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Enseigner la transition

Un article repris du magazine The Conversation, une publication sous licence CC by nd

Depuis plusieurs années, en France comme ailleurs, l'enseignement supérieur est questionné sur son rôle et ses responsabilités dans les crises socio-environnementales actuelles. En réponse, de nombreuses recherches et initiatives ont émergé visant à mieux intégrer dans les différents cursus les principes et les objectifs du développement durable, en particulier depuis L'Initiative de l'Enseignement supérieur pour le Développement durable (HESI) lancée en marge de la Conférence Rio+20 des Nations unies.

Mais malgré la prise en compte croissante de ces enjeux à travers des parcours, des cours ou des séances spécifiques sur l'éthique ou le développement durable, des activités de sensibilisation, telles la Fresque du Climat ou celle du Numérique, ou encore des test d'évaluation comme le Sulitest, la pression s'accroit sur les établissements d'enseignement supérieur, en particulier en ingénierie et en management.

Le Manifeste Étudiant pour un réveil écologique lancé en 2018, ou encore les très récents appels à bifurquer ou à se rebeller montrent que, malgré des efforts certains, les jeunes estiment que les cursus continuent à perpétuer le modèle dominant ayant conduit aux crises complexes actuelles et à venir.

3 questions au Manifeste étudiant pour un réveil écologique (L'Étudiant, 2019).

Il faut reconnaitre que cette approche intégrative – ajout d'un cours ou d'une session quand les programmes, déjà bien remplis, le permettent – reste contradictoire et crée de la confusion en diffusant des injonctions paradoxales entre les cours restés inchangés et les nouvelles activités pédagogiques, sans pour autant former à gérer ces contradictions.

Il conviendrait donc d'aller au-delà, en engageant les cursus dans une approche transformative. Ne plus intégrer le développement durable en ingénierie ou en management, mais plutôt enseigner l'ingénierie et le management pour le développement durable. C'est en transformant les programmes en profondeur que chaque étudiant et étudiante aura les connaissances et les compétences nécessaires pour être des acteurs et actrices responsables et engagé·e·s dans les transitions à venir, tant personnellement que professionnellement.

Quelles compétences intégrer ?

Face à ce constat, un trouble et une fébrilité semblent saisir le monde de l'enseignement supérieur. Comment transformer les cursus ? Doit-on tout déconstruire ? Quelles compétences intégrer ? En France, de récentes initiatives d'envergure abordent ces questions, comme le groupe de travail présidé par Jean Jouzel dont le rapport a été remis au gouvernement en février 2022, ou encore le Shift Project et leur projet ClimatSup Business.

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Bien que ces initiatives apportent des bases solides de réflexion et d'action, la réflexion générale reste encore trop souvent concentrée sur l'identification des compétences clés pour le développement durable sans suffisamment aborder d'autres questions pourtant fondamentales.

Les compétences sont en effet déjà connues. La littérature académique (par exemple Redman et Wiek (2021), Moosmayer et coll. (2020) ou encore Lozano et Barreiro-Gen (2021)) ainsi que les rapports internationaux, dont ceux de l'Union européenne, de l'Unesco ou de l'OCDE, convergent depuis plusieurs années vers un ensemble clair de compétences.

Au travers de nos recherches et de nos activités institutionnelles, nous avons été amenés à produire un cadre global de 13 compétences intégrant ces différentes sources :

Author provided

Ces 13 compétences représentent un cheminement structuré en trois blocs se superposant progressivement :

  • se comprendre et comprendre les autres ;

  • comprendre le monde ;

  • transformer le monde.

Ce cadre n'est pas propre à une discipline et vise à soutenir les élèves, les professeurs, les directions de programmes, les gouvernances d'institution d'enseignement supérieur et les décideurs publics dans leurs efforts de transformation des cursus.

La transition prendra du temps

Si l'identification de ces compétences, au cours des dernières années, n'a pas été simple, le plus dur reste peut-être à venir. Leurs définitions respectives sont encore floues et leur opérationnalisation l'est plus encore.




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Que veulent dire précisément ces compétences pour l'ingénierie et le management ? Quel devrait être le degré d'autonomie que les étudiantes et les étudiants devraient atteindre pour chacune d'entre elles ? Comment les traduire en objectifs d'apprentissage précis ? Quelles devraient-être les situations d'apprentissage permettant de les acquérir ? Quelles sont les situations d'évaluation de ces apprentissages ?

Des initiatives institutionnelles, comme à Pennsylvania State University, ou internationales, comme le projet i5 du PRME ou le programme de formation de l'EFMD, émergent pour aborder ces questions. Mais ces dernières restent complexes, et développer les réponses et les mettre en application à grande échelle prendra du temps.

La pression concurrentielle, en particulier en France, limite la capacité des établissements à s'engager pleinement dans cette évolution. Surtout, cette pression limite les réflexions collectives, alors que c'est au travers de la collaboration, dans et entre les disciplines, que les nouveaux modèles d'enseignement supérieur pourront être développés et déployés.




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Outre les collaborations institutionnelles, ces réflexions ne doivent pas rester qu'une démarche d'experts et d'expertes et de politiques publiques. En particulier, il est essentiel que les étudiants et les étudiantes, et la jeunesse en général, soient pleinement intégrés à ces transitions. Par exemple, lors de la rentrée 2022 de SKEMA Business School, près de 800 d'entre eux en première année du Programme Grande École ont été invités à participer au Hackathon d'une semaine sur l'Enseignement supérieur en Transition, avec pour objectif d'intégrer leur travail à la transition de l'établissement.

Par ailleurs, en octobre 2022, l'Observatoire Mondial des Jeunesses sera lancé avec une première consultation d'intelligence collective massive : Youth Talks. Soutenu par un ensemble de plus de 30 partenariats internationaux avec des institutions d'enseignement supérieur et des regroupements de jeunesses, l'objectif de cette initiative internationale est de toucher plus de 200 millions de jeunes entre 15 et 29 ans à travers le monde afin de collecter les aspirations d'au moins 150 000 d'entre eux.

La transition nécessaire des modèles d'enseignement supérieur demande un réel changement de paradigme, basé non seulement sur de nouvelles compétences, mais également sur une transformation profonde des narrations, des valeurs, des métaphores et des symboles qui structurent de façon explicite ou implicite les modèles actuels.

Ce n'est qu'au travers de ces mutations que nous pourrons enfin développer de nouveaux horizons communs et tendre vers des modèles d'éducation dits humanistes en management ou en ingénierie qui privilégieraient la dignité humaine et le bien-être collectif, plutôt que la richesse, le pouvoir ou le statut.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.


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Connaissances et compétences pour les Low-tech les journées lowtech enseignement supérieur, Grenoble, 24 - 26 octobre

Description de cette initiative Connaissances et compétences pour les Low-tech
les journées lowtech enseignement supérieur, Grenoble, 24 - 26 octobre


via forum LTRE (Sacha)
Le projet LT4SUSTAIN (Erasmus+ 2022-2025) porté par un consortium de 6 partenaires issus de 3 pays (FR, BE, IR) entend sensibiliser largement la société aux Low-Techs. A ce titre, son ambition est de donner aux nouvelles générations les moyens de trouver des solutions aux problèmes actuels et futurs en fonction des besoins réels, et dans un environnement durable, grâce au développement de méthodes pédagogiques innovantes, multidisciplinaires et de cours ancrés dans le territoire.
Dans ce cadre nous organisons une conférence autour des low-tech et de l'enseignement qui aura lieu à Grenoble les 24, 25 et 26 octobre 2022.

  • Programme : conférences, tables rondes, ateliers, … Tout le détail est disponible ici .
  • Inscriptions en suivant ce lien

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Nom du porteur de l'initiative projet LT4SUSTAIN
Auteur de la fiche Michel Briand
Type d'acteur Collectif
Echelle d'action Globale
Ville Grenoble
Mot Clef
  • Ingénierie pédagogique
  • Transition écologique
  • Lowtech
  • Numérique responsable
Champ Date 24.10.2022
Champ Date 26.10.2022

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un texte repris du site du colloque

Depuis l'Antiquité, l'éducation est souvent pensée en rapport avec la nature, qu'il s'agisse de la nature physique du monde environnant, de la nature humaine et des sociétés, de la nature de la connaissance, ou même de la nature de l'éducation elle-même. Aujourd'hui le thème de la nature envahit l'enseignement supérieur à l'occasion des défis de la transition écologique. Elle est tout à la fois envisagée comme condition, contrainte, finalité, valeur de référence, etc. Les pratiques pédagogiques s'en trouvent elles-mêmes remises en question, en tant que formes de rapports au monde, à la culture, à l'environnement. Les conceptions actuelles de l'enseignement, dominées par des figures comme Piaget, Vygotski, Ingold (entre autres), attirent déjà l'attention sur l'importance du rapport aux environnements naturels et sociaux dans les apprentissages. Mais comment l'enseignement supérieur s'approprie-t-il concrètement ces nouvelles attentes et les courants de pensée contemporains, en termes de pratiques pédagogiques ? Comment les pratiques de l'enseignement supérieur évoluent-elles dans ce nouveau contexte ? Quels impacts ces changements présents et à venir vont-ils avoir sur les pratiques d'enseignement dans le supérieur ? Quels nouveaux imaginaires et visions éducatives nourrissent la responsabilité des enseignant·e·s et des étudiant·e·s vis-à-vis de la nature ?

De ces questions générales découlent plusieurs axes de réflexions que nous proposons ici pour le colloque :

  • Les références à la nature dans les pédagogies du supérieur : ambiguïtés, contradictions et ouvertures
  • L'environnement et/ou sa transformation comme objet(s) de formation et de développement de compétences
  • Les interactions des étudiant·e·s et des enseignant·e·s avec leurs environnements physiques, naturels et sociaux
  • L'impact des politiques institutionnelles sur l'enseignement dans un contexte en évolution

Nous encourageons les communications co-écrites avec des étudiant·e·s.

Indications aux auteurs

Les propositions devront être soumises au plus tard le 15 janvier 2023 pour une évaluation des communications qui sera communiquée fin février 2023 au plus tard. Les contributions reçues avant le 15 décembre 2022 seront évaluées en priorité avec un retour aux auteurs pour fin janvier 2023.

Le dépôt des communications se fait via la plateforme SciencesConf, accessible depuis le site Internet du colloque : https://qpes2023.sciencesconf.org/

Toutes les communications devront respecter la feuille de style fournie sur le site internet du colloque, téléchargeable via ce lien.

Pour nous contacter : qpes2023@sciencesconf.org

Format des communications

Contribution individuelle

La forme retenue est un article écrit et finalisé d'un maximum de 25 000 signes tout compris (espaces, bibliographie), en respectant la forme graphique des actes, et pouvant se décliner selon trois catégories :

  • Analyse de dispositif (compte rendu de pratiques pédagogiques avec contextualisation, justifications et prise de recul)
  • Bilan de recherche en pédagogie (restitution de travaux de recherche critiques et documentés)
  • Point de vue (thèse personnelle et originale travaillée sur la base d'exemples, d'expériences vécues, d'arguments et d'éléments bibliographiques solides).

Les auteurs des contributions individuelles s'engagent à ne présenter que des contributions inédites. Au moins un des auteurs s'engage à être présent et à participer au débat lors d'une session animée par un discutant sous une forme conviviale d'échanges.

Symposium

Un symposium est constitué de trois contributions individuelles provenant de trois institutions différentes regroupées sous une thématique commune. La thématique commune est décrite en une ou deux pages précisant la pertinence du regroupement, les objectifs, la problématique commune et la structure retenue pour le symposium ainsi que la personne pressentie pour l'animer sur une durée de 1h30. Les contributions sont regroupées au sein d'un même document.

Atelier

Un atelier est une proposition d'activité pédagogique d'une durée de 1h30. Il vise à expérimenter une technique, une méthode ou une démarche pédagogique innovante ou particulièrement pertinente. Ce format (très limité en nombre) s'appuiera sur une description de quelques pages, précisant les objectifs, les modalités, les besoins et contraintes logistiques, les ressources fournies aux participants, la démarche, les techniques et méthodes, ainsi que l'ancrage théorique. L'objectif est de valoriser l'intérêt pour les participants, leur implication (nombre maximum de participants), et expliciter les clés importantes à retenir de l'exercice. Seront mentionnés les noms de la ou des personnes pressenties pour l'animer, et enfin un descriptif d'une page maximum qui sera inclus dans le programme du colloque.

Valorisation des contributions

Toutes les communications acceptées par le comité de lecture seront éditées dans les actes du colloque, remis sur place aux participants sous forme numérique et publiés en ligne. Si des modifications sont demandées aux auteurs pendant la phase d'évaluation, l'acceptation définitive sera soumise au respect de ces demandes.

Toutes les publications seront versées dans une archive ouverte et publique.

A l'issue de la phase d'évaluation des communications, les auteurs auront la possibilité d'introduire leur communication dans le processus de review pour une publication dans la revue des annales de QPES [1] . L'objectif des Annales de QPES est de proposer un accompagnement aux auteurs aux fins de la publication d'un article de type « compte-rendu de pratique » ou « scientifique ». Ce processus d'accompagnement s'inscrit dans l'approche du Scholarship of Teaching and Learning (SoTL).


[1] Les articles de cette revue sont sous licence Creative Commons Attribution - Non Commercial - No Derivatives 4.0 International


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La question du changement de posture pour enseigner la transition écologique a rassemblé plus d'une quarantaine de personnes au 10ème Forum des usages coopératifs, (Brest, 5 au 8 juillet 2022 avec une envie largement partagée de prolonger les échanges.

Voici la proposition d'un atelier, pour un apprentissage collectif en réponse à l'urgence climatique qui nous concerne tou.te.s.

Cet atelier aura lieu le 6 octobre à 17 heures en ligne.

Inscription ouverte et gratuite. Suivre ce lien pour obtenir le lien du webinaire par retour de courriel.

La problématique

Côté étudiant, l'intégration de la transition écologique dans les cours peut donner un nouveau sens. Coté enseignant, formateur, tuteur … beaucoup de choses changent. La discipline peut être interrogée sous un angle nouveau. Les savoirs sont réinterrogés. Les réponses à la transition sont largement systémiques, donc interdisciplinaires et contextuelles. L'injonction du passage à l'action multiplie les opportunités de pédagogies actives.

L'ancrage dans le vécu peut changer le rapport entre apprenants et "enseignants". Entre injonction sociétale, évolution des institutions et besoin d'agir personnel, l'engagement dans les métiers d'apprenant et d'enseignant est entièrement requestionné.

Sur cette question, chacun.e a une expérience, des questions aussi, nous avons ainsi proposé lors du forum des usages coopératifs une animation qui a favorisé l'expression de chacun.e sur ce sujet. Selon la méthode de l'opposé des contraires ("qu'est ce qu'il faudrait faire pour rater un enseignement sur la transition écologique" ) une dizaine de propositions ont alors été élaborées. Ce brainstorming initié au forum des usages coopératifs sera notre point de départ pour explorer les postures les plus susceptibles de nous engager dans les transitions.

Déroulé

Nous proposons une réunion en 4 temps :

  • Introduction rappelant les points clés identifiés lors de la rencontre de juillet au Forum des usages coopératifs
  • Tour de parole pour présentation rapide et exprimer son intérêt pour un sujet en une phrase
  • Brainstorming collaboratif sur ces sujets en utilisant la méthode d'Entretien collectif
  • Discussion d'opportunité sur l'organisation d'une série de webinaires sur les axes identifiés.

