Anticipation et réactivité pour assurer une continuité pédagogique optimale furent les mots d'ordre du CESI


Bonjour Arnaud, je te sollicite aujourd’hui dans le cadre de ma recherche concernant le confinement qui nous oblige à réviser dans l’urgence nos pratiques pédagogique donc afin d’avoir une vision d’ensemble des étudiant.e. s mais aussi des professionnels de la formation, je fais appel à toi aujourd’hui.

Dans un premier temps, peux-tu te présenter ? Quel est ton rôle au CESI et comment vous organisez-vous au niveau du travail ?
Arnaud SCHAAL, je fais des suivis transversaux je suis plus accès sur les suivis des formateurs actuellement. Dans le cadre du confinement, j’assure mes missions en télétravail avec des réunions d’équipes extrêmement régulières de l’ordre d’une heure tous les jours en début de confinement, nous sommes passés à une heure de suivi tous les deux jours avec l’ensemble de l’équipe pédagogique, les assistant.e.s. s et les responsables d’unités et les ingénieurs formation bien entendu. Tous ces suivis s’effectuent avec Microsoft Teams qui est un outil qu’on utilise très fortement pour le suivi régulier des réunions.

Si je reformule, tu gères maintenant les formateurs donc tu es pleinement en mesure de me dire comment cela se passe concernant le suivi pédagogique mis en place pour les étudiants, alternants ou en formation continue, et j’imagine que depuis le confinement il y a forcément des choses qui ont évolué fortement ou changé. Lesquelles ?
On est passé en full distanciel, on a juste eu le temps de faire deux réunions de formations pour les formateurs quand on a senti le coup venir donc le vendredi précédent notamment et le lundi précédent donc le 12 mars pour le vendredi et le 15 mars pour le lundi (NDLR : le confinement nous fait perdre la notion du temps donc rectificatif c’était les 13 et 16 mars). On s’est laissé quelques jours pour régler le fonctionnement en distanciel et les alternants ont reçu les consignes par mail et par relance téléphonique pour se connecter chacun dans leur salle virtuelle qui leur avait été ouverte par les ingénieurs formation donc une salle par groupe qui était prévu pour faire leur semaine « école »

Comment se déroulent les suivis avec les entreprises d’accueil des alternants et des stagiaires ? Quelles mesures ont été misent en place ?
Alors pour ceux que cela fonctionnent bien, ce sont pour les alternants qui ont été mis en télétravail ou bien qui continuent leur mission en équipe et qui travaillent en extérieur. C’est le cas pour toutes nos formations dans le BTP et là il n’y a pas de changement notable. Là où c’est un peu plus mou dans le suivi de la relation c’est concernant les tuteurs où leur service est en télétravail et qui se sont mis en congés pour garder leurs enfants donc là on a eu un petit battement mais les RH sont vite venus vers les assistants pour regrouper tous les supports, les suivis, les certificats de formation de fin semaine etc… donc ça, cela s’est bien passé. Là où on s’est aperçu qu’il y avait un imbroglio c’était pour les alternants qui ont été mis en chômage partiel, on leur a donné comme première consigne qui était de dire qu’ils devaient suivre la formation école mais il y a eu un changement de consigne par la ministre (NDLR : Muriel Pénicaud), c’était il y a deux semaines, que la situation de contrat prévalait sur toutes les autres situations donc si concrètement le jeune était en chômage partiel il ne pouvait pas suivre les formations en télétravail. Donc la consigne du ministère du travail était que les entreprises qui accueillaient des alternants les mettent en chômage en partiel mais que leur salaire soit maintenu. Les entreprises qui accueillent un contrat de professionnalisation ou d’apprentissage, s’engagent à mettre tout en œuvre pour la réussite du diplôme préparé.

J’imagine que certaines entreprises ne sont pas d’accord (chômage partiel mais payé à taux plein), y-a-t-il eu des retombées ?
Je n’ai pas eu de retour particulier, visiblement c’est remonté au cabinet du ministre parce qu’en fait les petites boîtes pour qui c’est un gros risque et elles doivent s’assurer des conditions de leur redémarrage. Certaines n’ont plus d’activité, les cadres ne sont plus là et c’est très compliqué.

