via Innovation Pédagogique
Coopérations
Les élèves ont plébiscité le Rhetoric Retreat 2024 organisé par sept écoles du réseau IMT
Le Rhetoric Retreat 2024 qui a eu lieu du 12 au 14 janvier 2024 a rassemblé 35 étudiants sélectionnés de presque toutes les écoles de l'Institut Mines-Télécom, ainsi que 7 professeurs d'anglais lors d'un week-end convivial autour du débat en anglais. C'est dans le cadre bucolique La Ferté-Saint-Cyr en Sologne que des étudiants de tous niveaux ont eu l'opportunité de progresser en anglais grâce à une initiation aux techniques de débat de type parlementaire. Ce style de débat, né en Angleterre au 19ème siècle et largement répandu dans le monde d'aujourd'hui, place le gouvernement contre son opposition dans une joute oratoire autour d'une motion. La prise de parole alterne entre les deux équipes et chaque membre de chaque équipe doit parler, exposant des arguments soit pour (s'il est membre du gouvernement) soit contre (s'il fait partie de l'opposition).
Les 7 écoles impliquées dans cette activité pédagogique étaient : IMT Atlantique, IMT Mines Albi, IMT Mines d'Alès, IMT Nord Europe, Institut Mines-Télécom Business School, Mines Saint-Etienne (Campus Provence), et Télécom Paris. Les étudiants et étudiantes venaient, quant à eux, des quatre coins de la France et du monde, incarnant la diversité que l'Institut Mines-Télécom nourrit par son vaste ancrage territorial. Le format des petits ateliers et la mise en place immédiate des techniques apprises à travers des « mini-débats » ont contribué à renforcer la confiance des elèves participants en leur capacité à prendre la parole en anglais et à perfectionner leurs techniques oratoires pour les plus avancés. Les motions proposées au débat alternaient entre des sujets sérieux et comiques : "Cette Assemblée estime que l'éducation se fait en dehors des cours", "Cette Assemblée souhaite interdire les hauts talons", et bien d'autres.
Outre le temps consacré aux débats, les élèves ont participé aux activités qui ont encouragé une dynamique positive du groupe tel qu'une balade d'écoute empathique, des repas pris ensemble devant un grand feu de bois au foyer, et une soirée « danse écossaise » ou même les plus réticents ont été emporté par ces danses traditionnelles, folkloriques. Les dortoirs, anciens écuries transformées en gîte, ont imprégné l'air des doux rêves faisant ce week-end à la fois reposant et dynamique.
Réactions des étudiants (en anglais)
Au final, le Rhetoric Retreat a remporté un franc succès. La totalité des étudiants ayant répondu au formulaire de satisfaction souhaite qu'il soit proposé à nouveau. Voici le verbatim d'un participant « This week-end simply brought me joy. » (Ce week-end m'a tout simplement apporté de la joie.) Son succès se trouvait sans doute dans sa diversité : plusieurs écoles, une variété d'approches pédagogiques, différents niveaux d'anglais, des élèves de tous horizons. Et après avoir passé presque 3 jours ensemble, à construire des arguments, à tenter de convaincre le public d'en face et à employer les 3 piliers des techniques de persuasion - ethos, logos, et pathos - ; il était évident que pour bien s'entendre, une bonne communication était la clef !
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Une grille de compréhension de la pratique des communs
Durant la crise du Covid la direction innovation publique du CNFPT (Centre National de la Formation Publique Territoriale) a utilisé un espace collaboratif ouvert : Riposte Créative Territoriale pour poursuivre ses activités durant le confinement. Pendant deux ans, quelques dizaines de personnes ont ainsi développé un espace dans un esprit de communs, en participation ouverte, où tout ce qui était produit était public et rendu réutilisable par une licence Creative Commons. Une étude menée à travers 13 interviews a permis d'expliciter ce que recouvrait pour les participants actifs à Riposte Créative Territoriale cette pratique des communs. Communiqués lors d'un colloque ESREA à Milan (Sanojca Briand, 2022), les résultats de cette étude proposent une grille en dix niveaux pour décrire l'appropriation des communs. Cet article présente cette grille, pour la rendre accessible et réutilisable lorsqu'il s'agit d'évaluer un niveau d'engagement dans la participation aux communs. L'écrit s'appuie sur le texte de la communication parue dans les actes du colloque "New seeds for a world to come : policies, practices and lives in adult education and learning"
Cette grille est maintenant utilisée dans une nouvelle étude auprès d'une communauté d'agents du service public "Utilo", autour de la facilitation. le projet Utilo Tilab laboratoire d'innovation publique d'intérêt général commun. Cette nouvelle étude interroge "en quoi la pratique des communs peux être facteur d'émancipation au travail".
Résultat d'une étude auprès des acteurs de Riposte Créative Territoriale durant le confinement et la crise du Covid
La notion de communs est définie par trois caractéristiques interdépendantes : «
(1) une ressource en accès partagé ;
(2) un système de droits et d'obligations (un faisceau de droits) qui précise les modalités de l'accès et du partage des bénéfices associés entre les ayants-droit et enfin
(3) l'existence d'une structure de gouvernance qui veille au respect des droits et à la garantie de la reproduction à long terme de la ressource » (Coriat, 2017, p. 267). [1]
Michel Briand : Pourrais tu te présenter en quelques mots ?
ES : Je m'appelle Elzbieta Sanojca, je suis maître de conférence en sciences de l'éducation à l'université de Rennes 2. Je m'intéresse à la formation des adultes et en particulier à la manière dont les adultes apprennent. Cela concerne non seulement les formes formelles d'apprentissage (formation continue par exemple), mais aussi et surtout les formes non formelles voire informelles d'apprentissage, par l'activité de travail par exemple, l'engagement dans des collectifs professionnel ou citoyen etc...
Dans les différents contextes où l'apprentissage peut se produire, je m'intéresse en particulier à la dynamique collaborative qui conduit à la co-construction des savoirs. Mes travaux actuels s'inscrivent en continuité de ma recherche doctorale (Sanojca, 2018) qui portait sur l'analyse des compétences collaboratives et leur développement en formation des adultes. [2]
MB : Peux-tu présenter l'étude réalisée autour de Riposte Créative Territoriale Créative et de la pratique des communs à cette occasion ?
ES : C'est une étude qui porte sur le collectif qui, au sein de la direction Innovation du CNFPT (Centre National de la Formation Publique Territoriale), a ouvert un espace collaboratif nommé Riposte Créative Territoriale, en réponse à la crise du Covid-19 [3].
Si les personnes impliquées dans cette dynamique ont été auparavant sensibilisées aux pratiques de l'innovation publique, cette nouvelle expérience de Riposte a fait apparaître un éléments particulièrement intéressant : ces collectifs apprenants ad hoc ont tenu à affirmer une valeur particulière attribuée à à la dynamique d'apprentissage et aux ressources produites collectivement (les connaissances). Le terme de « communs » en référence aux travaux d'Elionor Ostrom a été choisi par les acteurs des Ripostes pour designer cette valeur.
C'est par le choix de ce terme qu'apparaît le lien avec mes précédents travaux : je rappelle rapidement que " avoir le souci des communs " est le troisième pivot [4] des compétences collaboratives que j'ai identifié dans ma thèse [5].
La notion de communs est importante dans la dynamique de collaboration. Avoir ce souci des communs peut renforcer la durabilité d'efforts collectifs pour travailler sur le projet. Cela se produit, lorsque les collectifs se questionnent sur la nature de ce qui est collectivement produit et en plus lui confèrent la valeur de communs par exemple par l'attribution d'une licence de partage telle les « Creative Commons ».
Ce qui m'a paru intéressant de questionner dans le cas de Riposte est de savoir :
en quoi cette forme de valorisation des productions issues des apprentissages en communs (les connaissances) fait naître de nouvelles pistes pour penser la formation des adultes aujourd'hui ?
MB : Quelles étaient les personnes concernées par ces entretiens ?
ES : Riposte Créative Territoriale (RCT) est un espace collaboratif créé de manière spontanée en réponse à la crise du COVID et concerne des acteurs de l'innovation territoriale proches de la direction innovation du CNFPT.
Durant les 18 mois de fonctionnement que cette enquête prend en compte, trois phases se sont succédées :
- une réaction au choc du 1er confinement avec un fonctionnement en groupes de travail (mars-juin 2020) ;
- un temps de pérennisation, avec l'élargissement à des agents de collectivités territoriales sur des problématiques identifiées par les acteurs RCT (ex : « nouveau rôle du manager public » ou « implanter le collaboratif dans nos structures ») (automne-hiver 2020) ;
- un temps de ré-institutionnalisation avec la mise en place de modalités de formation en « cercles apprenants » (au printemps 2021).
Les personnes qui ont participé à cette dynamique du dispositif « Riposte » sont des personnes qui pour beaucoup se connaissaient déjà avant puisque qu'elles ont participé aux activités de cette direction, notamment aux Universités de l'innovation publique qui existaient depuis trois à quatre ans avant la crise. Pour cette étude nous avons sélectionné les acteurs les plus impliqués dans la dynamique de « Riposte », soit treize personnes interviewées par entretien compréhensif [6].
MB Qu'est- ce que les entretiens t'ont permis de comprendre ?
ES : Pour répondre à cette question, il faut préciser le cadrage théorique auquel l'analyse des données se réfère. Il s'agit de la théorie de l'activité d'Yrjö Engeström (Engeström, 2010) qui soutient, entre autres, que la transformation de l'activité s'appuie sur un nouveau concept qui se forme dans un mouvement allant de l'abstrait vers le concret. Sous cet angle il s'agit de comprendre comment le concept de communs influence les changements de pratiques des professionnels dans leur contexte de travail, une fois l'expérience d'apprentissage collectif passée.
Au final, les entretiens m'ont permis de dégager plusieurs étapes de maturité dans la prise en compte du concept de communs dans la conscience ou/et dans les pratiques des personnes interviewées. C'est le résultat principal de cette étude : établir un cheminement des conscientisations du concept de communs qui s'effectue dans un double mouvement :
- interne, lié à une une prise de conscience progressive du sens du concept ;
- externe : un moment où les personnes commencent à agir de manière visible, au nom du concept particulier, ici, donc, les communs.
La grille de compréhension
La figure qui suit catégorise les moments signifiants de la formalisation du concept de « communs » à partir de la description des activités professionnelles réalisées par les enquêtés, avant, pendant ou après l'expérience de RCT. Chaque catégorie s'accompagne des exemples de verbes d'actions estimés les plus explicites pour comprendre le sens attribué à la catégorie choisie.
– En premier « Etre exposé à sans intention particulière » :
Les personnes sont prises dans un mouvement sans une intention personnelle clairement formulée ; elles sont en quelque sort exposées aux usages d'un concept qui ne fait pas partie de leur culture. L'expérience vécue est positive « je me sentais bien dans ce paysage des personnes ou dans cet environnement des personnes qui parlaient des communs » (comme le disent les interviewés) ; c'est probablement une condition pour que le souhait d'approfondissement apparaisse.
– En second « Agir en conscience mais sans poser les mots justes » :
C'est un autre cas de figure : on peut faire des communs sans le savoir. C'est d'ailleurs la situation de la plupart des « commoneurs », tels la grande majorité des 20 000 acteurs des jardins partagés en Bretagne qui pratiquent les communs en actes [7]. Dans le cas de RCT, quelques dizaines de personnes ont contribué occasionnellement à la dynamique sans pour autant avoir conscience de participer à un commun.
au départ du dispositif RCT, pour beaucoup de participants la notion de communs a été introduite par les deux animateurs du projet. « le terme de communs est d'emblée affiché pour rendre compte de la manière de fonctionner du collectif : “Ces communautés de pratiques ouvertes sont animées dans une logique de communs comme une modalité de fonctionnement de communs attribuée aux productions collectives. Cela se traduit par les règles de fonctionnement (« accords de groupe ») proposées et discutées par les acteurs de la communauté : (1) toute personne peut contribuer ; (2) tous les échanges, notes de réunions, sont publiés et restent accessibles y compris aux non participants ; (3) à ces productions sont attribuées une licence qui les protège comme communs (Creative Commons by sa).
Toutefois, ce terme de communs est consenti plus qu'il n'est choisi au moment de la création de RCT. Il fait consensus puisque sa compréhension est chargée d'ambiguïtés surtout pour les acteurs du service public qui l'associent avec la notion d'intérêt général et parfois même l'utilisent en synonyme de « mise en commun ».
– Les étapes suivantes, sont elles liées à une prise de conscience progressive « Prendre conscience la faire émerger » :
- en sédimentation lente :
Vivre des situations qui interpellent. Cela se produit dans un mouvement de l'inconscient vers l'intentionnel, sans pour autant que le croisement avec un concept ait eu lieu. En participant à l'espace de RCT où tout ce qui est produit est mis en ligne, donc partagé avec les autres, chacun peut contribuer et publier directement sans passer par une validation de sa hiérarchie. Beaucoup de personnes sont interpellées par ce mode de fonctionnement qui n'est pas habituel dans leur organisation.
- par interpellation, étonnement
Cela se passe par la découverte : « tiens, quelqu'un parle de communs et ça nous fascine. » Elle peut s'accompagner de l'effet « wouahou », un enchantement qui surgit lorsqu'un événement fort se produit imposant sinon une remise en cause, toit au moins un arrêt réflexif et un examen d'un fonctionnement habituel « oui, ça me parle ; c'est quelque chose auquel j'aimerais bien m'intéresser ».
A partir de ce moment du processus, l'attention d'une personne s'éveille et la formation d'un concept devient plus intentionnelle, car dorénavant dotée d'un nom.
– L'étape plus avancée de l'appropriation d'un concept (ici : les communs) serait « poser les mots pour soi » :
« Formaliser pour soi », « prendre les mots des autres » sont des expressions qui témoignent cette prise de conscience. Si, nous l'avons dit, au début de RCT seuls les concepteurs de l'espace faisaient clairement référence au terme de communs, les entretiens montrent qu'avec l'expérience de RCT, la compréhension de ce concept s'affine et s'harmonise. Elle rentre dans le vocabulaire des participants : neuf interviewés sur treize emploient ce mot pour définir RCT.
– Puis « fertiliser le terreau » :
Vient ensuite cette étape d'enrichissement ou comme l'exprime certains de « cultiver le terreau » de ce nouveau concept. Cela peut prendre des formes très diverses, par exemple lire des textes sur les communs, échanger avec des personnes actrices des communs, etc...
Les verbes associés à ses formes d'activités sont : « cultiver la passion », « maintenir le questionnement », « aller butiner », « observer ». Il reste à noter que cette phase de fertilisation du terrain peut être extrêmement longue.
– « Vouloir changer », « vouloir externaliser » :
C'est un moment décisif pour passer à l'action. Il est comparable à ce que l'on désigne par la conversion des opportunités vers les choix effectifs (Sen 1984/2008). Les expressions collectés dans nos données qui illustrent cette phase sont : « changer ses représentations, « être intimement convaincu », « avoir un concept à disposition », « vouloir accompagner son changement », « vouloir intéresser les autres parce ce que sa vision a changé ». A partir de ce moment, et si des conditions externes convergent, un passage à l'action peut avoir lieu.
– « Effet bascule » :
C'est la prise de conscience mise en actes qui fait bascule. J'appelle ça « un point bascule » puisqu'il existe clairement un « avant » et un « après » dans la manière d'agir des acteurs concernés. Cela s'exprime par une phrase telle que : « Non, là, je ne peux plus faire comme avant. ».
Cet effet de bascule, dans le cas des Ripostes, était assez facile à identifier, puisque qu'il s'est produit dans un moment de crise entendu au sens large comme étant une période difficile, traversée par un individu, par un groupe et qui entraîne une recomposition et transformation du système qui n'est plus opérant. La crise peut donc faire basculer l'intention vers l'action mais la forme de l'action choisie dépend d mate la maturité du concept qui oriente la structuration d'un nouveau système de l'activité.
– « Construire son nouveau système d'activité » :
A ce stade, la personne commence à justifier l'envie de faire autrement son métier : « depuis toujours, j'ai considéré qu'il faut que je fasse mon métier de telle manière ; là, je ne peux pas faire autrement. » Cette volonté de changement - s'exprime de différentes manières : s'investir, expliciter aux autres, faire converger le « déjà-là ».
Le changement implique la construction d'un nouveau système d'activité. Dans les données collectées, les expressions sont nombreuses pour décrire ce changement : « se donner un espace d'autorisation », « faire des petites touches », « se connecter au concret » ou « structurer le nouveau processus », « formaliser », « expliciter le sens »...
C'est une première étape d'ancrage dans la réalité. Dans le cas de RCT, le nouveau systéme d'apprentissage que les personnes ont commencé à concevoir correspond à un nouveau dispositif de formation, les cercles d'apprentissage [8].
– « Légitimer dans son environnement de travail » :
C'est une forme plus implantée de la transformation. Elle se traduit par les verbes d'action tels que : « légitimer l'action », « se connecter aux autres semblables », « modéliser, connecter la recherche », « expliciter la démarche aux autres ». Non seulement on produit des transformations par petites touches de ses activités, mais on commence à diffuser ces comportements dans la culture de sa structure. Dans cette étape, la constitution d'alliances est nécessaire pour établir un rapport de force favorable et pour garantir une durabilité du système d'activité naissant.
– Et la dernière étape, « connecter aux enjeux de société »
est la plus mature de l'appropriation d'un concept de communs que nous avons identifié dans les données collectées (présente seulement pour une personne interviewée). A ce niveau, il s'agit d'un élargissement du périmètre d'actions possibles : le désir de transformation s'ancre dans l'environnement de vie, au-delà de l'espace d''activité professionnelle. L'engagement dans cette logique de communs s'exprime en connexion aux enjeux de société et s'illustre par la construction d'un réseau de partenaires et associatif, l'implication dans une dynamique de territoire.
MB Merci de cette présentation de la grille d'appropriation du concept de communs. Quelle suite pour ce champ d'études de la transformation professionnelle et personnelle ?
ES : Cette étude a mis en exergue le processus de transformation à partir d'une appropriation d'un concept de communs : nécessairement long et en partie invisible. La linéarité de l'échelle est indicative car, en réalité la progression dépend de nombreux facteurs externes ou internes (les aléas de la vie quotidienne ou bien les conditions du contexte professionnel plus ou moins favorables, ou encore les dispositions des personnes à percevoir et intégrer ce qui s'offre à elles comme une ressource utile).
C'est un outil d'appréciation d'un cheminement d'une transformation des pratiques à partir d'un concept de communs, évalué sur la base de ce qui est, ou pas « déjà-là » dans la conscience des personnes.
Pour la suite nous voudrions approfondir la compréhension des transformations des pratiques dans des environnements professionnels qui découlent d'une pratique de productions de communs. Ce faisant, nous voudrions vérifier la thèse de Pharo (2022), qui considère que le désir de rétablir une part de communs dans la vie sociale équivaut à une forme renouvelée d'émancipation. Selon lui, agir au nom des communs permet de créer des espaces intermédiaires d'équilibre ; cela en contrepoids des logiques marchandes et de la recherche de performance.
Il pourrait être intéressant de questionner la robustesse des transformations prenant appui sur les communs : en quoi les communs produisent de manière effective des changements dans les organisations ? Mais aussi, quelle est la force émancipatrice des communs au sein de collectifs de travail ? C'est d'ailleurs l'axe de travaux conduits actuellement avec un spécialiste du sujet d'émancipation Jérome Eneau.
Cette nouvelle étude s'effectue à partir du projet Utilo [9], décrite par des personnes qui y sont engagées au sein d'une communauté d'acteurs de l'innovation publique territoriale. Ces acteurs se rencontrent dans un espace de tiers-lieu de l'innovation territoriale le « Tilab » qui est un laboratoire d'innovation publique porté par la Région et les services de l'état en région Bretagne. Nous souhaitons décrire ce processus d'émancipation qui prend appui sur la participation aux communs : de quoi on se libère ? pour aller vers où ?
Bibliographie
Coriat, B. (2017). Communs, l'approche économique. Dans, M. Cornue, F. Orsi, J. Rochfeld (dir.) Dictionnaire des biens communs (p. 266- 269). PUF
Engeström, Y. (2010). Activity Theory And Learning At Work. Dans M. Malloch, L. Cairns, K. Evans, & B. O'Connor, The SAGE Handbook of Workplace Learning (p. 86-104). Sage publications.
Pharo, P. (2020). Éloge des communs. Presses Universitaires de France.
Sanojca, E. (2018). Les compétences collaboratives et leur développement en formation d'adultes. Le cas d'une formation hybride. Thèse de doctorat en Sciences de l'éducation. Rennes, Université Rennes 2. (en ligne sur : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01709910)
Sanojca, E. Briand, M. (2022). The ‘commons' as a new value in adult learning. Proceedings of the 10th ESREA Triennial European Research Conference. University of Milano Bicocca, September 29 – October 2 2022, Milano, Italy (sous presse).
Sen , A (1984/2008) Capability and Well-Being. Dans D. M. Hausman (ed.) Phe philosophy of economics : an anthology (pp. 270-293). Cambridge University Press
[1] les phrases mises en citation sont extraites de la traduction de l'article (Sanojca, E. Briand, M. , 2022)
[2] Voir à ce sujet l'article :
"Les compétences collaboratives et leur développement en formation d'adultes. Le cas d'une formation hybride." qui présente quelques résultats de la thèse qui "cherche à identifier les compétences à développer pour travailler plus facilement avec les autres avec un éclairage sur ces capacités d'agir, appelées par convenance « compétences collaboratives », ainsi que les modes opératoires de leur développement en formation". (Sanojca 2018)
[3] En réponse à la crise du Covid-19, le labo du CNFPT a lancé la "Riposte créative territoriale" dès mars 2020, à l'initiative de membres de la communauté de l'innovation publique territoriale (retrouvez l'appel initial). L'objectif ? Co-construire, avec les collectivités territoriales, les réponses formatives innovantes pour faire face à ces défis complètement inédits, en mobilisant l'intelligence collective. Comment développer des modes d'apprentissage dans l'urgence, pour des solutions créatrices de valeur sociale pour le service public territorial et la démocratie locale ? Notre intention fait écho à l'alerte de Bruno Latour : « Si on ne profite pas de cette situation incroyable pour changer, ce serait gâcher une crise. » extrait de la présentation de la génèse en ligne.
[4] « L'état d'esprit collaboratif », « faire avec » et « avoir le souci des communs » : trois pivots pour coopérer, dans Innovation pédagogique et transition, mars 2018.
[5] Sanojca, E. (2018). Les compétences collaboratives et leur développement en formation d'adultes. Le cas d'une formation hybride. Thèse de doctorat en Sciences de l'éducation. Rennes, Université Rennes 2.
(en ligne sur : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01709910 ).
Cette étude s'inscrit dans dans l'intérêt que je porte aux processus de coopération que je divise en trois temps :
- le premier, préalable à la coopération, concerne les caractéristiques individuelles des personnes ;
- le second sur le processus lui-même : comment les personnes font pour travailler ensemble ;
- et enfin comment s'élabore le produit collectif et quelle est la relation à ce produit collectivement réalisé.
[6] Dans une visée compréhensive, l'enquête relève d'une démarche qualitative et s'appuie sur deux sources de données :
- les treize entretiens compréhensifs (Kaufmann, 2011) où la sélection des interviewés prenait en compte le critère d'implication dans RCT (les plus actifs). Cela représente 7 femmes et 6 hommes, majoritairement cadres de la fonction publique (85 %), acteurs du réseau de l'innovation publique territoriale, avec une expérience de 2 à 3 ans minimum (77%).
- dans une moindre mesure, les données textuelles à partir des productions des groupes impliqués dans la dynamique de RCT.
[7] avec pour chaque jardin une gouvernance particulière adaptée au contexte de leur jardin voir à ce sujet Vert le jardin.
[8] les cercles proposés viseront à s'ouvrir au paradigme de l'apprenance en multipliant les espaces ouverts, collectifs, réflexifs, expérientiels, fondés sur l'autonomie des apprenants pour favoriser leurs apprentissages à l'intérieur et à l'extérieur de leurs espaces dédiés.
Ces cercles viseront donc à répondre aux attentes des participants en proposant une opportunité de transformation à partir de leur expérience professionnelle. Ils seront donc des espaces apprenants mais aussi capacitants (Cf. Monique Castillo, Christian Batal et Solveig Oudet) dans la mesure où ils contribueront au développent du pouvoir d'agir des participants.
Extrait de la page de présentation des cercles sur RCT
[9] Comment animer une communauté d'entraide et susciter l'intelligence collective pour concevoir ou faire avancer un projet ? Quelles sont les méthodes et pratiques sur lesquelles on peut compter pour animer un atelier coopératif, mener une démarche participative dans son ensemble, ou encore aider à la mise en place d'un projet de co-conception ?
Voici les questions que se sont posés les pionniers de la communauté UTILO. Ce groupe de 25 agents publics venant de 14 administrations et collectivités différentes ont alors créé collectivement le guide UTILO.
extrait de la page de présentation du projet
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Riposte Créative Pédagogique pour agir en coopération ouverte face à la crise du COVID
Le dispositif Riposte Créative Pédagogique a été créé pour répondre à un besoin d'agir en coopération ouverte entre acteurs de l'enseignement supérieur face à la crise du COVID. La création du groupe “Hybridation des formations en coopération ouverte” marque une étape importante de transformation de ce dispositif et démontre l'amplification de la coopération ouverte rendue possible par le numérique. Le mode de fonctionnement agile a rendu possible un travail collectif important pour mieux partager des éléments de réponse aux enjeux identifiés.
1. Introduction
Lors du premier confinement, en mars 2020, des espaces ouverts de coopération ont été créés “pour apprendre ensemble de la crise, favoriser les solidarités, mutualiser les initiatives et préparer l'après” dans une logique de communs. Le premier espace Riposte Créative Territoriale a été initié par le CNFPT et a rapidement donné lieu à des initiatives similaires, dont le tiers lieu Riposte Créative Pédagogique qui a recensé et partagé initiatives et ressources ouvertes dans l'enseignement supérieur durant le confinement. Des collectes de récits et des idées pour l'”après la crise” recueillis à partir d'un questionnaire issu des travaux de Bruno Latour (Latour, 2020) ont complété ce dispositif. À l'instar du magazine contributif Innovation Pédagogique, il s'inscrit dans une dynamique de valorisation et de partage des savoirs, de manière transverse aux institutions et aux collectifs professionnels.
L'expérience du premier confinement et la perspective de la crise à long terme ont fait émergé plusieurs constats : (i) la nécessité d'aller au-delà du simple recensement des initiatives, (ii) le besoin d'initier un travail collectif pour mieux aborder les questions d'hybridation en partageant les réflexions (iii) l'intérêt de diffuser les bonnes pratiques autour du partage des ressources ouvertes, (iv) le besoin d'engager un développement professionnel collaboratif. En partant du principe que l'entraide est la modalité la plus efficace pour agir en situation de crise, un groupe ouvert à tous les acteurs de l'enseignement supérieur a été créé en juin 2020 (Gilliot, 2020). Rapidement, il a dépassé la centaine de membres issus de l'ensemble de la francophonie, en regroupant tous les profils de l'enseignement supérieur (enseignants de toutes disciplines, formateurs, chercheurs, ingénieurs et conseillers pédagogiques, documentalistes, informaticiens, cadres ...). La création du groupe “Hybridation des formations en coopération ouverte” marque la transformation du dispositif Riposte Créative Pédagogique et démontre l'amplification de la coopération ouverte rendue possible par le numérique.
Dans la suite de cette contribution, nous explicitons le besoin d'une riposte à la crise dans l'enseignement supérieur pour introduire la coopération ouverte comme mode efficient pour répondre à ce besoin. Nous présentons en quoi le numérique facilite ce mode et en quoi le travail en archipel permet de renforcer cette dynamique de coopération. Nous nous intéressons ensuite au groupe "Hybridation des formations en coopération ouverte” en tant que dispositif exemplaire.
2. Agir en temps de crise : la coopération ouverte
2.1. Après le premier déconfinement : la nécessité d'une riposte
La crise sanitaire et le premier confinement ont soudainement bouleversé les conditions d'enseignement, confrontant les établissements à la nécessité d'organiser dans l'urgence des dispositifs de formation hybride à distance. Un bouleversement des pratiques qui a mis les institutions en état de choc, concentrées sur les évolutions à marche forcée vers l'hybridation. Même si beaucoup d'établissements avaient engagé un développement de plateformes numériques avec des formes d'hybridation, peu avaient engagé une hybridation de masse (souvent réservé à un certain public, avec des enseignants technophiles ou sur un temps défini : maladie, empêchement…). En l'espace de quelques jours, il a fallu développer la massification de la formation à distance pour tous les étudiants et tous les enseignants. Après un premier temps de "débordement", de nombreux personnels, enseignants ou non, ont souhaité se rassembler pour partager des ressources et mutualiser des dispositifs. Cette collaboration reflète déjà un premier niveau de (ré)action rapide en temps de crise.