Nous vous proposons de prendre des notes sur un pad

Brainstorming Outil à confirmer

10 Propositions en débat

ces items sont l retranscription des idées émises lors de cette session de 2h

Suite à une identification de ce qu'il faudrait faire pour rater un enseignement sur la transition, nous avions identifié quelques éléments clés pour des postures porteuses
(formulations ouvertes à la discussion dans un "tour d'écran" ensuite)

1. Aborder le fond des questions ; (opposé : vouloir rester neutre)

  • oser questionner les finalités
  • enseigner la complexité (cartographie des controverses, ..)
  • renforcer l'apprentissage au questionnement pour développer l'esprit critique
  • adopter une posture d'humilité démarche réflexive partagée avec l'équipe enseignante

2. Encourager la capacité d'agir des étudiants (opposé : nier l'anxiété)

  • Aider les étudiants à dépasser leur anxiété pour agir
  • Montrer des exemples positifs (pas que les entreprises qui polluent par ex), des entreprises, des acteurs qui agissent positivement
  • Favoriser le travail collectif entre étudiants pour éviter l'isolement avec ses émotions ou autre coopération entre les groupes, aux promos suivantes, au monde

3. Favoriser l'implication (opposé : occulter la notion de plaisir dans l'enseignement de la transition)

  • Enseignant facilitateur de rencontre et de débat pour créer un climat de confiance et de convivialité dans ses enseignements (cette posture est applicable à tout public (lycée, collège, etc.)
  • Adopter une posture horizontale plus que verticale
  • voir une vision positive de la transition écologique et sociale dès le départ avec une approche artistique, thêatrale et ludique au lancement. : aborder de manière "fun" avant de démarrer le "dur"
  • Créer un climat de confiance pour mettre les étudiants en posture de réception
  • S'appuyer sur les connaissances des étudiants
  • Créer un esprit d'équipe pour un climat de confiance et de sécurité
  • Donner la main / confier la formation aux étudiants pour qu'ils puissent eux-mêmes proposés des contenus
  • L'enseignant est vecteur de cette approche, il est là pour motiver et donner envie d'être dans la transition, apporter un regard d'espérance, voir la transition comme une opportunité. Regard lucide sur le présent mais positif sur le futur
  • ouverture à la culture à d'autres disciplines comme littérature, philosophie, sociologie,...
  • ancrer dans le concret et le pouvoir agir, ne pas rester dans la théorie, dans le pouvoir agir (rôle d'accompagnant plutôt que sachant), cf classe inversée
  • Citation : "donner à voir pour donner envie"

4. Proposer une approche complexe, holistique (opposé : avoir une approche purement scientifique de la transition)

(plus des questions que les propositions)
-* Qu'est ce qu'une approche purement scientifique ? sciences dures, sciences humaines

  • => on peut également inviter les politiques publiques, les enjeux juridiques, ...
  • Coordination entre les disciplines => ingénierie pédagogique ! => faut il un socle commun ? dans les différentes disciplines ? pourquoi on enseigne ce que l'on enseigne ? donner du sens à ce qu'on enseign
  • accepter en tant qu'enseignant de s'auto-former et entre pairs pour traiter des enjeux sur lesquels on n'est pas forcément experts à la base. Eviter le cherry-picking en ayant des trucs un peu dans tous les sens

5. être en cohérence (opposé : Faites ce que je dis pas ce que je fais )

  • Organiser des temps pour questionner sa cohérence (entre étudiants-étudiants, et étudiants-enseignants), feedback des étudiants vers les enseignants
  • Pour les étudiants : "on voudrait plus de DD, mais quand on a des choses dessus, on n'y va pas"
  • Humilité, modestie, accepter de se tromper

6. Agir par de PPPP "premier plus petits pas possibles" (opposé : ne pas faire dans son coin)

  • Accepter de démarrer modestement, peut-être tout seul dans son coin, puis le faire savoir/connaitre
  • Encourager les étudiants à être ambassadeurs vers d'autres cours et dans l'autres sens ...
  • ... Questionner pour partager ce qu'il se fait qq part/ailleurs (aussi dans d'autres cours)

7. Intégrer l'avenir professionnel (opposé : déconnecter la transition des questions d'employabilité )

  • Les métiers du futur n'existent pas encore, il faut anticiper leur naissance => surveiller les tendances économiques et les signaux faibles
  • Avoir des formations adaptatives, versatiles
  • Parler du risque de "ruées vers l'or' avec des domaines qui arrivent (sont à la mode) et partent vite (ne créent pas d'emplois pérennes)
  • Dialoguer sur le rejet des étudiants par les entreprises ? Parler avec les étudiants qu'ils devront gérer les conflits de valeurs qu'ils auront dans leurs premiers emplois (se former aux compétences émotionnelles), qui ne seront peut-être pas celui qu'ils ont rêvé

8. Relier aux autres enseignements (opposé : isoler le sujet de la transition du reste de l'enseignement)

  • Contexte : on sait pas trop comment le mettre en lien dans l'enseignement de la finance
  • Partir d'un point d'actu pour faire le lien entre les fondamentaux abordés en classe, ce que l'on a déjà vu, ...

9. Développer une approche inclusive (opposé : l'inclusion de tous les étudiants, ne pas exclure les sceptiques)

  • Trouver des dispositifs pour aider à la co-construction (conf-débat, cours, ...) => à l'intérieur, la posture peut changer (accompagnateur, expert, questionnement
  • Mettre en commun les postures de chacun en travaillant sur : la confiance, la distance, l'exigence, la responsabilité ; le tout dans une situation donnée (ex : le défi d'inclure tout le monde)
  • Mettre en débat en regardant la posture de chacun

10. S'engager/bifurquer/agir en adoptant une démarche critique, réflexive, évolutive

  • Ca veut pas dire ne pas avoir d'avis, il faut accepter le débat avec soi et avec ses élèves
  • Discuter d'avis différents par la controverse, meme quand c'est des sciences, elles peuvent être remises en cause
  • Comment faire appel aux émotions ?
    • => il y a une urgence d'apprendre pour agir pour la transformation de la sociét
    • il faut se mettre au clair sur qui l'on est, sur sa position, se voir bouger soi-meme avant de bouger les autres, comment on évolue sur un sujet
    • Donc en tant qu'enseignant, se positionner à partir de ce que je sais et ce que je ressens pour construire le futur
    • Mais attention au poids de l'évaluation. Il faut intégrer des indicateurs adaptés sinon difficulté pour les élèves de âcher l'émotionnel. Craintes des enseignant pour évaluer cela.

Nous cherchons à recueillir des publications sur ce sujet, ou des retours d'expérience. En vous connectant sur ce site et en double-cliquant cette page, vous pourrez ajouter du texte (c'est un wiki). Vous pouvez également proposer une ressource à la collecte du site.

L'animation de cet atelier est également ouverte à vos idées. N'hésitez pas à suggérer une méthode qui vous paraitrait pertinente.

une page sur le sujet des postures émotionnelles


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La crise écologique à laquelle nous sommes confrontés invite à renouveler notre façon de faire science. À l'aune du développement durable, l'enjeu est de produire une science démocratique et capable de répondre aux enjeux contemporains. Ce contexte interpelle le rôle de l'école dans ses logiques de construction et de transmission des savoirs scientifiques. L'émergence des questions socialement vives (QSV) dans l'enseignement est une opportunité pour contribuer à une éducation qui permette de penser et d'agir dans un monde complexe et incertain. Cet article est fondé sur l'étude d'un dispositif éducatif expérimental centré sur une démarche d'enquête en lien avec la transition écologique de l'île d'Yeu, dans le département français de la Vendée. Il se propose d'analyser, du point de vue des pédagogues et des apprenants, quelles sont les implications d'un enseignement scientifique qui cultive l'interdisciplinarité, l'implication et la participation. Au-delà des difficultés matérielles et épistémiques identifiées, ainsi que des tensions qu'il y a à coconstruire connaissances et actions, notre expérimentation révèle plusieurs leviers d'action possibles pour l'éducation au développement durable (EDD) parmi lesquels l'ouverture du collectif à une pluralité d'acteurs, l'importance de ménager des espaces de réflexivité et la nécessité de développer une ingénierie sociale.

mots clés : éducation au développement durable (EDD), question socialement vive (QSV), interdisciplinarité, transition écologique, participation, co-construction des savoirs

Un article repris de Vertigo, la revue électronique en sciences de l'environnement, une publication sous licence CC by sa nc

pour les annexes et tableaux se reporter à l'article

Introduction

La crise écologique à laquelle nous sommes confrontés nous invite à agir dans un monde complexe et incertain (Barthe et al., 2014). Sous l'effet d'une mondialisation qui s'illustre par l'innovation technologique, les changements de modes de vie et la multiplication des échelles d'organisation, les équilibres sociaux et écologiques sont bouleversés et leurs interactions s'accroissent et se complexifient (Beck, 2001). Dans ce contexte, de nombreux auteurs suggèrent que cette crise est aussi celle de la science et des rapports qu'elle entretient avec la société (Latour, 1999 ; Larrère et Larrère, 1997). Repenser notre relation au monde signifie donc simultanément de repenser notre façon de faire science (Stengers, 2013 ; Jasanoff, 1987). Il s'agit de produire un savoir qui soit utile pour la société, mais aussi démocratique et capable de prendre en charge la complexité et l'incertitude du monde qui nous entoure (Funtowicz et Ravetz, 1995). Dans cette perspective, un tour d'horizon des nombreux travaux portant sur le renouvellement de la science à l'aune du développement durable permet de souligner trois enjeux majeurs. Premièrement, les recherches scientifiques sont incitées à être interdisciplinaires. En particulier, la distinction entre d'un côté les sciences de l'homme et de l'autre les sciences de la nature apparaît comme une manifestation évidente des conceptions dualistes de la modernité occidentale (Descola, 2005). L'émergence des humanités environnementales et leur hybridation avec les sciences de la nature doivent permettre une analyse plus fine des dynamiques socio-politiques à l'œuvre et une lecture complémentaire des enjeux environnementaux (Arpin et al., 2019 ; Jollivet, 2001). Deuxièmement, les sciences doivent être participatives. Les dispositifs scientifiques doivent permettre l'implication du plus grand nombre, au-delà du collectif de chercheurs. La participation est ici pensée tout à la fois comme une éthique scientifique au sens d'un enjeu démocratique, une opportunité pratique du fait d'un plus grand nombre d'acteurs impliqués, un vecteur d'éducation et de sensibilisation aux enjeux de la nature, une façon de faire « cause commune » au travers d'une approche plurielle de la connaissance (Charvolin et al., 2007). Enfin, les sciences doivent être impliquées (Coutellec, 2015 ; Funtowicz et Ravetz, 1995). Il ne s'agit pas de renier les approches « traditionnelles » de production de connaissances, mais plutôt de les compléter par un modèle singulier au sein duquel connaissances et actions sont co-construites (Vimal, 2010). L'enjeu est d'appréhender les pratiques scientifiques au sein de collectifs hybrides où les sujets techniques et politiques sont débattus entre des acteurs aux intérêts et arguments variés.

De la même manière que les rapports entre sciences et sociétés évoluent à l'heure du développement durable, les rapports entre savoirs, enseignements et dynamique de circulation-élaboration de connaissances sont à interroger dans l'éducation au développement durable (EDD) (Simonneaux, 2011). Si la crise écologique sous-entend que la fabrication des savoirs ne peut être pensée indépendamment de leur diffusion et de leur utilisation, inversement le défi scientifique devient dès lors aussi un défi pour l'éducation et interpelle le rôle de l'école dans la transition écologique (Curnier, 2017). L'EDD suppose non seulement de reconsidérer les logiques de transmission des savoirs, mais aussi leur fabrication. L'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) (2017, p. 52), promeut notamment dans son agenda Éducation 2030, éducation en vue des objectifs du DD « une pédagogie transformatrice orientée vers l'action en associant les apprenants à des processus participatifs, systémiques, créatifs et novateurs de pensée et d'action dans le contexte des communautés locales et de la vie quotidienne des apprenants » (Lange, 2018, p.26). Dans une perspective d'EDD, il convient donc de réinterroger comment les savoirs scolaires sont mobilisés, à la lueur des enjeux majeurs que nous avons évoqués : interdisciplinarité, participation et implication.

Les programmes et curricula français et internationaux mettent de plus en plus l'accent sur la nécessité d'enseigner à « penser un monde complexe » et un « pouvoir d'agir ». Une des missions du curriculum, prônée par certains chercheurs, pourrait-être de contribuer à l'éducation des élèves pour qu'ils soient capables de s'intégrer et d'agir dans la société de demain, c'est l'idée d'une « contribution forte de l'éducation à une finalité de transformation sociétale » (Lange et Kebaïli, 2019, p.8 ). L'émergence de l'EDD, et plus largement des « éducations à », pourrait être selon ces auteurs une opportunité pour contribuer à une transition vers un nouveau paysage éducatif et scientifique. Or la transition écologique dans une perspective d'EDD porte les traits d'une question socialement vive (QSV) telle que définie par Legardez et Simonneaux (2006) : vive dans la société (objet de débat), vive dans les savoirs de référence (controversée entre les experts des champs professionnels) et vive dans les savoirs scolaires (non stabilisée dans les curriculums scolaires et dans les pratiques didactiques). De nombreux auteurs ont associé l'émergence des QSV à un renouvellement des recherches en didactique depuis les années 1990-2000, en faisant émerger un questionnement socio-épistémologique posé à partir des controverses, des risques et des incertitudes et une prise en compte des dimensions sociales et éthiques dans l'enseignement des sciences (Simonneaux, 2019). La didactique des QSV prône la reconnaissance des liens entre les sciences, le social, l'économie et le politique et se donne pour priorité une éducation à la pensée critique et l'engagement des apprenants au service d'une émancipation des citoyens. Les QSV peuvent introduire au monde problématique et incertain qui est le nôtre (Fabre, 2014), par leur exigence d'interdisciplinarité, le caractère mixte de savoirs et de valeurs, et leur référence à la décision et aux pratiques. Elles relèvent de « problèmes complexes flous », c'est-à-dire des problèmes mal structurés qui font appel à des valeurs susceptibles d'orienter la réflexion vers telles ou telles solutions, lesquelles peuvent se voir contestées (Fabre, 2017). Cela plaide pour une approche par problématisation de ces objets.

Fondé sur l'analyse d'un dispositif éducatif en lien avec la transition écologique de l'île d'Yeu dans le département français de la Vendée, cet article se propose d'analyser ce que sous-entend un enseignement qui veut contribuer à penser et à agir dans un monde complexe et incertain. Il ne s'agit pas seulement d'enseigner la complexité du monde et les actions possibles, mais plutôt la façon de les appréhender et de se les approprier. Il s'agit de faire science de manière interdisciplinaire, participative et démocratique, impliquée dans l'action. Dès lors, nous proposons ici de considérer que l'EDD soulève un double enjeu pédagogique : d'une part de repenser la façon de construire et de transmettre le savoir au niveau de l'équipe pédagogique et d'autre part de repenser les modalités de co-construction de la connaissance et de l'action chez les élèves. Après une présentation du dispositif éducatif mis en place, nous proposons une analyse des enjeux d'interdisciplinarité, de participation et d'implication qui se jouent respectivement dans les rapports de transmission et de construction de savoirs, du point de vue de leur capacité à renouveler nos façons de faire science. Au travers de ces deux perspectives : celle des pédagogues puis celle des apprenants, nous envisageons les potentialités et les difficultés d'un enseignement des sciences qui ne se limite pas à des problématiques disciplinaires, qui requiert l'ouverture du collectif à une pluralité d'acteurs, et qui engage la nécessité de co-construire connaissances et actions.

Le dispositif pédagogique

Une posture de recherche-action

Les travaux de recherche présentés ici se fondent sur un dispositif assumé de recherche-action comprenant à la fois la pratique et l'encadrement de l'expérimentation « Jeunesse en transition » et son observation. Le dispositif repose sur un travail conjoint de chercheurs, d'animateurs et d'enseignants, comme le reflète la diversité des auteurs, tous membres de l'association française Dissonances à l'initiative du projet. Parmi la diversité des formes possibles de recherche-action (Sellamna, 2010), notre dispositif s'inscrit dans la lignée des recherches-interventions en éducation (Marcel, 2016), qui suppose un accompagnement réciproque des « chercheurs » et des « acteurs » (désignant ici à la fois les animateurs et les enseignants). L'enjeu de cette expérimentation a été de produire un savoir didactique conjointement à un agir dans le but qu'ils se nourrissent mutuellement (Bonny, 2014). Pour simplifier la lecture et rendre plus lisibles les rôles des uns et des autres dans ce manuscrit, il sera question de l'équipe pédagogique du collège dans son rôle d'enseignement, de l'association Dissonances dans son rôle d'animation, et de l'équipe de recherche, « nous », dans le rôle d'observation.

Notre corpus est constitué de différentes données : les documents de travail rédigés en vue de chaque intervention (objectifs, déroulés, et comptes-rendus de session), les productions des élèves (rendus, bilans, affiches, articles, films, émissions de radio, et cetera), les évaluations et auto-évaluations, les photos, les comptes-rendus des réunions avec les différents acteurs, mais aussi et surtout les observations que nous avons menées.

C'est à partir du principe de bricolage socio-anthropologique (Nedelec, 2018) que notre pratique de recherche s'est organisée, par des observations participantes des chercheurs et acteurs, par des aller-retours constants entre le formel et l'informel (entre des enregistrements de séances et des ressentis collectifs à l'issue des séances par exemple), entre des matériaux théoriques et empiriques (depuis des revues de la littérature scientifique aux fiches de préparation), autour de cheminements linéaires ou non linéaires, et par l'interaction entre chercheurs et acteurs. À travers la variété des méthodes utilisées, la nécessité de mener de front enquête et pratique s'est heurtée à des difficultés d'ordre méthodologique et épistémologique, inhérentes à toute démarche de recherche-action (Clot, 2008). Même si leur inventaire exhaustif ne peut faire l'objet de cet article, on peut citer notamment la difficulté à concilier à la fois la mise en œuvre d'une action par le collectif et le recueil de données pour son observation par les chercheurs.