C’est un gros chamboulement, si j’ai bien compris, aussi bien du point de vue pédagogique, du point de vue du CESI mais encore vous avez bien anticipé n’est-ce pas ?
Tout à fait. En une semaine… On est revenu mercredi matin, on s’est donné comme objectif le mercredi 16 ou 17 (NDLR : 18 Mars précisément) on s’était donné comme objectif de rouvrir tous les cours en distanciel avec les ingénieurs formation qui accueillaient, bien entendu en télétravail au travers de Teams les promotions.

Alors quand tu parles de distanciel, est-ce qu’il y a des cours en visioconférence ou c’est du e-learning tout simplement. Comment cela se passe ?
On a commencé par dire aux formateurs vous faites de votre façon comme précédent en sachant pertinemment que vous le faites de chez vous. En fait, le lundi on les a accueillis sur le centre parce qu’on n’avait pas encore de consignes de fermeture complète. Nous, on avait déjà dit aux alternants de ne pas venir le lundi puisque l'on savait qu’il y avait de très fortes probabilités que le mardi nous soyons embêtés donc a pris cette décision-là. Alors pourquoi on l’a fait c’est parce que à Strasbourg on était déjà dans cette situation donc on a généralisé ça sur tout le CESI. La semaine d’avant on a eu une réunion CSE extraordinaire pour justement préparer ce scénario-là donc le lundi les formateurs sont venus et ont assuré leur session de formation à distance à partir de leur coup de fil et les alternants étaient chez nous. Cela nous a permis d’avoir tous les pôles pédagogiques et assistants commerciaux etc… pour relancer les jeunes et de voir un petit peu quels difficultés que l’on pouvait rencontrer, pour les alternants eux-mêmes, à se connecter. Cela s’est plutôt bien passer, on avait communiquer par mail à tous nos formateurs qu’on allait aux grandes sections en distanciel et qu’il fallait s’y préparer mais en gros tout se fait au travers de Teams. Dans tous les systèmes de formation chez nous, c’est beaucoup de PowerPoint préparé à l’avance donc tout cela se prête bien avec un outil comme Teams où tu fais tes réunions, tes salles de cours et tu peux partager des documents. C’est-à-dire que tout le monde peut partager ses documents avec tout le monde, là c’est le formateur qui partage ses cours. Donc nous on encourage les jeunes de ne pas mettre leur caméra en route pour tout simplement préserver la bande passante mais dès qu’il y a un questionnement, la consigne c’est de faire le plus possible afin de rendre interactif le cours. On a bien expliqué aux formateurs que la grosse difficulté pour ces jeunes dans cette situation-là était d’une part de vivre cette interactivité donc ils ont augmenté les charges et le nombre de question, et d’autre part on leur a rappelé que le temps de travail dans l’enseignement à distance soit sur un contenu interactif ou sur un contenu préparé, là où le CESI était déjà très présent sur d’autres formules, n’était pas de l’ordre de faire des séquences d’1h30 ou 1h45 avant de faire 4 mn de pause physiologique pour te donner un ordre idée. Cela aurait été quand on est en full présentiel mais en réalité on n’est pas à 100% dans la formation car les gens parlent entre eux, il y a des échanges informels qui se font etc… et on n’est pas tout le temps à 100% de production de formation donc on leur a dit d’essayer de préserver ces temps, de plus séquencer leur temps de présence et d’en tenir compte.

Au niveau des horaires, ce sont les mêmes qu’en présentiel ?
Oui ce sont les mêmes qu’en centre sauf pour les lundis ou le démarrage se fait à 9h sinon les autres jours c’est 8h30 – 12H et 13h30 – 17h, on a gardé le format 3h30 le matin et l’après-midi. On est resté sur des séances de 7h, on a dit qu’on restait sur des semaines de35h et tant pis pour ceux qui sont à 39h.

Vous vous êtes quand-même adapté, si j’ai bien compris il y a eu une adaptabilité au niveaux des horaires ?
L’intensité de l’attention des apprenants n’est pas du tout la même.