Le besoin est apparu d'avoir un lieu d'échanges inter-établissement et même plus largement en dehors des visions “établissement”. Riposte Creative Pédagogique y a participé à côté de la multiplication des articles autour de l'hybridation et de la riposte pédagogique (le magazine Innovation pédagogique a relayé plus de 200 articles sur le sujet en un an dans le seul noyau des sites aux contenus réutilisables). La diversité des acteurs de la Riposte en fait un commun riche, qui permet de dépasser la rivalité et le cloisonnement entre établissements. C'est un début de communauté de pratique, (Wenger, 1998) ouverte qui offre un environnement sans pression professionnelle (pas d'enjeux entre les acteurs, pas de stratégie concurrentielle d'établissement) qui favorise l'échange de pratiques entre métiers complémentaires et la réutilisation de ressources.
2.2. Un mode d'action efficient : la coopération ouverte
La coopération ouverte (Sanojca et Briand, 2018 ; Briand, 2019) outillée par le numérique permet de réagir rapidement là où des structures en fonctionnement plus vertical restent concentrées sur leur fonctionnement interne avec une acceptabilité qui découle de la situation de crise vécue. L'expérience de Riposte Creative Territoriale initiée avec la direction innovation du CNFPT a montré l'intérêt d'un partage ouvert pour les collectivités confrontées à une situation de crise. Des pratiques innovantes comme l'écriture ouverte à tous (sur un wiki sans modération à priori), dans une transparence du fonctionnement du collectif (toutes les réunions font l'objet d'une prise de notes collaborative sur un pad retranscrit ensuite en page du wiki) et en partage des contenus (interviews, base de données d'initiatives et de ressources) par une licence Creative Commons ont été adoptées par cette communauté de l'innovation territoriale. Ce changement de posture qui aurait demandé des années dans une situation ordinaire a été adopté en quelques semaines dans cette situation de crise. Et dans le cas du CNFPT il a fait émerger une pratique de formation en cercles apprenants innovante par rapport aux modes de fonctionnement ordinaires très structurés et descendants de cet organisme qui forme un million d'agents des collectivités chaque année.
Riposte Créative Pédagogique a permis quant à lui d'expérimenter une coopération ouverte en agrégeant des initiatives individuelles, en favorisant des échanges. Créé par quelques personnes bénévoles en marge du temps de travail professionnel, Riposte Créative Pédagogique a un impact et une portée modeste. Toutefois le succès de la quinzaine de webinaires organisés sans autre moyen que le site et la diffusion sur les réseaux sociaux rend compte de l'émergence de pratiques rendues possibles par la coopération ouverte en attention aux propositions des uns et des autres. Cette ouverture du champ des possibles se retrouve un an plus tard dans l'émergence de cercles apprenants et de nouveaux champs de coopération comme les Ressources Éducatives Libres ou la prise en compte de la Transition écologique dans l'enseignement supérieur francophone.
2.3. Le numérique comme facilitateur de la coopération
La démarche des Riposte Créative est construite autour d'un outil libre (yeswiki) facile à mettre en œuvre et à utiliser. Les différents projets en ”Riposte” ont tous démarré par une séquence interactive, où en l'espace de deux heures le site est mis en place, les premières bases de données sont installées. Modifier en direct la barre du menu, ajouter une rubrique, éditer la page d'accueil d'un simple double clic sont de petites expériences irréversibles de coopération qui marquent le groupe. L'outil est ainsi au service du groupe qui peut l'adapter, produire immédiatement des contenus, les cartographier sans être dépendant d'un plan de financement ou d'un temps de développement logiciel. Riposte créative pédagogique s'inscrit ainsi dans la notion d'outil convivial d'Ivan Illich (1973), un outil qui augmente l'efficience du groupe sans impacter l'autonomie individuelle, sans générer ni maître ni esclave et augmente le pouvoir d'agir.
Les Riposte nécessitent néanmoins une animation, comme tout projet coopératif. Elles reposent sur une animation qui est ici duale. A côté de la fonction d'animateur, qui va caler les règles, définir les objectifs, aider le groupe à avancer, à être productif, à grandir en maturité s'ajoute une animation techno-pédagogique autour de l'appropriation de l'outil (Merlet et al., 2021)
2.4. Le travail en archipel pour relier les initiatives
Le fonctionnement en archipel est une autre originalité des projets Riposte Creative. Dans l'esprit de l'idée développée par Édouard Glissant, poète et philosophe proche d'Aimé Césaire, et popularisée en France par l'Archipel “Osons les jours heureux" (Les Jours Heureux, 2017). Les Ripostes Créatives favorisent une interconnexion des initiatives (les identités relations qui relient les identités racines des îlots). Ainsi les différents sites Ripostes sont mentionnés dans le bas de page d'accueil de chacun. Facilité par l'usage d'une base logicielle commune (yeswiki), la structure de la base de données de l'un peut être aspirée par l'autre et rendue opérationnelle en quelques minutes.
Cette idée d'archipel des Ripostes a été développée dans Riposte Creative Territoriale par Patrick Viveret, elle est aussi reprise dans des dynamiques comme celle du collectif des “Chatons” (Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires) initié par Framasoft, le réseau des formations à la coopération Animacoop, le réseau émergeant des lowtech ou l'espace collaboratif à la mode des Ripostes Créative “Agora des archipels”. Les références citées sont relatées dans des articles descriptifs (Marseault & Briand 2021, Framasoft, 2019), état des lieux actuels de cette réflexion émergente.
Dans cette logique de relations entre îlots de l'archipel des Riposte, le webinaire inaugural de Riposte Créative Pédagogique a accueilli Animacoop pour s'imprégner des valeurs de la coopération ouverte et l'idée de cercle apprenant développée au CNFPT en 2021 est reprise au sein du groupe hybridation en coopération ouverte.
3. Une initiative au sein de l'enseignement supérieur
Après avoir décrit les dimensions principales de l'archipel des ripostes déployé en réponse à la crise, nous nous intéressons plus spécifiquement à l'initiative mise en place pour l'enseignement supérieur, à savoir Riposte Créative Pédagogique, et plus spécifiquement à sa deuxième phase, qui correspond au développement d'un groupe plus large que le noyau initial autour de l'hybridation des formations en coopération ouverte.
3.1. Une organisation informelle co-construite
Le groupe dit “hybridation des formations en coopération ouverte” a donc été initié après le premier confinement, à un moment où nombre de professionnels de l'enseignement supérieur étaient en recherche d'espace de partage et d'échanges ouverts, où dans le même temps l'anticipation pour gérer le prolongement de la crise sanitaire semblait absente des discours officiels. La naissance du groupe, suite à une proposition ouverte (Gilliot, 2020), s'est opérée au travers de deux réunions en ligne réunissant une vingtaine de personnes chacune, qui ont permis de poser les bases du groupe et de s'accorder sur les enjeux de celui-ci.
Le cadre de création proposé est celui de la coopération ouverte, autour des questions de l'hybridation des formations, central pour permettre la résilience de l'enseignement supérieur, et des ressources ouvertes comme moyen d'efficience. L'organisation se veut agile, et vise à permettre de travailler collectivement autour de ces questions. Cette agilité est rendue possible par un a priori de confiance (l'écriture est ouverte à tous) et un fonctionnement par consentement (une initiative est valide dès lors que quelqu'un la porte et que personne n'a d'objection de fond). Une telle organisation s'avère difficile à mettre en place dans le cadre d'un appel à projet ou dans un cadre institutionnel classique, où les attendus sont plus formalisés, et la participation de chacun prédéfinie, et cadrée par son métier.
Le groupe se veut ainsi un lieu d'échanges, de réflexion, mais aussi de montée en compétence collective sur les sujets de l'hybridation en formation, en intégrant les questions de collaboration et de partage de ressources. Il s'apparente ainsi à un environnement capacitant (Fernagu-Oudet, 2018), qui, couplé avec les capabilités mises en place par l'environnement numérique, va permettre aux participants de se saisir des opportunités offertes pour devenir acteurs et ainsi leur permettre de développer leur pouvoir d'agir (Vallerie, B. & Le Bossé, Y. 2006). La mise en place d'actions se fait sur une base d'engagement libre et se focalise sur des premiers webinaires, qui visent à accueillir une expertise, mais surtout à susciter le débat. Une réunion hebdomadaire, à laquelle chacun peut se joindre, permet la prise de contact et de faire avancer l'organisation des actions. Elle permet aussi une libération de la parole et l'échange d'informations, phase qui s'avère importante en temps de crise. Une liste de diffusion permet d'informer les adhérents. Le site innovation pédagogique, permet de diffuser les annonces au-delà du groupe. Le cadre informel facilite également l'articulation avec d'autres initiatives ouvertes, sur des sujets d'intérêt communs. Le choix de partager des webinaires ouverts est ainsi possible, renforçant de facto l'impact de chaque initiative. Au total, le groupe initial s'est enrichi pour accueillir 187 personnes inscrites sur la liste de diffusion.
3.2. Les webinaires témoins d'une demande implicite
De manière à répondre au mieux à la demande d'échanges et de partages de la communauté, des webinaires thématiques ont été rapidement co-organisés. Lors des réunions hebdomadaires des sujets sont proposés. Ils sont affichés sur le wiki du groupe hybridation en coopération ouverte et relayés sur la liste de diffusion avec le ou les nom(s) des personnes à contacter pour participer à la mise en place du webinaire. Une fois le déroulé défini, un formulaire d'inscription est mis en place afin de pouvoir suivre le nombre d'inscrits. Le lien de connexion ainsi que lien vers un outil de prise de notes collaboratives sont envoyés aux participants. Par la suite, les notes et l'enregistrement des webinaires sont déposés sur le wiki.
Cette organisation très agile a permis d'organiser de manière coopérative 18 webinaires entre octobre 2020 et juin 2021. Ces webinaires regroupent généralement entre 50 et 100 participants. Les premiers webinaires visaient à accueillir une expertise, mais surtout à susciter le débat autour de thématiques pédagogiques d'actualité (par exemple : “Motivation et engagement des étudiants : enjeux en contexte de formation hybride” animé par Denis Bédard). Par la suite, les webinaires se sont aussi orientés vers le partage de pratiques et les retours d'expérience (TP hybrides et à distance, jeux sérieux, le tutorat, …).
Ces webinaires et les échanges ont permis un développement professionnel des acteurs de la communauté ainsi qu'une diffusion de bonnes pratiques.
3.3 Ouverture des possibles
Le contexte mis en place, avec son degré informel et l'utilisation d'outils conviviaux permet également de tester facilement des idées. Certaines ne trouvent pas le succès escompté, et peuvent rapidement être abandonnées. Par exemple, un questionnaire a été mis en place au moment des re-confinements, mais n'a été rempli que par moins d'une centaine de participants malgré une diffusion large. D'autres peuvent par contre se prolonger au-delà du périmètre initial. Le webinaire sur les jeux documentaires a ainsi été prolongé par un second webinaire portant sur le test en réel d'un jeu et sur son mode de construction. Le questionnement sur la mise en place de TP hybrides a fait l'objet d'un webinaire, repris par d'autres, mais aussi d'une collecte de ressources. Le webinaire sur “Enseignant, conseiller pédagogique, collaboration ou coopération ?” a donné lieu à la création d'un cercle apprenant.
D'une simple base de ressources d'initiatives et de retours d'expériences, puis d'une collection de webinaires, le projet Riposte évolue maintenant vers un apprentissage entre pairs autour de cercles apprenants.
3.4. Une expérimentation ouverte : les cercles apprenants
Afin de prolonger les échanges provoqués par les webinaires, l'idée de cercle apprenant a été proposée afin de favoriser une plus grande coopération entre pairs. Ces temps de co-formation s'inscrivent dans la lignée des cercles d'apprentissage (Alix, 2021) mis en place par Riposte Créative territoriale (CNFPT). Le premier cercle apprenant mis en place dans le cadre du groupe hybridation en coopération ouverte concerne la thématique de la coopération/collaboration entre enseignant et conseiller pédagogique. En effet, lors du webinaire consacré à ce sujet les thèmes de l'accompagnement des équipes et de l'autonomie des acteurs par rapport à leur institution n'avaient pas été abordés. Il a donc été proposé de les discuter de manière plus coopérative dans un cercle apprenant. Pour chaque rencontre un animateur ou une animatrice se propose avec un déroulé s'appuyant sur une prise de notes collaborative sur un pad.
3.5. Impact au-delà du groupe
Le fonctionnement du groupe décrit dans cette contribution a donné à voir de nouvelles pratiques ouvertes, qui ont été reprises dans d'autres contextes. L'annonce des différents webinaires a été relayée par certaines institutions. Certains établissements (citons l'IFPEK, IMT Atlantique, ENTPE) ont ainsi pris l'habitude d'ouvrir les enregistrements de leurs webinaires, voire dans certains cas la possibilité de participer au-delà de leur établissement.
Dans cette démarche d'ouverture, les activités de la communauté du groupe hybridation ont pu aider des établissements, comme l'IFPEK, dans leur stratégie d'accompagnement du développement professionnel des enseignants/formateurs. Les ressources et initiatives produites ont pu servir d'exemple ou d'illustration à une transformation pédagogique pendant cette période de crise sanitaire. Une transformation pédagogique embryonnaire et souhaitée par la communauté des enseignants/formateurs de l'établissement, mais que le manque d'exemple ou de temps avaient pu freiner. La crise doublée d'un accès facilité aux ressources et aux activités des ripostes ont permis aux formateurs de s'autoriser à lancer cette transformation (“ils l'ont fait, on peut le faire”), tout en restant dans une philosophie de réutilisation et d'ouverture, pour alimenter à leurs tours par leurs initiatives la communauté.
4. Conclusion : un environnement capacitant en évolution
Ainsi que nous l'avons décrit, ce dispositif de coopération ouverte, au-delà d'un périmètre (pré)défini d'établissements, basé sur une organisation agile et des outils conviviaux a rencontré un accueil favorable auprès d'une communauté de près de 200 personnes. Un noyau assez large s'est saisi de ce dispositif en tant qu'environnement capacitant bienveillant, la variété des propositions permettant à différentes personnes de s'impliquer et de trouver leur place. Construit hors hiérarchie, cet espace permet de donner des capacités d'actions qui ont pu être réinvesties dans les institutions. Cette absence de cadrage a également permis de faire émerger des actions selon les intérêts de chacun, qui ont pu être validées, ou non, de manière agile. Cette communauté de pratique a ainsi permis d'aborder de nombreux sujets de manière originale et interprofessionnelle.
Notons que les participants français ont été étonnés de découvrir qu'il existait au Québec des initiatives encourageant la coopération ouverte (les rencontres avec le GRIIP (2020) et la fabrique des REL (2020) ont été riches d'échanges sur le sujet). Il serait intéressant de voir si de telles initiatives pourraient être soutenues de manière encore plus large, au-delà de quelques établissements.
Le fait de pouvoir s'inscrire dans un mouvement plus large au travers des Ripostes et de la logique d'archipels a clairement facilité la création d'un tel groupe. La situation de crise a été un facteur important. La maturité collective a semble-t-il augmenté. Ainsi, la tentative de créer une communauté de contributeurs autour du site Innovation Pédagogique depuis 2014 n'avait pas rencontré un grand succès. Aujourd'hui, avec une approche plus variée, une communauté ouverte se fédère effectivement autour d'un projet plus ciblé, avec des participants prêts à s'investir.
De nouvelles idées d'actions, de sujets continuent à être proposées. À l'heure d'écrire ces lignes, nous notons par exemple que l'annonce d'un groupe similaire sur la transition écologique qui intéresse tous les acteurs fait la proposition d'un espace de coopération ouverte sur ce sujet.
Jean-Marie Gilliot
IMT Atlantique – Lab-STICC (UMR CNRS 6285), Brest, France, jm.gilliot@imt-atlantique.fr
Yann Le Faou
IFPEK – CREAD EA3875 – Université de Rennes, Rennes, France, y.lefaou@ifpek.org
Éric Tanguy
Université de Nantes, Faculté des Sciences et des Techniques, Nantes, France, eric.tanguy@univ-nantes.fr
Michel Briand
IMT Atlantique, Brest, France, Michel.Briand@imt-atlantique.fr
4. Remerciements
Les auteurs de cet article remercient l'ensemble des participants au groupe et aux webinaires.
Références bibliographiques
Alix B. (2021, 10 février) Les cercles d'apprentissage, d'étude ou de pratique Riposte Créative Territoriale https://ripostecreativeterritoriale.xyz/?CercleApprentissage
Briand, M. (2019, 4 juillet) La coopération, un changement de posture : vers une société de la coopération ouverte, diapos commentées de la conférence QPES 2019. Innovation pédagogique https://www.innovation-pedagogique.fr/article5331.html
Fabrique, R. E. L. (2020). Ressources éducatives libres (REL).
Fernagu-Oudet, S. (2018). Apprenance et environnement capacitant. Penser la formation aujourd'hui : un nouveau paradigme, 25.
Framasoft (2019, 10 décembre) Archipélisation : comment Framasoft conçoit les relations qu'elle tisse. https://framablog.org/2019/12/10/archipelisation-comment-framasoft-concoit-les-relations-quelle-tisse/
Gilliot, J.M. (2020, 10 juin) Présence hybride ou la rentrée sous le signe de l'hybridation – préparons là ensemble ! repris sur Innovation Pédagogique https://www.innovation-pedagogique.fr/article7288.html
GRIIP (2020) Groupe d'intervention et d'innovation pédagogique https://pedagogie.uquebec.ca/
Illich, I. (1973). Tools for conviviality.
Latour, B. (2020). Imaginer les gestes barrières contre le retour à la production d'avant-crise (Vol. 30, No. 03, p. 2020). AOC. http://www.bruno-latour.fr/sites/default/files/downloads/P-202-AOC-03-20.pdf
Les Jours Heureux (2017). Archipel « Osons les jours heureux » https://les-jours-heureux.fr/archipel-osons-les-jours-heureux/
Marseault L., & Briand M. (2021, 12 mars) Partage sincère, "tragédie du LSD", fonctionnement en archipel : dialogue autour de la coopération ouverte avec Laurent Marseault. Coopérations, http://www.cooperations.infini.fr/spip.php?article11428
Merlet, F., Marseault L., & Briand M. (2021, 4 avril) Le rôle du techno-pédagogue dans un « Riposte créative », espace en coopération ouverte. Coopérations, http://www.cooperations.infini.fr/spip.php?article1143
Sanojca E., & Briand M. (2018, 15 mai) La coopération ouverte, un concept en émergence. Innovation pédagogique https://www.innovation-pedagogique.fr/article3428.html
Vallerie, B., & Le Bossé, Y. (2006). Le développement du pouvoir d'agir (empowerment) des personnes et des collectivités : de son expérimentation à son enseignement. Les Sciences de l'éducation-Pour l'Ère nouvelle, 39(3), 87-100.
Wenger, E. (1998). Communities of Practice : Learning, Meaning, and Identity. Cambridge : Cambrige University Press .
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Mutualisation des ressources pédagogiques numériques pour l'hybridation : vers l'éducation ouverte ?
Un article repris de la revue Distances et médiations des savoirs, (28 juin 2022) ; une publication sous licence CC by sa
Luc Massou, « Mutualisation des ressources pédagogiques numériques pour l'hybridation : vers l'éducation ouverte ? », Distances et médiations des savoirs [En ligne], 38 | 2022, mis en ligne le 09 juin 2022, consulté le 11 octobre 2022. URL : http://journals.openedition.org/dms/7997 ; DOI : https://doi.org/10.4000/dms.7997
Une fois n'est pas coutume dans Distances et médiations des savoirs (DMS), ce n'est pas en tant qu'enseignant-chercheur en sciences de l'information et de la communication de l'Université de Lorraine que je vais m'exprimer pour contribuer à ce nouveau débat de la revue, mais comme conseiller scientifique et pédagogique rattaché à la Direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP) du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR [1]). En effet, la thématique des stratégies numériques dans l'enseignement supérieur au prisme de la distance proposée par Daniel Peraya et Aurélien Fievez est en lien avec plusieurs missions et projets auxquels je contribue au sein du collège des conseillers scientifiques et pédagogiques (CCSP), dans le prolongement de l'ancienne Mission pour la pédagogie et le numérique dans l'enseignement supérieur (MiPNES) dont j'ai fait partie de 2017 à 2020 avant d'intégrer le collège. Pour autant, et conformément au principe de la rubrique « Débat-discussion » de la revue, il s'agit bien ici d'exprimer un point de vue personnel qui n'engage donc que moi, mais qui prend appui sur cette expérience acquise en tant que conseiller sur plusieurs initiatives et projets en lien avec l'hybridation des formations du supérieur en France, depuis le premier confinement de mars 2020 à aujourd'hui.
Pour inscrire mon propos dans le prisme de la distance, j'ai choisi l'angle de la mutualisation des ressources pédagogiques numériques produites ou mises à disposition pour accompagner le passage contraint et massif au tout distanciel, puis à l'hybridation davantage choisie et progressive des formations dans les établissements de l'enseignement supérieur français, que Daniel Peraya et Aurélien Fiévez appellent « mise à distance » dans leur texte introductif du débat. J'entends ici l'hybridation pensée selon les deux premières catégories de la récente revue de littérature publiée par Claire Peltier et Catherine Séguin (2021) dans DMS : centrée sur les modalités d'organisation de la formation à travers l'articulation présence/distance et l'usage des technologies (catégorie 1) ; centrée sur le processus d'ingénierie et les choix technopédagogiques (catégorie 2). Pour l'illustrer, je citerai plusieurs exemples à la fois de politiques publiques initiées par le MESR et la DGESIP depuis mars 2020 et de projets d'établissements (collectifs ou individuel) ayant intégré cette dimension de la mutualisation des ressources pédagogiques numériques de manière parfois centrale. Cette sélection d'exemples et de stratégies numériques va dans le sens d'accompagner, mais aussi de capitaliser sur l'expérience acquise depuis les différents confinements (avec passages à un tout distanciel brutal et souvent dégradé en raison de l'urgence : Hodges et al. ; Bailenson, 2021), non pas pour défendre l'idée que le distanciel doive devenir la norme dans l'enseignement supérieur français, mais pour accompagner et prolonger les changements identifiés ici et là dans les pratiques pédagogiques des enseignants du supérieur avec le numérique, et que la littérature scientifique commence à recenser (Demeyer 2020 ; Karsenti et al., 2020 ; Loisy 2020 ; Roy et al., 2020 ; Miras et Burrows 2021 ; Papy 2021 ; Poellhuber et al., 2021).
Enfin, je proposerai en guise de conclusion d'élargir le débat à une réflexion personnelle sur l'éducation ouverte (open education) et la perspective potentielle d'un « plan national pour l'éducation ouverte » (PNEO) qui deviendrait le pendant ou miroir du plan national pour la science ouverte (PNSO) lancé en 2018 et qui vient d'être récemment prolongé pour 2021-2024 par notre ministère : serait-il pertinent de l'appliquer aussi aux ressources pédagogiques numériques (ressources éducatives libres) ?
Quelles politiques publiques en France depuis le premier confinement ?
Pour introduire mon propos, il me semble utile de rappeler certains choix opérés par le ministère et par le Gouvernement depuis le premier confinement de mars 2020, afin d'accompagner l'hybridation des formations dans l'enseignement supérieur français pendant et après la crise pandémique. Ils se déclinent en trois principales catégories d'action : accompagnement des acteurs, financement de projets, valorisation d'initiatives.
Accompagnement des acteurs
Il a pris trois formes. Tout d'abord la publication en juin 2020 du guide « Préparer la rentrée universitaire 2020 » [2], rédigé par des conseillers et personnels permanents de la MiPNES à destination des équipes pédagogiques et services d'appui à l'enseignement, afin de dégager des repères collectifs et flécher vers des ressources déjà disponibles en ligne pour guider les enseignants dans leur préparation d'une rentrée universitaire 2020/2021, où l'enseignement distanciel allait prendre une place prépondérante (évaluée au minimum à 70 % des enseignements par les établissements à cette période, en raison de la pandémie). Le guide était structuré autour de quatre axes de travail qui nous semblaient essentiels à prendre en compte dans un tel contexte inédit : le séquençage des activités d'enseignement-apprentissage ; la conception d'un cours en ligne ; l'engagement et l'accompagnement des étudiants dans un enseignement en ligne/à distance ; l'évaluation. Pour chacun, nous avions énoncé quelques conseils clés (par exemple : développer le sentiment d'appartenance et la socialisation à distance pour favoriser la réussite étudiante, évaluer finement la charge de travail pour les enseignants et les étudiants dans le basculement des enseignements et apprentissages à distance…) et pointé vers des liens qui nous semblaient pertinents et utiles, comme la frise interactive sur la scénarisation d'un cours en ligne « Défi Distance ! » de l'Université catholique de Louvain ou la cartographie interactive à plusieurs entrées « Enrichir ses cours grâce au numérique » de l'Université de Bourgogne.
Ensuite, nous avons décidé au sein du comité de pilotage du MOOC « Se former pour enseigner dans le supérieur » d'ajouter un sixième thème sur « Enseigner et apprendre en ligne », étant donné que ce cours en ligne massif et ouvert est devenu une ressource pédagogique de référence en France, suivi par 10 000 inscrits en moyenne chaque année depuis son lancement (première session) en novembre 2017. Il vise la formation initiale et continue des enseignants-chercheurs, mais touche aussi les personnels d'appui à l'enseignement (ingénieurs et conseillers pédagogiques), comme l'avait démontré l'étude des publics et usages du MOOC que nous publiée dans DMS (Delalande et al., 2019).
Enfin, beaucoup plus récemment, l'appel à manifestation d'intérêt « Compétences et métiers d'avenir » lancé en décembre 2021 pour 4 ans (2021-2025) par le 4e plan d'investissements d'avenir (PIA) dans le cadre du plan « France 2030 » comprend un volet dirigé sur la thématique « Enseignement et numérique » dans lequel notre groupe de travail ANR-SGPI-DGESIP[Agence nationale de la recherche (ANR), Secrétariat général pour l'investissement (SGPI).]] a identifié – entre autres – trois actions fléchées sur la formation des enseignants au numérique : « Formation initiale à l'enseignement et au numérique pour les néo et futurs enseignants » (action 1) ; « Soutien à la formation continue sur l'enseignement et le numérique et au développement professionnel des enseignants de l'enseignement supérieur » (action 2) ; « Développer l'offre de formation initiale et continue en ingénierie et en accompagnement pédagogiques » (action 4). Ces actions visent notamment à renforcer les compétences dans l'usage pédagogique du numérique des enseignants-chercheurs et à améliorer le vivier – actuellement insuffisant - des personnels d'appui à la pédagogie et au numérique, très recherchés par les établissements d'enseignement supérieur français.
Financement de projets
Sur le financement de projets visant l'hybridation des formations dans l'enseignement supérieur, trois principaux appels à projets (AAP) ou à manifestation d'intérêt (AMI) sont venus accompagner entre juin 2020 et mars 2021 des projets d'établissements portant spécifiquement sur l'hybridation de leurs cursus et/ou leur transformation numérique. Le plus emblématique est l'AMI « Hybridation des formations de l'enseignement supérieur » lancé très rapidement (AMI dit « flash » pour ses délais de publication et de sélection très courts) en juin 2020 suite au premier confinement, afin de faire face à l'urgence de préparation d'une rentrée universitaire 2020/2021 en mode hybride dans tous les établissements d'enseignement supérieur français, et d'anticipation de gestion de crise pandémique future dont personne ne pouvait savoir comment elle allait évoluer. Dès cet appel est cité l'objectif de proposer des « ressources pédagogiques mutualisées et modulaires » (p. 3 du texte de l'AMI), de faire la démonstration (par les établissements) « de leur expérience et de leurs compétences en matière de mutualisation et de diffusion des formations numérisées à l'ensemble des acteurs de l'enseignement supérieur » (p. 5), et de mutualiser les modules de formation à distance « grâce à leur mise à disposition sur une plate-forme » (p. 6). Sur 65 projets jugés recevables, 34 projets ont reçu le soutien de cet AAP via le PIA 3 (15 lauréats initiaux) ou le Plan de relance (19 lauréats supplémentaires), et sont encore en cours de développement.