Le dispositif

À la suite d'une rencontre entre l'équipe pédagogique du collège [1] les Sicardières, les élèves et l'association Dissonances, l'expérimentation présentée ici s'est étalée sur deux années scolaires, de septembre 2016 à juin 2018, comptant une première année dite exploratoire (de septembre 2016 à mars 2017) et une seconde année complète (de septembre 2017 à juin 2018). Les résultats exposés ici se basent essentiellement sur la deuxième année (voir Tableau 1 en annexe). Au cours de ces deux années, des interventions encadrées par l'équipe de l'association Dissonances (d'une durée moyenne de 3 demi-journées) ont eu lieu tous les mois, étalées sur deux à trois journées scolaires, auprès d'une classe de 4e. Ce public a été privilégié tant pour la cohérence des progressions pédagogiques de l'équipe enseignante que par souci de mise en perspective du projet (réinvestissement possible en classe de 3e lors de l'épreuve orale du diplôme national du brevet). Entre chaque intervention, le travail était relayé par l'équipe pédagogique par l'intermédiaire d'interventions ciblées (approfondissement de notions ou de compétences en lien avec le projet), et grâce à un espace numérique de travail, une continuité pédagogique s'est construite entre les élèves, les enseignants et l'association Dissonances. Notre projet s'est inséré dans le cadre d'un Enseignement Pratique Interdisciplinaire (EPI), autour de la transition énergétique et du développement durable, avec comme enjeu la construction et l'approfondissement de connaissances et compétences grâce à la réalisation concrète d'un projet individuel ou collectif [2]. Notre expérimentation s'est réalisée dans la continuité du projet d'établissement, dont le développement durable est l'une des priorités. En effet, le collège a été labellisé « Génération Eco Responsable 2015- 2017 », un label décerné par Trivalis [3], qui valorise les actions concrètes mises en œuvre en matière de développement durable.

Le cadre didactique et les différentes étapes

Dans une perspective d'EDD, la didactique des QSV préconise d'ancrer les enseignements dans des situations problématisantes, locales, authentiques ou proches de l'élève (Roy et al., 2017), afin de favoriser l'implication des élèves (Roy et Gremaud, 2017). Aussi, nous avons choisi quatre thématiques (circuits courts, déchets et réemploi, trait de côte, enfrichement- voir Tableau 3), qui nous ont permis d'élaborer des situations-problèmes rattachées au contexte insulaire, permettant d'aboutir à l'élaboration avec les élèves de questions ouvertes, complexes, à même de construire des savoirs en sciences humaines et sociales tout comme des savoirs en sciences de la nature. L'objectif du dispositif a été d'amener les élèves à construire des problématiques socio-écologiques territoriales à partir de ces thématiques, et à proposer des actions concrètes pour pallier le problème identifié. Les thématiques ont été choisies, car elles ouvraient facilement sur des QSV de type environnemental dans la mesure, où, a) elles ne concernent pas seulement des savoirs au sens strict, mais aussi des valeurs politiques ou éthiques et des comportements ; b) elles renvoient à des pratiques de référence (celles de l'expert, de l'homme politique, de l'usager, et cetera) plutôt qu'à des savoirs savants ; c) elles ciblent davantage la transformation des pratiques sociales que la scolarisation des pratiques existantes, selon les critères caractérisés par Fabre (2014).

Pour construire notre dispositif, nous nous sommes appuyés sur le cadre théorique de la problématisation (Fabre, 2017), qui suggère de laisser les élèves construire le problème de plusieurs manières et donc d'engager des solutions différentes qui peuvent ensuite donner lieu à une diversité d'actions.

Les quatre thématiques ont été enquêtées en parallèle par quatre groupes distincts. Chaque groupe a pu bénéficier de l'accompagnement d'un tuteur de terrain expert de la thématique considérée (voir Tableau 3). Sur l'année, notre dispositif s'est partagé en quatre grandes étapes :

-* L'élucidation des enjeux (session 1 à 3), où les élèves sont amenés à distinguer les dimensions sociales, économiques, environnementales, politiques, éthiques de la question, en se confrontant à une diversité d'acteurs, de savoirs, de pratiques. L'objectif est de prendre en compte la complexité de la question et ses multiples dimensions.

  • La construction du problème (sessions 4 et 5). Sur le modèle d'une enquête scientifique, les élèves sont amenés à construire des protocoles scientifiques, à recueillir des données, à comparer et analyser les données recueillies et à proposer des éléments de conclusions. Cette étape implique des choix : quelles conditions et quelles données privilégier ? Le problème peut être construit en privilégiant une dimension. Par exemple la dimension écologique du problème, qui devient alors la condition sine qua non du problème.
  • Des prises de position aboutissant à des solutions (sessions 6 et 7). Forts de l'analyse menée précédemment, les élèves proposent des actions concrètes en lien avec leur problématique en se fondant sur une étude de faisabilité de leur projet sous contraintes et en interaction avec l'ensemble des acteurs et institutions concernés. La présentation du projet devant un comité technique permet aux élèves de construire leurs argumentations, de répondre aux objections possibles et de justifier leur thèse aussi rationnellement que possible.

-* La réalisation des projets (sessions 8 à 10). Le passage à la réalisation de solutions concrètes nous place dans un rapport à l'action, qui parait être mobilisant dans le contexte d'urgence que l'on traverse, et évite de rentrer dans des approches catastrophistes qui peuvent être traumatisantes pour le jeune public notamment.

L'ensemble du projet a permis de recourir à une grande diversité de situations didactiques, dont les apports pour l'enseignement des QSV ont été montrés précédemment par différents travaux (voir Annexe 1 : Diversité des situations didactiques tout au long du processus).1

Construire et transmettre le savoir : regard sur les pédagogues

L'EDD est marquée par de multiples tensions. À l'heure de l'urgence écologique, problématiques scientifiques et questions politiques se superposent au travers desquelles « les connaissances sont incertaines, les normes et valeurs conflictuelles, les enjeux élevés et les décisions à prendre urgentes » (Scotto d'Apollonia, 2014, p.156). Face à l'incertitude, l'hybridation et la complexité, il devient difficile pour les citoyens, et à fortiori pour les enseignants, de se construire des repères pour éduquer à la durabilité (Lange et Kebaïli, 2019). Cette première partie s'intéresse donc aux enjeux de l'EDD du point de vue de l'équipe pédagogique. Nous supposons que l'un des défis à relever est d'intégrer des savoirs en transformation, qui participent à un renouvellement de notre façon de faire science en émergeant d'un processus relevant de l'interdisciplinarité, de l'implication et de la participation dans un contexte institutionnel et territorial donné.

Un enseignement interdisciplinaire

Notre projet au collège Les Sicardières s'est développé sur mesure, mais s'est néanmoins pleinement enchâssé dans les programmes et dispositifs scolaires. Il s'est inscrit dans le cadre de la mise en place de la réforme du collège, initiée en 2016 par le gouvernement français (BO spécial du 26 novembre 2015), en prenant appui notamment sur deux piliers majeurs de celle-ci :

  • la volonté de contribuer à faire émerger l'interdisciplinarité en contexte scolaire avec la mise en place des Enseignements Pratiques Interdisciplinaires (voir plus haut) [4].

-* la volonté d'ancrer l'éducation au développement durable dans la base des savoirs fondamentaux, intégré à toutes les disciplines et aux projets d'établissements [5].

Les définitions de l'interdisciplinarité varient et sont parfois contradictoires. Dans notre dispositif, nous envisageons l'interdisciplinarité comme une façon d'étudier un phénomène en intégrant les apports et les méthodes de plusieurs disciplines, en vue de la résolution d'une situation-problème (Nedelec, 2018). L'interdisciplinarité participe à décortiquer des situations sociales et des phénomènes écologiques, mais surtout leurs interactions, qui sont par définition non disciplinaires et intrinsèquement complexes (Morin, 2015). L'ensemble des disciplines scolaires ont été mises à contribution différemment en fonction de leur pertinence vis à vis du contexte, de la spécificité et de l'avancée du projet, par l'apport d'éclairages notionnels et méthodologiques, comme le montrent les exemples suivants. En début d'année, les professeurs de Sciences et Vie de la Terre (SVT) et d'Histoire Géographie (HG) ont participé à la mise en place d'un tour de l'île avec lecture du paysage et mise en évidence des grands enjeux écologiques et géographiques du territoire insulaire. Le professeur d'Éducation Physique et Sportive (EPS) a consolidé les compétences de lectures cartographiques, par un cycle de course d'orientation. Les élèves ont ainsi continué à se familiariser avec la lecture de territoire en manipulant des cartes. De plus, ils ont développé une autonomie sur le terrain, en apprenant à respecter des règles de sécurité et l'environnement. Le professeur de Français a formé tous les groupes à la préparation d'entretiens semi-directifs, ainsi qu'à la conception de questionnaires. La professeure de Mathématiques a accompagné les groupes pour l'analyse quantitative des questionnaires et la réalisation de budgets prévisionnels. La professeure Documentaliste a formé à la recherche documentaire. La professeure de Technologie ainsi que le chef de travaux ont accompagné la conception de plans pour la construction des bacs à aromatiques. L'ensemble des personnels de vie scolaire a permis de tisser la dimension relationnelle et citoyenne de chaque session et d'assurer la continuité pédagogique du dispositif avec la vie et le projet d'établissement. En outre, le collectif Dissonances est lui-même constitué d'une diversité de spécialités : rassemblant trois chercheurs en sciences humaines et sociales, deux spécialistes de l'animation, une artiste metteuse en scène.

Par ailleurs, notre dispositif s'est efforcé de lier des apprentissages scolaires à des activités concrètes dont les élèves perçoivent l'utilité et le sens. Par exemple, la réalisation d'un questionnaire et l'analyse des résultats est un travail interdisciplinaire en soi, dans lequel se mêlent des apprentissages issus de disciplines distinctes : une méthodologie issue du Français pour la rédaction des questions, des bases de statistiques issues des Mathématiques pour l'analyse, ou encore des notions de Géographie pour le contenu des questions. À cette fin, une animatrice de Dissonances a préparé un cours avec le professeur de Français sur les techniques et méthodes de l'entretien semi-directif (« l'interview » dans le jargon utilisé en salle de cours), répondant à deux objectifs du projet d'EPI et s'insérant dans le programme de Français. Le cours consistait dans une première partie à lire un article de journal et à en dégager les éléments de structures (titre, chapeau, date, illustration, légende, source, corps de texte, auteur, et cetera) et, dans la seconde partie, à la réalisation d'interview. Chaque élève devait s'approprier la biographie d'un auteur clé du programme et, par binôme, s'interviewer mutuellement pour mieux connaître l'auteur (sa vie, sa pensée, son inscription dans un courant littéraire, et cetera). Pour finir, le professeur ainsi que l'animatrice revenaient sur la grammaire de la forme interrogative permettant d'orienter la forme des réponses voulues souhaitées. Pour le projet d'EPI cet exercice a mis les élèves en situation d'intervieweur (pour la réalisation d'entretiens semi-directifs), mais aussi d'interviewé (pour répondre aux questions des journalistes à la radio ou en reportage pour une publication dans la presse) ainsi que de découverte de la structure d'un article de journal dans la perspective qu'ils en réalisent eux-mêmes. La qualité des productions des élèves (articles de presse, émission radio) a été saluée de façon unanime, ce qui a participé à renforcer l'intérêt pour la coopération entre enseignants, animateurs et chercheurs. La mise en pratique des savoirs « froids » du programme de Français, dans des situations vécues dans l'EPI a participé à renforcer les acquisitions dans ces deux cadres pédagogiques.

Un enseignement impliqué dans les réalités de territoire

Depuis 2010, la mairie de l'île d'Yeu s'est engagée dans une dynamique de transition écologique et sociale « Ile en transition », dont la commune tout comme la société civile se veulent parties prenantes. Dans cette perspective, la participation et la coopération du plus grand nombre, est un enjeu majeur. Notre expérimentation s'inscrit dans cette démarche : à l'initiative de la commission « Éducation, Sensibilisation, Formation » du groupe Île en Transition, le recours au collectif Dissonances s'est donné pour objectif d'intégrer les jeunes à cette dynamique – une frange de la population demeurée jusqu'alors assez extérieure au processus. Le projet « Jeunesse en transition » s'est donc pleinement intégré dans un dispositif territorial en cours et a composé avec ses réalités. Notamment, cela a eu des répercussions sur la manière de financer le projet, de concevoir des situations d'apprentissage en prise avec le contexte et les acteurs du dispositif, et enfin d'impliquer le réseau local pour diffuser, valoriser, et réaliser des actions. Avec l'appui de l'association et du collège, la commune a porté le projet « Jeunesse en [6]Transition » auprès de financements européens. Par ailleurs, la participation des membres de l'association « Dissonances » à certaines séances plénières d' « Ile en transition » en amont du lancement, a permis de rencontrer les acteurs locaux, de s'imprégner des problématiques insulaires et ainsi de construire un dispositif éducatif ancré sur l'île. Le choix des thématiques : circuits courts, déchets et réemploi, trait de côte, enfrichement, résulte des interactions entre les différents acteurs : un aller-retour entre des propositions émanant du groupe Île en Transition, un processus de transposition par l'équipe pédagogique, et une appropriation et reformulation des problématiques par le collectif Dissonances. En outre, tant que faire se peut, « Jeunesse en Transition » a calé son calendrier sur les séances plénières d' « Ile en transition », organisées à la mairie de l'Ile d'Yeu, afin de créer cohérence et résonance à l'échelle du territoire à travers des présentations et restitutions publiques. Les différentes valorisations menées tout au long du projet (articles de presse, émission de radio) ainsi que les actions concrètes menées à l'initiative des élèves (organisation d'une journée d'échange réparation et réemploi, mise à disposition de bacs à aromatiques dans l'espace public, conception d'un court-métrage de sensibilisation à l'érosion du trait de côte et diffusion au cinéma local), ont été pensées comme faisant partie du dispositif d'Ile en transition, et l'ensemble des membres du réseau ont été invités à participer à la journée de restitution (Tableau 4 : Un aperçu des actions publiques produites par les élèves).

Notre dispositif pédagogique, depuis la conception de l'enseignement, le montage financier, la communication, le choix des tuteurs de terrain, la réalisation des différentes étapes et la restitution, s'est pleinement enchevêtré dans un dispositif territorial. Cela participe à dépasser l'enfermement de l'EDD dans des actions factuelles menées à l'échelle des établissements, pour l'inscrire dans une dynamique de territoire. En ce sens, un tel dispositif contribue à construire une vision de l'enseignement des sciences comme une culture au service de la citoyenneté et de l'action (Lange, 2011 ; Roberts et Bybee, 2014). Notre scénario pédagogique a l'intérêt de suggérer que les pratiques scientifiques accueillent les questions posées par le reste de la société, et construit une vision de l'éducation scientifique, en prise avec la réalité, qui contribue à tisser des liens et des services à la communauté (Nolet, 2015 ; Partoune, 2020).

Un enseignement participatif

Un des enjeux de notre dispositif a été de cerner des problématiques d'enquête qui répondent à une demande sociale. C'est pourquoi le choix des thématiques d'enquête s'est prolongé par l'invention de scénarii de recherche-action, qui incluent une commande issue d'acteurs du territoire (voir Tableau 3 : les scénarii de recherche-action). L'intervention d'acteurs non enseignants, extérieurs au cadre scolaire, aux différentes étapes clés du projet participe d'une volonté de les intégrer au dispositif, de dissiper la frontière symbolique entre le dedans et le dehors, entre les encadrants et les acteurs du territoire, pour construire un enseignement citoyen des sciences. Cette stratégie s'inspire de celle dite de « l'îlot interdisciplinaire de rationalité » (Maingain et al., 2002 ; Fourez, 1997). « L'îlot » est en effet le résultat d'un travail où sont mises à contribution différentes disciplines et expertises en regard du problème étudié, du contexte et du projet d'équipe (Bader et al., 2013). Cette stratégie a joué un rôle essentiel, depuis la commande (présentée aux collégiens dès la première session, par quatre acteurs représentatifs de la sphère citoyenne et membre du dispositif Île en transition), à la collecte d'information et la restitution :

  • Élus : la présence et le soutien d'élus à différents moments phares du projet, par exemple, la présence de l'adjoint au maire et l'adjointe à la jeunesse lors de la restitution du projet en fin d'année scolaire, a été déterminante pour créer un contexte valorisant pour les élèves, de même qu'un cadre d'apprentissage de la citoyenneté.