Vous sentez qu’il y a une nette différence en période de confinement sur l’attention des apprenants par rapport à la normale ? Y-a-t-il des retours des apprenants ?
Les retours d’abord les alternants ont été favorablement impressionnés par notre capacité en 24h d’interruption entre guillemet d’assurer la continuité pédagogique. Là où on a des retours et des Qualig donc de gestion de la qualité avec les fiches de conformité éventuelles, on a modulé la production de nos fiches qualités par rapport à ce qui a été remonté, bien entendu et de tenir compte de la spécificité du contexte. Par exemple, les formations où on aborde une thématique qui n’a jamais été abordé auparavant. Tout cela provoque quand-même une certaine complication pour les apprenants. Je vais te donner un exemple, dans les filières RH malheureusement pour les 1ères années d’assistante RH, la thématique de la paie n’avait jamais été abordée auparavant puisque l'on est quand-même sur des modes de formation encore aujourd’hui où on a 4 groupe et on les voit une fois par trimestre et là malheureusement le thème de la paie n’avait pas été abordée dans ces groupes là donc quand cela a démarré le formateur n’a pas eu conscience qu’à distance il y a des choses qui était quand-même très novateur et très déstabilisant pour les apprenants et il a fait avec le rythme habituel et son déroulé habituel. Il y a eu un effet immédiat car les remontées se sont faites auprès de l’ingénieur formation dès l’après-midi même et le formateur en question pour l’avertir et discuter avec lui des difficultés du moment, de voir comment est-ce qu’il pourrait justement moduler les choses en sachant que pour d’autres modules de formation cela se passe très bien.

Alors cela voudrait dire qu’ils y a certains cours qui mériteraient du présentiel, c’est plus complexe quand on fait en distanciel ?
C’est-à-dire que c’est très nouveau, je ne peux pas dire car je ne connais pas du tout le secteur RH. Là en l’occurrence il a été remonté par les alternants « On ne comprend rien, on n’a jamais vu ça, c’est la première fois qu’on aborde ça » C’était l’aspect nouveauté mais maintenant ce qu’il est certain c’est qu’au travers de deux évaluations continues, à chaque fin de module d’enseignement les alternants évaluent en distinguant quand-même deux populations parmi les formateurs, ceux qui sont finalement très à l’aise avec les moyens de formation à distance et ceux qui ont du mal à gérer l’interaction et du coup sont un petit peu moins à l’aise dans l’acte de la formation elle-même, dans la formation d’expertise car nous sommes quand-même très basé sur des expertises. Mais ils ne savent pas susciter l’échange, ils descendent beaucoup d’information mais pas les remontées.

Je pense que c’est une question de personnalité, il y en a pour qui c’est plus facile en distanciel comme par exemple l’informatique, non ?
Il est certain que dans la filière informatique on a moins de remontées que dans a filière RH par exemple. L‘aspect technique ils l’ont mais il n’empêche que sur certaines notions d’enseignement en informatique on a eu quand-même des retours parce que : « ça va trop vite, on ne comprend rien, on a du mal à rentrer dedans » cependant en l’occurrence pour le b.a.ba, une fois que le b.a.ba a été installé ça va. De toute façon ce sont des informaticiens, ils sont assez autonomes avec l’outil mais toutes les catégories sont assez autonomes avec l’outil.

Est-ce que tu juges que tes conditions de travail actuelles sont acceptables ?
Notre employeur a fait en sorte que nous ayons tous les moyens sensiblement équivalentes aux moyens de bureau avec double écran etc… il y a eu vraiment grâce je pense aux IRP qui ont été très présent et qui ont signalé les besoins à déployer et il y a eu une vraie réponse de la part de l’employeur.

Tu sens qu’il y a un bon accompagnement de la part de tes supérieurs ?
Oui ! On a fait au tout début une grande réunion d’équipe en ne sachant quand il y aurait une date de fin. On a parlé entre cadre et on a vite mis comme consigne de faire des réunions tous les deux jours lundi, mercredi et vendredi notamment pour laisser leur autonomie aux personnes sachant qu’ils sont tous connectés avec l’outil Teams. On a donc des salles par réunion, par domaine etc… ce qui fait que les assistants commerciaux, assistants administratifs, ingénieurs formation ont des cahiers d’échange spécifique, on a un cahier d’échange général au travers du département. Cela a été l’idéal au début et il y a eu une vraie adaptabilité de la part du Responsable de département qui est nouveau, c’est un ancien, Sébastien qui a bien compris les aspects matériel d’une part et d’autre part quand on a été trop dans la directivité c’est ce qu’il y a eu dans certaines équipes. Très rapidement tous les managers, les assistants manager etc… ont été accompagné eux-mêmes sur le fait que ce n’était pas du télétravail mais que c’était du télétravail en situation de confinement avec les conjoints, avec les enfants éventuels le tout dans des petites surfaces, des petits volumes et donc on ne pouvait pas demander la même chose.