Un autre AAP l'a suivi, lié au projet « Parcours flexibles en licence » (PFL) du MESR et lauréat du fonds de transformation de l'action publique (FTAP) en novembre 2018, et qui s'est décliné en deux AAP internes à l'enseignement supérieur français en 2019 puis 2020. Ainsi, son 2e AAP « Parcours flexibles en licence - médecine – maïeutique – odontologie – pharmacie » (PFL-MMOP), lancé en décembre 2020 et dont je coordonne le suivi pour la DGESIP, a ciblé plus particulièrement la mise en œuvre de la réforme des études de santé en s'appuyant sur une formation partiellement hybridée, accompagnée d'un tutorat pédagogique et méthodologique renforcé, et en combinant les bénéfices des outils et ressources pédagogiques numériques et de l'enseignement en présentiel. Là encore, l'objectif de favoriser la mutualisation des ressources pédagogiques numériques est central, mais avec la particularité de la mettre en œuvre au sein de consortiums d'établissements. 4 consortiums représentant plus de 30 universités différentes sont ainsi actuellement financés par les deux AAP (2019 et 2020) du projet PFL, dans le domaine des études de santé ou de sport en particulier.
Enfin, mais dans une moindre mesure étant donné son approche beaucoup plus globale de soutien aux stratégies numériques menées au sein des établissements et à leur capacité à les essaimer au-delà de leur seul périmètre interne, l'AMI « Démonstrateurs numériques dans l'enseignement supérieur » lancé en mars 2021 vise également à financer des projets qui répondent à des objectifs de transformation des métiers de l'enseignement supérieur grâce au numérique, incluant la diversification des modalités d'enseignement et d'apprentissage (hybridation, distance, simulation/expérimentation virtuelle, mobilité) et la formation des acteurs (apprenants, enseignants, personnels d'appui). 17 projets sont actuellement financés par cet AAP, pour une durée de 3 ans (2022-2024).
Valorisation des initiatives
Dans une perspective de valorisation des actions menées par les établissements français depuis la crise sanitaire, la DGESIP a également mis en ligne la cartographie « Les initiatives des acteurs du supérieur #Covid19 », alimentée par les acteurs eux-mêmes (732 notices publiées à ce jour, dans un format volontairement court) afin de partager leurs expériences de gestion de la crise sanitaire à de multiples niveaux (psychologique, culturel, médical, scientifique, pédagogique, administratif…). Afin de faciliter sa navigation, elle est structurée selon 20 thématiques transversales (dont l'une concerne « Apprendre et travailler à distance ») et propose un filtre par zones géographiques (grandes régions, DOM-TOM).
Le cas spécifique de la plateforme nationale FUN-Ressources
Pour terminer ce panorama sélectif des récentes politiques publiques en faveur de l'accompagnement à l'hybridation des formations du supérieur, il est intéressant d'expliquer les principes clés à l'origine du lancement de la plateforme FUN-ressources, co-pilotée par la DGESIP, l'Université numérique (UN, association des Universités thématiques numériques - UNT) et France Université numérique (FUN, gestionnaire de la plateforme FUN-MOOC), et visant à proposer un ensemble de ressources et d'outils pédagogiques numériques à destination des enseignants et services d'appui, pour faciliter l'hybridation de leurs formations. Dès sa conception durant le premier confinement en mars-avril 2020, la plateforme a d'abord été pensée comme un espace solidaire et contributif de dépôt de ressources pédagogiques issues de l'enseignement supérieur et de la recherche, appelé « Je contribue » et fonctionnant comme un Cloud hébergé par FUN et permettant aux enseignants volontaires de partager leurs ressources pédagogiques à l'attention de leurs pairs. Très vite, un comité de pilotage DGESIP-UN-FUN a permis d'élargir le dispositif à deux autres briques fonctionnelles dès juin 2020 :
« Découvrez » : une sélection de ressources pédagogiques numériques13 (ressources éducatives libres - REL) issues du catalogue des UNT et de FUN-MOOC et organisées par mentions nationales de Licence et de DUT ;
« Utilisez » : un accès au service FUN-Campus qui permet d'implémenter dans chaque établissement en local (comme un SPOC) des MOOC issus du catalogue de FUN-MOOC.
La première brique vise à répondre à trois des principales étapes identifiées dans la littérature scientifique sur l'appropriation des REL par les enseignants (Cox et Trotter, 2017), et qui peuvent expliquer leur non-usage actuel (Massou, Papi, Pulker, 2020) : la prise de conscience de ce que sont les REL et de leur spécificité par rapport aux autres ressources éducatives ; la capacité à les trouver ; la disponibilité de ressources pertinentes et de qualité. En proposant une liste sélective de REL validées par les UNT et par les établissements partenaires de FUN-MOOC, et organisées par mentions nationales et années de diplômes de premiers cycles universitaires, la brique « Découvrez » de la plateforme FUN-Ressources permet aux enseignants et personnels d'appui à la pédagogie en recherche de REL utiles et de qualité d'être guidés dans leur démarche, et de pouvoir les choisir en connaissance de cause (fiche descriptive, granularité de la ressource, type). D'une certaine façon, cette brique joue le rôle de courtage éducatif décrit par Pierre Moeglin (2007) comme intermédiaire nécessaire entre ressources pédagogiques numériques et usagers (les enseignants ici), et qui était selon lui le chaînon manquant dans les campus numériques du début des années 2000, dont les UNT sont en partie issues.
Le premier bilan de la plateforme effectué par notre comité de pilotage en février 2021 nous a conduit à supprimer la brique « Je contribue/contribuez » de dépôt de ressources pédagogiques (qui n'a pas rencontré le succès escompté), de maintenir les briques « Découvrez » et « Utilisez », et surtout de préparer l'ouverture d'une nouvelle brique « Accédez » qui est opérationnelle depuis mars 2022. Elle consiste en un entrepôt national proposé par l'Université numérique, implémenté sous Moodle (car très majoritairement choisi par les établissements d'enseignement supérieur en France) et accessible notamment par fédération d'identité (les enseignants y accèdent avec leur identifiant universitaire numérique déjà utilisé dans leur établissement d'affectation). Il est alimenté par des REL déjà sélectionnées dans la brique « Découvrez » et dont le format est compatible avec Moodle. L‘objectif est ici de pallier un autre frein dans la réappropriation des REL (Pulker, 2020) : la possibilité pour l'enseignant de les modifier à sa guise afin qu'elles correspondent à ses besoins. En les encapsulant dans un entrepôt de données compatible avec l'environnement Moodle et facilement accessible, L'Université Numérique permet aux enseignants de télécharger des ressources pédagogiques qu'un enseignant jugera utiles pour préparer son cours (à distance ou hybride), de les modifier une fois ré-importées dans son propre environnement numérique d'enseignement (le Moodle de son établissement), et de les redistribuer sous une nouvelle version s'il le souhaite. Avec l'ajout de cette nouvelle brique, c'est le cycle vertueux des 5 permissions (5R) que David Wiley (2014) a décrites pour définir les REL qui est visé : retenir, réutiliser, réviser, remixer, redistribuer.
Quatre exemples de projets d'établissements axés sur la mutualisation et l'ouverture des ressources pédagogiques numériques
Afin d'illustrer des choix stratégiques numériques d'établissements axés sur la mutualisation des ressources pédagogiques, j'ai d'abord choisi trois exemples issus de projets que je suis en tant que conseiller DGESIP, qui sont lauréats de deux AAP évoqués supra, et dont le point commun est d'être fondés sur une collaboration de plusieurs établissements partenaires. Puis je terminerai par un exemple unique en France de projet d'établissement dont la stratégie de site universitaire est axée sur l'ouverture à tous les niveaux (université ouverte), incluant l'open education sur laquelle nous reviendrons en conclusion. Dans les premiers cas, il s'agit de sortir d'une logique spécifique à un seul site universitaire, et où la mutualisation consiste à ne pas réinventer la roue pour des enseignements disciplinaires similaires, et à favoriser la flexibilisation des parcours de formation grâce à l'hybridation (par exemple, via l'articulation de cours en ligne en autonomie et de séances d'accompagnement personnalisé en présentiel), notamment pour les filières accueillant des publics massifs, spécifiques ou empêchés. Dans le second cas, il s'agit de penser l'ouverture pour toutes les dimensions d'une université publique française : science, éducation, innovation et gouvernance.
Concevoir des micro-contenus pédagogiques numériques (projet PUNCHY)
Ce premier exemple est issu d'un projet lauréat du fonds d'amorçage de l'AAP « Hybridation des formations de l'enseignement supérieur » en 2020 : « Partageons université numérique et cursus hybrides » (PUNCHY) est porté par l'association L'Université numérique (association regroupant 6 UNT, dont sont membres une grande partie des établissements – écoles, instituts, universités - de l'enseignement supérieur français) avec 2 universités partenaires et la Fédération interuniversitaire d'études à distance (FIED). Il vise à proposer une démarche générale, systémique et collective, de création de ressources numériques à large potentiel de réutilisation et d'adaptation à des contextes divers, supports de formations complètes, et qui ont vocation à devenir des documents de référence. Pour cela, les porteurs du projet ont défini un cahier des charges très précis afin de définir ce que recouvre la notion de « micro-contenu » pédagogique numérique, et dont le guide d'accompagnement pour les auteurs (p3) indique :
« Un micro-contenu est une courte séquence e-learning présentant une unité pédagogique élémentaire correspondant à une notion de cours. Il peut être utilisé de manière autonome ou inséré comme composant d'une ressource numérique plus globale. Sa particularité réside en sa capacité à être réutilisé dans plusieurs dispositifs pédagogiques. Un micro-contenu est autonome et décontextualisé afin de pouvoir être inséré dans d'autres contextes, indépendants de celui pour lequel il a été conçu à l'origine. L'assemblage de micro-contenus doit permettre à son auteur ou à d'autres enseignants de créer de nouvelles ressources complètes, ou d'enrichir des ressources existantes de manière à améliorer leur adaptabilité ».
Pour atteindre cet objectif de réutilisabilité, essentiel comme je l'avais déjà évoqué supra pour favoriser la réappropriation de REL mutualisées à grande échelle, la conception d'un micro-contenu doit répondre à un ensemble d'exigences éditoriales, là encore citées par le guide auteur du projet (p. 3) :
- « Un contenu comprenant une intentionnalité pédagogique autour d'une notion spécifique ;
- Un composant unitaire, pédagogiquement indivisible, d'une durée limitée à 30 minutes maximum temps apprenant ;
- Un contenu intégrant des apports pédagogiques (ressources et/ou activités), proposant les moyens pour les apprenants de s'auto-évaluer ;
- Un contenu s'appuyant sur une ou plusieurs activités d'apprentissage enchaînées pédagogiquement ;
- Un contenu décontextualisé, sans référence temporelle ou à des prérequis (qui peuvent exister, mais qui ne sont pas spécifiquement exprimés dans le contenu autrement que par des métadonnées). »
D'une certaine manière, je pense que ce choix marque une étape dans le modèle éditorial des UNT, que Laurent Petit (2009) considérait préalablement – et à juste titre – comme double, oscillant entre tentation de la chaîne éditoriale (incorporant la médiation, la scénarisation et l'instrumentation de choix pédagogiques) et formule du meccano industriel (comprenant des grains standardisés, indexés et ré-agençables par les enseignants). Ici, le choix est clairement opéré pour le second modèle, tout en luttant contre l'éclectisme didactique repéré par Matthieu Cisel (2017) dans son analyse des MOOC. Et si je m'en tiens à plusieurs réactions d'autres projets lauréats du fonds d'amorçage de l'AAP à la présentation du projet PUNCHY lors d'un webinaire de partage d'expériences inter-projets que notre collège des conseillers avait organisé en juin 2021, l'accueil favorable a confirmé la pertinence de ce choix. À ce cahier des charges s'ajoutent des caractéristiques techniques qui favorisent l'interopérabilité et la standardisation des micro-contenus (dont le format H5Pqui s'impose progressivement pour la production de REL à l'échelle internationale), pour les rendre compatibles avec la majorité des environnements numériques d'enseignement et d'apprentissage actuellement utilisés dans l'enseignement supérieur. Précisons enfin que les REL produites dans le cadre de ce projet viendront alimenter l'entrepôt de données ouvertes mis en place par l'Université Numérique dans le cadre de la plateforme nationale FUN-Ressources citée supra.
Construire une bibliothèque numérique mutualisée à très large échelle (projets HYBRIDIUM Santé et FLEXISANTÉ)
Ce deuxième exemple s'inscrit dans le cadre spécifique des études de santé, et de sa réforme du premier cycle appelée R1C, qui prévoit notamment la création de davantage de passerelles entre filières de santé et celles des autres disciplines universitaires, notamment par l'instauration de mineures en santé et de mineures disciplinaires permettant de diversifier et de flexibiliser les parcours et les profils des apprenants. C'est dans ce cadre de réforme nationale qu'UNESS, UNT en Santé et Sports dont sont membres 42 universités françaises, a été lauréate à deux reprises des AAP précités en 2020 : projet HYBRIDIUM Santé (AAP « Hybridation des formations de l'enseignement supérieur ») et projet FLEXISANTÉ (AAP « Parcours flexibles en Licence – MMOP »). Pour le second, le partenariat inclut également L'Université Numérique et un consortium de 22 universités, sous l'impulsion des conférences des Doyens de Médecine, de Maïeutique, de Pharmacie et d'Odontologie (MMOP). Dans ces deux projets, j'ai identifié un objectif commun : celui d'alimenter une banque numérique mutualisée de ressources pédagogiques ouvertes à ces consortiums nationaux d'établissements proposant des parcours avec accès spécifique santé (PASS) et/ou des Licences avec accès santé (L.AS), qui permettent un usage pédagogique en hybridation partielle ou totale des enseignements prévus dans le cadre des modules de formation aux sciences de la santé, mais également aux disciplines hors santé (qui recouvrent des domaines disciplinaires très diversifiés : économie, gestion, sports, psychologie, sciences de l'ingénieur…).
C'est l'ampleur des partenariats mobilisés et de la mutualisation potentielle des usages de ces banques numériques qui impressionne ici, avec des référents pédagogiques issus des 35 UFR de Santé en France et répartis par comités pédagogiques multidisciplinaires dans les 10 grandes régions françaises (DOM-TOM inclus) pour le premier projet, et un consortium de 22 établissements partenaires dans l'autre. À cette échelle, une méthodologie commune de conception des ressources pédagogiques numériques en mode à la fois collaboratif et mutualisé est proposée, même si le niveau d'ouverture n'est pas toujours aussi poussé que dans le cas précédent des micro-contenus décontextualisés et modifiables. Pour le projet HYBRIDIUM Santé, elle se décline ainsi :
- s'accorder sur un référentiel de compétences commun ;
- proposer un format standardisé de capsules pédagogiques correspondant à des unités individuelles d'enseignement (incluant une ressource principale, des ressources complémentaires et une aide à l'acquisition de connaissances), dans le même esprit que les micro-contenus du projet PUNCHY ;
- signer une convention de cession des droits d'auteurs en licence Creative Commons (BY-NC-ND) entre les enseignants auteurs et leur université, qui soit non exclusive, sans usage commercial, mais également dont le contenu n'est pas modifiable sans l'accord de l'auteur, et dont la rétroaction est possible sans condition à la fin de l'année universitaire ;
- offrir une formation à la pédagogie hybride à destination des équipes pédagogiques visées par l'usage de cette bibliothèque.
Ici, on voit que le modèle juridique retenu propose un compromis entre une mutualisation potentielle des ressources pédagogiques numériques à très grande échelle et une convention de cession des droits qui protège leurs auteurs, et leur permette d'en garder un certain contrôle sur son usage futur par leurs pairs.
Co-concevoir des ressources pédagogiques mutualisées et ouvertes entre pairs (projet SHIFT)
Le troisième exemple retenu est issu du projet Licence « Staps Hybride Interuniversitaire Flexible Tutorée » (SHIFT) lauréat de l'AAP « Parcours flexibles en Licence » en 2019 et piloté par la branche Sports de l'UNESS, en partenariat avec 12 universités proposant des filières en sciences et techniques des activités physiques (STAPS). Il m'a intéressé par l'originalité de sa démarche de conception de ressources pédagogiques numériques pour l'hybridation et la flexibilisation de ces filières en tension, notamment à destination des publics empêchés (sportifs de haut niveau, étudiants salariés). La méthodologie adoptée est la suivante :
- s'accorder entre pairs par des conférences de consensus, en lien avec les sociétés savantes, sur les ressources pédagogiques à construire collectivement, en vérifiant qu'elles s'inscrivent dans les référentiels de formation existants ;
- co-concevoir chaque ressource selon trois niveaux possibles de contribution : coordinateur (responsable du consensus et de l'alignement pédagogique des ressources produites), concepteur (créateur de la ressource mutualisée à partir des contenus des contributeurs), contributeurs (partagent leurs contenus et ressources pédagogiques numériques) ;
- signer collectivement la ressource ainsi produite, en licence Creative Commons.
Dans ce troisième exemple issu d'un projet porté par un consortium d'établissements, c'est la dynamique de conception collective (et non individuelle) et inter-établissements de ressources pédagogiques mutualisées qui fait la différence, en valorisant leur signature collective (comme c'est le cas pour la publication scientifique) et le consensus acquis en amont par les pairs, afin de favoriser leur légitimité et leur appropriation future par une communauté d'enseignants plus large.
Construire une université ouverte (Nantes Université)
Mon quatrième et dernier exemple s'appuie sur la récente présentation du projet d'établissement de Nantes Université par son équipe présidentielle lors de la conférence internationale Open Education Global en mai 2022 : celui d'une université ouverte. Unique en son genre en France, il s'appuie sur le principe de l'ouverture (open) considérant que les connaissances financées sur fonds publics doivent être accessibles de manière ouverte et gratuite (libre) avec le numérique, mais il le généralise à plusieurs échelles dans le projet du nouvel établissement Nantes Université créé en janvier 2022 [3]. Les quatre principaux volets de ce projet d'ouverture sont les suivants :
- science ouverte : publications ouvertes (dont dépendent l'évaluation et le financement des unités de recherche de l'université), gestion des données de la recherche (ouverture, plan de gestion, réutilisabilité, respect de la démarche FAIR [4]), gestion des archives ouvertes de l'université par les services communs de documentation ;
- éducation ouverte : nomination d'un vice-président délégué à la formation et à l'éducation ouverte (également unique en son genre en France), ouverture des REL produites à tous les membres de l'université (étudiants, personnels) et à des partenaires nationaux (universités, UNT) et internationaux, formation des communautés d'acteurs (personnels, étudiant), test de nouveaux cursus pilotes fondés sur les principes de l'éducation ouverte, développement d'un environnement immersif virtuel et ouvert, création d'un environnement numérique ouvert et durable ;
- innovation ouverte : accès à des terrains d'expérimentation et développement d'une expertise interdisciplinaire pour les chercheurs, association des partenaires socio-économiques et des usagers dans les processus d'innovation collective ;
- gouvernance ouverte : développement de la démocratie participative sur les missions et choix de l'université (votes, consultations collectives, amendements issus du terrain, conférences participatives…), données ouvertes sur la gouvernance de l'établissement.
La question de la mutualisation des ressources pédagogiques numériques fait donc bien partie de cette stratégie d'établissement originale et sans réel équivalent en France à ce jour, avec pour projet de contribuer à leur diffusion en dehors de l'établissement et de ses partenaires actuels, mais on voit bien qu'elle s'intègre dans une logique de l'ouverture qui dépasse largement cette seule question et qui irrigue une grande partie de la politique générale de l'établissement.
Pour conclure provisoirement : vers l'opportunité d'un plan national en éducation ouverte ?
En guise de conclusion provisoire, je souhaite poser la question de l'opportunité d'un plan national en éducation ouverte, qui s'inspirerait de la démarche initiée par le Plan national pour la science ouverte (PNSO) lancé en juillet 2018 par la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'innovation en France. En effet, pourquoi ne pas appliquer à l'éducation ouverte ce qui a fonctionné pour la science ouverte dans les établissements de l'enseignement supérieur français ? Comment insuffler la même dynamique de valorisation nationale des politiques d'établissement et des pratiques des acteurs en faveur de l'ouverture de leurs ressources pédagogiques numériques, au-delà des stratégies politiques et institutionnelles évoquées dans mon texte ? Dans un contexte de sortie de crise pandémique à l'échelle internationale, où le présentiel a repris toute sa place, mais où les pratiques, les ressources techniques et pédagogiques - et plus globalement l'écosystème - numériques des acteurs de l'enseignement supérieur ont également évolué, avec une montée en compétences et en capacité significative dans les services d'appui à la pédagogie et au numérique, réfléchir à un tel plan ne paraît pas incongru.
Pour cela, s'appuyer sur le bilan du PNSO 2018-2021 et son deuxième volet 2021-2024 permet de dresser ci-dessous quelques pistes d'actions (non exhaustives) que j'ai transposées au domaine spécifique de l'éducation ouverte, que je livre ici pour amorcer la réflexion :
- généraliser l'accès ouvert aux ressources pédagogiques financées sur fonds publics ;
- soutenir les archives ouvertes mutualisées et simplifier le dépôt pour les enseignants ;
- indexer les REL dans les outils de découverte proposés par les bibliothèques, au même titre que les autres publications ;
- créer les conditions et promouvoir l'adoption d'une politique de ressources éducatives libres dans les établissements, qui prenne appui sur l'évaluation entre pairs et la conception collective (co-design) de ressources mutualisées ;
- développer les compétences en matière d'éducation ouverte chez les acteurs (notamment enseignants et apprenants), en s'appuyant par exemple sur le référentiel de compétences REL publié par l'Organisation internationale de la Francophonie en 2016 et actuellement sous-exploité ;
- mobiliser les acteurs de l'enseignement supérieur au sein d'un Comité pour l'éducation ouverte, qui associe également des représentants des services d'appui et des services de documentation pour améliorer les fonctions indispensables de courtage éducatif ;
- clarifier le choix des licences ouvertes (comme les Creative Commons) pour publier et protéger les REL, notamment pour un éventuel usage commercial ;
- soutenir les modèles économiques d'édition pédagogique en accès ouvert.
L'intérêt d'un tel plan serait de ne plus se limiter à des stratégies de projets. d'établissement disparates, en s'accordant sur la définition d'un cadre national qui fasse consensus pour mieux valoriser l'engagement institutionnel et professionnel dans l'éducation ouverte, dont la mutualisation des ressources pédagogiques n'est qu'une dimension nécessaire, mais pas suffisante. Car il s'agit bien ici de ne pas se limiter à une simple rhétorique de l'ouverture (Gruson et al., 2019), mais de contribuer à l'ancrer dans la professionnalité même des universitaires, comme cela est maintenant communément acquis et reconnu pour les pratiques de science ouverte. Et comme le PNSO, il s'agit aussi de s'inscrire dans une dynamique internationale sur les REL dont les illustrations se sont accélérées depuis quelques années, parmi lesquelles (liste non exhaustive) : les recommandations de l'UNESCO (2019) ; la création en 2019 de la coalition dynamique REL de l'UNESCO (dont fait partie l'Open Education Consortium) ; la Fabrique REL créée en 2019 par les Universités de Sherbrooke, Montréal et Laval ; le portail de REL Edusources2 aux Pays-Bas ; le lancement des webinaires de l'Open Education Global francophone en 2021 (coordonnés par l'Université de Lille) ; la création du groupe de travail sur les REL en Afrique francophone coordonné par l'International Council for Open and Distance Education (ICDE) en collaboration avec l'UNESCO, le MESR et l'Université Numérique. Le chantier est certes important, mais son opportunité mérite très certainement d'être posée pour capitaliser sur les expériences acquises depuis la création des campus et universités numériques en France, et dans le prolongement beaucoup plus récent de l'enseignement hybride durant la crise sanitaire.
Bibliographie
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[1] Anciennement ministère de l'Enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI).
[2] Une version amendée et renommée en septembre 2020 de ce guide est encore en ligne sur le site « Services DGESIP » créé également suite au premier confinement de mars 2020 pour répondre aux questions des établissements : https://services.dgesip.fr/fichiers/Fiche_2_-_Organisation_pedagogique_de_la_rentree_2020__26092020_.pdf.
[3] Nantes Université regroupe une université, trois écoles, deux instituts et un centre hospitalier universitaire (CHU).
[4] Findable, Accessible, Interoperable, Reusable.
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MOOC ITyPA – 10 ans déjà !
Il y a – déjà – 10 ans, avec Anne-Céline Grolleau, Morgan Magnin, Christine Vaufrey, ouvrions le premier MOOC francophone, ITyPA « Internet Tout y est Pour Apprendre », au moment même où les médias découvraient le phénomène MOOC qui montait depuis début 2012 aux USA.
À l'époque, il y avait deux visions dans les MOOC, celle qui se voulait ouverte, dite collaborative ou connectiviste, un peu sur le modèle de la classe inversée qui est arrivé depuis, et tirer parti du Web comme environnement de collaboration. C'était notre cas, puisque nous voulions au travers de ce MOOC permettre de travailler ensemble sur la manière de travailler dans ce cadre. Un MOOC de démarrage en somme. Le programme s'articulait donc autour de la notion d'Environnement d'Apprentissage Personnel. C'était d'ailleurs la vision initiale des MOOC proposée par George Siemens, Stephen Downes ou Dave Cormier. La vision était celle d'un MOOC comme bien commun.
Les médias et les établissements de l'enseignement supérieur étaient plus intéressés par le storytelling américain proposant d'ouvrir les cours d'universités et plus particulièrement des universités américaines, de toucher le monde entier et d'accueillir les apprenants par centaines de milliers. Dans ce cadre, il s'agissait de transcrire un cours classique avec des vidéos, des quizz, des exercices, un certificat, et un professeur qui passe bien. Moins riche, plus proche des modèles existants, plus facile à suivre, c'est ce modèle qui a été adopté. Et présenté comme une « Révolution ». 10 ans après, les MOOC existent toujours, mais n'ont pas révolutionné l'éducation. Ils ont encore rendu bien des services pendant la période COVID (dite aussi enseignement en situation d'urgence), mais comme un outil parmi d'autres. Ils sont devenus une modalité d'enseignement parmi d'autres. L'ambition d'un enseignement ouvert, collaboratif, voire posé comme bien commun, existe toujours mais reste à la marge du système.
Souvenirs. L'idée de faire un MOOC a été lancée via Twitter au travers de messages en mai 2012, des rencontres rapidement via les premiers systèmes visio, et l'ouverture d'un espace sur Google drive. Le travail se faisait sur le temps libre (Faire un MOOC dans son garage) dans la bonne humeur. Nous avions une impression de facilité. Les personnes que nous sollicitions répondaient rapidement et positivement. Stephen Downes nous a ainsi fait une vidéo et renvoyé le lien quelques heures plus tard. Alors que nous cherchions un système de webinaires permettant de regroupes quelques personnes et de le diffuser en direct, Google sortait son offre gratuite de hangouts qui répondait exactement à ce besoin et que nous avons utilisé intensivement pendant 3 ans. Et surtout, après la première séance du 4 octobre, alors qu'on se demandait comment cela allait se passer (il faut avouer que nous étions un peu stressé ce 4 octobre 2012), on a pu lire les premiers échanges des participants, sentir leur enthousiasme, et les relayer. Enthousiasme, qui s'est maintenu jusque mi décembre, et après puisque certains apprenants ont même créé un espace pour collecter ce qu'il s'était passé pendant ces quelques semaines (voir par exemple le bilan de la saison 2). Et tant de belles rencontres et de discussions passionnantes au cours de ces semaines.
Ce MOOC a connu une seconde saison, durant laquelle Simon Carolan a rejoint l'équipe d'organisation. Puis une troisième saison durant laquelle les 4 initiateurs ont passé le flambeau à une équipe renouvelée d'amis, ce qui de mon point de vue est une des plus belles réussites qu'on puisse imaginer pour un enseignement
Entre temps, nous sommes passés d'une époque de pionniers qui se connaissaient tous. Je pense à mon collègue Gwendal Simon qui revenant en septembre d'un séjour d'étude en Amérique m'annonçait qu'il se passait un truc extraordinaire aux états-unis, qui a regardé ce qu'on préparait pour ITypa, et qui m'a dit qu'il préférait faire un MOOC classique avec un professeur croisé dans un couloir. Dès février 2013, le premier MOOC sur les réseaux cellulaires démarrait sur une plateforme bricolée, avec des vidéos montées la nuit, Xavier Lagrange en tant que professeur, quelques centaines d'inscrits, et un maximum de satisfaction de la part de Gwendal et Xavier. Rémi Bachelet qui a démarré dès mars 2013 avec son MOOC Gestion de Projet, faisait également partie de mes connaissances.
Après il a fallu de longs mois pour que l'enseignement supérieur s'organise, monte la plateforme FUN (annoncée en octobre 2013), pousse les services pédagogiques a accompagner la création de MOOC, et se pose la question de la finalité de ces cours. Cela nous a pas mal occupé à l'époque, mais pour le coup avec des mandats officiels pour certains d'entre nous.