-* Acteurs institutionnels : de nombreux acteurs institutionnels issus des différents services de la mairie (Patrimoine, Environnement, Urbanisme) se sont rendus disponibles dans et hors leur temps de travail. Ils ont mis à disposition des ressources précieuses (archives, maquettes, textes officiels, et cetera) et ont dirigé les élèves vers des personnes-ressources importantes pour la conduite des enquêtes. Par exemple, pour le groupe « Trait de côte », le service Urbanisme a fourni des cartes, le service Patrimoine a organisé une visite commentée des sentiers côtiers au sujet de l'érosion, et a permis de rencontrer un historien de l'île, dont la collection personnelle de photographies anciennes a donné aux élèves une vision de l'évolution des paysages insulaires sur quelques générations.

  • Société civile (associations, citoyens et autres) : différents acteurs du monde associatif et de la société civile ont participé à la valorisation et la diffusion du projet : c'est le cas de certains membres de la radio locale (Radio Neptune) et de la presse locale (la gazette, Ouest France, et cetera) qui ont communiqué autour de Jeunesse en Transition, [7]ce qui a participé à accorder de la visibilité et à valoriser le projet à l'échelle du territoire. Par ailleurs, d'autres personnes se sont mobilisées pour apporter de façon active leur connaissance et expertise du territoire, mais aussi leurs savoir-faire. Par exemple, des naturalistes et experts associatifs ont aidé à inventorier la biodiversité des friches (collaboration étroite avec le Collectif agricole et Terre Fertiles). Des citoyens militants impliqués dans la sauvegarde du patrimoine insulaire et son développement économique et social (telles l'association Yeu demain et la recyclerie associative le Container) ont apporté leur expertise concernant le réemploi et l'organisation de circuits courts. Une association islaise d'éducation à l'image (Oya Film) a participé à former un des groupes pour le montage et la réalisation d'un film de sensibilisation et sa diffusion au cinéma lors de la saison estivale.
  • Les membres de Dissonances : la conception, le pilotage et la mise en œuvre du dispositif ont été pris en charge par les différents membres de l'association Dissonances, qui a tenu une place essentielle dans l'animation d'espaces de régulation, dans la coordination entre les différents acteurs, ainsi que dans l'accompagnement des élèves, en amont, pendant et après le projet. Le collectif Dissonances comporte des individus aux compétences variées : des chercheurs en sciences sociales et environnementales, des enseignants, des animateurs et des artistes, qui mutualisent leurs approches entre apports théoriques et approches participatives, au travers du jeu, du débat, de différents outils issus de l'éducation populaire, des pédagogies alternatives, des pratiques scientifique et artistique.

Tableau 3. Les scénarii de recherche-action - Première session de travail

La collaboration avec ces différents acteurs donne à voir des pratiques et des compétences renouvelées par rapport à la forme scolaire, qui ont l'avantage d'importer dans la classe des savoirs et références variés et controversés, et qui réduisent la distance entre l'espace scolaire et la « vraie » vie. Y ont cours des mots, des notions, des problèmes, des règles qui justifient une partie des apprentissages scolaires et accroissent donc leur sens. Pour une même enquête, la rencontre avec une grande diversité d'acteurs (des élus, des militants associatifs, des agriculteurs, des naturalistes, des retraités, et cetera) constitue autant d'incursions, directes ou indirectes, dans des mondes sociaux, et aide à forger une culture générale et une éducation à la citoyenneté. Par ailleurs, l'ensemble des acteurs interagissant autour de l'enquête participe à dessiner une communauté d'enquête pour reprendre les termes de Hazard (2018), ce qui permet la construction et l'apprentissage de la coopération. Par exemple, la problématique des circuits courts requiert la construction de savoirs sur les modes de consommation sur l'île (enquête auprès de différents foyers), mais aussi sur les capacités de production agricole sur l'île (enquête auprès des agriculteurs) ainsi que sur l'accès au foncier (enquête auprès du service Urbanisme de la commune). Mais aussi des compétences opérationnelles - production des bacs en bois pour les aromatiques - et des compétences comportementales -négociation auprès de différents acteurs pour choisir l'emplacement du bac à aromatiques dans l'espace public.

Co-construire connaissance et action : regard sur les apprenants

Dans cette partie, nous nous intéressons davantage aux apprenants. Dans le champ des QSV, la construction-appropriation de connaissances nécessite de prendre en charge la question de l'engagement, de la responsabilité et de la participation, tout en maintenant l'exigence d'une recherche de la vérité par une confrontation au réel à travers différents points de vue disciplinaires. Notre dispositif relève d'une éducation contextualisée et située (Simonneaux et al., 2016). Nous chercherons à montrer de quelles manières il favorise une nouvelle façon d'envisager les sciences, en privilégiant un cadre de collectivisation du travail (participation) et une implication des élèves dans une approche interdisciplinaire. Les élèves sont considérés comme les acteurs principaux d'une recherche-action où ils doivent conjointement produire une connaissance (le diagnostic) et agir (cadre d'action).

Une démarche interdisciplinaire

Chacune des quatre thématiques abordées relève de l'« îlot interdisciplinaire de rationalité » tel que proposé par Fourez (1997) et introduit en EDD par Lange et Victor (2006), c'est-à-dire un savoir relatif à une situation précise dont la particularité est importante et pour lesquelles les savoirs disciplinaires standardisés conviennent mal. Il est relié explicitement à un contexte et à un projet, contrairement aux savoirs disciplinaires dont les contextes et projets d'origine sont généralement oubliés. Par exemple, la dynamique d'enfrichement à l'île d'Yeu s'insère dans un questionnement plus global autour du paysage qui est un exemple d'un « 'îlot interdisciplinaire de rationalité » (Julien et al., 2014). L'exploration du paysage a nécessité la construction de savoirs académiques liés à des disciplines de référence. Notamment le recours à la Géographie et à l'Écologie dans la compréhension des aménagements et des écosystèmes et la description de la biodiversité. D'autre part, les élèves ont interagi avec des savoirs profanes, portés par les souvenirs des habitants, pour évaluer la dynamique d'enfrichement et sa perception au cours du temps. Enfin, il a fallu interagir avec des savoirs opérationnels, pour comprendre la diversité des techniques de défrichage et leurs influences, ainsi que des savoirs expérientiels, pour cerner la singularité des friches selon les différentes zones de l'île. Un tel dispositif d'enquête permet que se construisent des savoirs qualifiés d'hybrides (Jollivet, 2001 ; Lange, 2018). Dans notre dispositif, le savoir qui se construit n'est pas découpé en disciplines, mais rapporté à un contexte et des projets concrets. Cette mobilisation pédagogique qui va au-delà des disciplines est qualifiée par certains de transdisciplinarité (Lenoir, 2003). Les compétences construites par les élèves, qu'elles soient psychomotrices, techniques ou langagières, dépassent le cadre scolaire. Par exemple : se repérer et se déplacer dans une friche, s'initier aux techniques de défrichage, adapter son discours en fonction de son interlocuteur.

Ainsi, les élèves n'ont pas l'impression que les cours sont uniquement destinés à les faire entrer dans le monde des scientifiques, mais plutôt qu'ils sont des ressources pour faciliter le décodage de leur monde à eux. Ainsi, les contenus scolaires se construisent en fonction des problématiques qui émergent et dans ce processus les savoirs de référence mobilisés font appel à un horizon large, diversifié et non établi a priori (Vergnolle Mainar, 2008). Le renversement dans les relations entre savoirs de référence et savoirs enseignés est particulièrement utile pour mener à bien des apprentissages en interdisciplinarité et participer à la construction d'une vision systémique, à même de penser un monde complexe. Au cours des débats menés avec les élèves, différentes interventions témoignent de la prise en considération de multiples dimensions du problème et de l'établissement de liens au service de la construction d'une vision systémique. Citons l'exemple d'un élève qui s'oppose à la mise en place d'un réseau de redistribution des composts ménagers ou de la ville au profit des terres agricoles, en évoquant que des traces de pesticides pourraient ainsi contaminer la production des paysans installés en agriculture biologique. Dans la prise en compte des interactions entre des éléments qui constituent un système, cet élève témoigne du développement d'une pensée systémique, par sa capacité à faire des liens entre des causes multiples et des effets pluriels. C'est la première étape du dépassement d'une vision réductionniste du monde (Curnier, 2017).

Implication (des apprenants)

Notre projet confronte les élèves à de « vrais » problèmes, qui ne sont pas des exercices scolaires, mais des problèmes à résoudre et des obstacles que le groupe doit surmonter pour arriver à ses fins. Les scénarii (Tableau 3) demandent aux élèves d'être à la fois chercheurs (voir Tableau 2 en annexe, phases 1 et 2 : il s'agit de produire des connaissances) et ingénieurs de projet (phases 3 et 4 : il convient d'agir en réaction à ce diagnostic). Le choix de relier les enquêtes à des scénarii pédagogiques incluants une commande issue d'acteurs du territoire (Tableau 3) a permis de connecter directement les recherches à un agir. En plaçant dès le début du dispositif l'expérience et le faire comme finalités du dispositif, les élèves apprentis chercheurs sont intégrés à une logique de recherche-action. Malgré des difficultés que nous évoquerons dans la discussion, en ancrant un tel dispositif à l'échelle locale, les jeunes sont reconnus comme faisant partie de la société et pouvant y apporter leur contribution (Carosin, 2013), ce qui permet de contribuer à créer un pouvoir d'agir. Outre les dimensions scientifiques des questionnements, les élèves sont en prise avec :

  • des dimensions économiques : l'action à réaliser a nécessité des moyens et des aides financières. Chaque groupe a été amené à défendre un budget devant un comité technique réuni en mairie, composé de cinq membres représentatifs du collectif d'acteurs impliqués : un élu (le maire adjoint), un acteur institutionnel (le chargé de mission au développement durable), un représentant de la société civile (membre du groupe Ile en transition), du monde associatif (la présidente d'une association impliquée dans la sauvegarde du patrimoine de l'Ile d'Yeu), de l'équipe enseignante (le principal du collège) (voir Annexe 2 : Un aperçu des budgets conçus et défendus par les élèves). Par la suite, chaque groupe a dû gérer un budget pour réaliser l'action, ce qui impose de se projeter avec rigueur dans la gestion du temps et des ressources allouées.
  • des dimensions politiques : en tant qu'ils participent activement à un projet collectif de territoire « Ile en transition », c'est une forme d'éducation à la citoyenneté. Les élèves ont été mis en situation de faire des choix, en priorisant certaines dimensions, afin de concevoir une action réalisable sur le territoire. Un élève choisit de placer un bac à aromatique dans la cour du cinéma : « Il y a pas beaucoup de soleil, mais au moins ça permet de toucher tout le monde, et les touristes aussi » (élève de 4ème, groupe de discussion réalisé à l'ile d'Yeu, lors de la session 7 en mars 2018).
  • des dimensions sociales. Par la médiation avec les différents acteurs du territoire, avec les partenaires du projet, ou avec son propre réseau de connaissances, les élèves sont mis en situation de prendre part au projet en tant qu'acteur social et pas seulement scolaire. Au travers du dispositif sont entraînées des pratiques sociales qui émergent par la mise en situation réelle. Citons l'exemple d'un élève, qui a pris l'initiative de solliciter dans ses réseaux personnels le prêt d'une imprimante 3D, et s'en est porté responsable lors de la journée de restitution publique des travaux.

Participation (des apprenants)

En tant que premiers concernés par le savoir créé et transmis, les élèves ont été amenés à être acteurs du dispositif pédagogique. Cela a supposé un positionnement singulier de la part des adultes qui ne se sont pas situés « face aux élèves », mais plutôt à leurs côtés, dans une posture d'accompagnement (rendre les connais­sances accessibles et compréhensibles) plutôt que de transmission (présenter et transmettre des savoirs). L'apprenant devient acteur, en tant qu'il a une prise sur le dispositif et sur lui-même.

Nous avons responsabilisé et motivé les élèves aux différentes phases, par un apprentissage de l'autonomie, de l'auto-organisation, ainsi que la possibilité de participer réellement aux décisions concernant le travail et l'organisation du projet. Ils ont pris part de manière active à la conception des groupes, à la sélection d'une thématique de leur choix parmi celles proposées, à la construction de la problématique, à la conduite de l'enquête (collecte des données), au choix et à la réalisation d'une action. Chaque groupe était suffisamment petit (cinq personnes) pour devenir le laboratoire idéal d'un apprentissage participatif collectif, permettant à chacun des membres de participer tout en créant une dynamique de groupe, autour d'un objectif commun. Ils ont par ailleurs été impliqués dans le processus d'évaluation, en mobilisant avec l'équipe enseignante différents critères d'évaluation, pour s'autoévaluer et se co-évaluer tout au long du dispositif (voir Annexe 3- Documents d'évaluation). Par ailleurs, nous avons cherché à prendre en compte leurs perceptions et leurs réalités. Par exemple, des formes de savoirs autres que les savoirs académiques favorisés en milieu scolaire ont été valorisées, ce qui a permis de rattraper des élèves en décrochage scolaire. Notamment, le passage par le cas concret rend plus accessible l'appropriation de certains savoirs. Prenons l'exemple d'un élève qui comprend sur quelle base épistémique fonctionne le raisonnement statistique, lors du dépouillement d'un questionnaire : « 15/50 c'est pareil que 30/100, ça veut dire qu'on prétend que sur les 50 personnes suivantes, 15 autres vont dire la même chose », (élève de 4ème, observation participante au collège de l'ile d'Yeu, lors de la session 4 en décembre 2017).

Le recours à des outils de coopération et d'intelligence collective (voir Tableau 5) a permis aux jeunes de renforcer la construction de compétences psycho-sociales et de compétences essentielles en matière de durabilité (anticipation, stratégie, analyse systémique). Ils ont développé l'écoute, la prise de conscience de leurs propres valeurs et émotions, le compromis, la prise d'initiative, la négociation, la prise de décision. Citons l'exemple d'une élève du groupe circuit-court, qui a pris conscience des enjeux liés au foncier, en partant de sa pratique de loisir : le cheval. Elle a pointé une tension entre l'usage des terres à destination du maraichage et l'usage des terres à des fins de pâturages pour les chevaux. Ici, l'expérience de l'élève entendue comme « un contact direct et fréquent avec les phénomènes et acteurs du milieu d'appartenance » est centrale. La prise de conscience des enjeux du territoire, de ses ressources, de ses spécificités, peut faire ressentir aux élèves l'impression de continuité avec le passé (Chapman, 1993) et du territoire en tant que lieu de vie (Girault et Barthes, 2014). L'implication des élèves dans la conception et la réalisation d'une action qui s'inscrit durablement dans le territoire, comme l'installation des bacs à herbes aromatiques dans des lieux publics, participe à faire converger histoire personnelle et vécu scolaire, ce qui contribue à ce que l'adolescent se pense et se pose comme « acteur » de son histoire et de son futur (Loisy et Carosin, 2017).

Discussion

Nous défendons l'idée que pour faire face aux enjeux actuels, il s'agit de produire une connaissance à même de prendre en charge la complexité des systèmes socio-écologiques, et qui soit démocratique et qui réponde aux enjeux sociétaux. Pour la clarté du propos, nous avons présenté de façon distincte ce qui se joue du côté des pédagogues (transmission des savoirs en situation d'incertitude et de complexité) et du côté des apprenants (co-construction de savoirs et d'action). Il va de soi cependant que cette séparation est à certains égards artificielle, la réalité étant plus complexe avec des processus imbriqués et indissociables. C'est le cas par exemple de la question de l'évaluation, pour laquelle les apprenants sont impliqués activement et participent au dispositif d'enseignement au côté des pédagogues. Ou encore le choix de l'action finale qui pour certains groupes, a nécessité un étayage important de la part des enseignants, afin d'arriver à une action cohérente et réalisable dans le temps imparti. Dans cette dernière partie, nous ferons émerger quels sont les principaux points de vigilance et les leviers d'action possible qui se posent du côté des pédagogues comme des apprenants, afin qu'un tel dispositif puisse répondre aux enjeux scientifiques et pédagogiques.

Des difficultés matérielles et épistémiques soulevées par notre dispositif en contexte scolaire

De nombreux travaux ont déjà montré les difficultés d'une démarche éducative interdisciplinaire, notamment dans le contexte d'une éducation dans le secondaire, basée sur l'enseignement disciplinaire (Baluteau, 2005 ; Jeziorski et Ludwig-Legardez, 2013 ; Martinand, 2008 ; Summers et al., 2005). Dans le contexte récent de la réforme du collège, censée faciliter l'ouverture à l'interdisciplinarité et la pédagogie de projet, notre expérimentation montre que ces dispositifs se heurtent encore aux mêmes obstacles que précédemment.