D’accord donc vous avez pris quand-même aussi en considération cette situation extraordinaire ?
Ce n’est pas du télétravail ! C’est du télétravail en situation de confinement.

Eh oui, ça change tout.

Et aussi avec des agents qui sont très inquiets avec la viabilité de leur emploi, il y a une réelle inquiétude et par rapport au bouleversement des moyens mis en œuvre on avait des agents qui étaient sur le pont de 8h du matin à 19h voire 20h. On a eu des salariés qui nous ont prévenu du fait qu’il y avait trop de pression et qu’ils allaient dos au mur.

Donc vous avez pris en considération ces contraintes-là ?
Il y a une vraie écoute de la part de la Direction, du Responsable de Département qui est nouveau, qui est absolument bien calé sur ce genre de choses et qui est dans le management en tout cas, lui. Il sait qu’il faut préserver les personnes, il a vraiment une objectivité et puis la Direction Générale. On a eu une réunion du comité sociale et économique par semaine.

Tout le monde est sur le pont pour préserver les salariés et assurer cette continuité pédagogique ?
Oui il y a une grosse attention qui est donnée. Les grands Directeurs ont fait le nécessaire pour que cela se passez assez bien.

J’ai des questions qui sont un peu plus personnelles, là j’ai à faire avec le professionnel qui m’a fait part de tous ces chamboulements et je t’en remercie beaucoup parce que cela m’a éclairé énormément. Est-ce que tu as rencontré des difficultés ou des aides dans ton environnement proche qui influent sur ton travail ?
Non je n’ai pas de problème pour du télétravail, les enfants étant grands, ils sont partis de la maison. Je n’ai pas de conjointe donc de ce côté-là tout va bien.

Et au niveau de tes rapports avec tes interlocuteurs, je pense aux étudiants, à tes collègues mais aussi avec ta famille et tes amis, est-ce que vos rapports ont changé depuis le confinement ?
Oui et non c’est-à-dire que moi la famille que je gère ce sont des étudiants, ce sont deux enfants qui sont confinés à l’extérieur à Paris donc nos contacts se font par téléphone, par Skype. En fait si, c’est plus simple à mon sens de répondre au téléphone ou de générer un mail sans faire l’autruche pour gérer les affaires familiales. Sachant que de toute façon on est quand-même assez souple dans le département dans lequel je suis si on a un coup de téléphone familiale, on le comprend et tant que les objectifs fixés sur la semaine sont atteints et s’ils ne le sont pas on prendra les mesures adéquates pour qu’ils le soient et y compris par des renforts s’il le faut. On se sent un peu plus solidaire.

Une dernière question, et s’il y avait une chose à retenir de ce confinement ?
On ne recommencera pas comme avant. Ce qu’il faut savoir c’est qu’on a appris que le télétravail, pour les salariés d’une part se gérait bien et tout le monde aujourd’hui. C’est qu’il faut savoir c’est que là on a 100% des équipes qui sont en situation de télétravailleurs or auparavant on avait quelques salariés qui étaient dans cette situation notamment les mercredis, et donc c’était très suspect pour le reste des autres équipes « ils nous lâchent ». Et finalement, tout le monde ayant vécu cette situation de travailleur à distance ils se rendent compte que finalement ce n’est pas simple de faire du télétravail. Du coup cette suspicion là est moins présente et je pense qu’au niveau des équipes il y a aura beaucoup de personnes qui feront appel au télétravail ponctuel et régulier pendant la semaine.

Tu penses que la Direction serait prête à démocratiser cette solution au niveau nationale ?
Il y avait une grosse inquiétude en Mars et finalement on a fait plus de chiffre d’affaire en Mars 2020 qu’en Mars 2019 qui était déjà une année excellente pour nous. Ce fut une réelle surprise de la part de la Direction.

Finalement ce confinement a été plutôt positif car cela vous a donné une autre vision de la manière de travailler et c’est positif pour l’entreprise et humainement de ce que je comprends ?
Oui tout à fait et c’est aussi à nous supérieur de faire en sorte que nos salariés ne travaillent plus après 18h.
Pédagogique ; parcours ; étudiants ; professionnels