Et après tout ça. Qu'est ce qui reste dix ans après ? Quels sont les changements de fond dans ces dix dernières années ? Quelles perspectives ?
Et si on se retrouvait en ligne pour en parler ensemble.
Crédit photo : @vainaimoinen https://pxhere.com/fr/photo/1611551 licence CC-0
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autour de l'hybridation
"La formation à distance à marche forcée. Modalités, enjeux, ouvertures et perspectives Colloque 20-21 oct. 2022 : 31 janvier 2022, soumissions des propositions
Nous avons le plaisir de vous informer que les dates de soumission des propositions pour le colloque "La formation à distance à marche forcée. Modalités, enjeux, ouvertures et perspectives" organisé par le Centre national d'enseignement à distance à travers son École d'Ingénierie de la Formation à Distance, Distances et médiation des Savoirs et l'Open University (20 et 21 octobre 22) initialement fixées le 20 décembre 2021 sont repoussées au 31 janvier 2022.
Vous savez le grand intérêt des questions qui seront débattues lors de ce colloque et la qualité des échanges internationaux auxquels elles donneront lieu. Nous vous engageons donc vivement à soumettre personnellement une proposition de contribution à ce colloque et à inviter vos collègues à le faire aussi rapidement que possible.
Rendez-vous sur le site https://distance-2022.sciencesconf.org/ pour télécharger les appels à contributions en français et en anglais.
Voir aussi notre annonce précédente.
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Retour d'expérience : En quoi l'accompagnement des élèves facilite-t-il leur engagement dans le cadre d'un travail collaboratif en mode hybride ? L'exemple d'un Wiki collaboratif.
Julie Bourbeillon [1], Céline Martel, Alice Maurin, Christine Vandenkoornhuyse [2]
[1] Institut de Recherche en Horticulture et Semences (IRHS)
Université d'Angers, SFR 4207 QuaSaV, INRAE : UMR1345, L'Institut Agro Rennes-Angers
[2] Institut Agro Rennes-Angers
Introduction
En 2020-2021, le contexte de réforme en approche par compétences de nos cursus ingénieurs en horticulture et en paysage et la perspective d'un format distanciel entraîné par la crise sanitaire ont été l'opportunité de repenser nos enseignements dédiés aux compétences numériques. Par expérience, le cours magistral ne facilite pas l'acquisition de connaissances de culture générale informatique. Dans ce cadre, les activités pédagogiques se sont orientées vers la recherche documentaire et synthèse d'informations, publiées dans un Wiki collaboratif.
1. Contexte et problématique
1.1. Présentation de l'activité pédagogique
A travers une approche de pédagogie active de type « classe renversée » l'activité mise en œuvre consiste à faire construire le contenu de la formation par des groupes d'élèves. Il leur est demandé d'écrire et de mettre en forme un Wiki sur le thème de la culture générale informatique. Cette activité, qui repose sur le principe d'un travail collaboratif, alternant des temps d'échange, de formation et de travail personnel, se décompose en quatre étapes successives :
- Choix du sujet parmi une liste définie par l'enseignante (Agriculture numérique, Big Data et Machine Learning, Bioinformatique, Droit et éthique sur internet…), et constitution de 11 groupes thématiques de quatre ou cinq élèves par promotion ;
- Bibliographie : les élèves se documentent sur le thème choisi et constituent une liste de références pertinentes à partir de sources d'informations diversifiées et fiables, restituées à l'aide de l'activité « Base de données » de Moodle (10-15 ressources visées par groupe). L'évaluation collective de cette phase porte sur la complétude et la qualité de la bibliographie et fait l'objet d'une séance jalon permettant de revenir sur l'activité (stratégie de recherche documentaire, présentation d'une bibliographie, résultats par groupe), d'offrir des opportunités d'amélioration et d'orienter la suite du travail demandé vers la structuration de l'information ;
- Définition et structuration des concepts du thème (futures pages du Wiki) à l'aide d'une carte mentale (activité « Mindmap » de Moodle). Les élèves trient, sélectionnent, organisent et synthétisent les éléments de connaissance recueillis. L'évaluation collective de cette phase porte sur la qualité et la complétude de la structuration et fait l'objet d'une séance jalon permettant de revenir sur l'activité (stratégie pour construire la carte mentale et résultats obtenus) et d'orienter la suite du travail demandé vers l'édition du Wiki.
- Phase rédactionnelle au cours de laquelle les élèves rédigent un ensemble de pages au sein d'un Wiki pour synthétiser l'information recueillie lors de la recherche bibliographique. L'évaluation de cette phase porte à la fois sur des aspects collectifs (contenu et forme du Wiki) et individuels (collaboration) et fait l'objet d'une séance jalon permettant de revenir sur l'activité (état des lieux, objectifs pour la finalisation) et de proposer aux élèves une liste de points à aborder et à prendre en notes collaborativement à l'aide d'un document OnlyOffice sur Moodle avant la finalisation du Wiki.
A travers le Wiki, il est attendu des élèves qu'ils acquièrent des connaissances de culture générale informatique, qu'ils utilisent l'outil Wiki pour publier du contenu en ligne, qu'ils partagent des idées et coproduisent des contenus, qu'ils composent avec les méthodes de travail de chacun, qu'ils prennent leur place dans un groupe (participation, écoute, respect) et se coordonnent au sein du groupe.
1.2. Questionnements et démarche
La mise en œuvre de ce dispositif avec deux promotions d'élèves (L1 post-bac et L3 post-prépa BCPST) en 2020-2021 puis en 2021-2022 a fait émerger les axes d'interrogations suivants : (i) le travail collaboratif/coopératif en distanciel, (ii) l'engagement des élèves dans une production collective et (iii) le rôle de l'enseignante dans l'accompagnement pédagogique et technique. Ces interrogations nous amènent à explorer le champ des modes d'agir ensemble et particulièrement celui de l'apprentissage collaboratif à distance et de son accompagnement.
Afin d'explorer ces éléments, nous nous sommes appuyés sur les échanges avec les élèves lors du bilan post-module, des entretiens avec l'enseignante, et l'analyse des traces d'activité des utilisateurs des outils informatiques (plateforme pédagogique Moodle et Wiki).
2. Résultats et analyse
2.1. Axe (i) : Travail collaboratif/coopératif en distanciel
Quel est l'effet de la taille du groupe dans le travail collaboratif ?
En ce qui concerne l'axe (i) portant sur le travail collaboratif/coopératif en distanciel, la répartition des tâches, la régulation du travail au sein des groupes, les modes d'interaction observés n'ont pas toujours répondu au mode de fonctionnement attendu (travail à plusieurs en présentiel sur un même poste, sous-utilisation des outils numériques mis à disposition, etc.).
Le niveau de collaboration des élèves a pu être estimé à partir des auteurs de fiches bibliographiques, de l'historique des pages du Wiki (Figure 1 : Nombre de contributions par thème, année, promotion) et des échanges avec les étudiants.
A l'échelle de chaque sous-groupe (4 à 5 personnes), les élèves ont fonctionné de façon coopérative plutôt que collaborative en se répartissant les tâches suite à une première réunion, puis en mettant en commun leur travail lors des séances jalons. Les élèves ont expliqué ce fonctionnement par une recherche de productivité et par une volonté d'optimiser le travail et de gagner du temps. Cette répartition leur a également permis d'équilibrer la quantité de travail à fournir, incitant chacun à s'investir. Enfin, ils ont évoqué la difficulté à se concentrer en grand groupe.
Figure 1 : Nombre de contributions par thème, année, promotion. A. EL GHAZIRI et P. SANTAGOSTINI
A l'échelle de la promotion (inter sous-groupes, soit 50 personnes), la collaboration s'est révélée marginale malgré la porosité de certains sujets (Figure 2 : Table de contingence des contributions L3 2021-2022). En effet, la modification par un élève du contenu produit au sein de pages du Wiki ne relevant pas de la thématique de son groupe est restée très ponctuelle. Cela se confirme pour le contenu de la page d'accueil, par définition commune, qui a peu évolué. Les élèves ont exprimé leur difficulté à passer d'un travail en groupe à une approche vraiment collaborative ne se sentant pas légitimes pour amender le travail des autres. Certains ont évoqué le sentiment d'être dépossédés de la paternité de leur production, voire pour une élève, d'aller à l'encontre de sa créativité.
Figure 2 : Table de contingence des contributions L3 2021-2022. A. EL GHAZIRI et P. SANTAGOSTINI
Quelle est la place de l'outil dans la collaboration ?
Nous avons constaté que les outils numériques favorisant la collaboration (forum et chat Moodle, document OnlyOffice) mis à disposition par l'enseignante ont été peu utilisés, ce que montrent également les traces de l'activité dans Moodle et le Wiki (peu de commentaires sur les pages dans le Wiki). Les élèves ont expliqué avoir privilégié des outils du quotidien utilisés par la promotion avant le début du module par praticité (préexistence de groupes paramétrés sur les réseaux sociaux et utilisés dans d'autres contextes). De plus, ils ont reconnu être peu familiers des outils institutionnels.
Nous avons observé, par ailleurs, que les élèves ont eu une préférence pour le travail « en présentiel », tout un groupe projet ayant d'ailleurs travaillé devant le même poste informatique.
Quelle conséquence du contexte hybride lié à la pandémie ?
Les données des évaluations par les élèves des enseignements entièrement à distance pendant la pandémie durant l'édition 2020-2021 ont montré leur saturation d'être derrière des écrans et de ne pouvoir échanger en face à face. Ce même ressenti a été exprimé lors d'entretiens collectifs menés par les enseignants avec chaque promotion. Cette saturation vis-à-vis du distanciel explique probablement le besoin des élèves de se retrouver en présentiel y compris pour travailler sur un même poste informatique. De plus, le positionnement de cet enseignement assez tôt dans l'année universitaire et la mise en place du confinement dès octobre 2020 n'ont pas favorisé la cohésion de promotion, encore peu construite à ce stade. Ainsi, ce contexte distanciel limitant les interactions a probablement exacerbé les difficultés de collaboration à l'échelle de la promotion.
L'édition 2021-2022 a pu se dérouler en présentiel, sous la contrainte des mesures barrières (port du masque, distanciation sociale, absences). Interrogés au sujet de l'impact que cela a pu avoir sur leur collaboration, les élèves n'ont pas mis en avant de lien entre ces mesures et leur capacité à travailler ensemble.
Ces éléments laissent supposer que le volume produit par les élèves serait plus important en 2021-2022 qu'en 2020-2021, or le nombre de contributions s'est finalement révélé moindre en 2021-2022 en présentiel qu'en 2020-2021 en distanciel (Figure 3 : Comparaison année et promotion). Cela s'explique, non pas par une modalité présentiel/distanciel différente, mais par le fait qu'en raison de la bascule en distanciel en 2020-2021, l'enseignante a mis en place une organisation basée sur des séances plus courtes mais plus fréquentes. Le nombre de contribution est donc corrélé au nombre de séances prévues à l'emploi du temps.
Figure 3 : Comparaison année et promotion. A. EL GHAZIRI et P. SANTAGOSTINI
2.2. Axe (ii) : Engagement dans une production collective
Quels sont les leviers de l'engagement dans ce wiki collaboratif ?
Un volume important de contenus a été produit par les élèves, ce qui pour nous traduit un fort engagement, alors que peu de consignes avaient été données initialement.
Les élèves ont souligné l'approche originale favorisant l'apprentissage : un travail en profondeur sur le sujet de leur choix et l'initiation aux autres thèmes via la lecture de la synthèse succincte produite par les autres. La découverte d'outils numériques, à travers l'utilisation de l'outil carte mentale pour structurer sa pensée et la découverte de la publication sur internet avec un Wiki, a également représenté un facteur de motivation pour eux, de par l'intérêt professionnel que cela représente pour eux.
Pour autant, malgré une modalité pédagogique considérée comme motivante, l'engagement des élèves est resté limité au cadre horaire prévu, l'essentiel des contributions ayant été réalisées durant les créneaux prévus à l'emploi du temps (Figure 4 : Évolution de l'activité au cours du temps L1 2021-2022).
Figure 4 : Évolution de l'activité au cours du temps L1 2021-2022. J. BOURBEILLON
2.3. Axe (iii) : Accompagnement des étudiants par l'enseignante
Quel a été le rôle de l'enseignante pour les engager et les maintenir dans l'activité ?
Les élèves ont eu une grande autonomie dans leur organisation, ce qui a pu les déstabiliser voire les inhiber. Ils se sont en effet montrés inquiets face aux consignes considérées comme vagues car adaptatives et ont témoigné d'une attente forte sur la précision des volumes de contenus à produire. Lors du retour collectif sur les cartes mentales, ils ont manifesté un fort besoin de validation du périmètre des ressources sélectionnées. Le contenu ne correspondait pas toujours aux « à priori » de l'enseignante, mais il n'y avait pas pour autant de notion de « juste ou faux ». Les élèves ont par la suite évoqué le souhait de disposer de supports et/ou guide sur plateforme, et d'une grille d'évaluation leur permettant de mieux appréhender les attendus.
Par ailleurs, une différence d'autonomie a pu être observée entre les élèves de la promotion L1 post-bac et les élèves de la promotion L3 post-prépa BCPST : bien que plus âgés, ces derniers se sont avérés moins autonomes et plus demandeurs de cadrage (nombre de pages, taille du document, etc.). Nous faisons l'hypothèse de l'effet du mode de fonctionnement des classes préparatoires.
L'enseignante a adapté son accompagnement par des jalons à mi-parcours pour répondre aux questions émergentes des élèves et pour les rassurer sur les attendus notamment une évaluation adaptée aux productions. Cette réactivité de l'enseignante a été favorisée par son expérience d'enseignement et une attitude ouverte vis-à-vis de la capacité des élèves à produire des contenus intéressants. Ainsi, il a été essentiel de valider leur production pour rassurer les élèves, par le biais de feedback individuels notamment, tout en les incitant à passer d'une posture d'élève à une posture de futurs professionnels. Selon l'enseignante, il est important que les élèves soient en mesure de dépasser le manque de cadrage pour les préparer au monde professionnel où la commande sera plus ouverte.
3. Conclusion et perspectives
La première mise en œuvre d'un Wiki collaboratif en 2020-2021 a fait émerger des hypothèses et a initié des pistes de réflexions sur les modes d'agir ensemble, particulièrement celui de l'apprentissage collaboratif à distance et de son accompagnement. Une deuxième édition, en 2021-2022, a été l'occasion d'aller plus loin dans l'analyse quantitative et qualitative, les entretiens avec les élèves ayant été facilités par leur présence sur le campus.
Cette analyse de l'activité des élèves et de l'enseignante dans un environnement hybridé (synchrone, asynchrone, distanciel, présentiel, numérique, physique) a notamment permis d'améliorer le dispositif de formation (pratique de l'enseignante et apprentissage des élèves).
Il serait intéressant à présent de se demander comment accompagner les étudiants à passer d'une posture « d'élève » à une posture professionnelle ? Il s'agirait d'aller observer et analyser les modes d'agir ensemble notamment la collaboration et la coopération, le développement de l'autonomie (entre activité prescrite et activité vécue) et l'usage des outils dans une perspective orientée vie professionnelle.
Références bibliographiques
Cailliez, J.-C., Hénin, C., & Lebrun, M. P. (2017). La classe renversée : L'innovation pédagogique par le changement de posture. Ellipses.
Henri, F., & Lundgren-Cayrol, K. (2001). Apprentissage collaboratif à distance : Pour comprendre et concevoir les environnements d'apprentissage virtuels. Presses de l'Université du Québec.
Mucchielli, R. (2012). La dynamique des groupes. ESF éditeur.
Pudelko, B. (2019). Concevoir et encadrer un wiki ouvert et évolutif dans un cours à distance : Le projet Wiki-TEDia (F. Lafleur, V. Grenon, & G. Samson, Éds. ; p.41‑ 60). Presses de l'Université du Québec. https://r-libre.teluq.ca/1631/
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Choisir une activité pour une formation accompagnée
Vous devez mettre en place une formation hybride ou totalement à distance et vous ne savez pas trop quelles activités choisir. Voici quelques pistes et réflexions en fonction des objectifs que vous poursuivez.
Remarque : cet article est à l'origine une entrée du wiki m@gistère, cela explique que nombres de liens pointent vers cet espace.
1 – Donner du rythme à votre formation
Cela s'obtient avec des rendez-vous réguliers et deux pistes sont à envisager
a) Les rencontres synchrones
Vous pouvez envisager cela entre 1 fois par semaine et 1 fois par quinzaine. Ces rencontres synchrones sont des temps très attractifs et stimulants pour les participants, à condition d'être animées et scénarisées. Elles peuvent être utiles pour donner du rythme en proposant :
- Une synthèse des activités passées,
- Le lancement des activités à venir,
- Des temps de travail en groupe,
- L'intervention d'un ‘spécialiste' pour apporter du contenu ou d'un témoin pour un retour d'expérience.
Il faut s'assurer que les participants peuvent se libérer :
- Informer des dates et horaires bien à l'avance,
- Ne pas toujours placer ces rencontres sur les mêmes plages horaires pour ne pas pénaliser toujours les mêmes classes (spécifique 2D),
- Envoyer des ordres de missions aux participants pour qu'ils puissent se libérer.
Trois outils sont envisageables pour mettre en place ces rencontres synchrones :
- BBB : outil adapté pour des temps plutôt ‘magistraux'
- VIA : outil adapté pour des temps interactifs (avec les sondages, le tableau blanc collaboratif et les ateliers). On peut aussi utiliser VIA pour des temps ‘magistraux'
- Chat : utile pour créer des temps d'échanges à plusieurs. Il faut un animateur-régulateur pour poser des questions et réguler les échanges.
b) Le forum des annonces
Un forum peut être efficace pour donner du rythme à une formation. Pour cela, il faut planifier les besoins de communication pour que les messages partent toujours les mêmes jours. On peut prévoir 1 ou 2 messages par semaine, (si vous voulez une base de 2 messages par semaine, vous pouvez, par exemple les envoyer le lundi et le jeudi). Cela nécessite de prévoir un tableau partagé entre les différents formateurs pour noter toutes les informations à transmettre dans chaque message. Ce tableau peut être très simple et regrouper la date de publication, le contenu à proposer et le responsable de ce message. Cette planification collective permet de faciliter le travail d'accompagnement et de créer un ‘rendez-vous' régulier avec la formation.
Quelques conseils :
- Un message par semaine peut être un bon compromis entre la quantité d'informations à transmettre et l'avalanche de messages reçus par les participants.
- N'hésitez pas à varier les modalités de communication : vous pouvez très bien ne pas vous limiter à du texte et envoyer un message audio ou vidéo. Voici par exemple une série de gazettes vidéos pour une formation de formateurs
2 – Les différentes activités que vous pouvez proposer dans votre parcours
a) Apporter des notions ou des connaissances
il est souvent utile de proposer quelques ressources dans votre parcours pour apporter du contenu. Ces ressources doivent être choisies et en nombre limité pour ne proposer que ce qui est juste utile. Ce n'est pas au participant de faire le tri mais à vous de lui faciliter le travail en limitant la sélection des ressources aux ‘essentielles'. Il est préférable que chaque nouvelle ressource soit présentée : quel est son contenu, combien de temps faut-il y consacrer, quelle ‘pertinence' par rapport aux objectifs de la formation.
Pour aider les participants à identifier et s'approprier les points essentiels du contenu présenté, il est pertinent de mettre en place un questionnaire de compréhension et/ou mémorisation.
b) Questionner les participants
Le questionnement individuel
Si vous souhaitez mettre en place un questionnement ‘simple' pour une mise en application directe d'une notion ou une aide à la mémorisation, cela ne suscite pas d'interactions entre participants,. L'activité doit alors être courte et peut prendre des formes variées. Vous pouvez utiliser les outils suivants :
Le questionnement collectif
Vous pouvez aussi envisager de proposer des questionnements sur des pratiques, des retours d'expériences, des représentations. Dans ce cas, il est intéressant que cela se vive comme une discussion de groupe. Les outils suivants sont alors utilisables :
Le questionnaire qui permet de voir les réponses des autres après avoir répondu mais ne permet pas de réagir. Il peut être anonyme.
Le forum qui permet de voir les réponses des autres soit à priori, soit après avoir répondu, selon la configuration. Il ne peut pas être anonyme mais permet toujours de répondre aux contributions des uns et des autres.
c) Capitaliser des contributions
Il est souvent tentant de vouloir capitaliser des contributions de participants pour les mutualiser. Plusieurs outils sont à votre disposition suivant l'exploitation que vous souhaitez en faire :
- L'atelier : pour organiser une lecture croisée entre pairs
- La base de données : pour capitaliser et les contributions et faciliter la recherche selon des critères prédéfinis
- Le dossier partagé : pour mettre dans un ‘pot commun'
- La contribution (appelée devoir, sous moodle) : où seuls les formateurs voient les documents déposés
Point de vigilance sur l'engagement des participants
Il est important de garder en tête que plus ce que vous demandez est personnel (scénario pédagogique, séquence, …), plus cela expose le participant et moins vous risquez d'avoir de retours. Ainsi, il est souvent plus efficace de demander aux participants de partager une ressource qu'ils ont trouvée sur internet plutôt qu'une ressource qu'ils auraient construite, ou de réagir à une ressource proposée (à travers un forum). Dans ce dernier cas, l'analyse d'une production externe permet, en miroir, de réfléchir sur sa pratique professionnelle
L'atelier, une activité très pertinente
L'atelier est une activité qui se déroule en deux temps :
- une capitalisation des contributions
- une lecture croisée
Le temps de lecture croisée permet à chaque participant d'accéder à plusieurs ressources partagées par les pairs, de les analyser et d'inciter à réfléchir sur ses pratiques. De plus, ceux qui ont partagé leur contribution reçoivent des rétroactions qui peuvent être très riches.
d) Produire à plusieurs
Il est compliqué de produire collectivement totalement à distance quand on ne connaît pas bien les autres participants. Cependant, dans le cadre d'une communauté de pratique ou d'apprentissage, où le parcours est jalonné de rencontres (par exemple si vous animez une constellation), m@gistère peut vous aider à produire à plusieurs. Voici des outils qui pourront alors vous être utiles :
- VIA ou BBB pour mettre en place un temps de rencontre et d'échange synchrone à distance
- Etherpad (genre de bloc note collaboratif) pour prendre des notes et structurer un document commun
- Document collaboratif (basé sur Collabora, suite office en ligne) pour finaliser la mise en forme du document
- Sticky notes pour recenser les idées, les points à aborder, …
3 – Et si la formation se déroule en autonomie ?
Courez lire l'article précédent qui traite de ce sujet …
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L'éducation aux temps du coronavirus
Cet ouvrage collectif s'annonce comme un « carnet de recherche », pour accéder à une compréhension des enjeux provoqués par la fermeture de l'école due à la pandémie COVID-19. C'est la prescription de « continuité pédagogique » qui est mise à l'étude dans plusieurs contextes de formation.
La thèse centrale dégagée à travers de chacun des articles est que la crise du coronavirus a fait redécouvrir ou mis sous la loupe une intersection entre l'injonction à « la continuité pédagogique » avec les inégalités de conditions matérielles et les différences de socialisation surtout si ces dernières, sont éloignées du monde de la formation (école primaire, secondaire, lycée professionnel et université).
Fabienne Montmasson-Michel, à partir de onze entretiens, a montré comment les enseignants du premier degré des écoles, déclarent avoir pris en charge leur mission, avec beaucoup d'inventivité et une implication au-delà du travail prescrit dans cette « étrange parenthèse pédagogique ». Par la recherche du lien avec les élèves, et du coup des familles, d'un suivi prioritairement individualisé. Cette situation a ouvert une fenêtre large sur les situations et les vies des familles, dans leurs complexités, parfois très impliquées et engagées dans le suivi de leurs enfants et parfois un peu moins équipées techniquement et culturellement pour faire face à la situation d'un travail scolaire à distance. Un rapprochement entre les enseignants et les parents s'est opéré. En ce qui concerne les inspections et les directions scolaires, on observe par endroits des fonctionnements plus ouverts, souples et soutenant les actions des équipes enseignantes. Malgré cela, l'auteur fait « l'hypothèse que le pilotage de l'institution scolaire se centralise et se verticalise plus que jamais et se déconnecte toujours plus du travail concret des enseignants, ce qui ne peut que dégrader encore leurs conditions de travail et affaiblir leur profession » (p.38).
Pour Daniel Thin, les parents déploient de l'énergie et des connaissances à la mesure de leurs possibilités mais pour certains d'entre eux, de vivre sous la surveillance constante « que le travail scolaire soit bien fait » leur fait vivre une certaine honte sociale de ne pas avoir le matériel nécessaire et marque leur sentiment d'incompétence, de ne pas savoir ou de ne pas avoir suffisamment fait.
Etienne Douat et Clémence Michoux mettent en évidence le rôle des conseillers principaux d'éducation : durant cette période, ils sont intervenus massivement comme un soutien très précieux d'abord technique mais plutôt comme « urgentistes invisibles », dans un « travail dans l'ombre ». En faisant le facteur à vélo pour apporter les travaux à faire dans les boites aux lettres des enfants soit en s'investissant intensément avec les familles par de nombreuses conversations téléphoniques pour maintenir le lien, leur travail reste massivement inconnu.
Igor Martinache s'attelle à montrer, à partir d'une quarantaine de professeurs, qui ont témoigné par écrit, comment « la continuité pédagogique » a interrogé et même anticipé les enjeux que la réforme du lycée général peut entrevoir. Cette dernière met en évidence les attentes en termes d'autonomie de choix voire d'exigence de se projeter pour les jeunes. Cette période de confinement « aurait servi comme un banc d'essai » à cette réforme du lycée, en exigeant finalement de la part des élèves une grande autonomie pour s'impliquer et pour étudier.
D'autres chapitres examinent l'enseignement professionnel et l'université. Mathias Millet et Stéphane Vaquero montrent comment les étudiants peuvent ou non se remobiliser pour apprendre dans un enseignement qui a basculé entièrement à distance. Ils ne peuvent plus compter sur l'environnement de travail et sur la socialisation universitaire, c'est-à-dire sur les lieux des études tels connus comme par exemple les bibliothèques et sur les nombreuses relations qu'ils tissent dans cet environnement. La « vie à la fac » leur manque, et surtout la question se pose si « le jeu en vaut la chandelle » de continuer et persévérer dans les études.
Avec cet ouvrage, nous avons accès à une palette de « chantiers » de recherche, qui pourraient continuer au-delà de cette période de crise qui a malheureusement accéléré ou mis en évidence les inégalités de nombreux face aux diverses socialisations, dès les plus petits degrés aux plus grands.
Andreea Capitanescu Benetti
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Solutions alternatives aux examens en présentiel
Solutions alternatives aux examens en présentiel
mmlemieux
mer 21/04/2021 - 13:23
Dans ce document réalisé par l'équipe du centre de soutien de prestation virtuelle de l'UQAC, différentes possibilités vous sont proposées afin de transformer votre évaluation en présence vers des solutions alternatives.
Référence : Dion, M.-C., Hébert, A., et Noël, E. (2020). Solutions alternatives aux examens en présentiel. UQAC
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autour de l'implication des étudiants
Pour un master en "Politiques de l'urgence écologique"
[Extrait d'un post LinkedIn]
Grandes Ecoles : la politique des petits pas ne suffira pas !
💡 Depuis mars 2023, nous travaillons avec une équipe d'étudiants motivés à la création d'un master interdisciplinaire en "Politiques de l'urgence écologique". Un projet inédit en France, qui devait rassembler 8 écoles lyonnaises, des dizaines d'étudiants et enseignants, qui avait pour vocation de casser les murs entre les disciplines pour espérer faire bouger le monde de l'enseignement supérieur.
❌ Verdict : ce projet n'aboutira pas, nos écoles ayant préféré une option moins difficile à mettre en place, un DIU (pour Diplôme Inter-Universitaire, formation plus courte et dont le diplôme n'est pas reconnu par l'Etat). Or, les formations sur les transitions existent partout, mais sont très rarement accréditées et, souvent, n'adressent pas le problème de manière globale. La demande des étudiants, de plus en plus partagée, de masters adressant frontalement la question de l'urgence écologique, est motivée par la nécessité de former des décideurs et décideuses aux compétences reconnues, qui sauront impulser des dynamiques de changement dans tous les milieux professionnels dans lesquels ils seront amenés à travailler.
🗣 Aujourd'hui, nous lançons une bouteille à la mer, en publiant notre travail de ces 6 derniers mois pour que les écoles et universités puissent s'en saisir.
Maquette pédagogique, présentation des objectifs, budget, grille de compétences : tout est là. Ces documents ne sont pas parfaits, mais ils ont l'avantage d'exister.