Premièrement, nous relevons des difficultés d'ordre matériel. L'ensemble des acteurs du dispositif témoigne d'un manque de temps. La difficulté à mettre en place des temps réels de coanimation, à dégager des créneaux destinés à la concertation au sein de l'équipe, rend difficile le fonctionnement quotidien inhérent à un tel dispositif, ainsi qu'à sa survie sur le long terme. Les interventions de Dissonances regroupées sur des temps exceptionnels une semaine par mois, et non toutes les semaines, se sont heurtées à la difficulté d'assurer une continuité dans les apprentissages des élèves et dans le maintien d'une dynamique de groupe entre l'équipe pédagogique et les différents acteurs. Tout cela renvoie à la fois à la rigidité des emplois du temps scolaires (difficulté à trouver des créneaux dans les emplois du temps), aux contraintes temporelles auxquelles sont soumis les enseignants (appréhension des enseignants à ne pas clore le programme), mais aussi à un manque de reconnaissance de la part de l'institution (pas de réel budget alloué à la mise en œuvre et à la coordination d'un tel dispositif et manque de valorisation, difficulté des élèves à intégrer l'importance d'un tel projet dans le cursus scolaire). Nous soulignons l'importance de pouvoir disposer d'un budget exceptionnel. Le projet Jeunesse en Transition a été rendu possible par la recherche et l'obtention de financements extérieurs (Projet Européen Leader + : environ 8000€ par an), de soutien financier et en nature par la mairie (mise à disposition logements, prêts de vélos, et cetera) et de différentes formes de bénévolats, ce qui a permis l'intervention d'un collectif extérieur à l'équipe enseignante, sans lequel l'ampleur d'un tel projet n'aurait pas été si ambitieuse.

D'une part, le collectif Dissonances a augmenté la capacité d'encadrement des élèves, ce qui a permis le travail d'enquête en petits groupes et sur le terrain, à travers par exemple des entretiens auprès d'acteurs du territoire en situation. Sans l'intervention d'encadrants extérieurs, cela n'aurait pas été possible, puisque le cadre institutionnel requiert la présence d'un enseignant référant par groupe d'élèves mineurs sur le terrain. D'autre part, le collectif Dissonances a pleinement pris en charge la coordination entre les différents acteurs du projet : aussi bien entre les membres de l'équipe enseignante, mais aussi entre le collège et l'extérieur. Par exemple, il a fallu animer des temps de concertation et de coordination entre les différents enseignants, anticiper les rendez-vous avec les acteurs ressources du territoire d'une session à l'autre, mais aussi anticiper la réservation de matériels et de salles avec la mairie pour les différents temps de restitution (salle du conseil municipal pour la présentation des projets, la salle municipale pour l'événement de fin d'année, et cetera). Malgré ce dispositif exceptionnel, et en raison des contraintes évoquées précédemment, il a été difficile de mettre en place une véritable dynamique de coordination réciproque (aller-retour entre les différents acteurs) avec intervention et implication des acteurs du projet, permettant d'accompagner l'évolution du projet, aux différentes étapes. C'est davantage le collectif Dissonances, qui a pris en charge la coordination de l'ensemble, sous une forme simple et unidirectionnelle, à travers l'animation de temps de rencontre et de mise à disposition de façon séquentielle des informations aux différents acteurs.

Deuxièmement, nous relevons des obstacles de nature épistémique. Du point de vue des pédagogues, l'enseignement des QSV et son caractère fondamentalement interdisciplinaire déstabilise un enseignant habitué à des logiques disciplinaires scolaires cloisonnées (Tutiaux-Guillon, 2009). Dans le second degré, le corps enseignant n'est pas véritablement formé à l'interdisciplinarité et encore moins à la transdisciplinarité, qui peut être entendue comme l'intégration de savoirs non scientifiques dans le processus de recherche (Flipo, 2017). En outre, les nombreuses prescriptions institutionnelles en matière d'EDD (les différentes circulaires du ministère français de l'Éducation nationale 2001, 2004, 2007, 2015, 2019) restent d'ordre général, ce qui pour les enseignants, rend la mise en place de stratégies éducatives particulièrement difficile (Jeziorski et Legardez, 2014). La majorité des projets s'envisage plutôt de façon pluridisciplinaire, comprise comme une approche plurielle d'une question dans laquelle chaque discipline conserve sa spécificité (Flipo, 2017), il s'agit donc plutôt d'une juxtaposition des complémentarités de chaque discipline. Or face aux QSV, la recherche de solutions nécessite de sortir des paradigmes disciplinaires et de faire appel à des savoirs autres que scientifiques. Les paradigmes disciplinaires doivent être conçus comme des outils permettant de construire une réponse à une problématique qui dépasse le champ de chaque discipline (François et Letawe, 2019). De plus, le travail en interdisciplinarité, voire en transdisciplinarité, comme le suggère Hainaut (1986), ainsi que le travail d'enquête, requièrent de nouvelles manières d'acquérir du savoir et s'accompagnent de ruptures épistémologiques importantes, qui nécessitent de repenser en profondeur les modalités d'articulation entre savoirs académiques et autres types de savoirs, entre sciences et société (Bonny, 2014). Or, nos échanges avec les enseignants ont confirmé la difficulté à assumer l'enseignement et la construction de savoirs en dehors de sa discipline de référence (François et Letawe, 2019), mais aussi à interagir avec une pluralité de registres de savoirs à l'œuvre, comme les savoirs d'expérience issus des acteurs du territoire. Par exemple, lors de la conduite de débat, notre expérimentation a permis de mettre au jour des difficultés à problématiser chez les enseignants, au sens de prendre en charge des problèmes ouverts sans les refermer d'entrée de jeu. Selon la question posée et la discipline d'expertise, les tensions vécues par les enseignants révèlent des conflits. Ces conflits peuvent s'interpréter à la fois comme des conflits de rationalité d'un point de vue épistémologique, mais aussi comme des conflits de posture du point de vue des pratiques scolaires, qui ont tendance à valoriser essentiellement les savoirs académiques. En nous inspirant de la grille d'analyse des postures enseignantes adoptées lors des débats sur des questions socialement vives (Pannisal et al., 2016), nous avons identifié la coexistence de deux postures. Certains enseignants, plutôt novices, cherchent à obtenir des réponses prédéfinies, apportent des informations en faisant recours aux savoirs de leurs disciplines, reprennent la parole après chaque intervention d'élèves, au risque de freiner tout échange et toute co-construction des savoirs entre les apprenants (Jeziorski et Legardez, 2014). C'est une posture que l'on peut qualifier de transmissive (Pannisal et al., 2016) qui consiste à transmettre de façon unilatérale des savoirs considérés comme vrais et figés. À l'opposé, dans certaines situations où l'enseignant ne se sent pas légitime par rapport aux enjeux de savoirs véhiculés ou chez des enseignants experts, on remarque une plus grande capacité à aider les élèves à expliciter le problème, à faire le point, à accueillir des propositions d'actions émanant d'élèves. Cela participe d'une posture à visée transformatrice critique qui considère que le savoir est co-construit dans un contexte donné.

Du point de vue des élèves, notre dispositif offre un cadre qui permet d'envisager les sciences et leurs apprentissages en société (Albe et Orange, 2010), et donne à voir que sciences, écoles et sociétés se co-construisent dans une même dynamique. Dans notre expérimentation, les apprenants, aux différentes étapes, ont été mis en situation d'appréhender les sciences comme des pratiques dans des lieux divers et non pas de chercher à cerner une essence ou une nature de la science. Par exemple, des élèves ont utilisé la méthode des transects et quadras, protocoles utilisés en écologie, pour évaluer la nature quantitative et qualitative des déchets sur les plages. Cependant l'observation d'un élève en train de rajouter volontairement des déchets dans des quadras vides illustre la difficulté qu'il y a à s'extraire des pratiques scolaires. C'est « histoire d'avoir des bons résultats » -le bon résultat étant à ses dires, le quadra qui dénombre le plus de déchets, et non celui qui se rapproche le plus de la réalité. Cette anecdote suggère une difficulté à appréhender l'utilité sociale d'une pratique scolaire, ainsi que d'un positionnement et d'une posture épistémologique relevant d'un « conflit de savoirs » au détriment de l'interaction, et de l'intégration des savoirs. Il demeure une réelle difficulté à articuler pratiques scolaires et extrascolaires, et à envisager les apprentissages scientifiques et scolaires dans la société.

Former à penser et agir : quelles tensions ?

« Quand même c'est un peu léger niveau contenu… tout ça pour ça ». Cette intervention d'un enseignant lors de la restitution publique illustre cette difficulté à prendre en charge des problèmes flous au sens de Fabre (2014). Un enseignant novice face aux QSV a tendance à analyser le problème en fonction de sa compréhension plus complexe de la situation en tant qu'adulte, et surtout au regard de sa discipline et des attendus qu'il peut avoir des élèves dans le cadre scolaire général. Par ailleurs, cette remarque illustre un des dilemmes classiques occasionnés par la démarche de projet que l'on a retrouvé dans notre dispositif : il y a une tension entre réussir et comprendre, entre la recherche de résultats (acquisition de compétences, réalisation d'une action) et l'exploration d'un processus, d'une démarche pour y arriver. Cela génère une négociation permanente entre le projet d'action et le projet de formation qui est le résultat d'un exercice acrobatique d'équilibre entre différentes logiques au sein de l'ensemble du collectif. La difficulté a été de trouver, dans une posture socio-constructiviste, le degré de liberté accordé aux élèves : depuis la problématisation, l'enquête, le choix de l'action, sa réalisation. L'action est un moyen de provoquer des situations d'apprentissage et de confronter les élèves à des obstacles. Mais si l'action devient une fin en soi, sa réussite est un enjeu fort, et tous les acteurs du collectif, sont tentés de viser l'efficacité parfois au détriment des occasions d'apprendre. Comme dans toute pédagogie de projet (Bordallo et Ginestet, 2006), il y a eu des tensions entre :

  • une dérive productiviste : l'action à réaliser prend le pas sur les apprentissages visés,
  • une dérive techniciste : la planification est excessive et l'élève se retrouve l'exécutant d'un projet entièrement conçu par le collectif d'encadrants, qui peut être complètement vidé de son sens, au nom de l'efficacité pédagogique,
  • une dérive spontanéiste : le projet s'invente au fur et à mesure sans objectifs clairement définis au départ, sous prétexte de libertés et d'initiatives.

Choisir est donc indispensable et il a été nécessaire de construire des compromis au sein du collectif hybride. Ces compromis se sont construits en amont du dispositif, par le biais de concertations entre l'équipe enseignante et les acteurs du territoire. C'est notamment ce qui a permis de sélectionner des thématiques qui répondent à la fois à une demande sociale de territoire et aux exigences institutionnelles portées par les programmes scolaires. Mais ces compromis ont dû se renouveler tout au long du dispositif, concernant les objectifs d'apprentissage. C'est le cas notamment de la construction de la problématique, qui a été le fruit de réajustements permanents au sein de l'équipe encadrante, oscillant entre une volonté de laisser les élèves acteurs de l'ensemble de la démarche et la nécessité de les guider vers des situations d'apprentissage efficientes.

Du point de vue des élèves, faire le lien entre les connaissances produites au cours des cinq premières sessions sur des problématiques socio-écologiques (voir Tableau 1 en annexe) et la conception d'une action sur le territoire (enjeu de la session 6) a posé de sérieuses difficultés. En effet, repérer les facteurs à l'origine d'une situation donnée ne suffit pas toujours à identifier des leviers d'action pertinents et accessibles, qui peuvent faire appel à d'autres savoirs implicites qui n'ont pas nécessairement émergé au cours de l'enquête. Par ailleurs, à plusieurs reprises, les élèves ont exprimé un sentiment d'impuissance à l'échelle globale, ainsi qu'un manque d'autorité face aux adultes et aux politiques. Ceci renvoie à une forme de désenchantement ou de lucidité des profanes face aux mondes politique et scientifique (Simonneaux, 2011 ; Barbier, 2005). Les types d'action envisagés par les élèves ont peu évolué entre le début et la fin de l'enquête. Mais ce manque d'inventivité est compensé par une montée en pertinence, en précision et créativité dans leur mise en œuvre. Par exemple, pour le groupe « circuit-court », la conception technique des bacs et le choix des plantes ont été approfondis au grès des conseils de menuisiers, de jardiniers, du chef des travaux du collège, des parents, et cetera. Pour le groupe « trait de côte », la recherche d'un partenaire pour le montage et la réalisation du film a permis d'aiguiser l'écriture du scénario documentaire. Pour le groupe « déchet et réemploi », le contenu de l'événement de clôture a largement évolué en nombre d'ateliers et dans la nature des activités proposées.

Un besoin d'ingénierie sociale

Le besoin de choisir collectivement pour répondre aux attentes et besoins des différents acteurs (élèves, équipe éducative, parents, partenaires du projet, et cetera) renvoie à l'importance de communiquer et d'avoir recours à des outils d'ingénierie et de médiation sociale. Un enseignement interdisciplinaire, impliqué et participatif, requiert une capacité à s'extraire des conflits interpersonnels au service des conflits socio-cognitifs, une capacité à créer et à s'emparer d'espaces de dialogue entre des acteurs différents, et une capacité à négocier pour construire des consensus. Pour engager les élèves dans un tel processus, notre dispositif s'est attaché à cultiver leurs habiletés sociales à travers l'utilisation de différents outils d'ingénierie sociale (Tableau 5 : Outils favorisant l'engagement et la participation des élèves). Citons le recours à des outils de coopération, inspirés des mouvements d'éducation populaire, qui permettent de faire interagir valeurs, individus et savoirs pour s'affranchir des formes de domination dans les travaux de groupe. Citons aussi le recours à des échauffements issus de pratiques artistiques qui permettent de développer et valoriser l'importance du ressenti et de la capacité à communiquer ses émotions. En revanche, les enjeux de médiation n'ont pas suffisamment pris en compte la dimension des pédagogues et une telle ingénierie sociale n'a pu être mise en place en profondeur avec l'ensemble des acteurs, lors de la conception et le pilotage du dispositif. Dans une perspective d'implication et de participation de chacun, on peut regretter ce manque d'accompagnement à la coopération par les animateurs et les chercheurs, ce qui n'a pu empêcher l'émergence de jeux relationnels au sein du collectif et entre l'association Dissonances, l'équipe enseignante, les élus, et les acteurs associatifs. Ceci a rigidifié les rapports entre les différents pôles du projet : enseignement -animation-observation. Certains acteurs se sont retrouvés confrontés à des logiques de négociations, des problèmes d'imposition hiérarchique de points de vue, ou des conflits interindividuels.

Construction d'une pensée critique

Un tel dispositif nécessite d'accepter que le savoir à transmettre (contenu) et le chemin pour y arriver (contenant) ne sont ni stables ni connus d'avance. Les problématiques renvoient à des questions qui sont empreintes d'incertitudes dans les savoirs de référence et dans leurs implications sociales et dont les réponses nécessitent de prendre en compte des savoirs non stabilisés et d'origines variées et supposent des réarrangements continuels (Simonneaux, 2019). Dans notre expérimentation, pédagogues et apprenants se mettent en recherche. À certains égards, cela les place sur un pied d'égalité tel que Rancière le défend dans Le maître ignorant ... (2014), et permet de s'extraire de la pédagogie ordinaire qui cultive a priori une inégalité des intelligences entre le maître explicateur et l'élève. D'autre part, cela participe à dessiner les contours d'une science démocratique, au sens de Dewey qui associe la démocratie à une citoyenneté active et aux démarches d'enquêtes engagées par les citoyens à propos des problèmes qu'ils rencontrent, dans une perspective pragmatique (Dewey, 2010 ; Zask, 2008). Ici précisément, l'enquête amène à interagir avec des acteurs différents, des points de vue et des résultats d'enquête divergents. Par exemple, concernant la prévention de l'enfrichement, les avis divergent selon que la personne interrogée soit un agriculteur, un naturaliste, un représentant du service urbanisme de la mairie, un habitant de la zone, un simple usager, ou un géographe. Les élèves ont tendance à adhérer au premier point de vue énoncé. Puis en découvrant un élément de controverse, ils penchent en faveur du second point de vue. Ce n'est qu'au fil des entretiens, que les élèves s'approprient l'idée de controverse et d'une pluralité de point de vue. Si certains peuvent se décourager sur l'analyse d'un problème « insolvable », dans l'ensemble cette confrontation de points de vue et de registres de savoirs distincts amène à construire une approche sceptique critique, aussi bien au sein du collectif d'apprenants que d'enseignants. C'est une des postures épistémologiques qui apparaît incontournable dans l'EDD (Simonneaux, 2011) pour prendre en charge les incertitudes et les controverses qui marquent notre société, qu'elles soient d'ordre environnemental, économique ou social. Cette posture vise à privilégier la formation des citoyens et la pensée critique et donne à voir une autre pratique de la science que la science moderne qui exclut tout raisonnement social, moral ou éthique.

