remise en cause du système éducatif est certainement plus systématique. https://www.sustainableeducation.co.uk/. ↩
Remerciements

Merci aux relectures attentives et aux critiques d’Andréane Roques, Barbara Class, Catherine Lemonnier, Charlie Renard, Isabelle Bugeaud et Marianne Dubé. Je n’ai pas nécessairement pu inclure leurs analyses ici : le sujet est très riche et suscite visiblement interrogations, avis et opinions. L’objectif ici s’est limité à rester clair, ne pas être trop réducteur et susciter des discussions.

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Aujourd’hui, nous avons le plaisir de vous présenter Louis Derrac, un acteur engagé dans l’éducation au numérique et le porteur du projet Numériquoi ?!, une ressource éducative libre qui vise à encourager une culture numérique politique, technocritique et émancipatrice. Découvrons ensemble l’inspiration derrière ce projet et son impact potentiel.

Chaire Unesco RELIA : Bonjour Louis, merci de prendre le temps de discuter avec nous aujourd’hui. Pour commencer, pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste le projet Numériquoi ?! ?

Louis Derrac : Bonjour, c’est un plaisir d’être ici. Numériquoi ?! est une ressource éducative libre conçue pour aider les citoyens et particulièrement les éducateurs à acquérir et à affiner une culture numérique technocritique, politique et émancipatrice. C’est essentiellement une boîte à outils collaborative et contributive, comprenant notamment un jeu sérieux, un cours autoguidé, des conférences et des fonctionnalités contributives.

Chaire Unesco RELIA : Cela semble être un projet très complet. Pouvez-vous nous en dire plus sur certains éléments spécifiques de Numériquoi ?! et comment ils fonctionnent ?

Louis Derrac : Bien sûr. Le projet comprend plusieurs composantes, notamment un jeu sérieux qui permet d’engager des discussions de groupe sur l’impact des technologies numériques, un cours autoguidé pour acquérir une culture numérique de base, des conférences sur divers aspects de la culture numérique, et des fonctionnalités contributives telles qu’une curation de ressources et une bibliographie.

Chaire Unesco RELIA : Qui est le public cible de Numériquoi ?! et quelles sont vos ambitions avec ce projet ?

Louis Derrac : Le projet s’adresse à toute personne âgée de 16 ans et plus désireuse de comprendre le monde numérique, mais il est particulièrement destiné aux éducateurs qui l’utiliseront pour améliorer leur culture numérique et animer des discussions sur le sujet. Notre ambition est de contribuer à politiser les choix liés aux technologies numériques en fournissant des outils d’éducation populaire qui sensibilisent les citoyens et les éducateurs aux enjeux numériques et encouragent l’utilisation de solutions alternatives respectueuses de la vie privée et de l’environnement.

Chaire Unesco RELIA : Vous avez mentionné une collaboration avec d’autres projets. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Louis Derrac : Oui, en effet. Nous collaborons avec deux autres projets, “Métacartes Ethical Toolkit” (proposé par Métacartes) et “Digital Troubles Toolkit” (proposé par l’Établi numérique), dans le cadre d’une initiative fédérée, le fEDUverse. Ces projets partagent des objectifs similaires de promotion d’une éducation numérique critique et émancipatrice, et notre collaboration nous permet de mutualiser certains frais et efforts de communication.

Chaire Unesco RELIA : Et enfin, comment comptez-vous promouvoir et maintenir le projet Numériquoi ?! ?

Louis Derrac : Nous comptons sur un large réseau d’acteurs éducatifs, d’ONG et de services publics pour promouvoir le projet, tant en France qu’au niveau européen. En ce qui concerne le financement, nous avons principalement autofinancé le projet jusqu’à présent, mais nous recherchons activement des financements supplémentaires pour assurer sa pérennité. En l’occurrence, nos trois projets fédérés vont postuler au NGI Zero Commons Fund de la fondation NLnet. En ce qui concerne Numériquoi ?!, le budget demandé servira à produire une version finale de la ressource, qui sera disponible en anglais et en français.

Pour en savoir plus sur le projet, rendez-vous ici !


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Mercredi 27 mars à 15h aura lieu une discussion en ligne, organisée par la Chaire UNESCO parisienne “Sciences de l’apprendre” portée par François Taddei au Learning Planet Institute, sur le thème d’apprendre et enseigner avec les IA génératives. J’ai la chance d’y participer avec :

  • Justine Cassel (Inria/CMU),
  • Delphine Le Serre (EdHu2050),
  • Fengchun Miao (UNESCO),
  • François Taddei (LPI). 

Ce sera sans doute l’occasion d’échanger avec des vues très internationales : Fengchun Miao a commandité et piloté l’important travail qui a eu lieu en 2023 pour les référentiels de compétences IA, tant pour les enseignant·es que pour les élèves. Ces référentiels doivent être rendus publics bientôt.

À une semaine de l’événement, il y avait plus de 170 personnes inscrites pour suivre la discussion. Pour plus d’informations et vous inscrire, voir https://www.learningplanetinstitute.org/nos-evenements/unesco-chair-teaching-learning-with-generative-ai/.

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certains articles mentionnés portent sur l'Intelligence Artificielle du fait du double sujet de la chaire


en attendant un flux RSS des articles de la fabrique des REL au Québec

et quelques ressources