🏛 Nos formations ne peuvent plus se permettre de rester aveugles et sourdes aux grandes transformations qui nous attendent. La "politique des petits pas", bien que compréhensible et légitime, nous amène droit dans le mur - à peine moins vite que l'inaction.
Aux étudiants, aux enseignants, à tous ceux qui souhaitent que l'enseignement supérieur bouge : contactez vos écoles et saisissez-vous de ce type d'initiative.
Comme cela est rappelé dans le document ci-dessous :
"Nous sommes étudiants au XXIe siècle. Notre génération est appelée à gérer un monde qui part à la dérive, et nous ne sommes pas formés à le faire."
Malgré tout, et en l'absence de réaction suffisante de la part de nos décideurs, nous devons continuer d'imaginer, d'impulser et de défendre la nécessité d'une bascule.
La proposition de Mastee interdisciplinaire sur l'urgence écologique
Pour le Collège des Hautes Études Lyon Science[s]
extrait du document en pièce jointe à l'article
Sur les objectifs pédagogiques
Ce master, généraliste et professionnalisant, doit permettre aux étudiants :
- D'approfondir leurs connaissances dans les domaines les plus critiques à la compréhension de l'urgence écologique, de ses origines et de ses solutions ; intégrant des enseignements en sciences humaines et sociales, en sciences expérimentales, en sciences de l'ingénieur, en droit et en management, et permettant l'obtention d'une vision systémique globale ;
- De se doter de compétences concrètes visant la mise en oeuvre de politiques de redirection écologique ambitieuses dans des milieux professionnels variés ;
- De développer leur esprit d'initiative et la volonté d'être utile plus qu'important, afin de former une nouvelle génération de diplômés qui sauront prendre en main les défis du siècle.
Sur le contenu
Pour rappel : le Shift Project recommande au minimum 165 h d'enseignement théorique pour adresser correctement la seule problématique énergie-climat. Or cette formation a pour objectif d'aller plus loin, en étendant le champ des enseignements pour donner une vision systémique et pluridisciplinaire des enjeux de l'urgence écologique. La proposition de maquette pédagogique (voir annexe A1) additionne les heures de cours théoriques et pratiques, qui permettent aux étudiants d'appréhender l'aspect concret des transitions, et repose sur une base de 650 h de cours en 2 ans.
La 1ere année de master est pensée comme année d'études interdisciplinaire axée sur la compréhension des enjeux écologiques et l'analyse des constats alarmants dans tous les domaines de la société.
La 2e année s'axerait quant à elle sur une mise en mouvement des étudiants et l'utilisation des connaissances acquises en 1ere année pour développer la capacité à impulser le changement, via de nombreux cours-projets et des méthodes pédagogiques innovantes.
A noter qu'il nous semble essentiel, pour les étudiants du CHEL[s] qui n'auront pas eu l'opportunité d'entrer dans cette formation en M1, de permettre l'admission directe en M2, sous réserve d'avoir les prérequis nécessaires pour compenser l'absence de la première année de cours.
Sur l'aspect fonctionnel
S'agissant des locaux, il est proposé que les étudiants suivant ce master aient cours chaque semestre dans une école différente du CHEL[s]. Cela afin de préserver une certaine stabilité dans la mise en place des enseignements tout en permettant aux différentes écoles de mutualiser leurs équipements.
– Certaines écoles ayant plus d'espace à mettre à disposition, le dialogue doit s'engager pour arriver au meilleur compromis.
S'agissant des cours, les enseignements proposés dans la maquette pédagogique sont des cours créés spécifiquement pour cette formation et nécessiteront donc certains enseignements dédiés.
L'organisation proposée du master est la suivante :
1. Tronc commun : cours magistraux interdisciplinaires évoluant autour de 4 grandes thématiques : Constats scientifiques / Economie / Politique / Société et culture.
2. Cas pratiques : cours opérationnels et professionnalisants, faisant appel à des intervenants extérieurs.
3. Projets transversaux (M2) : cours-projets semestriels dont la thématique est à choisir par les étudiants parmi une liste prédéfinie, avec l'objectif d'aborder l'aspect le plus concret de leur apprentissage via des partenariats avec des professionnels
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« L'envers des mots » : Bifurquer
Un article repris du magazine The Conversation, une publication sous licence CC by nd
À mesure que des questions de société émergent et que de nouveaux défis s'imposent aux sciences et technologies, notre vocabulaire s'étoffe, s'adapte. Des termes qu'on croyait déjà bien connaître s'enrichissent de significations inédites, des mots récemment créés entrent dans le dictionnaire. D'où viennent-ils ? En quoi nous permettent-ils de bien saisir les nuances d'un monde qui se transforme ? De « validisme » à « silencier », de « bifurquer » à « dégenrer », les chercheurs de The Conversation s'arrêtent deux fois par mois sur l'un de ces néologismes pour nous aider à mieux les comprendre, et donc mieux participer au débat public.
Le terme « bifurquer » a été largement mobilisé ces derniers mois dans l'espace médiatique français, notamment lors de remises de diplômes de plusieurs grandes écoles d'ingénieurs et de commerce.
Pointant les « ravages » sur la société et la planète auxquels participeraient les technologies, de jeunes diplômés ont dit haut et fort leur refus de participer à un modèle économique capitaliste jugé responsable de l'urgence écologique en cours. Tirant un trait sur les opportunités d'emploi et de carrière dans l'agro-industrie auxquelles ouvre leur formation, certains sortants d'AgroParisTech ont ainsi déclaré :
« Ne perdons pas notre temps, ne laissons pas filer cette énergie qui bout quelque part en nous, désertons avant d'être coincés par des obligations financières. (…) Commencer une formation de paysan-boulanger, partir pour quelques mois de woofing, participer à un chantier sur une ZAD ou ailleurs, vous investir dans un atelier vélo autogéré (…), ça peut commencer comme ça, à vous de trouver vos manières de bifurquer ! »
À travers ces prises de parole, la bifurcation est devenue à la fois une réalité concrète, une expérience subjective vécue par des individus souhaitant s'écarter des « chemins déjà tracés » et une revendication militante, autrement dit un moyen de lutter pour la cause écologique défendue.
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L'intérêt des sciences humaines et sociales pour cette notion n'est cependant pas nouveau et a donné lieu à un foisonnement de recherches. Ainsi, Marc Bessin, Claire Bidart et Michel Grossetti définissent les bifurcations comme « des configurations dans lesquelles des événements contingents, des perturbations légères peuvent être la source de réorientations importantes dans les trajectoires individuelles ou les processus collectifs ».
Elles constituent dès lors des ruptures d'ordre familial, professionnel, religieux, ou encore conjugal, dans des parcours de vie jusqu'alors marqués en apparence par une forme de continuité subjectivement perçue ou de régularité statistique. L'expérience d'un divorce, d'un décès, d'une maladie ou encore d'un licenciement, souvent perçue comme un « accident de vie », peut impacter durablement les parcours et conduire à des transformations à la fois des comportements, mais également des situations sociales et professionnelles.
Ces bifurcations sont par définition pluridimensionnelles. Elles peuvent prendre des tournures très variées selon leurs temporalités, le nombre d'individus ou le type d'organisations concernées, la dimension sociale qui est l'objet de cette rupture. Elles se différencient aussi selon les événements déclencheurs, s'ils existent, ou encore la nature des trajectoires suite à la bifurcation.
Les bifurcations à l'œuvre du côté des diplômés des grandes écoles ne constituent pas un phénomène complètement nouveau. Certains itinéraires présentent en effet des similitudes avec les parcours de vie des militantes et militants engagés dans les luttes sociales et écologistes des années 1960 et 1970. La revendication du « retour à la terre » était ainsi un référent commun dans les trajectoires individuelles et collectives qui ont quitté le monde salarial pour une vie à la campagne, notamment dans le Larzac.
Toutefois, la diffusion et l'écho obtenus par les travaux sur la collapsologie, l'investissement politique d'entrepreneurs de cause reconnus issus du GIEC ou du think tank The Shift Project, l'expérience désormais très concrète des conséquences du changement climatique dans les pays occidentaux changent la donne. Il faut aussi compter avec les échecs de tentatives de transformation « de l'intérieur » menées au sein des entreprises, finalement confrontées aux exigences de rentabilité et de compétitivité.
Ainsi qu'ils l'ont exprimé au printemps dernier, les diplômés des écoles d'ingénieurs et de commerce n'appellent pas seulement à des bifurcations individuelles, mais également, et surtout, à une bifurcation majeure des organisations et des structures sociales, politiques et économiques afin de préserver l'habitabilité de la planète.
Antoine Bouzin est membre du Réseau Ingenium et de l'Observatoire des formations citoyennes.
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Faut-il créer le statut d'« étudiant aidant » pour une meilleure reconnaissance ?
Un article repris du magazine The Conversation, une publication sous licence CC by nd
En 2019, le gouvernement lançait une stratégie de mobilisation et de soutien en faveur des aidants, rendant enfin visible ceux qui au quotidien œuvrent aux côtés d'« un proche en perte d'autonomie pour des raisons liées à l'âge, à un handicap, à une maladie chronique ou invalidante ».
La question de l'aidance s'est invitée tardivement dans le débat politique. Pourtant, avec le vieillissement de la population et le développement de maladies chroniques, le nombre d'aidants va être mécaniquement amené à s'accroître dans les années qui viennent. D'après une enquête nationale Ipsos-Macif réalisée en 2020, près de 3 Français sur 10 âgés de 18 ans et plus, soit 11 millions de personnes, endossent le rôle d'aidant en assistant au quotidien une personne handicapée, ou âgée dépendante ou encore malade ne pouvant pas vivre seule ou parfois une personne présentant les trois situations en même temps.
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Les aidants sont en moyenne âgés de 49 ans et sont pour 60 % des femmes. À l'occasion d'un colloque de recherche universitaire organisé en 2021 sur les figures du patient, du soignant et de l'aidant par l'Université Clermont Auvergne, en lien avec l'université de Lorraine, les communications et témoignages montraient combien il était urgent d'agir et combien les jeunes aidants restaient des acteurs de l'ombre, peu conscients de leur statut, soumis à de nombreuses tensions dans un contexte d'isolement accru et souvent éloignés des dispositifs en faveur des aidants.
Des invisibles à la vie complexe
L'engagement important des aidants impacte fortement leur vie quotidienne comme en attestent les études et recherches sur ce sujet. Elles mettent en évidence des incidences sur la santé de l'aidant, sur sa vie sociale et familiale (isolement, maltraitance à l'égard de la personne aidée, bouleversement au sein de la famille) et son niveau de vie (méconnaissance des dispositifs existants), sa vie professionnelle (gestion et aménagement du temps de travail, difficulté de conciliation avec le rôle d'aidant, accès à l'emploi…).
Si tous nous avons en tête parmi nos connaissances et proches des aidants, on sait moins que 500.000 aidants sont âgés de 18 à 24 ans et pour une part très importante d'entre eux cumulent le soutien à un proche avec leurs études. La plupart de ces jeunes ne se perçoivent pas nécessairement comme aidants et ont à gérer en plus de leurs études une charge logistique, mentale et financière qui a un impact sur les conditions dans lesquelles ils se forment et, donc, sur leur santé. La plupart se limitent dans leurs ambitions professionnelles.
Les très rares recherches menées sur cette population particulière d'aidants soulignent l'impact fortement négatif des responsabilités du « prendre soin » sur la santé physique et mentale des étudiants aidants, leurs performances universitaires et leur situation financière. Aux États-Unis la National Alliance for Caregiving estimait en 2020 à 21,6 heures par semaine en moyenne le temps consacré aux soins apportés aux proches.
Il y a une nécessite à documenter de manière rigoureuse cette situation de vie pour combler le manque d'informations démographiques et apporter des éléments de détails sur les activités de ces étudiants et l'impact (sûrement considérable) que cela a sur la gestion de leurs engagements académiques : moins de temps disponible pour étudier, des expériences d'anxiété et d'inquiétude, et le sentiment d'être surchargé de responsabilités, cela afin d'être en mesure d'apporter des réponses adaptées. Mais force est de constater, et assez étrangement, que le statut de l'étudiant aidant a jusqu'alors peu retenu l'attention.
Des actions trop timides
De très rares universités se sont emparées du sujet. En Italie, en 2021, l'université Federico II a mis en place un projet d'accueil des étudiants aidants familiaux. Ce statut reconnu et très encadré permet d'accéder à des aménagements et services mais cet exemple reste une exception dans le monde académique. Et pourtant, les universités ont su adapter leurs règles et apporter de la flexibilité à leurs modes de fonctionnement pour répondre aux besoins de certains publics étudiants tels que les étudiants entrepreneurs ou sportifs de haut niveau.
Alors que les étudiants entrepreneurs et sportifs bénéficient d'un statut particulier dans les universités françaises, il est temps de penser au statut d'étudiants-aidants. Celui-ci viendrait utilement supporter ceux qui au quotidien tentent de s'organiser, non sans mal, pour soutenir un proche.
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Ne cherchant pas à attirer la lumière sur eux, les étudiants aidants ne sont pas repérés aujourd'hui ce qui ne facilite pas la prise en compte de leur situation. Discret, « ma situation, je n'ai pas à en parler » alors qu'il peut admettre « avoir besoin d'aide pour l'organisation » avoue un étudiant aidant tout en reconnaissant « être fier de permettre à ses grands-parents de pouvoir rester à leur domicile malgré leur état de dépendance ».
Une recherche sur l'expérience des étudiants aidants en Écosse en 2020 est une des rares recherches produites sur cette population. Elle met en évidence les difficultés de ces étudiants conduit à revoir leurs ambitions professionnelles mais elle ébauche aussi des pistes utiles.
Une approche globale
En France, il existe divers statuts d'étudiants tels que le statut national d'étudiant entrepreneur ou celui d'étudiant sportif. L'étudiant entrepreneur fait l'objet d'un statut national lancé en 2014. Il permet de construire et développer son projet entrepreneurial dans le cadre de son cursus universitaire en plus de bénéficier d'un accompagnement. Il apporte une reconnaissance et un certain nombre d'avantages (accompagnement, possibilité de tester son activité avant la création d'une structure, formation à l'entrepreneuriat et à la gestion…). Depuis 2014, plus de 6 000 étudiants et jeunes diplômés âgés de moins de 28 ans ont pu bénéficier de ce dispositif.
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Le statut d'étudiant sportif de haut niveau a lui été créé à 2015. Il permet aux étudiants sportifs de poursuivre leurs études tout en pratiquant leur sport. Il permet de bénéficier d'aménagements d'enseignements, d'examens, de dérogations pour l'allongement des années d'études pour valider leur diplôme et d'allongement de la durée des bourses d'études.
On peut être surpris que, dans ce contexte, il n'existe toujours pas de statut d'étudiant aidant. Pourtant, ce dernier pourrait apporter des réponses à un quotidien d'étudiant difficile :
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sur le plan pédagogique : souplesse dans l'organisation des enseignements et des conditions d'accès ;
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sur le plan social : mise en relation avec les services sociaux universitaires, structures associatives et institutionnelles en lien avec l'aidance ;
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sur le plan psychologique : accompagnement par les services de santé universitaire centraux et de proximité, mise en contact avec les professionnels concernés, groupes de paroles ;
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et sur le plan informationnel : droits, financements, informations pratiques, formation pratique sur l'aide à apporter à la personne qu'accompagne l'aidant.
Le statut d'étudiant aidant imposerait au système universitaire français de réfléchir à une approche globale du soutien apporté qui intègre, comme nous venons de le voir, de multiples dimensions. Les conditions d'accès seraient définies au regard de la réglementation en vigueur qui précise les liens entre la personne aidée et l'aidant. Elles pourraient être présentées aux étudiants à l'occasion de la rentrée universitaire par les services compétents.
Cette action leur permettrait de prendre conscience de leur situation d'aidant et faciliterait probablement leur signalement auprès des services médico-sociaux. Il y a donc un véritable enjeu social à mettre à l'agenda cette question.
Corinne Rochette a reçu des financements de la fondation de l'Université Clermont Auvergne.
Christelle Larguier et Christine Roussat ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.
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Enseignants autistes : l'aboutissement d'un parcours inclusif ?
En s'appuyant sur l'ancrage théorique de la recherche biographique et la démarche méthodologique qui lui est propre, cet article se propose d'étudier le processus de subjectivation auquel se livrent des enseignants autistes en début de carrière. L'approche proposée permet d'analyser la construction, par le récit, des parcours de ces enseignants autistes au sein de l'institution scolaire. L'objectif de cette étude est, tout en n'occultant pas les nombreuses difficultés relatées, de mettre en lumière, à travers la parole de personnes concernées, leur parcours singulier et la trajectoire qu'elles définissent comme leur étant propre. Enseigner en étant autiste représente-t-il alors l'aboutissement d'un parcours ou le point de départ d'une dynamique réellement inclusive ?
Un articlehttps://journals.openedition.org/edso/20398 repris de la revue Education et socialisation, une publication sous licence CC by sa nd
Julie Dumonteil, « Enseignants autistes : l'aboutissement d'un parcours inclusif ? », Éducation et socialisation [En ligne], 65 | 2022, mis en ligne le 30 septembre 2022, consulté le 06 octobre 2022. URL : http://journals.openedition.org/edso/20398 ; DOI : https://doi.org/10.4000/edso.20398
Enseignants autistes [1] : l'aboutissement d'un parcours inclusif ?
Trois des cinq engagements prioritaires fixés par la stratégie nationale sur l'autisme au sein des troubles du neuro-développement (Cluzel, 2018) consistent à améliorer la scolarisation des élèves autistes, à permettre aux adultes autistes d'accéder à la pleine citoyenneté et à reconnaître l'expertise des personnes concernées. L'étude proposée ici se trouve à la croisée de ces différents objectifs. Elle consiste à interroger le processus de subjectivation au cœur du récit que livrent, de leur parcours scolaire en milieu ordinaire, des enseignants autistes en début de carrière : elle questionne le lien qui existe entre la mise en forme, au moyen du récit, de leur parcours au sein de l'institution scolaire et leur construction en tant que sujet.
La structuration, par la narration, du chemin parcouru permet à ces enseignants de donner à voir les difficultés et les éléments facilitateurs qui font sens pour eux. Plus que les obstacles à l'inclusion, dont on sait malheureusement qu'ils sont encore nombreux [2], le but de cette étude est, tout en n'occultant pas les nombreuses difficultés relatées, de mettre en lumière, à travers la parole de personnes concernées, la trajectoire qu'elles définissent comme leur étant propre. Il s'agit d'étudier les différentes étapes qu'elles identifient comme significatives dans ce parcours qui les a menées à l'enseignement.
L'objectif de la scolarisation des personnes autistes étant leur participation sociale, cette étude interroge le sens que ces enseignants autistes donnent rétrospectivement à leurs expériences scolaires et la manière dont ils lient ces dernières à leur participation sociale actuelle. À travers leur volonté de donner à voir leur perception de l'École, n'est-ce pas avant tout leur conception de l'enseignement que livrent ces enseignants en début de carrière ? La narration du parcours scolaire qui mène ces anciens élèves autistes à l'enseignement constitue-t-elle alors l'aboutissement d'une inclusion scolaire réussie ? Ou représente-t-elle le point de départ d'une dynamique dans laquelle s'inscrivent ces enseignants en début de carrière, visant à rendre l'École réellement inclusive ?
Après une présentation de l'ancrage théorique de cette étude et de la démarche méthodologique de la recherche biographique, l'analyse de la construction du parcours donné à voir par les enseignants autistes interrogera tant le rapport entretenu par ces anciens élèves autistes avec la sphère scolaire que leurs réflexions sur un des défis principaux de l'École pour les élèves autistes, à savoir les interactions sociales. La narration du parcours scolaire s'inscrivant dans un processus d'affirmation d'une identité du sujet se racontant, elle invitera dès lors à questionner la conception que ces enseignants autistes en début de carrière veulent faire entendre de leur rôle au sein de l'École inclusive.
Cadre théorique et méthodologie de la recherche biographique
L'inclusion, affirmée comme priorité sur le plan politique (loi du 11 février 2005 ; loi du 8 juillet 2013 ; circulaire de rentrée 2019), est au cœur de nombreux travaux scientifiques. Des études portent en effet sur les expériences scolaires d'élèves désignés handicapés (Laidi, 2018, 2019 ; Lansade, 2017, 2020 ; Saint Martin de, 2019) ou sur l'analyse de discours des enseignants (Berzin, 2007 ; Pelgrims et Perez, 2016 ; Perez-Roux, 2007). L'approche proposée ici se veut complémentaire puisque son originalité réside dans le fait d'analyser la construction que livrent ces enseignants autistes de leurs parcours au sein de l'institution scolaire.
7Des travaux scientifiques, émanant de la sphère anglophone, se sont intéressés aux expériences spécifiques des enseignants autistes (Baird, 2020 ; Lawrence, 2019 ; Wood et Happé, 2021). Ces acteurs essentiels d'une École réellement inclusive ne font en revanche pas encore l'objet d'études en France. L'étape particulière, dans leur trajectoire à l'École, que constitue le début de leur carrière permet de questionner ces deux champs intimement liés. L'entrée dans le métier d'enseignant, période charnière à l'articulation entre formation et expérience professionnelle, décisive pour l'accès à l'autonomie, constitue pour cela le cadre de cette étude qui interroge le sens que donnent ces enseignants autistes, par le récit biographique, à leur parcours au sein de l'institution d'éducation. Par son récit, le sujet métabolise l'expérience pour la rendre signifiante pour lui-même et pour les autres (Delory-Momberger, 2014) : il trace une trajectoire qui donne sens à son existence. La construction biographique contribue à attribuer de la valeur au sujet et constitue en cela une expérience capacitante. Ces enseignants autistes sont dès lors reconnus comme « les plus experts et les plus capables de dire ce que ça fait que d'être eux » (Speraw, 2009, p. 736).
Pour explorer ces considérations, la démarche méthodologique retenue est celle de la recherche biographique (Delory-Momberger, 2014, 2017). S'inscrivant dans la lignée de l'herméneutique objective allemande (Alheit et Bourguignon, 2019), elle consiste à réaliser une lecture interprétative des matériaux biographiques pour interroger les modes de constitution de l'individu en tant qu'être à la fois social et singulier.
En amont de l'étude, les possibilités de recueil de cette parole sont questionnées. Les particularités que présentent, sur le plan neuro-développemental, les personnes autistes ont pu soulever des questions quant à une difficulté accrue pour accéder à leur parole [3]. Cependant, les discours recueillis n'ont présenté aucun obstacle susceptible d'entraver l'accès à l'intention globale du locuteur et de nuire au jugement de cohérence (Moeschler, 2015). Les enseignants participant aux entretiens appartiennent en effet à une partie de la population autistique qui parvient à déchiffrer, non sans efforts, les normes et les codes sociaux [4]. Les conditions d'énonciation et de réception de cette parole s'en trouvent donc simplifiées.
Néanmoins, pour recueillir cette parole qui, sans cela, risquerait de rester inaudible, une approche adaptée est mise en œuvre. L'imprévu pouvant constituer une source d'anxiété pour les personnes autistes, les difficultés éventuelles sont anticipées pour assurer un cadre sécurisant et propice au recueil de la parole de ces enseignants autistes. Des rencontres préalables sont organisées pour leur présenter le déroulement de la recherche et les mettre en confiance. Cette prise de contact se fait d'abord sous forme écrite pour éviter les inquiétudes que peuvent générer les interactions sociales puis, à l'oral, selon des modalités variées parmi lesquelles la personne interviewée peut choisir celle qui lui convient. Les entretiens sont, eux aussi, réalisés selon les conditions qu'elle considère comme les plus propices. Plusieurs lieux sont proposés tels que des espaces publics, le lieu de travail, l'université ou le domicile de la personne. Pour réduire au maximum les difficultés que peuvent représenter les interactions sociales, les personnes autistes peuvent choisir de participer à cet entretien en présentiel ou en distanciel. Il est précisé aux participants qu'ils peuvent interrompre l'échange à chaque fois qu'ils le souhaitent, pour faire une pause. Enfin, après un dernier rappel du respect des règles de confidentialité, il leur est demandé de parler de leur parcours scolaire. Cette consigne concise vise à influencer le moins possible le récit [5]. Pour entretenir l'échange, des relances ainsi que des demandes de précision peuvent avoir lieu. Pour que les enseignants aient tout loisir de mener à bien la construction de leur parcours et la réflexion sur leur trajectoire, ils sont invités, si cela leur est possible, à réserver à l'exercice une demi-journée ou deux plages horaires de deux heures. La première proposition a été retenue par l'ensemble des participants et les entretiens menés ont duré entre trois heures et quatre heures trente. Malgré les propositions récurrentes de faire une pause, aucun des participants n'a souhaité interrompre l'entretien.
Une fois leur parole recueillie, la démarche d'analyse consiste à chercher à reconstituer la manière dont les enseignants construisent, par la narration, des constellations d'expériences qui génèrent à leur tour, par le mode d'appréhension et d'interprétation du vécu inhérent au récit, des motifs et des figures. C'est « à ce monde d'intentionnalité et à l'activité herméneutique qu'y déploie le sujet quant à sa propre action que fait accéder le récit » (Delory-Momberger, 2019, p. 276). Pour parvenir au sens que ces enseignants autistes donnent à leurs expériences scolaires, pour explorer la trajectoire qu'ils tracent pour se définir « en tant qu'être social singulier » (Delory-Momberger, 2014, p. 74), l'analyse s'appuie sur un protocole élaboré par Walter H. Heinz (2000) et repris par Christine Delory-Momberger (2005). Elle s'intéresse tout particulièrement au croisement des catégories relatives aux formes du discours, autrement dit au recours à différents modes d'organisation discursive, aux schémas de représentation et d'action (Heinz, 2000), c'est-à-dire à l'attitude récurrente du locuteur dans son rapport aux situations, et aux topoï, aux motifs récurrents (Delory-Momberger, 2014). La recherche biographique permet, en donnant la parole aux personnes concernées, d'aborder la structuration de leurs parcours à la première personne.
Le corpus de recherche comporte huit récits d'enseignants autistes en activité dans le premier et le second degré ainsi qu'à l'université. Pour cette étude, trois de ces récits ont été retenus en raison du profil similaire des enquêtés qui se situent tous à une période charnière de leur existence. Deux des entretiens ont été réalisés au cours de l'année 2020 en distanciel en raison du contexte sanitaire et un entretien a eu lieu en présentiel à l'université en 2021. Ces enseignants, deux femmes et un homme, ont entre trente-cinq et quarante ans. Ils ont été scolarisés à la même période, dans les années 1980-1990 [6]. Ne souffrant d'aucun déficit intellectuel, ils n'ont été diagnostiqués que tardivement, à l'âge adulte, et ont donc été scolarisés en classe dite ordinaire. Ils ont suivi des études longues, certains ayant connu des errements au cours de leur parcours universitaire. Ils se trouvent, au moment de la recherche, dans une phase de transition, avec la sortie définitive des années d'apprentissage et l'entrée dans l'enseignement. De telles transformations du mode de vie, de la nature des interactions sociales et des codes sociaux à maîtriser peuvent s'avérer particulièrement éprouvantes pour les personnes autistes. Leur récit à cette période charnière permet de voir le sens qu'elles donnent à leur parcours, mettant en valeur à la fois la singularité de l'expérience et la dimension réflexive indissociable de la construction du récit par le sujet.
13Cette nouvelle étape de leur vie avec une identité réinventée, de nature professionnelle, engage en effet ces jeunes enseignants autistes dans une intense réflexion de nature biographique. Lors des périodes de passage de statut (Heinz, 2001), de transition entre différentes phases de l'existence, les processus biographiques s'intensifient puisqu'ils contribuent à assurer l'unité identitaire du sujet. Ils agencent pour ce faire les expériences nouvelles au sein de la trame organisationnelle de l'existence, sous forme de parcours. En tant qu'expérience narrative, le récit construit la cohérence du vécu et est vecteur d'identité (Ricœur, 1990). Ainsi ces enseignants autistes au début de leur vie professionnelle se trouvent-ils dans un contexte propice pour revisiter leur parcours d'élève : par leurs « actions de configurations signifiantes » (Delory-Momberger, 2018, p. 15), ils livrent le sens qu'ils donnent à leur trajectoire au sein de l'institution d'éducation.
Parcours scolaire au sein d'un monde familier, prévisible
L'entrée dans le métier, caractérisée par des zones d'incertitude et de moindre prévisibilité de l'existence, s'appuie sur l'activité biographique pour compenser un défaut de repères socio-structurels : elle se saisit des expériences antérieures, des ressources biographiques pour donner du sens à la nouvelle situation et l'intégrer dans la trame de vie préexistante. Le parcours scolaire antérieur de ces jeunes enseignants autistes est sollicité à cet effet.