Notre dispositif, en prise avec les dynamiques économiques, politiques et culturelles, participe à construire une autre vision de la science, que certains qualifient de science post-normale (Funtowicz et Ravetz, 1993). Cette nouvelle manière d'appréhender les sciences suggère de s'extraire d'une vision positiviste et d'engager un nouveau registre éducatif : une éducation contextualisée et située, à même de prendre en compte la complexité et de l'incertitude (Simonneaux et al., 2016). L'enjeu d'une telle expérimentation est de rendre visibles les valeurs sous-jacentes des sciences et des individus, de discuter de leurs conditions d'application et d'engager les élèves à exercer une citoyenneté scientifique et politique qui allie analyse critique des situations et réflexivité sur son propre rapport aux savoirs et à l'action. En ce sens, nous défendons l'idée que l'éducation aux sciences doit contribuer à une éducation au politique (Slimani, 2021). Pour cela, il est important de créer des espaces et des temps réflexifs pour interroger les outils, les concepts et les catégories utilisés et poser le problème des implicites dont ils sont porteurs, à la fois pour les apprenants, mais aussi pour les enseignants. Ces derniers gagneront à devenir conscients de leurs propres valeurs, pour ne pas en être prisonnier, ne pas les imposer à leur insu, et mieux comprendre celles des élèves auxquels ils s'adressent selon Forissier (2003). Du côté des apprenants, cela a été pris en charge par différentes modalités didactiques et pédagogiques telles que les débats argumentés ou les jeux de rôles au cours desquels les élèves sont amenés à expliciter les priorités sous-jacentes aux différentes prises de position. Cela permet de faire émerger les valeurs et les représentations qui sous-tendent une prise de décision. En revanche, on peut regretter dans notre expérimentation l'absence de mise en œuvre de réels espaces de réflexivité du côté des enseignants face à un tel dispositif. Des tensions sont apparues relatives au degré d'autonomie à laisser aux élèves, avec des difficultés à trouver un accord commun entre libertés et contraintes. Cela renvoie plus généralement à la question de la formation des enseignants, qui face aux QSV et aux « éducations à », gagneront à être mieux armés en formation initiale et continue, pour s'approprier ces nouvelles pratiques didactiques (Lange et Victor, 2011).

Remerciements

Cette étude a reposé sur un travail collectif au sein du territoire et a bénéficié de l'aide du programme européen LEADER + et de la commune de l'Ile d'Yeu. Nous tenons à remercier l'ensemble de l'équipe du collège les Sicardières, les élèves qui ont participé au dispositif, les élus de l'équipe municipale qui ont soutenu le projet Yeu 2030, l'ensemble du collectif Ile en Transition dont Samuel Legoff chargé de mission « Transition énergétique » ainsi que la commission « Éducation, Sensibilisation, Formation », les tuteurs de terrain Élodie Decharette, Mathilde Barré, Cristi Cohen. Nous remercions aussi les services municipaux : le service patrimoine, le service environnement, le service urbanisme et les archives de la municipalité, le Centre Communal d'Action Sociale, la maison de retraite, l'office de tourisme. Différentes associations nous ont apporté leur soutien et expertise du territoire : le collectif agricole dont le projet Terre fertile, Yeu demain, Oya Film et le Container. Nous remercions chaleureusement l'ensemble des personnes qui ont été mobilisées lors des enquêtes. Enfin, nous dédions ce travail à Freddy Tarraud, qui nous a quittés, marin pêcheur islais à bord du Pluton.

Bibliographie

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[1] Établissement scolaire français du secondaire, comprenant 4 niveaux d'enseignement (de la 6e à la 3e) avant le lycée.

[2] Arrêté du 19 mai 2015 relatif à l'organisation des enseignements dans les classes de collège

[3] Le label départemental Génération Éco-Responsable récompense les établissements scolaires vendéens qui mettent en place des actions concrètes de préservation l'environnement en lien avec le développement durable.

[4] Circulaire n° 2015-106 du 30-6-2015, voir site internet du ministère français de l'Éducation [en ligne] URL : https://www.education.gouv.fr/bo/15/Hebdo27/MENE1515506C.htm?cid_bo=90913

[5] Circulaire n° 2015-018 du 4-2-2015

[6] Le projet a bénéficié du soutien du programme européen LEADER « Liaison Entre Action de Développement de l'Economie Rurale ». C'est un programme qui vise à soutenir le développement des territoires ruraux porteurs d'une stratégie locale de développement.

[7] Un aperçu des actions publiques produites par les élèves disponible sur le site [en ligne] URL : https://association-dissonances.org/jeunesse-en-transition/


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La participation de l'industrie informatique à l'empreinte écologique des humains (CO2, terres rares, biodiversité, eau...) est aujourd'hui mesurée, même si ces mesures peinent à être précises. L'empreinte du numérique se répartit d'une part entre la fabrication, l'utilisation et le recyclage, et d'autre part entre les terminaux, les serveurs et le réseau. Des controverses existent sur la prédominance de chacun de ces postes, mais un consensus se dégage sur la nécessité de considérer la croissance exponentielle du numérique comme problématique.

Le numérique se pose en un double cas limite :

  • Il est d'emblée dans le champ du high-tech ; il n'y a pas de d'informatique low-tech.
  • Il revêt un caractère holistique ; toutes les autres technologies humaines dépendent aujourd'hui du numérique.

On ne peut donc pas envisager d'informatique low-tech et on peut difficilement imaginer un monde sans numérique. En revanche on peut envisager d'agir sur l'informatique que l'on privilégie : de plus en plus puissante et génératrice de nouveaux besoins, ou au contraire plus modeste et moins invasive.

Un articlede Stéphane Crozat repris de son site en prolongement du webinaire de Riposte Créative Pédagogique " Librecours et numérique lowtech ", une publication sous licence CC by sa.

Définition de la low-technicisation (invention, innovation, convivialité, soutenabilité, problématique)

Low-technicisation

La low-technicisation est un processus consistant à rediriger l'invention et l'innovation pour négocier le spectre fonctionnel et la complexité technique des objets afin de créer des outils plus soutenables et plus conviviaux.

Low-technicisation et numérique

  • La low-technicisation du numérique : re-concevoir les applications informatiques elles-mêmes afin de produire des outils informatiques plus soutenables et plus conviviaux.
  • La low-technicisation par le numérique : re-concevoir des applications informatiques en vue d'accompagner la production d'objets ou de services (numériques ou non) plus soutenables et plus conviviaux.

Section réalisée à partir de la présentation de Hugues Choplin, « Un ingénieur low-tech est-il possible ? (lownum.fr, 2022) ; les variations n'engagent que moi.

Questionner la création technique high-tech

"« Penser l'écologie, c'est (...) nécessairement penser la technique »"

(D. Bourg et A. Fragnière, 2014)

On propose de définir ainsi le processus de création moderne (high-tech) :

  • il repose sur les notions d'invention et d'innovation
  • il repose sur les idées (voir les idéaux) de progrès et de croissance

Définition : Invention

L'invention

  • a pour objet la production de nouveaux possibles techniques par la maîtrise des phénomènes naturels,
  • elle est associée à l'idée de progrès
  • elle tend à une domination de la nature par l'humain via la technique.

Nouvelles prises des humains sur la nature via la technique

On peut définir formellement via le droit une invention comme quelque chose qui peut-être protégé par un brevet.

  • "« être une solution technique à un problème technique »"
  • "« comporter un caractère novateur »"
  • "« impliquer une activité inventive »"
  • "« être susceptible d'application industrielle. »"

https://www.economie.gouv.fr/entreprises/depot-brevet-inpi

Définition : Progrès

"« Ce mot, qui signifie "marche en avant", désigne de façon toute spéciale, dans le langage philosophique, la marche du genre humain vers la perfection, vers son bonheur. (…) L'humanité est perfectible et elle va incessamment du moins bien au mieux, de l'ignorance à la science, de la barbarie à la civilisation. »"

Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle (1866-1876)

  • Héritage des lumières et du positivisme d'Auguste Comte
  • Association, voire assimilation
    • du bonheur et du progrès,
    • et du progrès et de la science.

Définition : Innovation

L'innovation

  • a pour objet la production de nouveaux modes de vie par le développement de l'usage d'objets techniques,
  • elle est associée à l'idée de croissance,
  • elle tend à une aliénation de l'humain par la technique.

Nouvelles prises des humains sur la humains via la technique

  • Ingénierie : exploitation de nouvelles idées (donc des inventions) pour en faire des biens et des services commercialisables
  • Philosophie : élan vital (Bergson) ; volonté de puissance (Nietzsche)
  • Économie : figure de l'entrepreneur (Schumpeter)

Définition : Croissance

"« La croissance économique désigne la variation positive de la production de biens et de services dans une économie sur une période donnée, généralement une longue période. En pratique, l'indicateur le plus utilisé pour la mesurer est le produit intérieur brut (PIB). »"

Wikipédia

  • Associé à la croyance que l'augmentation de la consommation d'objets est un indicateur de bonheur.

Définitions de la low-tech : négocier les fonctions et la complexité de la technique

Aliénation de l'homme et domination de la nature

Deux critiques à la fois solidaires et (presque) contradictoires.

  • critique de la technique comme instrument de domination par l'homme de la nature (M. Heidegger, 1953)
  • critique de la technique comme système autonome aliénant l'homme (J. Ellul, 1989)
  • Lutter contre ces deux tendances
  • redonner du pouvoir aux humains sur la technique
  • rendre les objets plus durables donc redonner de l'importance à la nature sur la technique et sur les humains

Définition : low-tech (Low-tech Lab)

  • 1 durables
  • 2 utiles
  • 3 accessibles

(cf. Low-tech Lab)

"« les low-techs ont comme caractéristique d'être appropriables à l'échelle locale et individuelle [« accessibles »], d'être sobres en ressources et en énergie [« durables »] (...), accompagnant une réforme plus large des modes de vie [« utiles »]. »"

"« une voiture high-tech écologique (...) serait électrique, avec batteries rechargeables, reliée à une centrale nucléaire pour permettre aux populations aisées d'aller en week-end à Deauville ; une voiture low-tech serait de son côté bridée à 90 km/h, composée d'éléments facilement réparables et remplaçables, consommant le minimum possible, pour cela d'un poids réduit (...), en système d'auto-partage convivial (...) dans un monde où les flux et les mobilités seraient réduits. »"

(C. Abrassart et al., 2020)

Risques de la pensée low-tech

1. défendre un anthropocentrisme naïf : peut-on être à la fois écologiste (non anthropocentré) et humaniste ?

2. promouvoir une Nature sacrée (cf. le mythe de la « nature sauvage », W. Cronon, 1995)

Exigences de la pensée low-tech

1. ni instrument neutre, ni système autonome inhumain : penser le mélange homme/technique (B. Latour, 1990)

2. accepter la pensée complexe

État de l'Art

Cf Ademe (TODO)
Terminologies alternatives proposées

  • Basse-technologie
  • Technologies modestes

Rediriger les processus d'invention et d'innovation vers la soutenabilité et la convivialité

  • Redonner du pouvoir aux humains et de la place à la nature.
  • favoriser des innovations et inventions qui servent la redirection écologique.

Définition : Redirection écologique
Monnin)

"« La redirection écologique est un cadre, à la fois conceptuel et opérationnel, destiné à faire tenir les organisations publiques et privées, ainsi que les infrastructures et instruments de gestion qui les soutiennent dans les limites planétaires. Il s'inspire du concept de « redirection » de Tony Fry, chercheur et designer australien. La redirection a pour ambition de clarifier l'adresse stratégique, les prises techniques et méthodologiques ainsi que les processus politiques et démocratiques permettant de mettre en place une transformation écologique de nos modes de subsistance. »"

https://www.horizonspublics.fr/environnement/quest-ce-que-la-redirection-ecologique

Définition : Soutenabilité

  • hypothèse qu'il y a un problème (non soutenabilité)
  • ensemble des critères environnementaux permettant de l'évaluer (cf TBC / GIEC / Ademe)

Pour l'air, on retient cinq indicateurs :

  • contribution à l'effet de serre ;
  • acidification de l'air ;
  • formation d'ozone troposphérique ;
  • appauvrissement de la couche d'ozone ;
  • particules et effets respiratoires des substances inorganiques.

Pour l'eau, on en retient quatre :

  • eutrophisation des eaux douces ;
  • écotoxicité aquatique ;
  • eutrophisation des eaux marines ;
  • consommation d'eau (indicateur de flux).

Pour les ressources des sols et la santé humaine, on utilise les quatre indicateurs suivants :

  • consommation d'énergie primaire (indicateur de flux) ;
  • épuisement des ressources non renouvelables ;
  • toxicité humaine ;
  • occupation des sols.

https://expertises.ademe.fr/economie-circulaire/consommer-autrement/elements-contexte/impacts-environnementaux

Définition : Convivialité

"« Une société conviviale est une société qui donne à l'homme la possibilité d'exercer l'action la plus autonome et la plus créative, à l'aide d'outils moins contrôlables par autrui. »"

"« L'outil est convivial dans la mesure où chacun peut l'utiliser, sans difficulté, aussi souvent ou aussi rarement qu'il le désire, à des fins qu'il détermine lui-même. »"

"« L'outil juste répond à trois exigences : il est générateur d'efficience sans dégrader l'autonomie personnelle, il ne suscite ni esclaves ni maîtres, il élargit le rayon d'action personnel. »"

"« Une société équipée du roulement à billes et qui irait au rythme de l'homme serait incomparablement plus efficace que toutes les sociétés rugueuses du passé, et incomparablement plus autonome que toutes les sociétés programmées du présent »".

(Illich, 1973)

Pari de la redirection du rapport à l'invention et à l'innovation

  • produire des objets plus durables...
  • remettre en cause les modes de vie mal soutenables...

Exemple de mode de pensée moderne auxquels la low-technicisation s'oppose
Tensions

"« “Si mon produit est acheté, c'est qu'il est utile et qu'il a donc le droit d'exister” »"

"« Ici, l'argument qui nous a été opposé est donc le suivant : en tant qu'entrepreneur, je réponds à un besoin. La preuve, mon produit est acheté par des clients donc cela suffit à valider son existence. »"

https://www.sinonvirgule.fr

  • L'innovation n'est pas uniquement un processus économique, mais est soumise à des orientations politiques (collectives).

Tensions

Tension transition versus redirection

  • La low-technicisation reste pleinement installée dans le champ du technique...
  • et elle travaille avec les mêmes concepts d'innovation et d'invention.

Tension augmentation versus réduction pouvoir humain

  • La low-technicisation vise à redonner du pouvoir à l'humain (sur la technique)...
  • et à lui retirer du pouvoir (sur la nature).

Problématique et hypothèses

Est-il possible d'articuler des approches orientées low-technicisation avec les métiers de l'ingénierie ?

Complément
On prendra ici une définition large de l'ingénieur comme toute personne dont le métier est de concevoir et/ou réaliser des objets et services :

  • L'ingénieur est en prise avec la technique.
  • L'ingénieur est en prise avec l'industrie
  • C'est une activité professionnelle.

Hypothèses

1 Complémentarité high-tech et low-technicisation :
on ne devrait pas miser exclusivement sur les high-tech pour résoudre les problèmes environnementaux.

2 Réflexivité sur la technique :

    • L'humain est un être technique, les techniques agissent sur lui ;
    • l'humain peut agir sur la direction technique, des choix individuels et collectifs sont possibles.

Hypothèse de complémentarité

1 L'ingénieur contemporain est « orienté high-tech » ; une approche de low-technicisation est complémentaire (et nécessaire pour équilibrer la balance).

2 Les démarches d'ingénierie soutenable dominantes sont plutôt orientées quantification et optimisation, surtout a posteriori (ex : ACV), une approche de low-technicisation sera orientée évaluation qualitative et a priori ; il y a à nouveau complémentarité.

Complémentaire est ici à entendre au sens de :

  • les approches traditionnelles et la low-technicisation s'ajoutent pour forger un ingénieur plus polyvalent dans ses approches, un ingénieur qui compose ;
  • et/ou les approches se confrontent pour forger un ingénieur capable de se positionner sur différentes trajectoires socio-techniques, un ingénieur qui choisit.

Hypothèse de réflexivité

L'ingénieur doit intégrer une dimension réflexive sur la technique (techno-logique au sens de Costech) pour gérer cette complémentarité/confrontation et s'inscrire dans la co-constitutivité humain-technique (cf thèse TAC).

Cette posture s'oppose à deux déterminismes :

1 Déterminisme humain (la technique est neutre, donc penser la question technique n'est pas essentiel)

    • Déterminisme de l'ingénierie : Celui qui construit les objets décide (l'ingénieur démiurge fabrique le monde technique selon sa volonté).
    • Déterminisme du social : Le politique et/ou le socio-économique (les utilisateurs, la demande, le besoin...) décide (l'ingénieur n'est qu'un rouage esclave de ces décisions).

2 Déterminisme technique : l'évolution technique est autonome (donc on ne peut rien faire).


Référence
Illich Ivan. 1973. La Convivialité. Seuil.