Deux des trois enseignants qui ont accepté de participer à la recherche sont issus de familles d'enseignants. Non seulement l'École a fait partie de leur vie en tant que lieu d'apprentissage, mais elle était également présente dans la sphère privée, à travers la profession exercée par les parents. Ainsi, Nicolas [7], qui enseigne actuellement en maternelle, évoque l'école élémentaire qu'il a fréquentée enfant en mettant en avant à plusieurs reprises cette proximité :
Y a un lien familial, déjà parce que le directeur de l'école, c'était un ami de mon grand-père. C'était un peu une extension de la famille, l'école. […] On sentait que c'était un peu, comme j'ai dit, c'était un peu l'ambiance familiale.
Les personnes autistes ont besoin de décrypter les codes sociaux. Les normes qui régissent les interactions sociales ne leur sont accessibles, dans le meilleur des cas, qu'au prix d'un effort cognitif important. La proximité avec la sphère familiale facilite la compréhension des attentes du monde scolaire. Ainsi Céline, enseignante agrégée, elle aussi issue d'une famille d'enseignants, souligne le fait que son expérience scolaire a été facilitée par le décodage familial :
L'École était omniprésente. Le soir, à table, je parlais de ma journée en classe et mes parents, eux, ils parlaient de leurs élèves, de leurs collègues. Nous vivions en permanence en lien direct avec l'École. […] Résultat, moi, je ne connais aucun autre monde que celui-là. C'est chez moi.
Céline va jusqu'à lever dans son récit toute barrière entre sphères scolaire et familiale. Enseignante d'histoire-géographie, Estelle, elle, n'est pas fille d'enseignants. Pourtant, elle décrit elle aussi l'École comme un espace familier, créant un lien, cette fois symbolique, entre sphères privée et scolaire : « Mes enseignantes en maternelle étaient un peu âgées, c'était un peu des grands-mères, quoi, de substitution. Très très bon souvenir de maternelle. » Cette proximité, certainement nourrie par l'attitude réceptive de l'élève, qui apparaît comme « très très curieuse, très en demande », est relatée comme à l'origine d'un sentiment d'appartenance : Estelle assimile, dans son récit a posteriori, ses enseignantes de maternelle à des membres de sa famille. La narration par ces trois jeunes enseignants autistes de leurs expériences scolaires laisse apparaître l'École comme un espace dont les règles sociales et le rapport aux enseignants sont perçus comme proches de ce que ces jeunes élèves autistes connaissaient dans leur entourage familial, ou a minima comme familières. Il ne faut cependant pas occulter le fait que tout récit a tendance à gommer certaines aspérités de l'existence. Paul Ricœur (1991) souligne que la concordance l'emporte toujours dans le récit, l'événement devenant alors un jalon de la mise en intrigue [8]. Il n'est dès lors pas anodin que, dans ces récits de personnes qui rencontrent des difficultés à comprendre les interactions sociales, l'École apparaisse, dans la relation aux professeurs, comme un lieu refuge. Dans la performativité de la mise en récit, ces enseignants cherchent à relier les expériences qu'ils font d'eux-mêmes aux réalités socioculturelles qui les entourent et dans lesquelles ils agissent. La mise en exergue de leur sentiment de proximité à l'égard de l'École participe alors à la trajectoire qu'ils tracent pour donner sens à leur entrée dans le métier d'enseignant.
Interactions sociales à l'École au prisme du diagnostic
Le processus de biographisation (Delory-Momberger, 2014), en tant qu'agir biographique, a pour but, non seulement de chercher à trouver sa place dans le monde social, mais également de construire son image de soi. Or, si l'École est abordée, en ce qui concerne la relation aux enseignants, comme un espace plutôt familier, les interactions qui y ont lieu avec les pairs sont présentées comme problématiques et sources d'interrogation, sur le plan identitaire. Nicolas insiste sur cet écart entre les relations avec ses enseignants et ses camarades de classe :
Avec les adultes, c'était pas trop compliqué, parce que les adultes, ils me voyaient, euh, entre guillemets, sous mon meilleur jour. […] Euh, les cours, c'était plutôt l'endroit où je fonctionnais bien. […] Les profs, y m'aimaient bien. Entre guillemets, c'était les seuls gens qui m'acceptaient un peu, qui me donnaient ma place. Parce que les autres, ils me traitaient d'intello… me demandaient de faire leurs devoirs. Mais moi j'étais con, je croyais que c'était, entre guillemets, parce qu'ils m'aimaient bien…
Le diagnostic, réalisé tardivement, apporte des éléments de compréhension de ce sentiment d'étrangeté ressenti par rapport aux autres élèves. Le vécu scolaire est alors revisité par ces enseignants à la lumière de leur diagnostic et des éclairages qu'il apporte sur leur fonctionnement cognitif et relationnel spécifique. Comme cela a été démontré par Ian Hacking (1996), le diagnostic a une influence sur la personne diagnostiquée, sur sa façon de se voir elle-même et d'appréhender ses actions passées, présentes et futures. Ce phénomène explique le rôle prépondérant joué par les éléments diagnostiques dans la construction par ces enseignants en début de carrière de leur trajectoire scolaire. À travers la construction que permet la narration, des liens se tissent entre différentes expériences et une trame explicative voit le jour. Ainsi Nicolas analyse ses expériences douloureuses à la lumière de son fonctionnement cognitif singulier :
Quand je considère les choses autour de moi avec ma façon de penser … c'est ça qui me crée de l'anxiété. C'est le sentiment que j'ai. Et pour moi, c'est dur d'aller vers les autres. Les autres, ils viennent pas vers moi. […] Je sais pas si tous les autistes se sentent aussi seuls que moi.
Le diagnostic apparaît dans la narration comme un moyen d'explicitation : il apporte un sens nouveau à l'expérience et permet de la mettre en réseau tout au long de l'existence avec d'autres expériences similaires. Face aux questionnements sur son identité personnelle et sociale, Nicolas a recours au diagnostic comme outil herméneutique sur lequel il peut prendre appui pour dire-agir son histoire (Delory-Momberger, 2014). Dans son analyse, il juxtapose, pour mieux les opposer, le ressenti des difficultés d'interaction sociale tel qu'il le dépeint avant le diagnostic et la lecture qu'il en fait par la suite à la lumière de son diagnostic :
Mais moi, je suis pas… je suis pénalisé par des choses, mais je me rendais pas compte. J'avais l'impression de ne pas avoir de problème. Mais pourtant, je comprenais que j'arrivais pas à avoir le même résultat que les autres. Je voyais pas pourquoi. Toute ma vie, j'ai travaillé à résoudre ce … ce fossé, comment dire, entre l'impression que j'ai de moi-même et les résultats que j'ai l'impression d'avoir.
Pour ne pas être complètement marginalisée, Estelle explique qu'elle a cherché à cacher ses spécificités, développant, comme de nombreuses filles et femmes autistes (Wood-Downie et al., 2021), une stratégie de camouflage (Rogé, 2020) :
À l'école élémentaire, ça a été cet apprentissage-là, de dire : celle que je suis, elle correspond pas. Donc il faut que je m'adapte et il faut que je découvre qui je dois être pour, pour ne pas être frappée, pour ne pas être isolée, pour ne pas être… voilà, pour pas être, pour ne pas vivre un enfer au quotidien.
L'absence de compréhension de leur différence, les tentatives douloureuses de trouver une place dans l'espace social qui les poussent à renoncer à tout amour propre, voire à se nier eux-mêmes, sont mises en relation par ces jeunes adultes avec le retard de diagnostic dont ils ont fait les frais. Estelle l'analyse ainsi :
C'est vraiment mon regret de ne pas avoir été diagnostiquée plus tôt, et d'avoir bénéficié de personnes qui connaissent l'autisme et qui m'accompagnent en disant “ben, en fait, tu es sur une voie parallèle, tu as un fonctionnement cognitif qui n'est pas comme les autres et c'est pour ça”. Parce que je peux vous assurer que j'ai creusé très très très loin pour comprendre pourquoi je me sentais si mal, si différente.
Céline souligne elle aussi comment son diagnostic lui a permis de donner un sens nouveau à son sentiment d'étrangeté :
J'étais persuadée que tout le monde faisait les mêmes efforts que moi pour décrypter les codes sociaux. Mais que moi, euh, ben, j'y arrivais pas. Et…le diagnostic, ben, il m'a permis de comprendre que c'était pas étonnant que je sois épuisée.
Si, pour Céline et Estelle, le diagnostic permet, dans le processus de subjectivation, de procéder à une réévaluation de ses capacités et rend par là même possible une augmentation de l'estime de soi, la trajectoire que Nicolas fait naître dans son analyse met plutôt l'accent sur une dégradation progressive de sa capacité à faire face et sur un accroissement de l'anxiété qui y est liée : « Ça a continué d'augmenter depuis le collège jusqu'à aujourd'hui. Ça a jamais cessé d'augmenter. Aujourd'hui, ça atteint des niveaux… très difficiles à gérer ». Que la trajectoire dépeinte soit ascendante ou descendante au moment de la narration, le processus biographique qui y est à l'œuvre donne à voir comment le sujet cherche à métaboliser par le discours les environnements multiples et variés qui sont les siens. Cette démarche, en tant que pouvoir de dire, est vectrice de pouvoir d'agir (Dumonteil, 2020 ; Le Bossé, 2003 ; Rhéaume, 2019 ; Vallerie, 2010). La construction par le récit des parcours au sein de l'institution d'éducation de ces anciens élèves autistes met en évidence l'importance du diagnostic comme outil d'interprétation de leurs expériences singulières. La relecture de leur parcours scolaire à la lumière des difficultés qu'ils ont rencontrées et des interrogations identitaires que cela a fait naître souligne la volonté de ces enseignants en début de carrière d'aborder leur métier sous l'angle de l'accessibilité.
Des enseignants au service d'une École réellement inclusive
Lorsque ces enseignants autistes parlent de leur métier, les élèves sont au cœur de leur discours. Ils soulignent tous les trois l'importance qu'à pour eux le fait d'être à l'écoute, de faire preuve de bienveillance et d'être toujours prêts à venir en aide aux élèves dans leur diversité. Nicolas insiste sur le rôle fondamental qu'a pour lui la relation qu'il entretient avec ses élèves :
C'est ça qui me fait tenir dans la vie. C'est ça qui me fait tenir, c'est parce que mes élèves, je me sens bien quand je les ai aidés un petit peu, même si c'est, euh, les consoler parce que… ils sont perdus, qu'ils veulent rentrer chez eux, même si c'est que ça, même si c'est que leur tenir la main et s'assurer qu'ils tombent pas dans l'escalier. C'est ce qui me fait tenir. J'ai pas beaucoup de gratification dans ma vie, à part euh… le retour de mes élèves.
Au-delà du simple sentiment d'efficacité professionnelle, la relation pédagogique est présentée par Nicolas comme un levier non seulement de reconnaissance sociale mais également d'estime de soi. Les relations sociales pouvant constituer un défi pour les personnes autistes, le cadre de la classe, environnement dont les codes scolaires ont été déchiffrés par ces anciens élèves, leur permet, en se mettant au service de leurs élèves et en entretenant des relations positives avec eux, de se sentir utiles et enfin acceptés. Estelle affirme aussi : « Ma relation aux élèves, elle est fluide, elle est simple, elle est très agréable. » Et ce qui lui plait tout particulièrement c'est d'être au service de la diversité des élèves. Elle se rappelle ainsi avec émotion de l'établissement scolaire dans lequel elle a travaillé avant sa titularisation :
Moi, j'adorais ce collège parce que c'est un collège une classe par niveau, donc on accueille énormément d'atypiques. Sur une classe de 30 on en accueillait 12 avec des troubles différents, des TSA, des troubles dys, des… et c'était génial, moi, ça m'éclatait et j'étais une des seules enseignantes avec qui toutes les classes se passaient bien.
La jeune enseignante souligne sa singularité à travers l'usage du double pronom « moi, j' ». Le fait d'être une enseignante autiste apparaît dans son discours comme une force qui lui permet de se mettre au service d'une plus grande accessibilité et ainsi d'accueillir différemment, de façon plus adaptée, la diversité des élèves. C'est ce même désir d'œuvrer en faveur d'une reconnaissance de tous les élèves dans leur singularité qu'exprime Céline :
À mon niveau, j'aimerais apporter une contribution, essayer de faire bouger les lignes. J'ai l'impression qu'en tant qu'enseignante, eh bien on peut … on peut permettre aux jeunes d'être, d'être eux-mêmes. Je voudrais leur faire comprendre … pour qu'ils évitent de juger… je voudrais vraiment qu'ils comprennent qu'ils ont besoin de leurs camarades qui sont différents, … que c'est à leur contact qu'ils … qu'ils progresseront tous.
Les propos de ces enseignants en début de carrière se veulent programmatiques. Ils ont conscience qu'il faut encore « faire bouger les lignes » et, riches de leurs expériences passées d'élèves en milieu scolaire dit ordinaire, ils ont l'intention d'œuvrer de l'intérieur pour participer à la réalisation d'une École réellement inclusive. Nicolas exprime son ambition en ce sens :
Et j'me dis, euh, que d'être prof c'est que le début en fait, et que j'aimerais aller plus loin. J'aimerais bien poursuivre ma réflexion là-dessus justement. Quoi faire pour aider, pour changer le système dans le bon sens. Pas seulement pour les autistes comme moi, mais pour tout le monde parce que c'est… Moi, ce que j'ai souffert dans mon expérience, c'est… d'autres qui le sont pas, qui sont pas autistes, l'ont certainement vécu aussi. Et même les élèves neurotypiques, ils pourraient bénéficier, voilà. C'est pas juste… c'est pas réservé à une catégorie de la population. C'est pour tout le monde. Y a pas de raison que si nous, ça nous aide, ça aide pas les autres…
À une période charnière de leur existence, marquée par des zones de moindre prévisibilité de l'existence, ces enseignants autistes se livrent à un processus biographique qui leur permet de tracer par le récit une trajectoire à la fois porteuse et créatrice de sens. Or l'activité biographique s'inscrit dans deux logiques distinctes et complémentaires. D'une part, elle consiste à se saisir des expériences passées pour insuffler un sens à cette situation inédite en l'inscrivant dans la continuité du parcours antérieur. C'est le rôle que joue, pour ces enseignants en début de carrière, la reconstruction par le récit de leur parcours scolaire, et en particulier la mise en exergue des relations positives avec leurs enseignants. D'autre part, face à la page blanche qui s'offre à eux avec l'entrée dans le métier, face à cet espace de projection de soi à conquérir, ces enseignants peuvent se réinventer. Le regard critique qu'ils portent sur leur parcours scolaire leur permet alors d'affirmer leur identité de futur enseignant et les objectifs qu'ils se fixent dans ce contexte. Ainsi le récit des difficultés rencontrées, en particulier au niveau des interactions sociales, constitue le fondement de leur volonté de faire évoluer l'institution pour la rendre plus accessible.
Ces personnes autistes, qui ignoraient tout de leurs spécificités autistiques lorsqu'elles étaient élèves, tiennent désormais compte de leur diagnostic dans la reconstruction qu'elles font de leurs expériences passées. Dans leur récit, elles reviennent sur leur trajectoire au sein de l'institution d'éducation, sur les leviers et les obstacles qu'elles identifient rétrospectivement comme déterminants. La triple lecture des événements passés, tels que construits par la narration à partir des souvenirs puis réinterprétés avec la grille de lecture qu'offre le diagnostic et enfin inscrits dans la perspective de l'entrée dans le métier d'enseignant, apparaît comme la pierre angulaire de ces récits. Ces discours constituent en cela un plaidoyer en faveur, d'une part, d'un diagnostic précoce des enfants autistes et, d'autre part, d'une accessibilité accrue permettant à l'institution d'éducation d'inclure les élèves autistes en tenant compte de leurs spécificités. L'École doit ainsi permettre à ces élèves non seulement de développer leur potentiel dans le domaine des apprentissages scolaires, mais également de s'épanouir sur le plan relationnel. Ce n'est qu'en prenant en compte ces deux dimensions qu'une réelle autonomie et une pleine inclusion sociale des personnes autistes sera possible.
Si ces enseignants autistes soulignent les manquements du système éducatif français auxquels ils ont été confrontés en tant qu'élèves, ils s'attachent en revanche à présenter une image positive des enseignants, capables de changer la donne par leur écoute, leur bienveillance et leur pratique. C'est dans une perspective programmatique que ces enseignants autistes, en pleine construction de leur identité professionnelle, se livrent à une analyse des limites et des potentialités de l'École. À travers les trajectoires qu'ils tracent et transmettent par leurs récits, la figure de l'enseignant apparaît comme au centre des possibles. Une École réellement inclusive se doit par conséquent de faire une place pleine et entière à ces enseignants, incarnation de la diversité qui constitue toute société inclusive.
Bibliographie
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[1] L'expression personne autiste sera ici privilégiée conformément à ce qui est préconisé par de nombreux autoreprésentants de la communauté autiste (Botha et al., 2020, 2021 ; Bottema-Beutel et al., 2021 ; Bury et al., 2020 ; Gernsbacher, 2017 ; Kenny et al., 2016 ; Sinclair, 2013).
[2] De nombreux enfants et adolescents autistes ne sont toujours pas aujourd'hui scolarisés en France (Dumonteil, 2020).
[3] Certains chercheurs émettent, par exemple dans le cadre de travaux avec des personnes désignées handicapées mentales (Henckes et Marquis, 2020), des mises en garde en raison du caractère jugé désorganisé de l'intentionnalité de ces personnes (Ehrenberg et Lovell, 2001).
[4] Si tous les autistes rencontrent des difficultés, d'intensité variable, au niveau des interactions sociales, il ne faut pas oublier qu'une partie des autistes ne peut s'exprimer verbalement (Chamak, 2005). Si tous les autistes rencontrent des difficultés, d'intensité variable, au niveau des interactions sociales, il ne faut pas oublier qu'une partie des autistes ne peut s'exprimer verbalement (Chamak, 2005).
[5] Si un participant rencontre des difficultés pour s'exprimer librement, des précisions peuvent être fournies. Il peut par exemple lui être proposé de commencer par parler de ses souvenirs d'école maternelle ou élémentaire.
[6] Ce n'est qu'en 1981 que la psychiatre anglaise Lorna Wing aborde, sous la dénomination de syndrome d'Asperger, l'autisme sans déficience intellectuelle.
[7] Pour préserver l'anonymat des participants à cette recherche, tous les noms de personnes mentionnés dans cet article sont fictifs.
[8] 8 La mise en intrigue est définie par Paul Ricœur comme une structuration, par la narration, de l'expérience chaotique du temps. Il affirme ainsi que le temps humain est un temps raconté.
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Wiki-TEDia, la Banque de stratégies de formation par TÉLUQ
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Le contenu de la Banque de stratégies de formation a été construit principalement grâce aux contributions des étudiantes et des étudiantes de la TÉLUQ.
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Écrire est une activité intellectuelle exigeante. L'écriture est un outil dont la maîtrise dépend essentiellement de ce qu'on a eu l'occasion de « faire avec ». C'est dans ce sens que l'on peut considérer, en suivant Lev Vygotski (1930-1985), que l'écriture constitue un « instrument psychologique », soit un outil qui permet de réguler et de contrôler l'activité psychique mobilisée dans une situation particulière (Pudelko et Legros, 2000). L'écriture est aussi un outil culturel : on écrit à la fois pour soi, pour les autres, mais aussi avec (ou contre) les autres… en utilisant les conventions, les normes, les indices qui paraissent pertinents dans une situation (Vygotski, 1934/1985 ; Wertsch, 1985).
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en Riposte pédagogique à la crise du Covid
Appel à communications du colloque International sur la Classe Dehors
Du 31 mai au 4 juin 2023 à Poitiers, les Rencontres Internationales de la Classe Dehors ont pour intention de dresser un état des lieux des approches de la classe dehors, avec la coopération de nombreux acteurs associés au monde de l'enseignement.
Au sein de ces Rencontres, le Colloque international sur la Classe Dehors sera un espace privilégié de débats, de rencontres, de partage pour les chercheuses et chercheurs et l'ensemble des publics concernés. Il permettra de confronter divers contextes de classe dehors, en France et dans d'autres pays, reflétant différentes visions des politiques éducatives et leur inscription dans le champ social, sanitaire et environnemental.
Que ce soit dans les jardins d'Aristote, par l'étude des milieux, en classe promenade, en classe de mer, avec les clubs connaître et protéger la nature, en pédagogie sociale ou sur les terrains d'aventures dans l'éducation populaire, la classe dehors est une réalité protéiforme qui s'inscrit dans la longue histoire des méthodes d'apprentissages formels et informels.
Davantage reconnue par le ministère de l'Éducation nationale pour ses vertus sociales et pédagogiques depuis la crise de Covid-19, la classe dehors est bien implantée dans plusieurs pays et se développe rapidement dans l'espace francophone sous divers termes. La réflexion s'intègre aussi bien dans les classes primaires et secondaires qu'au sein de formations universitaires tout en intégrant la question de l'enfant dans l'espace public.
Ce colloque a pour vocation d'accueillir et de rassembler des contributions pouvant émaner de disciplines variées, de travaux interdisciplinaires et de récits d'expériences qui éclairent la classe dehors au plus près du terrain, là où des réalités collectives impliquent une pluralité de regards et de sensibilités. Les communications sont organisées selon trois grands axes pour mettre en lumière, analyser les expériences de terrain, en montrant les logiques de coopération, de partage et d'hybridation des savoirs et des pratiques que la classe dehors favorise.
Axe I : Apprendre dehors : état des lieux de la connaissance
Cette première thématique vise à faire connaître les travaux des chercheur∙es et des praticiens.nes qui étudient ou mènent des expériences d'apprentissage dehors et analysent les effets/réactions des enfants et des jeunes aussi bien dans l'éveil d'une conscience écologique que dans l'acquisition des savoirs fondamentaux et le
développement des compétences psychosociales.
Cet axe invite à s'interroger sur les pratiques et les postures des enseignant.e.s et accompagnateur.ice.s, sur l'articulation entre les séances de classe dedans et dehors, entre les disciplines et s'intéresse à l'évolution de la formation des enseignant.e.s et des cadres de l'éducation nationale pour répondre au développement de la pratique de la classe dehors.
Enfin, ces formes de pédagogies et d'apprentissage ne pouvant être considérées comme des solutions miracles adaptées à toutes situations ou contextes d'éducation, cet axe invite à une prise de recul critique sur le concept lui-même mais aussi plus particulièrement sur la capacité à reproduire des inégalités sociales et/ou
des discriminations de cette praxis.
Axe II : Territoire apprenant : forme scolaire, cohabitation avec les milieux et enjeux citoyens
Le territoire, en tant qu'espace vécu, dans ses fonctionnalités, ses temporalités, mais aussi dans le champ du symbolique et de l'imaginaire, devient accessible aux enfants par l'expérience régulière du dehors et la reconnexion avec la nature.
Cet axe invite à une interprétation nouvelle de l'espace et du temps et pose la question de la frontière de l'école dans et hors les murs. La forme scolaire, le bâti scolaire, les politiques des villes et l'aménagement du territoire sont traversés, renouvelés par ces pratiques du dehors, là où la notion de risque est plus que jamais présente. Le « territoire » de l'apprentissage dehors, est appréhendé au regard d'enjeux écologiques et citoyens de plus en plus prégnants. Cette seconde thématique s'intéresse également aux initiatives pédagogiques hors les murs qui permettent de recréer du lien (social, écologique, symbolique) à l'échelle du territoire.
Cet axe s'intéresse enfin aux démarches en cours sur les organisations et territoires apprenants, et lorsque des enfants y sont associés, sur le hors les murs des institutions
Axe III : La classe dehors au prisme des communs
Penser l'École « comme un commun », c'est admettre l'idée que les processus pédagogiques n'émanent pas d'une seule instance, mais que l'apprentissage est le fruit d'une communauté aussi bien que d'apprentissages, intégrant les enseignants∙e∙s, les élèves, les familles, mais aussi des associations, des collectifs, des élu∙e∙s et d'autres acteurs à différentes échelles territoriales. Cette
conception de l'éducation comme processus partagé conduit à renforcer la place des collectifs avec l'idée que les ressources pédagogiques qu'elles produisent/transforment soient aussi pensées comme des « communs », partageables et libres de droits, autour desquelles se fédèrent des communautés
plurielles.
Le cadre théorique et pratique que constituent les communs pédagogiques est donc au coeur de cet axe thématique. Les propositions devront permettre de préciser et de cadrer la notion de commun pédagogique tout en l'articulant avec la classe dehors. Elles pourront également porter sur des hypothèses méthodologiques permettant d'enrichir la notion de communs pédagogiques, afin de faciliter leur appréhension par les acteurs de l'éducation.
Modalités de contribution
Les communications qui peuvent être soumises à cet appel seront retenues en fonction des trois axes d'intervention thématiques cités. Chaque axe thématique s'organisera autour de temps de conférences/tables rondes/dispositifs dédiés et ouverts à tous les publics (académiques ou non— académiques).
Les propositions de communication (titre et résumé de 1500 caractères espaces compris) sont attendues pour le 15 décembre 2022 au plus tard, accompagnées de vos noms, prénoms, affiliations, adresse électronique et de trois à cinq mots clefs.
La langue principale du colloque sera le français, mais les propositions sont acceptées également en anglais ou toute autre langue, si le comité d'organisation est prévenu suffisamment en amont et accepte. De même, les présentations se feront principalement en français ou anglais. D'autres langues pourront être envisagées si cela est demandé. Chaque proposition sera anonymisée et relue en double aveugle par des membres du comité scientifique.
Ce colloque fera l'objet des productions suivantes :
- La publication des actes du colloque (par défaut, nous proposerons une licence creative commons).
- Des notes politiques (policy brief) synthétisant les apports majeurs de la classe dehors ainsi que les enjeux et axes de transformation de l'action publique, sous forme de recommandations.
– *Des supports éditoriaux divers sous forme de fascicules, d'infographies et de posters, de contenus audios et vidéos, de dispositifs de médiation ou tout autre objet qui pourra être proposé par les répondant∙e∙s pour favoriser l'accès à la connaissance de toutes et tous.
Nous remercions les auteurs et les autrices de bien vouloir adresser conjointement et directement leurs propositions à : antoine.h@fabpeda.org et michael.r@fabpeda.org.
Calendrier
– Date limite de soumission : 15/12/2022
– Date de notification aux auteurs : 01/02/2023
– Date d'envoi de la version finale : 15/04/2023
– Parution des actes : fin 2023
Comité scientifique
Eric Lenoir, Paysagiste (France)
Yann Lheureux, Chorégraphe (France)
Théa Manola, AAU, ENSA Grenoble (France)
Lionel Maurel, CNRS (France)
Mohammed Melyani, CAREF, Université de Picardie (France)
Alexandre Monnin, ESC Clermont Business School (France)
Anne-Louise Nesme, La Méandre(France)
Laura Nicolas, IMAGER, Université Paris-Est Créteil (France)
Philippe Nicolas, Professeur des écoles, Académie de Nancy-Metz (France)
Laurent Ott, Intermèdes Robinson (France)
Thierry Paquot, Institut d'urbanisme de Paris, Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne (France)
Sophie Pène, DICEN-IDF, Université Paris Cité (France)
Irène Pereira, Université Paris-Est-Créteil (France)
Anne Philipson, Inspectrice de l'Éducation nationale, Académie de Toulouse (France)
Gilles Rabin, CNES (France)
Sophie Ricard, La preuve par 7 (France)
Michael Ricchetti, Fabpeda (France)
Caroline Rozenholc, LAVUE, ENSA Paris Val de Seine (France)
Arlette Sancery, Professeure honoraire, Université Paris IV (France)
Cristiana Teodorescu, Universitatea din Craiova (Romania)
Nicolas Tocquer, INSPE de Bretagne (France)
Anne Trespeuch-Berthelot, Histemé, Université de Caen (France)
Erwan Vappreau, Professeur des écoles, Académie de Rennes (France)
Christina Wolf, St. Gallen University of Teacher Education (Suisse)
Chris Younes, École Nationale d'Architecture de Paris (France)
Jean-Michel Zakhartchouk, Les Cahiers Pédagogiques (France)
Theodore Zeldin, Oxford University (UK)
Aurélie Zwang, LIRDEF, Université de Montpellier (France)
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Tais-toi et écoute ! Ou pas ? Il est temps de transformer l'enseignement supérieur.
Deux tiers d'une génération passe par l'enseignement supérieur. Pourtant, la plupart du corps enseignant n'est pas suffisamment formé à la pédagogie. Conséquences ? Encore trop de méthodes figées dans une institution qui ne facilite pas la transformation. Recentrer son enseignement sur l'engagement cognitif des élèves est l'une des clés de cette transformation.
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Coopération ouverte pour la transition écologique dans l'enseignement supérieur francophone (et en formation d'adultes) RV le 30 juin à 17h
Le groupe "Hybridation en coopération ouverte" créé à la sortie du premier confinement sur Riposte Créative Pédagogique montre l'intérêt d'un partage d'expériences, de ressources face à une crise qui bouleverse les conditions de formation. La vingtaine de webinaires réalisés ou en cours en sont un reflet vivant.
Face à une crise écologique qui touche à l'existence même de la société humaine sur terre, voici maintenant la création du groupe "Transition en coopération ouverte" justifiée par l'urgence de la crise. Ce nouveau groupe en coopération ouverte (pour un monde vivable et désirable) [1] privilégie les productions et contenus réutilisables .
L'agenda du groupe
Un second webinaire le 30 juin à 17h
Une rencontre pour échanger sur les coopérations possibles, les ressources à mutualiser et un programme à co-construire.
Proposition pour la rencontre
- Présentation de la dynamique
- Petit exercice collaboratif : souvenirs du futur
- Nos premier plus petit pas possibles
– pour participer au webinaire bientôt le lien pour s'inscrire
– pour s'abonner à la liste d'échanges
Et déjà une collecte sur le pad pour
- noter un liens sur la transition écologique dans l'enseignement supérieur
- indiquer une envie de faire
Et enrichir les bases de données ressources et initiatives
Avec les formulairer
– saisir une ressource,
– saisir une initiative
il est facile de signaler une ressource ou une initiative
autour de la transition écologique dans l'enseignement supérieur francophone qui complète la centaine de ressources déjà partagées.
De la mutualisation à la coopération ouverte
Depuis 6 ans, Le magazine Innovation pédagogique met en réseau les publications d'une trentaine de sites qui acceptent de partager leur contenu. Au fil des années, la production éditoriale et la notoriété du site se sont accrues comme en rend compte ce graphe des visiteurs mensuels :
Avec la crise du Covid, les échanges d'expériences, réflexions, se sont multipliés avec plus de 200 articles publiés autour de l'hybridation et de la "Riposte Pédagogique". Dans un temps de crise où le monde ne peut plus fonctionner comme avant, l'urgence pousse de nombreuses personnes à coopérer au delà de leur seul établissement.
Pour favoriser cette coopération ouverte, un espace collaboratif "Riposte Créative Pédagogique, a été créé à l'image de Riposte Créative Territoriale [2] initié avec la direction Innovation du CNFPT et d'une dizaine d'autres espaces s'appuyant sur le même outil et la même démarche d'écriture ouverte et de partage des contenus.
Nous y apprenons un partage de ressources, de retours d'expériences au delà de nos établissements [3] avec par exemple le groupe "Hybridation en coopération ouverte" et la vingtaine de webinaires réalisés.
Alors que les publications sur Innovation pédagogique sont proposées à la publication par leur auteur ou via un flux RSS, dans les "Riposte", l'écriture est directe, modifiable et révisable (on peut facilement revenir en arrière) ; c'est un wiki. Et comme à l'école nous n'avons pas écrit à écrire publiquement pour être lu, dans les Riposte nous proposons un petit pas, le plus simple possible, pour écrire, avec l'usage de formulaires, tel celui des fiches ressources.
Les deux espaces sont reliés : les articles d'Innovation Pédagogique sur l'hybridation et en riposte pédagogique à la crise du Covid sont proposés sur Riposte pédagogique. Et les webinaires sont relayés sur Innovation Pédagogique.
Sous le "capot" des Riposte se trouve le logiciel libre yeswiki [1], particulièrement facile à utiliser dans l'esprit d'outil convivial [4] développé par Ivan iIllitch, un outil qui
– augmente l'efficience sans dégrader l'autonomie personnelle ;
– ne suscite ni esclave, ni maître ;
– renforce le pouvoir d'agir
Les bases de données facilement modifiables, fournissent aussi une cartographie lorsque l'adresse d'une initiative est renseignée comme dans Riposte Créative Bretagne.
C'est cette démarche en coopération ouverte [5] que nous proposons pour la création de ce groupe autour de la transition écologique dans l'enseignement supérieur francophone et en formation d'adultes.
Pourquoi un groupe en coopération ouverte autour de la Transition écologique ?
Je reprends ici la page de présentation du groupe dans Riposte Pédagogique.
Ce groupe travaille sur la prise en compte de la transition écologique (climat, biodiversité, raréfaction des ressources, numérique responsable, résilience .. ) dans l'enseignement supérieur francophone et la formation des adultes. Face à une crise qui touche à l'existence même de la société humaine sur terre, nous faisons ici le choix d'une démarche en coopération ouverte à toutes et tous. L'urgence de la crise justifie à nos yeux une coopération ouverte (pour un monde vivable et désirable) qui privilégie les productions et contenus réutilisables (telles celles sous licences Creative Commons ; pour répondre aux nombreuses questions qui se posent
- Quelles transformations des contenus enseignés ?
- Quelles formes pédagogiques qui impliquent les étudiants et relient au territoire ?
- Quels enseignements spécifiques ?
- Quelles ressources éducatives libres ?
- Quels retours d'expériences, bilans, analyses ?
Cette initiative est complémentaire des démarches internes d'établissements ou de consortium qui ont mis ces questions à leur agenda. L'espace gare d'aiguillage est là pour faire le lien vers les autres initiatives rendues publiques (et ne pas refaire ce qui a déjà été fait, en précisant les conditions de leur réutilisabilité ou non).
La particularité de ce groupe en Riposte Pédagogique est son caractère ouvert avec une volonté de partage des ressources et de favoriser la réutilisabilité de ce ce qui existe déjà.
Comme nous le disions dans le préambule, l'urgence de la crise plaide pour un partage où chacun ne refasse pas dans son coin où nous enrichissons des apports des autres et inventons une intelligence collective autour de communs en actes !
Pour quoi faire ?
Espace collaboratif ouvert chacun.e peut y participer selon son envie, et même avec un petit temps disponible (il suffit de quelques minutes pour ajouter une ressource à la base de données par exemple, signaler une ressource à un collègue concerné, ajouter un lien à la gare d'aiguillage).
Que peut-on déjà faire ?
- Rejoindre le groupe transition en coopération ouverte
Pour rejoindre le groupe, il suffit de vous inscrire sur la liste sympa en cliquant ici [2]
– Participer au premier webinaire le 25 mai en s'inscrivant via le petit formulaire
– Consulter les articles issus d'Innovation Pédagogique
Une soixantaine d'articles sont proposés autour
- des initiatives de transition dans l'enseignement supérieur
- d'enseigner la transition
- des rapports sur enseignement supérieur et transition
- du numérique responsable
- et de résilience et éducation
Ces pages sont alimentées par les flux RSS associés à des mots clés mis sur les articles d'Innovation pédagogique et la page d'accueil qui présente les 5 derniers articles associés évolue au fil des publications, (d'autres sources pourront être ajoutées).
– Référencer une ressource
La base de données ressources permet de référencer ce que vous pensez être une ressource (retour d'expérience, programme, descriptif d'Unité d'Enseignement etc ..). Dés qu'un certain nombre de ressources seront disponibles elles seront proposées directement dans cet espace (via un filtre sur le mot clé transition).
– Documenter la gare d'aiguillage
Les Ripostes Créative fonctionnent dans un logique d'archipel [6, 7] et n'ont pas vocation à regroupe mais à relier. C'est l'idée de gare d'aiguillage [8] qui renvoie vers les ressources dejà existantes.
La gare d'aiguillage aussi appelée "gare centrale" dans les formations à l'animation de projets coopératifs Animacoop [9] est un espace de partage d'information qui rend visible tous les éléments utiles aux membres d'un collectif pour y agir en collaboration.
Pour la transition écologique dans l'enseignement supérieur une pagea été créée qu'il reste à documenter !
- Expérimenter un cercle d'apprentissage
L'archipel des Riposte Créative est aussi l'occasion d'un croisement des initiatives et nous pourrons nous inspirer des 10 cercles d'apprentissages mis en place par le CNFPT dans Riposte Créative Territoriale pour apprendre ensemble. Voir aussi le cercle apprenant sur la coopération entre ingénieurs, conseillers pédagogiques mis en place par le groupe hybridation en coopération ouverte (première réunion le 3 mai).
– Proposer un webinaire
Avec de 30 à 100 participants, la quinzaine de webinaires de Riposte Pédagogique ont été à la fois de riches temps de rencontres mais constituent aussi via les enregistrements et les ressources associées une base de contenus utiles sur différentes facettes de la pédagogie dans ce temps de crise.
là aussi une organisation collaborative où chacun.e peut proposer et organiser démultiplie le champs des possibles dans une organisation agile et frugale.
Voilà pour quelques propositions que nous avons déjà pratiquées [10] ; mais un groupe coopératif [9] ne manquera d'en faire émerger de nouvelles idées !
Toutes les coopérations avec des réseaux existants est bienvenue, ce groupe n'a aucune autre ambition que de faciliter la transition écologique dans un fonctionnement par consentement où celui qui a envie de faire fat dans la mesure où il n'y a pas d'objection sur le fond du projet !
Alors à bientôt pour croiser nos envies d'une transition écologique en actes dans l'enseignement supérieur francophone et ne formation des adultes.
Les publications citées
[1] Coopération ouverte pour un monde vivable et désirable, texte élaboré lors desrencontres Co-construire à Tournai, août 2019.
[2] La démarche Riposte Créative Territoriale, est présentée dans le film "Silence de l'innovation" réalisé par Thomas Troadec (54 mn), mars 2021.
[3] Ce que nous apprenons des Riposte Créative, une démarche d'écriture collaborative réutilisable, par Michel Briand et Laurent Marseault, 21 juin 2020.
[4] Le rôle du techno-pédagogue dans un « Riposte créative » espace en coopération ouverte, entretien avec Laurent Marseault et Florent Merlet, 15 avril 2021.
[5] La coopération, un changement de posture : vers une société de la coopération ouverte, diapos commentées et audio de la conférence de Michel Briand au colloque QPES 2019, dans Innovation Pédagogique, juin 2019.
[6] Partage sincère, "tragédie du LSD", fonctionnement en archipel : dialogue autour de la coopération ouverte avec Laurent Marseault, 12 mars 2021.
[7] - Agora des archipels, un espace de rencontres et de partage entre acteurs de la transition qui se retrouvent dans un fonctionnement u, qu'ils soient des individus, des collectifs en archipel.
[8] - La gare d'aiguillage aussi appelée "gare centrale" dans les formations Animacoop espace de partage d'information qui rend visible tous les éléments utiles aux membres d'un collectif pour y agir en collaboration, un exemple de circulation ds flux sur Riposte Creative Bretagne.
[9] Animacoop formation à l'animation de projets coopératifs ]] et aussi Interpole, l'espace ressource de la CIA (Collectif Inter Animacoop).
[10] Créer et animer une "Riposte Creative, formation action autour de la coopération ouverte proposée au CNFPT par Michel Briand et Laurent Marseault et mise en oeuvre pour le département de la Gironde avec Julie Chabaud (février, mars 2021).
Quelques liens autour de la coopération ouverte
– Autour des compétences qui favorisent la coopération : L'état d'esprit collaboratif, « faire avec » et « avoir le souci des communs » : trois pivots pour coopérer par Elzbieta Sanojca dans Innovation Pédagogique, 11 mars 2018.
– La compostabilité : pour un écosystème de projets vivaces par Romain Lalande et Laurent Marseault sur Vecam, 4 mars 2018.
– La coopération ouverte, un concept en émergence, par Elzbieta Sanojca, Michel Briand, dans Innovation Pédagogique, 15 mai 2018.
– E-book Cooptic un manuel à l'usage des animateurs de réseau et les contenus bonifiés par Gatien Bataille dans sa formation cooptic
– Histoires de coopération, une trentaine d'interview d'acteurs de la coopération ouverte sur le blog Coopérations, mars 2019.
Quelques projets en coopération ouverte
– Bretagne Créative
"L'innovation sociale ouverte, c'est donc donner à voir son projet/son idée, échanger avec les autres pour croiser et enrichir les savoirs-faire et compétences. Sources d'efficience et créatrices de lien social sur les territoires, les démarches collaboratives sont une manière de pérenniser et de multiplier ces initiatives tout en favorisant le bien commun."
– Riposte Créative Territoriale
L'objectif ? Co-construire, avec les collectivités territoriales, les réponses formatives innovantes pour faire face à ces défis complètement inédits, en mobilisant l'intelligence collective. Comment développer des modes d'apprentissage dans l'urgence, pour des solutions créatrices de valeur sociale pour le service public territorial et la démocratie locale ?
Notre intention fait écho à l'alerte de Bruno Latour : « Si on ne profite pas de cette situation incroyable pour changer, ce serait gâcher une crise. »
« Une marmite ne commence pas à bouillir par le couvercle, mais toujours par le fond ! » Proverbe de Haute-Bretagne un espace collaboratif ouvert pour
- donner à voir et mutualiser les initiatives en complémentarité des services et groupes mis en place
-* exprimer des besoins prenant en compte les personnes en précarité, en situation de fragilité et éloignées des services proposés - favoriser l'attention, le soin, et une convivialité, et ainsi contribuer au bien vivre ensemble
- favoriser des transformations créatives solidaires et en transition pour l'après
– Faire ecole ensemble
association - collégiale et à durée de vie limitée - qui facilite le soutien citoyen de la communauté éducative durant l'épidémie de COVID-19. Ses actions s'organisent par programmes et se destinent à être supportés par des coalitions d'organisations pérennes.
– Outils libres
Internet avait été conçu comme un réseau décentralisé, qui donne du pouvoir et de la liberté aux citoyens. Sortir nos informations des gros silos de données pour revenir à des petites structures ouvertes et inter-connectées, c'est possible avec un peu de savoir faire technique et de la bonne volonté. Dans le cadre du mouvement plus global des logiciels libres, et par sa rencontre et collaboration avec l'association Framasoft, Colibris a rejoint le Collectif d'Hébergeurs Alternatifs Transparents Ouverts, Neutres et Solidaires (CHATONS) et met à disposition gratuitement des solutions libres et respectueuses de la vie privée.
– Transiscope
Aujourd'hui, de nombreux d'acteurs de la transition et des alternatives ont entamé un travail de recensement et de cartographie de leurs organisations, actions et écosystèmes.
Dans la majorité des cas, néanmoins, ces informations sont éparpillées sur les sites de chacune de ces organisations et les données ne peuvent pas communiquer entre elles en raison de choix techniques différents : aucune visualisation agrégée n'était jusqu'à présent possible.
Pour permettre de relier ces alternatives, une dizaine de collectifs travaillent depuis deux ans pour développer des outils libres permettant de connecter les différentes bases de données existantes et de les visualiser au même endroit : TRANSISCOPE
– Collectif Yeswiki
L'outil libre facilitant la coopération ouverte.
YesWiki est un logiciel libre né du croisement des discussions et savoir-faire de développeurs et animateurs de projets coopératifs.
A l'image d'une page blanche, ses usages sont quasiment illimités : ils dépendront de votre créativité !
YesWiki est aujourd'hui maintenu et amélioré par une communauté de professionnels issus d'horizons différents qui prend du plaisir à partager ses rêves, ses créations et ses développements.
[1] YesWiki est un logiciel libre né du croisement des discussions et savoir-faire de développeurs et animateurs de projets coopératifs. A l'image d'une page blanche, ses usages sont quasiment illimités : ils dépendront de votre créativité. YesWiki est aujourd'hui maintenu et amélioré par une communauté de professionnels issus d'horizons différents qui prend du plaisir à partager ses rêves, ses créations et ses développements. texte repris de la page d'accueil de YesWiki
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Relations sociales : le numérique peut-il compenser le manque d'échanges directs ?
Comme de nombreux pays du monde, la France vit, depuis maintenant une année, une situation inédite : la pandémie de Covid-19. Source d'isolement social et de perte de contrôle sur son quotidien, la pandémie et les confinements qu'elle impose peuvent également amener des difficultés psychiques.
Dans une large enquête nationale en Chine, des chercheurs ont ainsi mis en évidence un certain nombre de troubles psychiques, notamment des troubles paniques mais aussi des syndromes d'anxiété et de dépression consécutifs aux mesures de confinement destinées à lutter contre la Covid-19.
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Comment le nouveau mode de vie imposé par la pandémie affecte notre santé mentale
Parmi les mesures sanitaires mises en place pour freiner la propagation du virus, la distanciation physique impose de réduire au maximum les contacts avec autrui et peut amener, par conséquent, à une distanciation sociale réduisant les interactions que nous avons avec autrui.
Or, de nombreuses recherches attestent de l'importance des relations aux autres sur le bien-être et la qualité de vie, aux différents âges de la vie.
Lien social et santé mentale
Chez les enfants, les relations familiales, les relations entre pairs, les loisirs et l'environnement scolaire sont perçus comme essentielles au bien-être et à une bonne qualité de vie. Dans le contexte d'une pandémie précédente, Stevenson et ses collègues avaient d'ailleurs évoqué que « la fermeture des écoles et autres stratégies de distanciation sociale [perturbent] les routines des enfants ».
De façon similaire, un sentiment de solitude, de moindres contacts avec les amis et un niveau bas de loisirs sont associés à une plus faible satisfaction de vie chez les adolescents. A cette période, le groupe est au centre de la vie quotidienne et les pairs apportent un soutien émotionnel. En grandissant, la transition vers l'âge adulte passe aussi par de nouvelles rencontres et de nouveaux modes d'interactions qui soutiennent les adultes émergents pour faire face aux challenges liés à l'autonomisation.
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Comment la pandémie redessine les chemins des jeunes vers l'autonomie
Pour les adultes, les liens sociaux (familiaux, amicaux, professionnels) jouent également un rôle dans la gestion du stress, le bien-être et la santé mentale. Les relations sociales et le sentiment de ne pas être seul sont également un facteur de protection contre les troubles de l'humeur chez les personnes âgées.
Cela nous amène donc à réfléchir aux impacts des mesures sanitaires sur le quotidien des personnes, et surtout à la façon dont nous pouvons pallier cette réduction voire cette absence des interactions sociales.
Nouvelles interactions numériques
Les outils numériques permettent d'entrer en relation avec autrui sur un mode différent des relations en face à face. D'ailleurs, hors période de pandémie, les relations interpersonnelles sont une des principales motivations à utiliser les outils numériques (que ce soit par les réseaux sociaux, les appels vidéo, les messageries, les jeux en réseau…)
Les spécificités de ces outils – absence de contact direct ou de contrainte géographique – entraînent un autre rapport à autrui : tout en permettant un lien social, ils offrent l'opportunité d'avoir un certain contrôle sur la façon de se présenter, de répondre et d'être en relation. Les personnes pour qui être face à l'autre peut être source d'anxiété peuvent ainsi interagir dans un environnement où elles sont plus à l'aise.
Les relations numériques peuvent être de qualité et permettre intimité, authenticité, dévoilement de soi et réduire le sentiment de solitude. Par conséquent, les outils numériques peuvent répondre aux problématiques suscitées par la distanciation physique et sociale imposée par la pandémie de la Covid-19.
Le rapport de We Are Social sur le numérique dans le monde a montré que les usages numériques ont connu une forte hausse dès le début de la pandémie, au début de l'année 2020, et plus particulièrement dans les pays où les mesures de confinement et de distanciation physique étaient les plus strictes.
Cette augmentation du temps d'écran touche en particulier le smartphone (76 % déclarent une augmentation dans l'utilisation de son smartphone par rapport à leur usage avant la pandémie) et l'ordinateur portable. Elle concerne en particulier les usages sociaux qui ont connu une augmentation significative, avec un recours accru aux réseaux sociaux, messageries, appels vidéo.
Les grands-parents, souvent personnes à risque de complications en cas de contamination par la Covid, ont ainsi pu garder le contact avec leurs petits-enfants et parfois même s'en occuper pour les devoirs pendant que les parents étaient en télétravail. Les « apéros Zoom » se sont également multipliés de façon à conserver des moments de convivialité, de même que les visioconférences pour les réunions de travail.
Les réseaux sociaux (comme TikTok, Snapchat, HouseParty, ClubHouse) et les applications d'appel ou de visioconférence (ex : Zoom, GoogleMeet, WhatsApp) ont ainsi vu leur nombre d'utilisateurs fortement augmenter depuis le début de la pandémie.
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Quand les enfants apprennent les écrans à leurs grands-parents
Cette augmentation de la socialisation numérique a touché toutes les classes d'âge mais reste plus importante pour les 16-34 ans, âge où le rapport à l'autre est essentiel, en particulier dans la construction de son identité. Par ailleurs, les jeunes de cet âge ont aussi rapporté un fort sentiment de solitude, ce qui pourrait expliquer le recours aux outils numériques.
Qualité de connexion
L'augmentation du sentiment de solitude a plus particulièrement touché les personnes vivant seules (avec ou sans enfant) ainsi que les jeunes (16-25 ans) et les personnes plus âgées (>70 ans). Les adolescents ont ainsi beaucoup fréquenté les réseaux sociaux pour maintenir un lien avec leur groupe d'amis et échanger par texte avec leurs amis proches.
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Les amitiés des adolescents sont-elles « hackées » par les réseaux sociaux ?
Les contacts virtuels étaient associés à une moindre solitude (Ellis et coll., 2020). Néanmoins, le recours aux réseaux sociaux était aussi associé à des niveaux de dépression plus élevés. Cela suggère le besoin de maintenir des liens privilégiés et pas uniquement être connectés de façon plus ou moins artificielle à d'autres personnes. Et cela peut s'expliquer aussi par le fait que, pendant cette période de pandémie, les adolescents ayant de plus hauts niveaux de dépression recherchent, à travers les relations en ligne, un soutien émotionnel.
Le groupe de pairs peut aussi être un lieu de co-rumination et de focalisation sur les émotions négatives, ce que la pandémie a pu amplifier dans la mesure où chacun doit faire face à un nouveau mode d'être à l'autre et au stress suscité par cette période.
Les connexions virtuelles ont eu un rôle de soutien social et semblent avoir permis de réduire l'impact de l'anxiété liée à la santé, surtout chez les personnes les plus isolées. Le sentiment de soutien social n'est d'ailleurs pas uniquement l'apanage des échanges vidéo ou téléphonique, la communication par texte semblant également être un bon moyen de se sentir soutenu lorsque les interactions physiques ne sont pas possibles.
En plus des modes d'interactions classiques via les outils numériques (chat, vidéo…), les enfants ont aussi utilisé la fonction vidéo pour être en présence de leurs amis, sans nécessairement échanger avec eux. En permettant aux enfants de maintenir les liens avec l'école, leurs amis et leur famille (grands-parents notamment), les outils numériques ont joué un rôle majeur dans la vie des enfants pendant cette période de pandémie.
Sans pouvoir se substituer aux interactions physiques, les interactions numériques semblent avoir permis de compenser, en partie, la réduction des interactions due à la distanciation physique imposée par la pandémie. Cette possibilité d'échanges numériques implique portant de posséder des outils numériques (smartphone, ordinateurs, tablettes), d'une connexion Internet correcte ainsi que de compétences numériques.
Cela pose la question des inégalités face aux usages numériques, en particulier sociales, quand on sait l'impact de l'isolement sur la santé mentale. L'illectronisme et le manque d'accès à Internet touchent particulièrement les personnes âgées ainsi que les personnes socialement défavorisées. Or, ce sont aussi ces personnes qui sont les plus à risque vis-à-vis des effets de la pandémie (contamination, perte d'emploi…) mais aussi vis-à-vis de l'isolement social.
Marie Danet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
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Le rôle du techno-pédagogue dans un « Riposte créative », espace en coopération ouverte
Dans le fonctionnement d'un projet coopératif, les contraintes du travail à distance ont amplifié la place des technologies. Encore faut-il que ces technologies soient au service des humains et du projet. A la lumière de l'expérience des Ripostes Créative et de projets en coopération ouverte, voici dans un entretien avec Laurent Marseault et Florent Merlet une présentation du rôle du techno-pédagoque dans une techno-socio-structure pour l'appropriation d'outils conviviaux qui augmentent l'efficience sans réduire l'autonomie, ne génèrent ni maître ni esclaves, et renforcent le pouvoir d'agir avec la proposition d'un réseau d'entraide entre techno-pédagoques.
Le terme « Riposte créative » est utilisé en référence à notre expérience de Riposte Créative Territoriale initié avec le CNFPT et prolongée dans un archipel de Riposte ou d'espaces comme l'agora des archipels ou plus largement d'espaces en coopération ouvertes partageant des choix d'une écriture ouverte, de contenus réutilisables (par des licences CC by sa) et d'une porosité rendue possible par l'outil.
Pour une découverte de la démarche Riposte Créative territoriale, voir le film "Silence de l'innovation" réalisé par Thomas Troadec (54 mn).
avec Laurent Marseault
Peux tu présenter les 3 notions d'outil convivial , d'animateur et de techno pédagogue dans un espace collaboratif en coopération ouverte ?
Peut-être en préambule expliquer pourquoi on associe ces 3 notions dans un projet coopératif. Si on parle de la partie technique et de la partie animation, ces éléments reliés forment une techno-socio-structure qui va permettre au groupe de fonctionner, en présence, à distance, avec des outils adaptés, des techniques d'animation. Bien souvent, ce que l'on peut voir dans des groupes, c'est que les techno-socio-structures sont confisquées parce que l'on a déjà choisi telle technologie qui est pensée pour le groupe et non par le groupe. Ceci fait qu'au bout d'un moment les outils et les process associés deviennent des outils qui ne correspondent plus au niveau de maturité du groupe, des outils sur lesquels le groupe ne peut plus interagir. Cela peut-être tout à fait préjudiciable, comme on peut le rencontrer dans les outils mis en place par les directions informatiques de grosses institutions ou de collectivités. Une des grosses souffrances des salariés au travail, c'est de
Les coopérations ouvertes thème du 8éme Forum des usages coopératifs à Brest du 3 au 6 juillet 2018. plus avoir la main sur les outils qu'ils utilisent pour exercer l'art de leur métier.
La notion de techno-socio-structure :
Ce sont tous les éléments techniques, les éléments qui sont du registre des accords de groupe, de l'animation, tous les éléments informatiques, numériques et humains qui permettent à un groupe de bien fonctionner. Dans des groupes qui fonctionnaient uniquement en présence, on était dans la socio-structure, avec des rôles, un mode de gouvernance. Maintenant avec la crise du Covid, nous avons des groupes qui sont uniquement à distance, en plein dans l'usage des technologies avec parfois des groupes qui pensent qu'en ne mettant que du techno cela fonctionnera. Insister sur la techno-socio-structure permet de montrer les liens féconds qui apparaissent quand on relie ces notions.
La notion d'outil convivial
la notion d'outil convivial est une notion chapeau qui nous est proposée par Ivan Illitch, sociologue des années70 qui a écrit notamment « La convivialité » qui nous explique que l'on s'est trompé dans le cahier des charges des outils, avec des humains qui sont, dès lors, devenus esclaves des outils alors que les outils étaient censés faciliter le travail des humains et être émancipateurs ; il a travaillé sur un certain nombre de conditions pour que les outils soient conviviaux. Lorsqu'il parle d'outils dans les années 70, il ne s'agit pas d'outils au sens numériques mais d'outils au sens organisation du terme. On peut ainsi dire qu'un vélo est un outil ou qu'un système éducatif est un outil. Pour Ivan Illitch un outil convivial doit respecter 3 règles fondamentales :
La première est que ces outils mis en place doivent augmenter l'efficience du groupe sans impacter l'autonomie individuelle. Si on met en place de l'organisation, des outils, des techniques d'animation, il faut que cela permette au groupe d'être plus efficient, c'est à dire arriver au résultat en consommant moins d'énergie, mais sans impacter l'autonomie individuelle, en permettant aux humains de garder une vision globale sur l'intégralité du système. On pourrait par exemple mettre des humains à faire du travail à la chaîne, on augmenterait l'efficience ; mais chaque maillon de la chaîne aurait perdu une maîtrise de l'entièreté du processus.
La seconde règle, c'est que les outils ne doivent générer ni maître ni esclave. Lorsque l'on met en place des modes opératoires, des outils numériques, bien souvent on va se retrouver avec un webmaster (« maître du web ») qui va avoir de super pouvoirs, qui aura le droit de créer de nouvelles rubriques, uniquement lui aura le doit d'écrire, de valider un contenu. Fabriquer un système qui ne génère ni maître ni esclave, c'est travailler à la fois l'horizontalité et le fait que cette techno-socio-structure soit co-portée par l'intégralité des personnes et que quiconque puisse à n'importe quel moment interagir avec le système.