Notes
- La thèse TAC ou « l'école de Compiègne »

Statut : En cours de rédaction

  • Dernière mise à jour : 5 avril 2022
  • Première publication : 6 décembre 2021

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Description de cette initiative Faisant le constat que « Enseigner la transition » résulte d'une triple complexité, l'IMT a créé une école d'été destinée aux écoles d‘ingénieur et de management du groupe IMT et de ses écoles partenaires, organisée conjointement avec le Forum des Usages Coopératifs. La première édition de l‘école a visé d'accompagner 80 enseignants-chercheurs, personnels, ingénieurs pédagogiques et directions dans l'évolution de leurs pratiques d'enseignement.

La triple complexité identifiée est la suivante :


La transition écologique n'est pas une discipline en soi, mais nécessite une posture interdisciplinaire.

« Enseigner la transition » passe par une pédagogie de l'action, innovante et participative. Cette pédagogie se déroule sur le terrain, lors de projets, en entreprise, ici et maintenant.

« Enseigner la transition » résulte d'un processus collectif et transformant, afin que nos diplômés soient dotés d'une compétence « dite ultime », celle de transformer en profondeur les chaînes de valeur actuelles, et non juste de les optimiser.

Cette école d'été est ainsi le moyen identifié le plus opérant pour permettre à chaque participant d'explorer des exemples concrets et des témoignages de pairs, afin de surmonter, ensemble, cette triple complexité. Elle souhaite donner de la place à l'intelligence collective aux fins de débattre, de co-construire, et de s'approprier de manière concrète le repositionnement des enseignements.

La création de cette première édition s'est ainsi faite collectivement, grâce aux membres expérimentés et engagés du groupe de travail inter-écoles de l'IMT créé en 2020, et nommé COMFORTES - Compétences et Formation pour la Transition écologique et Sociétale. Après avoir partagé leurs pratiques en 2020, ils ont abouti en 2021 à un référentiel IMT de compétences pour la transition écologique - entre autres en construisant leurs travaux avec ceux du Shift Project, de la CTI et du groupe de travail Jean Jouzel.

Ce référentiel a été conçu comme une première boussole destinée autant aux directions de formation qu'aux enseignants et aux étudiants. Il est le fruit d'un travail collectif vivant et est voué à évoluer au fur et à mesure de sa pratique et de la maturité de l'environnement dans lequel il sera utilisé. Il représente un fil rouge permettant de mettre en perspective la contribution de chaque exercice d'enseignement.

Enfin, cette école d'été a été adossée au Forum des Usages Coopératifs. Cette ouverture permet d'ores et déjà d'inscrire une posture d'inclusion et de coopération. Les participants sont donc conviés à en profiter pour se connecter à d'autres thématiques et communautés. A ce sujet, l'ensemble de la production de cette école d'été est rendue publique avec ce volume afin de contribuer à l'accélération de la transformation globale de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche. Maintenant c'est à vous de vous en saisir !

Anne Monnier, chargée de mission transition écologique à l'IMT et
Frédérique Vincent, Directrice de l'Enseignement de l'International à l'IMT

NB Cette première édition de l'école d'été est organisée conjointement avec le Forum des Usages Coopératifs.
Nom du porteur de l'initiative Anne Monnier et Frédérique Vincent
Auteur de la fiche Jean-Marie Gilliot
Type d'acteur Institutionnel
Echelle d'action Globale
Autre échelle Institutionnelle
Code postal 29200
Ville Brest
Mot Clef
  • Transition écologique
Quel partage ? Ne sais pas
Champ Date 06.07.2022
Champ Date 08.07.2022

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Un atelier en visio conférence pour contribuer à une mise en communs de nos expériences, de nos ressources et faire communauté.

Que pourrait être une une plateforme commune de partage de ressources pédagogiques ? quelle gouvernance ? quelle politique éditoriale ?

lien pour s'inscire à la visio
lien pour s'inscrire à la liste d'échange

Anthropocene FACTS enjeux socio-environnementaux et transformation des enseignements dans le supérieur

atelier visio le 8 septembre à 17h

un texte de Guillaume Mandil sur Riposte Créative Pédagogique

Cet atelier fait suite à 2 événements organisés par des membres de l'équipe STEEP de l'INRIA. D'une part l'école de printemps Anthropocene FACTS qui s'est tenue à Grenoble du 23 au 27 mai 2022 et d'autre part la conférence Archipel qui s'est déroulée du 20 au 13 juin 2022. Ces événements avaient pour objectifs de contribuer à faire émerger une communauté académique et/ou scientifique autour des questions socio-environnementales. Il est ressorti de ces 2 événements que la transformation des enseignements dans le supérieur était un enjeu partagé par une grande partie des participants.

D'autre part, il est également ressorti de ces évènements qu'il serait utile de partager les multiples expériences dans une communauté afin de ne pas refaire des choses similaires « chacun de son côté ». Pour contribuer à cette mise en commun, cet atelier propose de discuter des contours que pourrait prendre une plateforme commune de partage de ressources pédagogiques (dias, consignes d'ateliers, méthodes d'animation de débats, conférences, etc.).

Afin que cette bibliothèque de ressources soit utile pour participer à la généralisation des transformations pédagogiques dans le supérieur, les discussions qui ont eu lieu au cours de ces 2 évènements ont fait ressortir plusieurs caractéristiques souhaitables pour cette plateforme :

  • Mise en place d'une plateforme nationale
  • Que les politiques scientifiques et éditoriales soient assumées par une entité juridique indépendante et décidée par la communauté. Via une association ? Une fondation ?
  • Gouvernance de la plateforme communautaire, c'est-à-dire par ceux qui contribuent.
  • Assurer une forme de relecture critique collective par l'ensemble de la communauté pour rendre les contenus les plus robustes possibles.
  • Établir des liens croisés entre les éléments pédagogiques de la plateforme pour apporter des points de vue complémentaires ou critiques.
  • Disposer de 2 zones sur la plateforme : une zone « bac à sable » réservée aux contributeurs pour permettre de tester et d'éprouver les contenus au sein de la communauté et une zone publique où sont mis à disposition les éléments « éprouvés ». A partir du moment où un contenu de la zone « bac à sable » est suffisamment éprouvé, il bascule dans la zone « publique ».

L'ensemble de ces caractéristiques sont des éléments qui sont discutables, amendables, et modifiables, ils ne sont mentionnés ici uniquement pour amorcer une discussion. L'idée de mettre en place cette plateforme se veut également être un outil au service de l'animation d'une communauté académique pour favoriser la transformation des enseignements dans le supérieur afin d'y inclure les enjeux socio-environnementaux.


Vous pouvez vous inscrire sur une liste de diffusion pour discuter de ce projet à cette adresse : https://listes.lautre.net/cgi-bin/mailman/listinfo/discutons



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Avec 300 participant.e.s, nous nous retrouvons mercredi au 10ème Forum des usages coopératifs sur le thème de la convergence des transitions à l'IMT Atlantique site de Brest, du 6 au 8 juillet.
Parmi les 7 sessions proposées, voici la présentation d'enseigner la transition coordonnée par Jean Marie Gilliot et Michel Briand animateurs de Riposte Créative Pédagogique.

Dans l'organisation de ces 3 matinées nous avons voulu articuler un retour d'expériences "c'est possible" avec l'apport d'intervenants impliqués dans l'enseignement de la transition à une large échelle, un débat ouvert où chacun a sa propre expérience sur le changement de posture que cet enseignement implique et une co-construction sur les dynamiques de coopération territoriale qui ancrent ces enseignements et les font vivre.

Une urgence climatique qui nous concerne tou.te.s

L'urgence climatique nécessite que chacun puisse s'emparer du sujet. De nombreux jeunes ont réclamé que la transition fasse partie intégrante des formations. C'est également une exigence citoyenne que d'être informé et formé sur ces questions, tant l'éducation est une des clés pour réussir le changement ensemble. Toutes les formes de formation et d'apprentissage sont concernées.

Et le mouvement est bel et bien enclenché. De nombreuses initiatives variées prospèrent sur nos territoires, avec des approches et des cadres inspirants. Le partage de ressources ouvertes permet également de diffuser ces pratiques. Nous proposons dans cette session de faire découvrir les initiatives, leurs démarches et de partager autour de quelques questions pour faire avancer collectivement la réflexion, et donner des clés pour agir.

Une session organisée autour de 3 axes et qui se déroule en parallèle de la première école d'été de l'Institut Mines Télécom "Enseigner à l'heure des enjeux planétaires".


Passer à l'échelle : quelles clés pour sensibiliser et impliquer le plus grand nombre ?

Mercredi 6 juillet, 10h30 - 12h30

Le changement climatique est devenu une urgence qui nous concerne tou.te.s. Comment le prendre en compte à l'échelle de promotions entières d'étudiants, de lycéens, collégiens, écoliers d'un établissement, dans chaque discipline d'un cursus ?

Des premières initiatives autour de la Fresque du climat ont permis de généraliser la sensibilisation, des cursus commun en licence donnent un socle commun de connaissances, des référentiel de compétences inédits guident la réorientation de cursus de formations.

Des démarches qui ont en commun l'objectif de donner aux jeunes générations la capacité d'agir autrement, de transformer.
Entre retours d'expériences et remue méninge, cette session propose d'éclairer cette question du passage à l'échelle des initiatives pour sensibiliser, former et impliquer le plus grand nombre.

Une session introduite par quelques intervenants qui relateront leur expérience :

Vincent Senes (UVED) et la formation des étudiants entrant à Rennes 1
Milo Dreyfus - étudiant IMT Atlantique, coorganisateur et animateur de la Semaine Étudiante de l'Écologie et de la Solidarité (SEES) sur le campus de Brest
Fred, animateur du réseau profs en transition

Le changement du métier et de postures pour enseigner la transition

Jeudi 7 juillet, 10h30 - 12h30

Côté étudiant, l'intégration de la transition écologique dans les cours peut donner un nouveau sens. Coté enseignant, formateur, tuteur … beaucoup de choses changent. La discipline peut être interrogée sous un angle nouveau. Les savoirs sont réinterrogés. Les réponses à la transition sont largement systémiques, donc interdisciplinaires et contextuelles. L'injonction du passage à l'action multiplie les opportunités de pédagogies actives.

L'ancrage dans le vécu peut changer le rapport entre apprenants et "enseignants". Entre injonction sociétale, évolution des institutions et besoin d'agir personnel, l'engagement dans les métiers d'apprenant et d'enseignant est entièrement requestionné.

Sur cette question, chacun.e a une expérience, des questions aussi, nous proposons une animation qui favorise l'expression de chacun.e avec la "Résolution des problèmes par la méthode de l'opposé des contraires" en partant de ce qu'il faudrait faire pour rater et en dégageant à contrario des pistes pour réussit à partir de cela.


Enseigner la transition, apprenants et territoire en interactions

vendredi 8 juillet, 10h30 - 12h30

Enseigner la transition est une démarche qui répond à l'urgence de la crise climatique. Elle est indissociable d'une transformation de notre société qui agisse sur les questions d'énergie, de consommation, de mobilité, d'habitat, de production...

Toutes ces questions se comprennent mieux si elles sont reliées à un territoire et à un pouvoir d'agir dans lequel élèves et étudiant.e.s deviennent acteur.ice.s de la transition. Ce sont ces "comment-faire" pédagogiques, à travers des retours d'expérience et nos questionnements que cette session mettra en discussion.

Nour proposons pour cette session une co-construction

dans un premier temps, nous échangeons par groupes de 3

  • autour d'un retour d'une personne sur une coopértaion territoriale pour enseigner la transition
  • d'une interrogation sur ce qui a freiné, facilité et ce qui a fait que cela bougé
  • documenté par la 3ème personne sur une fiche initiative du Forum

puis dans un second temps une mise en communs de ce qui a bougé

pour réfléchir en groupe de 3 sur quels seraient pour moi les PPPPP (Premiers Plus Petits Pas Possibles) et se donner rendez-vous à soi-même dans 6 mois par un mel différé rappelant ces PPPPP ! et les partager pour celles et ceux qui le souhaitent.

avec la participation de Paul Saada - INSA Lyon


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Une évolution de la conférence "La coopération, un changement de posture : vers une société de la coopération ouverte" [1] donnée à QPES 2019 "Questions de Pédagogies pour l'enseignement supérieur", pour l'intervention au réseau des travailleurs sociaux Humacitia, le 18 juin 2022.

Vous trouverez ici le diaporama commenté de cette intervention.

Une présentation qui prend en compte l'expérience des Riposte créative initiés en réponse au confinement et qui se prolongent aujourd'hui face à la crise climatique et la préparation du 10ème Forum des usages coopératifs sur la convergence des transitions.


Une facilitation graphique de Julie Boiveau mise à dispositiuon sous licence CC by sa nc

La problématique

La coopération, la capacité à innover, la créativité, figurent en tête des référentiels des compétences attendues dans ce 21ème siècle d'une société transformée par nos usages du numérique et confrontée à l'urgence des transitions. L'abondance des contenus numériques, des innovations sociales et des initiatives locales appellent à des changements de posture pour "faire avec", "être en attention", "donner à voir", apprendre à coopérer et développer les communs.

Des années d'expérience dans le développement des pratiques collaboratives dans la société nourriront cette présentation centrée sur l'apport de la coopération ouverte et son importance face aux crises vécues.

Freins et facilitations seront illustrés et déclinés dans le domaine de la formation au travers d'interviews d'acteur.ice.s publiés dans histoires de coopérations.

Les crises du covid et celle plus grave encore et à venir du changement climatique appellent à une démarche collaborative en coopération ouverte qui associe chacun.e dans une démarche d'intelligence collective qui renforce son pouvoir d'agir.

Les Riposte Créative initiés durant la crise serviront d'exemples pour illustrer des processus collaboratifs qui peuvent contribuer aux transformation nécessaires pour que notre planète soit vivable et désirable.


- Le diaporama du 18 juin 2022 (pdf) :

Les diapos avec les liens et quelques commentaires


Diapo 1


Je fais le choix d'explorer aujourd'hui la coopération ouverte c'est-à-dire une forme de coopération qui donne à voir et met en partage au-delà du seul groupe d'acteur.ice.s concerné.e.s et permet l'implication des personnes dans les processus de transformations profondes que nous traversons.

Cette présentation se déroulera en 4 parties :

  • d'où vient la notion de coopération ouverte ? le lien avec les communs ;
  • comment cette pratique est d'abord un changement de posture ?
  • les compétences, freins et facilitations de la coopération au croisement d'un travail universitaire et d'une série d'interviews d'acteur.ice.s de la coopération ;
  • la coopération pour un monde vivable et désirable.

Diapo 2


D'où je parle ...

- Innovation pédagogique : https://www.innovation-pedagogique.fr/

L'auteur : Michel Briand est professeur émérite à l'IMT Atlantique et animateur du site contributif « Innovation Pédagogique » sur l'enseignement supérieur francophone. Il a été membre du Conseil National Numérique (2013-16). Élu au numérique, à la démocratie locale puis à l'économie sociale et solidaire à Brest, de 1995 à 2014, il a développé une démarche facilitant l'implication, le pouvoir d'agir avec le souci d'une e-inclusion. Acteur des réseaux coopératifs et des communs il édite un blog sur les démarches contributives et donne à voir ce qui motive les personnes à coopérer et participer aux communs. Il co-anime les sites ouverts « a-brest.net », « Bretagne-créative.net » et les événements tels Brest en communs ou le Forum des usages coopératifs. Dans le contexte du confinement il a co-initié les Riposte Créative, outil collaboratif, prolongé aujourd'hui en réponse aux crises traversées.



Diapo 3


Dans cette première partie je vais décrire l'origine de ce terme de coopération ouverte qui a émergé dans une société transformée par nos usages du numérique. Je le relierai à la renaissance des communs favorisée par l'abondance auquel nous confronte pour la première fois de son histoire le numérique.

La notion de compostabilité s'interrogera sur les conditions de réutilisation des idées.

Je finirai par présenter quelques initiatives qui sont autant de facettes du partage et de la coopération ouverte.


Diapo 4


Je reprends ici quelques éléments d'un article écrit avec Elzbieta Sanojca, auteure d'une thèse sur la coopération en préparation du 8éme Forum des usages coopératifs. Comme de nombreux termes qui désignent des pratiques liées au usages du numérique la “coopération ouverte” a une origine anglophone. La plus ancienne source trouvée est un de David A. Curry sur le système d'exploitation UNIX qui décrit en 1992 comment les informaticiens coopèrent. La “coopération ouverte” est associée au modèle du logiciel libre et d'un environnement de travail ouvert où les personnes coopèrent en mettant en partage leur productions.

Pour Laurence Lessig, inventeur des licences Creative Commons les plateformes ouvertes favorisent des interactions entre personnes et sont facteur de créativité et d'innovation.

Selon notre exploration, le terme est utilisé pour la première fois en France en 2006 par Dominique Cardon, pour décrire les “racines du modèle de l'innovation ascendante”, issues du travail d'Eric Van Hippel comme :

  • la nécessité de trouver par soi-même des solutions adaptées à ses besoins :
  • une proximité avec les usages ;
  • si bien que chercher à la protéger et à contrôler ses utilisations affaiblit sa qualité ; et ses chances d'attirer à elle l'attention des industriels.

En 2012, Joël Candau dans "Pourquoi Coopérer ?" introduit une approche anthropologique de la coopération ouverte opposant : un altruisme « de clocher » , borné au groupe d'appartenance (famille, « communauté », nation, etc.) qu'il nomme coopération fermée et un altruisme où la coopération va au-delà des limites de ce groupe qu'il appelle coopération ouverte.

C'est à partir de ces années 2012 et 2013 que le terme va entrer dans le champ des acteurs de la coopération, que l'on peut aussi relier aux travaux de Jean Michel Cornu sur de nouvelles approches de la coopération.

Michel Briand l'introduit dans la conférence "Territoires en réseaux : d'internet aux innovations sociales ouvertes" :

La coopération ouverte est un profond changement de culture dans une société où le travail est organisé de manière cloisonnée et hiérarchique. Apprendre à donner à voir, copier, réutiliser, partager demande du temps parce que ce n'est pas dans nos habitudes. Aujourd'hui l'innovation ouverte progresse dans les entreprises où elle stimule la créativité, dans les services où elle favorise l'implication des personnes, dans le tiers secteur où elle est facteur d'innovation sociale.

- avec en lien la carte ouverte Open Street Map en "live"


voir aussi


Diapo 5


De la même façon que l'émergence du numérique a favorisé le développement de pratiques de coopération ouverte, l'abondance des biens numériques non rivaux et non exclusifs a permis une renaissance des communs pour reprendre de titre de l'ouvrage de David Bollier dont le sous titre est d'ailleurs « Pour une société de coopération et de partage. »

Un bien est non rival lorsque sa consommation par un agent n'affecte pas la quantité disponible pour les autres agents, et l'air en est un exemple

Il est exclusif lorsque l'usage par l'un empêche celui d'un autre tel un jouet d'enfant
Comme le définit Elinor Ostromdans Governing the Commons 1990« les biens communs (ou simplement « communs ») sont des ressources, gérées collectivement par une communauté selon une forme de gouvernance qu'elle définit elle-même ».

Pour expliciter la définition, je prendrai l'exemple des jardins partagés ou un groupe d‘habitants, souvent du quartier, cultivent un jardin et se répartissent la récolte selon des règles qui vont varier d'un jardin à l'autre.


diapo 6


Les communs numériques tel wikipedia organisent la production de contenus réutilisables . Ils sont ainsi une forme de coopération ouverte puisqu'ils s'adressent à tous. Comme l'indique cette présentation des 8 principes d'Elinor Ostrom , si vous avez déjà contribué à cette encyclopédie vous avez pu vous rendre compte que cela ne se fait pas sans règle : les contenus (textes, images) doivent respecter la licence CC by sa, citer leurs sources, respecter un principe de neutralité.

Les Communs existent quand l'action collective vient transformer une ressource en un moteur de cohabitation, de démocratie et de co-construction d'un futur partagé.

dans Les communs candidats aux municipales, Vecam 2014

C'est ce qu'explore le projet Erasmus « les communs en actes » auquel j'ai participe avec la 27éme région, l'association savoirs communs et les villes de Grenoble, Brest et Lille. Nous avons visité les communs dans 8 pays européens : ce sont par exemples les chartes communales entre une municipalité et un groupe d'habitant qui prend en gestion une rue ou une école en dehors des heures d'utilisation, en Italie [2] les dizaines de friches urbaines réhabilitées à Bruxelles ; ou la dynamique « Barcelone en communs » de la précédente municipalité des dynamiques portées aussi en France par la Coop des communs.

Les Communs ouvrent une troisième voie entre service public et le monde marchand. Ainsi les contenus des MOOC d'OpenClassroom sont réutilisables en formation non marchande alors que ce n'est pas la cas de certains MOOC d'universitaires pourtant salariés de la fonction publique qui lorsqu'ils sont sous copyright interdisent par défaut une réutilisation des contenus. En s'appuyant sur la capacité de collectifs à porter de l'innovation et de la transformation sociale, les Communs sont susceptibles d'enrichir nos démocraties représentatives et de contribuer aux transitions que nos sociétés doivent inventer.

C'est en ce sens que cette l'émergence des communs peut être associé à un nouvel imaginaire, mais sur les 1000 jardins partagés et composteurs collectifs en Bretagne accompagnés par l'association Vert le jardin, peu des 15 000 personnes concernées se considèrent comme des « commoneurs ». Comme la coopération ouverte, les communs sont une idée en émergence.

- voir aussi :

  • Les Communs, candidats aux municipales par Vecam 2014.
  • "Facilitatrice, protectrice, instituante, contributrice : la loi et les communs", septembre 2016, par Valérie Peugeot, Contribution au colloque de Cerisy - Vers une république des biens communs ? - Septembre 2016 – Version de l'auteur.

Diapo7


La coopération ouverte rejoint aussi des enjeux de société. Nous comprenons aujourd'hui que les conditions matérielles de notre monde ne permettent pas une croissance et un progrès présentés hier comme naturels.

Nous sommes rentrés dans une période appelée anthropocène pour désigner cette ère de l'homme comme un temps géologique profondément marqué par l'activité humaine. Aujourd'hui les questions du climat interrogent notre survie même.
Pour limiter l'impact et le nombre de ces déchets, de nombreuses solutions se développent et une multitude d'expérimentations sont en cours : mouvement zéro déchet, bacs à compost, repair cafés, ressourceries, etc.

Dans ce monde où toute l'humanité est en interaction , Joel Candau interroge l'articulation entre une coopération fermée qui s'appuie sur l'appartenance à un groupe, une nation avec son corollaire d'identité et de risque de stigmatisation de l'autre et la coopération ouverte à tous.

Cette question de la coopération ouverte et des communs prend alors un sens sociétal.

C'est dans cet esprit d'un écosystéme vivant qu'il est possible d'interroger la production des idées au regard de la compostabilité. Qu'en est-il lorsque l'on aborde une autre des productions humaines, omniprésente à l'ère du numérique : celle des connaissances ? La seconde vie des idées, de l'immatériel, de nos projets reste un impensé alors même qu'ils sont le fruit de notre énergie vitale, ressource irremplaçable s'il en est.

La compostabilité : pour un écosystème de projets vivaces, via Laurent Marseault et Romain Lalande, sur Vecam, 2014.

Dire qu'ils ne sont pas compostables, c'est entrevoir qu'à la mort du projet, celui-ci va faire des tas de déchets que l'on ne pourra pas recycler et des disques durs pleins de projets qui ont été fabriqués mais que personne ne peut réutiliser. Le fait d'aller chercher dans le monde du vivant des critères que l'on pourrait essayer d'appliquer, je trouve cela intéressant et pertinent. En pratique, cela sous-tend de travailler dès le démarrage d'un projet sur sa compostabilité. Autrement dit, on va se débrouiller pour laisser des petits grains du projet à des niveaux réutilisables par d'autres : des photos, par exemple, avec des formats ouverts et partagées au maximum pour que tout le monde puisse les réutiliser des contenus ouverts et accessibles pour que d'autres personnes puissent les réutiliser.

voir aussi :

Diapo 8


Nous retrouvons ce souci de la coopération et du partage dans un archipel d'idées et d'initiatives :

En voici quelques uns :


Diapo 9


Une démarche décrite dans l'article : "Retour d'expérience sur une politique publique du numérique à Brest, Premier pas vers une gouvernance contributive"


Diapo 10


Dans cette troisième partie nous allons croiser deux approches :

  • une basée sur les compétences pour coopérer, issue d'un travail universitaire ;
  • et une seconde, issue d'une trentaine d'interviews d'acteurs de la coopération ouverte qui serviront d'illustrations.

Diapo 11


Le nuage de mots construits à partir des mots clés cités dans les 31 interviews d'acteur.ice.s de la coopération dans Histoire de coopérations


Diapo 12


Le terrain de recherche concerne l'étude de cas de la formation professionnalisante « Animacoop : Animer un projet collaboratif ». C'est une formation « hybride » c'est-à-dire en partie à distance et en partie en présence d'une durée de 3 mois. Elle est destinée aux personnes impliquées dans un projet coopératif. Ce sont le plus souvent des acteurs professionnels d'associations et de collectivités locales et dans une moindre mesure d'entreprises ou de bénévoles.

72 réponses obtenues ont permis de valider le cadre de référence des compétences collaboratives composé de 34 items de compétences collaboratives issus de la revue de littérature Ce cadre aborde la collaboration dans une logique temporelle et prend en compte un « avant », un « pendant » et un « après » du processus collaboratif. C'est à ce cadre que les données collectées ont été confrontés.

Le terme de « compétences charnières » désigne des compétences sans lesquelles, la collaboration serait difficile à mettre en œuvre. Elle ont été définies par le procédé de triangulation des meilleurs résultats, obtenu à partir des trois outils de collecte : questionnaire, entretiens compréhensifs et observations élicitées.

Trois d'entre elles sont appelé « compétence pivots », puisque leur présence modifie la qualité du processus collaboratif, comme cela pu être observé dans les 4 projets suivis pendant plusieurs mois" dans La coopération ouverte, un concept en émergence

voir aussi

  • Sanojca, E. (2018 a). Les compétences collaboratives et leur développement en formation d'adultes. Le cas d'une formation hybride. Thèsede doctorat en Sciences de l'éducation. Rennes, Université Rennes 2.
  • Sanojca E. (2018 b). « L'état d'esprit collaboratif », « faire avec » et « avoir le souci des communs » : trois pivots pour coopérer, articledu blog Coopérations, article en ligne, mars 2018.

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Diapo 13


La disposition à coopérer est une condition sine qua non de la coopération ». Si les personnes ne disposent pas d'une telle attitude, elles auront tendance à privilégier les relations compétitives et donc à freiner la collaboration, voire la rendre impossible.

dans La coopération ouverte, un concept en émergence

Si des personnes n'ont pas d'élan, ne croient pas réellement dans les possibles du projet alors ce sera compliqué... Je me souviens avoir tenté de collaborer avec une personne qui à chaque fois avait en tête et listait ce qui n'allait pas fonctionner

Monique Argoualc'h, coopérer en attention, avec des élèves en dispositif relais

voir aussi

Mes élèves m'ont appris une condition et un but des Coopératives pédagogiques : nous devons changer de posture en tant qu'enseignants. Il nous faut considérer que nous devons rester des apprenants tout au long de notre vie d'enseignants. Auprès de mes élèves, j'ai appris à oser, à prendre des risques, à lâcher prise, à lancer des activités en ne sachant pas forcément où on allait. Enseigner, cela peux être une aventure. A l'École, les élèves, tous les élèves, travaillent quand le travail a du sens ce qui est le cas lorsqu'il a un destinataire. On lit, on écrit, on publie… pour quelqu'un !

Jean Michel Le Bault, dans cette interview


Diapo 14


Lorsqu'elle se manifeste, renforce l'engagement des personnes dans le projet collaboratif et leur motivation à travailler ensemble. A l'inverse, dans un projet collaboratif pensé par une personne seule, son énergie passerait à « pousser » d'autres à y entrer, à mobiliser. Et souvent, son projet dit « collaboratif » s'arrête à cette étape.

dans La coopération ouverte, un concept en émergence


Diapo 15


Elle indique la maturité du groupe et consolide l'engagement à long terme. Elle rejoint l'importance croissante prise par les communs dans de nombreux projets.

dans La coopération ouverte, un concept en émergence

voir

Tela Botanica est un réseau collaboratif de botanistes francophones dont 80 % résident en France1 (environ 45 000 inscrits au total). L'idée que l'on peut se faire du partage n'est pas la même. Mettre les données sous licences libres, réutilisables, y compris de manière commerciale est plus compliqué et cela nous a demandé plusieurs années alors qu'en réalité personne ne fait d'argent avec ces données que l'on met en partage !

La première année on a été surpris par le nombre de fils de discussions : environ 20 000 ! Soit plus de 100 000 messages émis durant les six semaines du MOOC ! C'est ainsi que l'on a vu apparaître des demandes du type : « j'habite près de telle ville (aussi bien en France qu'en Nouvelle-Zélande ou au Canada), est-ce qu'il y a d'autres gens à proximité qui suivent le MOOC ? Pour le dernier MOOC je crois que l'on a eu 120 groupes

Tela botanica les pro-am producteurs de connaissances mises en commun
dans Interview de Daniel Mathieu, fondateur de Tela Botanica

voir aussi

  • Outils réseaux une organisation économique « en partage » qui fonctionne

Diapo 16


Elle indique la maturité du groupe et consolide l'engagement à long terme. Elle rejoint l'importance croissante prise par les communs dans de nombreux projets.

Pour moi, c'est l'Ego. Un sacré morceau. Quand certains cherchent à exister par ce qu'ils donnent à voir. Quand, fondamentalement, ils ne veulent pas donner et partager. Avec une sorte de condescendante, ils pensent avoir tout inventé et être les premiers. Sans penser deux secondes qu'ils ne sont que d'humbles maillons d'une grande chaîne qui les dépasse. Je pense que ceux-là ne sont pas dans le partage sincère et souvent pas non plus dans l'écoute apprenante. Ces personnes disent qu'elles écoutent mais en fait elles ne tiennent aucunement compte de ce que disent les autres, elles ne sont pas dans l'écoute re-formatrice. Quand les gens n'ont pas travaillé cette notion-là, la coopération devient compliquée.

Laurent Marseault : la coopération ouverte : un partage sincère !

Les représentations que l'on peut avoir des modèles existants. Par exemple celle qu'un groupe ne peut fonctionner qu'avec un leader. On peut passer du temps à partager la démarche, le projet, comment cela a été mis en place, ce qui se joue dans un échange entre les personnes plutôt horizontal que vertical, que la responsabilité d'animer un rendez-vous est un rôle qui n'est pas figé sur une personne, il y a parfois des choses qui ressortent et qui freine la coopération comme « il faut bien un leader » « les modèles qui fonctionnent ne sont pas cela ». Même si d'autres récits existes celui encore dominant du modèle pyramidal, freine les projets en coopération.

Interview de Benoit Vallauri, acteur de réseaux coopératifs de la culture et animateur du Tilab


Diapo 17


Les démarches en coopération nécessitent de s'autoriser à prendre du temps, le temps pour instaurer de la confiance entre les personnes, le temps de réfléchir à ce que l'on fait et comment on va le faire, le temps de tester les choses de les observer pour réinterroger le cadre que l'on est en train de construire .

La coopération, c'est aussi ce temps pour réfléchir à comment on va travailler ensemble. C'est un aspect que l'on aborde souvent avec les participants des rendez-vous 4C, consacrer du temps à regarder comment ça fonctionne et chercher comment ça pourrait mieux fonctionner.

Interview d'Angélique Robert, facilitatrice de l'engagement des publics


Diapo 18


- le réseau Interpole


Diapo 19


Confronté à un confinement qui rendait caduque les dispositifs de formation existants, la direction innovation innovation nous a sollicité pour agir en "Riposte Créative". Avec Laurent Mrseault nous avons proposé un espace collabortaif ouvert et convivial (au sens, d'Ivan IIlich qui )
Cette mise en oeuvre qui se prolonge encore aujourd'hui avec l'expérimentation des cercles d'apprentissage, nous a incité à l'expérimenter rn Bretagne et dans l'enseignement supérieur francophone.


voir aussi


- Coopération ouverte pour un monde vivable et désirable (Tournai 2019)




Diapo 21


- Laurent Marseault : la coopération ouverte : un partage sincère !

- " Favoriser la bienveillance, l'écoute, la confiance, le partage des connaissances et la transparence", interview de Bénedicte Gastineau, vers un fonctionnement collaboratif d'un laboratoire de recherche et d'enseignement

Et pour terminer une proposition d'écouter la musique de wikipedia en écriture

un lecteur multimédia qui traduit de façon ludique les « modifications récentes » apportées à Wikipédia.

Chaque édition engendre un son, ce qui produit une musique orchestrale relaxante et mélodieuse, en mode pentatonique2. Les cloches issues d'un célesta correspondent à des ajouts (« (+x) ») apportés à des pages de Wikipédia, les cordes d'un clavicorde à des retraits (« (-x) ») de page. De plus, la hauteur dépend de la taille de l'édition. Un nouvel utilisateur ayant créé un compte sera accueilli par un accord au violon


[1] la conférence filmée à QPES 2019

[2] reprise aujourd'hui à la ville de Grenoble


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