La troisième règle est que ces outils proposés, avec le mot outil au sens le plus large du terme, doivent augmenter le pouvoir d'agir. Ce qui rejoint la notion d'encapacitation. Si une personne fait l'expérience d'un outil au sein d'un collectif, il faut que cela puisse lui donner des idées, lui donner de nouveaux pouvoirs. Que l'expérience acquise au sein du projet puisse être transposée ailleurs. D'où l'importance que les outils soient libres (au sens librement réutilisables) et que les humains soient libres. Par exemple si j'utilise un YesWiki [1] dans un Riposte et que je trouve cet outil pertinent pour le projet, il faut que je puisse l'utiliser à l'extérieur, dans un club de tai-chi ou dans ma collectivité. A l'inverse, si je fais l'expérience de l'holacratie ou de Jalios dans un projet, comme c'est une méthode qui est copyrightée, je ne peux pas l'utiliser dans un autre contexte.
Lorsque l'on va mettre en place des systèmes, des organisations, sans être dans la perfection de cette trilogie, le fait de garder cela dans un petit coin de la tête permet de les interroger : est ce que l'on a pris en compte le partage des pouvoirs ? est ce que les personnes sont dans des logiques de formation ? des logiques d'éducation populaire ?
« Une politique conviviale s'attacherait d'abord à définir ce qu'il est impossible d'obtenir soi-même quand on bâtit sa maison. En conséquence, elle assumerait à chacun l'accès à un minimum d'espace, d'eau, d'éléments préfabriqués, d'outils conviviaux allant de la perceuse au monte-charge, et, probablement aussi, l'accès à un minimum de crédit »1.
Illich définit trois critères indispensables pour qu'une instrumentation ou une institution soit considérée comme juste ou conviviale :
elle ne doit pas dégrader l'autonomie personnelle en se rendant indispensable ;
elle ne suscite ni esclave, ni maître ;
elle élargit le rayon d'action personnel.
Critères de convivialité dans l'article de wikipedia
L'articulation entre animateur et techno-pédagoque :
Pour mettre en place des techno-socio-structure, on voit très clairement apparaître le besoin d'une animation avec deux rôles qui émergent.
Une fonction d'animateur, celle de la personne qui va aider à caler les règles, à définir les objectifs, aider le groupe à avancer, à être productif, à grandir en maturité.
Mais ce que l'on voit de plus en plus c'est que les groupes n'ont pas la capacité à être en permanence autour d'une table pour travailler ou partager un temps convivial. Très souvent il va falloir travailler à distance, particulièrement dans le contexte de crise de la covid. La dynamique que l'on veut pouvoir impulser ou que l'on veut faire perdurer va se passer à distance, où l'on va avoir besoin d'outils numériques ; d'où l'intérêt d'aller solliciter le second métier celui de techno-pédagogue ; c'est à dire de personnes qui sont à l'articulation de la technique et de la pédagogie. Ce sont des personnes qui sont capables de repérer des outils et de les mettre au service de la communauté, au service de l'animation, et de ne pas choisir un outil qui encapsule le groupe dans un mode opératoire qui n'est pas le sien.
Ces deux rôles doivent être complices pour qu'à la fois l'animateur connaisse un petit peu ce que l'on peut faire techniquement et lui éviter de penser des dispositifs d'animation qui soient complètement impossibles à mettre en œuvre mais soit aussi à l'écoute de ce que permet le numérique. Et il y a aussi besoin d'une écoute du techno-pédagogue pour comprendre la logique de l'animation et la traduire par de la technique en se débrouillant pour la fluidifier pour que le numérique se mette au service de l'animation et aussi être en capacité de faire des propositions ; il y a un travail de pédagogie qui parfois n'est pas le plus grand fort des techniciens ou des « geek ».
D'où l'intérêt d'afficher ce rôle un peu particulier, qui n'est pas celui d'un informaticien mais d'une personne qui à la fois maîtrise les outils et fait preuve d'une capacité d'écoute et de pédagogie, un chaînon manquant assez rare aujourd'hui.
Peux tu préciser les fonctions du techno-pédagogue dans un espace collaboratif ouvert tel les « Riposte reative » ?
Un techno-pédagogue est d'abord quelqu'un qui fait de la veille sur toutes les possibilités qu'offre le numérique avec aujourd'hui un fourmillement d'outils pour faire de la visio, de l'écriture collaborative... Il faut que ce soit quelqu'un qui ait un sac à dos rempli de plein de petits outils utilisables en fonction des différents usage que l'on souhaitera outiller dans le groupe. Il y a donc ce travail de veille, de test, d'une suffisamment bonne connaissance des outils pour pouvoir les proposer en fonction du contexte dans lequel l'outil devra être déployé. Si je dois déployer un outil dans une collectivité territoriale qui est verrouillée par une DSI, il ne faudra pas choisir le même outil que dans une petite association. Et si je dois travailler dans un collectif où il y a , à la fois des personnes de collectivité et des associatifs, il va falloir proposer et tester l'outil qui conviendra au mieux au processus.
Deuxième élément : ne surtout pas devancer les besoins du groupe. Vraiment être en attention par rapport à ce dont le groupe aura besoin, voire même parfois surjouer le fait que les outils proposés soient un cran de moins fonctionnels par rapport aux besoins du groupe. Cela donne l'occasion au groupe ou à l'animateur de formuler lui-même ses besoins. Cela permet au groupe de maturer les usages qui ont besoin d'être outillés. Ce n'est pas du tout évident parce que, lorsque l'on a un peu l'habitude, on sait que dans un groupe il y aura besoin d'un trombinoscope, d'un annuaire, d'un porte document, et on pourrait facilement installer l'outil tip top. Mais les bons outils sont les outils fabriqués par le groupe et qui correspondent au degré de maturité du groupe. Le rôle du techno-pédagogue c'est d'avoir tout cela dans le sac à dos et de les activer, de les faire monter en puissance au fur et à mesure que le groupe en aura besoin.
Au démarrage d'un riposte :
A travers la mise en place d'une dizaine de sites "Riposte Créative" en coopération ouverte nous avons ritualisé une démarche d'apprendre en faisant. Partant d'un espace wiki vide les participant.e.s sont invité.e.s à se présenter, une écriture par fiche facile d'accès mais qui est déjà une écriture publique et non au sein d'un espace fermé. Le second exercice est l'aspiration d'une base de de données issue d'un autre riposte pour créer dans l'espace du groupe une base de données "ressource" ou "initiative". En quelques minutes la base est créée en écran partagé ; Sans vouloir en faire un savoir partagé cela montre que ce n'est pas très compliqué et surtout directement utilisable. Pour cela les participants sont répartis par groupe de deux pour remplir par interview croisée une fiche ressource. En un quart d'heure, au retour du groupe la base contient autant de fiches que de participants et dans la cas d'une fiche initiative localisées sur la carte associée au groupe !
Ces petites expériences irréversibles de coopération sont un des deux piliers (à côté d'apports sur la coopération ouverte dans un groupe) de la formation action "Créer et animer un Riposte Creative" que nous avons récemment mis en oeuvre pour le département de la Gironde avec le CNFPT. Comme tous les autres contenus en coopération ouverte ce descriptif est librement réutilisable (cc by sa).
Le faire au début pour le groupe, puis le faire devant le groupe et puis le faire avec le groupe et puis ensuite se débrouiller pour que le groupe puisse le faire lui-même.
Il y a là un travail d'"égo mesuré" lorsque l'on se retrouve le maître des clés, avec un nouveau lieu de pouvoir de l'organisation. Une des tâches du techno-pédagogue est de transférer ces compétences acquises et ce pouvoir pour que le groupe puisse se l'approprier et faire évoluer lui-même son propre processus. C'est quelque chose d'intéressant qui demande une certaine finesse.
Le troisième élément est plus méta qui est souvent un impensé dans un groupe naissant. Un groupe qui travaille va petit à petit se trouver en contact avec d'autres groupes, on parle souvent de logique d'archipel [2]. Il est assez naturel qu'un groupe qui commence à travailler soit plutôt centré sur lui, avec assez peu de porosité. Par contre un groupe qui va grandir va davantage échanger, comme par exemple les projets Riposte qui, petit à petit, sont de plus en plus en liens les unes avec les autres. Ce sont des choses que le techno-pédagogue doit aider à anticiper : se débrouiller pour que les outils mis en place soient des outils qui ne favorisent pas l'enclosure mais soient au contraire des outils qui favorisent la porosité, des outils qui permettent des flux entrants numériques et des flux sortants numériques. C'est un travail de vigilance à avoir dès le début du projet, l'animateur n'aura pas cette conscience là ; le groupe n'aura pas cette conscience là ; par contre il faut absolument que le techno-pédagogue l'ait pour que l'on puisse par exemple connecte un Riposte avec d'autres Riposte, le connecter avec Transiscope, avec un blog. On ne dit pas que ce projet sera connecté avec d'autres projets mais il ne faut pas que les choix techniques enclosent le projet parce que l'on n'aurait pas veillé à cette porosité.
Voilà les 3 notions, un travail plutôt individuel, un travail d'accompagnement au niveau du groupe et du processus avec un vrai transfert de compétences, un travail de formation et un troisième niveau, plus en anticipation : comment se débrouiller pour que ces outils permettent de continuer à faire du web au sens lien entre personnes et projets !
Quels sont les points d'attention pour une personne qui joue ce rôle ?
Le premier point d'attention est de comprendre que chaque groupe doit passer par ses propres étapes. Je me rappelle d'une techno-pédagogue qui avait acquis de l'expérience dans un projet et qui, quand elle est passée dans un autre groupe, a repris d'emblée tous les outils du groupe précédent. Elle s'est alors aperçue qu'elle avait complètement noyé les gens. Toutes les fonctionnalités potentiellement utiles étaient activées, mais le groupe étant débutant s'est trouvé complètement dispersé. Ce n'est pas parce que quelque chose marche dans un groupe qu'il devrait marcher dans un autre,la notion d'étape, de processus par lesquels passent un groupe est importante. Bien sur il y a un certain nombre d'invariants dans les groupes mais il y a aussi de nombreuses singularités.
L'autre point d'attention est celui de jardinage des espaces qui sont fabriqués. On a tendance à rajouter en permanence des pages, des rubriques, des fonctionnalités, des outils. Si on ne prend pas le temps de réorganiser, de retravailler à l'ergonomie, les gens vont être complètement perdus et seules les personnes qui ont suivi le projet depuis le début s'y retrouveront. On pourra alors imaginer plusieurs entrées lorsque l'on a des projets qui sont un peu matures, un peu complexes :
- une entrée avec un aiguillage vers toutes les pages pour ceux qui sont dans le projet depuis le début et qui savent ce qu'il y a derrière les pages et les outils ;
- une entrée pour les personnes qui n'ont pas beaucoup de temps où l'on va mettre en évidence les points importants du moment
- une entrée pour les nouveaux où l'on sera dans une interface extrêmement épurée et avec des moments d'accueil où on leur fera visiter cette techno structure
avec Florent Merlet
Peux-tu expliquer ton rôle dans Riposte Créative Territoriale : ?
On utilise le terme de techno-pédagogue mais je dirai plutôt celui d'un facilitateur en usage numérique au même titre que l'on peut avoir des facilitateurs en intelligence collective pour animer, faire émerger de l'intelligence collective. Mon rôle se rapproche beaucoup de celui d'un facilitateur mais du point de vue des usages et des outils associés.
Est-ce que tu peux expliciter quelques une de ces taches de facilitation ?
La première tâche, même si j'avais déjà pu travailler de mon côté avec des wikis (autres que YesWiki) a été d'apprendre moi-même quelles étaient les possibilités de l'outil et m'y former. J'ai beaucoup travaillé avec Laurent Marseault au début pour bien comprendre jusqu'où pouvait aller l'outil. Je me suis formé avec Laurent et en autonomie et de cette auto-formation accompagnée, j'ai pu proposer des tutoriels qui facilitaient la prise en main du wiki pour les utilisateurs ; pas assez à mon goût mais cela demande toujours pas mal de travail pour réaliser un tutoriel ou une vidéo.
Mais surtout, j'ai pu accompagner toutes les personnes qui avaient besoin de mettre des contenus en ligne à la prise en main du wiki et à développer leur autonomie ou mettre des dispositifs en place pour les aider à en mettre facilement, notamment à travers des bases de données comme celles des ressources, des acteurs et il y en a beaucoup d'autres, avec aujourd'hui 25 petites bases de données dans le wiki de Riposte Créative.
Un autre gros travail a été de faciliter en mettant en place des pages spécifiques, des outils particuliers pour permettre de travailler en session de travail à distance avec un grand nombre d'acteurs. C'est par exemple mettre des liens, des boutons sur des pages, rendre les choses visibles dans le programme d'une journée pour faciliter l'accès à des pads de prise de notes ou à des salles de réunion virtuelles pour des ateliers, l'aller-retour avec des salles de réunion plénières... Là où je passe beaucoup de temps sur le wiki c'est pour la création de ces pages spécifiques : déroulé, programme et accès aux différents outils pour une réunion de travail ou alors pour des pages de contenus qui sont là pour être lues à tête reposée par d'autres acteurs de la Riposte ou des personnes qui s'y intéressent.
Dans cet esprit de facilitation, tu as été très présent aux réunions de coordination de Riposte Créative Territoriale, quels ont été les points de difficulté ?
Très présent, oui, je dirai même presque trop. J'en viens à ce point de vigilance sur la posture du techno-pédagogue dans ce cadre-là. A quel moment va-t-il travailler sur l'autonomisation et à quel moment va-t-il plutôt donner un petit coup de pouce pour que cela aille plus vite ? C'est un des écueils et j'ai toujours du mal à en sortir. Ma préférence va toujours lorsque l'on me pose une question « tiens j'aimerais faire ça sur le wiki, comment cela se passe ? » à « tiens passons un moment ensemble je t'explique comment on le fait et tu le fais, toi ». Mais souvent les utilisateurs, et j'avoue ne pas avoir résolu cette problématique, sont dans une forme d'urgence et ils ont l'impression que cela va être plus long d'apprendre et de le mettre en place eux, alors qu'ils vont rentrer dans un apprentissage, plutôt que je le fasse moi-même. Et souvent j'entends « oui mais là c'est spécifique, c'est urgent, je n'ai pas le temps, il faudrait que cela soit mis en place tout de suite, est-ce que tu peux le faire, s'il te plait ? » et souvent j'accepte parce que l'urgence fait que... Et souvent pour moi ce sont des étapes un petit peu loupées de possibilités d'apprentissage nouveau pour les différents acteurs de la Riposte. C'est vraiment un écueil que j'ai rencontré sur l'accompagnement que je peux proposer : comment arriver à montrer aux gens que ce n'est pas si long d'apprendre, que faire n'est pas si compliqué ?
C'est aussi comment dépasser la peur de casser, il y a beaucoup de personnes qui ont peur de casser et c'est vrai que cela arrive mais ce n'est jamais un problème. On a eu plein de choses qui ont été cassées dans des pages d'accueil mais en deux clics cela se répare. Les difficultés rencontrées sont autour de ces deux notions : « ce n'est pas parce que c'est urgent qu'il ne faut pas passer par un petit temps d'apprentissage pour pouvoir le faire ensuite en autonomie plus facilement » et « ne pas avoir peur de casser » ; ce sont deux notions que j'ai du mal à faire passer avec cet outil du wiki.
C'est peut-être lié au contexte de cet outil qui était complétement ouvert en écriture, est ce que cela t'a amené des problématiques nouvelles ?
La problématique nouvelle que l'on a rencontré avec l'ouverture du wiki, c'est la vision des RSI (Responsable Sécurité Informatique), pas forcément des nôtres, mais des RSI qui ont pris contact avec nous assez rapidement pour nous dire : « attention votre wiki est ouvert, n'importe qui peut mettre du contenu en place » et notre réponse a été : « oui, c'est l'idée ! ». Cela a fait beaucoup peur à quelques RSI qui nous ont fait remarquer que tous nos contenus étaient ouverts, modifiables, supprimables... Je les ai quand même rassurés en leur disant qu'il y avait des filets de sécurité. On a eu le cas de notre page d'accueil qui a été piratée par un petit malin qui avait mis une publicité pour un produit qui n'avait rien à voir avec la Riposte. Quelqu'un l'a vu en disant « mince qu'est ce qui se passe », on l'a corrigé dans les 10 minutes et ce n'est jamais revenu.
Il est arrivé aussi que beaucoup de gens cassent la page d'accueil et cela devient complètement illisible, mais en deux clics on revient à la version précédente et c'est assez simple à corriger ; Ce sont toujours les peurs de casser ou que notre contenu disparaisse, mais techniquement cela n'arrive pas et on peut y remédier facilement.
Mais surtout, ayant l'habitude proposer des outils numériques à beaucoup d'acteurs dans tout ce que l'on peut mettre en place au laboratoire d'innovation du CNFPT, même avant l'arrivée de Riposte, une des grandes problématiques reste les mots de passe parce que les gens oublient leur mot de passe, ne savent plus comment on se connecte, ne savent pas comment installer l'application qui va avec... Là, avec Riposte, on est dans la cadre d'une proposition où il n'y a pas de mot de passe, je fais un simple clic, je peux modifier, un autre clic pour enregistrer, si j'ai fait une bêtise on revient facilement en arrière. On ne sait pas forcément qui fait quoi, c'est une petite mise en garde, et à quel moment sur le wiki, mais finalement cela ne nous a jamais posé de problème. Les gens n'ont rien besoin de se souvenir, juste l'adresse de la Riposte ; ils s'y rendent et ils font, cela c'est vraiment un gros plus et quand on arrive à canaliser cette peur de casser, les gens prennent de plus en plus la main dessus.
Souvent c'est encore moi qui met en place la page d'accueil parce qu'il y a des petits éléments graphiques un peu plus complexes, mais j'ai des collègues qui habituellement ne sont pas du tout à l'aise avec les outils, le numérique cela leur fait peur. Quand il faut corriger un mot dans un texte sur le wiki, pour eux c'est très facile aujourd'hui, et du coup cela va très vite. On n'a plus de mel qui dit « Florent il faudrait corriger la page », c'e sont plutôt des mel qui disent « Il y avait une faute sur la page d'accueil, t'inquiètes pas c'est moi qui l'ai corrigée, c'est fait » et parfois il y a un petit message à côté « en revanche la mise en forme a un peu cassé, si tu peux regarder ». Comme cela on est plusieurs à travailler sur le contenu et pas seulement un exécutant, je déteste avoir cette posture d'exécutant qui fait parce qu'il a la technicité. Comme la technicité est simplifiée, on est dans des actions un peu plus intéressantes pour chacun de nous.
Est-ce que tu penses que ce type d'espace collaboratif ouvert peut intéresser d'autres projets au CNFPT ?
Clairement oui, après la formation qui a été faite avec le département de la Gironde (Créer et animer un Riposte Créative) le collègue du CNFPT qui l'organisait m'a tout de suite appelé, et pour lui ce wiki est potentiellement une base de travail pour tellement de projets, même sur des projets qui ne travaillent pas forcément sur la notion de coopération, la posture de collaboration dans laquelle on est permet d'aller sur tellement de terrains qu'il faut absolument creuser cette question-là. On n'a pas encore eu le temps de se poser pour y réfléchir pleinement mais c'est quelque chose qui ouvre un champ des possibles très large et qui peut aller très loin pour nous, surtout dans le champ de la formation où l'on parle souvent de communauté, de communauté apprenante, et le wiki sur n'importe quelle thématique est une vraie base de travail pour une communauté pour produire du contenu, garder des éléments intéressants, avoir des espaces qui sont faciles à mettre en place en trois clics.
Les contenus de Riposte sont sous une licence qui en permet la réutilisation ce qui est un peu nouveau pour le CNFPT est ce que dans ton vécu avec les personnes contributrices du Riposte cela a posé problème et est ce que l'idée de communs peut faire son chemin ?
L'idée de communs a déjà fait son chemin parmi nos acteurs. Je n'ai pas souvenir de difficulté dans le cadre de la Riposte. C'est une des premières choses que l'on avait posé au démarrage du projet : sur la Riposte, par défaut les contenus sont sous une licence Creative Commons by SA, pour que l'auteur soit cité (ndr et qu'il n'y ait pas d'enclosure). Cela me semble important d'être dans cette démarche et surtout personne n'a trouvé argument pour aller à l'encontre de celle-ci. Tout le monde y voit l'intérêt ; moi-même à titre personnel, cela fait 20 ans que, lorsque j'étais enseignant, mes cours étaient accessibles en ligne et partagés, il n'y avait pas forcément la licence creative commons, mais les contenus étaient réutilisables, modifiables. C'est une posture qui est vraiment partagée dans la communauté. Il y a vraiment cette idée d'avancer ensemble, la posture de nos acteurs est plutôt dans le partage, pour faire avancer les choses, ces notions de coopération de collectif, de comment on fait mieux ensemble, et s'il n'y avait pas ce partage des contenus on serait incohérent. De mon souvenir, on a dû croiser 300 ou 400 personnes autour de la démarche de la Riposte avec plus ou moins d'acteurs réellement engagés dans le processus, mais personne ne nous a fait remonter l'idée comme quoi ce serait bien de « protéger » nos contenus.
Vers un réseau d'entraide entre techno-pédagoque
Oui c'est une idée intéressante. Techno pédagogue est un métier qui est un peu nouveau, qui commence à s'affirmer, Ces personnes sont trop souvent dans l'ombre alors qu'elle sont aussi déterminantes que des bons animateurs et il est important de leur donner un peu plus de place et de visibilité au sein du projet. Ce sont des personnes qui restent souvent isolées dans leur structure. Quand un projet a un techno-pédagogue c'est plutôt bien. Quand je parlais de veille sur des outils, de tester ces outils avant de les proposer, cela milite pour l'intérêt d'un fonctionnement en réseau. C'est aussi relier des techno-pédagoques impliqués dans des structures de formation éloignées par le public concerné et qui ne coopèrent pas naturellement. Un réseau pourrait aider à structurer ce métier en devenir avec des formation ou à minima des contenus partagés entre techno-pédagoques.
ndr : il s'agit d'un groupe d'entraide entre personnes ayant ce rôle dans un espace en coopération ouverte, si tel est votre cas et que ce groupe vous intéresse, merci de contacter Laurent Marseault.
Quelques mots pour se présenter :
Laurent Marseault : Animateur nature durant une vingtaine d'année, passionné de pédagogie, des relations homme / nature et des insectes, j'accompagne et forme autour des postures, méthodes et outils qui permettent aux collectifs de grandir en coopération. Je suis un des co-créateurs de l'association Outils-Réseaux, de la formation animacoop mais aussi de YesWiki. Je suis accessoirement pompier volontaire, élu et papa.
Florent Merlet : Technopédagogue au sein de la mission innovation et du laboratoire d'apprentissage du CNFPT, mon action consiste principalement à proposer des outils méthodologiques et numériques, reposant sur l'intelligence collective et la collaboration, au service de la transformation de l'action publique et de la formation. Je porte AVEC de nombreux acteurs engagés la démarche Riposte Créative Territoriale et pilote l'Université de l'Innovation Publique Territoriale.
Michel Briand : Après une activité d'élu local à Brest et professionnelle(responsable de formation d'ingénieur à l'IMT Atlantique) ancrée dans une démarche contributive, et la participation au Conseil National du Numérique [3] je suis en retraite professionnelle et d'élu. Je m'implique dans des projets coopératifs au croisement des innovations pédagogiques, des innovations sociales, des transitions et des communs.
Aller plus loin :
Quelques liens sur explorer des facettes de la coopération ouverte :
- Animacoop formation à l'animation de projets coopératifs ]] et aussi Interpole, l'espace ressource de la CIA (Collectif Inter Animacoop).
Archipélisation : comment Framasoft conçoit les relations qu'elle tisse, sur le blog de Framasoft, 10 décembre 2019.
Agora des archipels, un espace de rencontres et de partage entre acteurs de la transition qui se retrouvent dans un fonctionnement u, qu'ils soient des individus, des collectifs en archipel.
Autour des compétences qui favorisent la coopération : L'état d'esprit collaboratif, « faire avec » et « avoir le souci des communs » : trois pivots pour coopérer par Elzbieta Sanojca dans Innovation Pédagogique, 11 mars 2018.
Ce que nous apprenons des Riposte Créative, une démarche d'écriture collaborative réutilisable, par Michel Briand et Laurent Marseault, 21 juin 2020.
La compostabilité : pour un écosystème de projets vivaces par Romain Lalande et Laurent Marseault sur Vecam, 4 mars 2018.
La coopération, un changement de posture : vers une société de la coopération ouverte, diapos commentées et audio de la conférence de Michel Briand au colloque QPES 2019, dans Innovation Pédagogique, juin 2019.
Créer et animer une "Riposte Creative, formation action autour de la coopération ouverte proposée au CNFPT par Michel Briand et Laurent Marseault et mise en oeuvre pour le département de la Gironde avec Julie Chabaud (février, mars 2021).
E-book Cooptic un manuel à l'usage des animateurs de réseau et les contenus bonifiés par Gatien Bataille dans sa formation cooptic
La gare d'aiguillage aussi appelée "gare centrale" dans les formations Animacoop espace de partage d'information qui rend visible tous les éléments utiles aux membres d'un collectif pour y agir en collaboration, un exemple de circulation ds flux sur Riposte Creative Bretagne.
Histoires de coopération, une trentaine d'interview d'acteurs de la coopération ouverte sur le blog Coopérations, mars 2019.
Partage sincère, "tragédie du LSD", fonctionnement en archipel : dialogue autour de la coopération ouverte avec Laurent Marseault, 12 mars 2021.
Le rôle du techno-pédagogue dans un « Riposte créative » espace en coopération ouverte, entretien avec Laurent Marseault et Florent Merlet, 15 avril 2021.
Quelques projets auxquels nous participons autour de la coopération ouverte
Bretagne Creative
"L'innovation sociale ouverte, c'est donc donner à voir son projet/son idée, échanger avec les autres pour croiser et enrichir les savoirs-faire et compétences. Sources d'efficience et créatrices de lien social sur les territoires, les démarches collaboratives sont une manière de pérenniser et de multiplier ces initiatives tout en favorisant le bien commun."
Riposte Creative Territoriale
L'objectif ? Co-construire, avec les collectivités territoriales, les réponses formatives innovantes pour faire face à ces défis complètement inédits, en mobilisant l'intelligence collective. Comment développer des modes d'apprentissage dans l'urgence, pour des solutions créatrices de valeur sociale pour le service public territorial et la démocratie locale ?
Notre intention fait écho à l'alerte de Bruno Latour : « Si on ne profite pas de cette situation incroyable pour changer, ce serait gâcher une crise. »
Riposte Creative Bretagne
« Une marmite ne commence pas à bouillir par le couvercle, mais toujours par le fond ! » Proverbe de Haute-Bretagne un espace collabortaif ouvert pour
- donner à voir et mutualiser les initiatives en complémentarité des services et groupes mis en place
-* exprimer des besoins prenant en compte les personnes en précarité, en situation de fragilité et éloignées des services proposés - favoriser l'attention, le soin, et une convivialité, et ainsi contribuer au bien vivre ensemble
- favoriser des transformations créatives solidaires et en transition pour l'après
Faire ecole ensemble
association - collégiale et à durée de vie limitée - qui facilite le soutien citoyen de la communauté éducative durant l'épidémie de COVID-19. Ses actions s'organisent par programmes et se destinent à être supportés par des coalitions d'organisations pérennes.
Outils libres
Internet avait été conçu comme un réseau décentralisé, qui donne du pouvoir et de la liberté aux citoyens. Sortir nos informations des gros silos de données pour revenir à des petites structures ouvertes et inter-connectées, c'est possible avec un peu de savoir faire technique et de la bonne volonté. Dans le cadre du mouvement plus global des logiciels libres, et par sa rencontre et collaboration avec l'association Framasoft, Colibris a rejoint le Collectif d'Hébergeurs Alternatifs Transparents Ouverts, Neutres et Solidaires (CHATONS) et met à disposition gratuitement des solutions libres et respectueuses de la vie privée.
Transiscope
Aujourd'hui, de nombreux d'acteurs de la transition et des alternatives ont entamé un travail de recensement et de cartographie de leurs organisations, actions et écosystèmes.
Dans la majorité des cas, néanmoins, ces informations sont éparpillées sur les sites de chacune de ces organisations et les données ne peuvent pas communiquer entre elles en raison de choix techniques différents : aucune visualisation agrégée n'était jusqu'à présent possible.
Pour permettre de relier ces alternatives, une dizaine de collectifs travaillent depuis deux ans pour développer des outils libres permettant de connecter les différentes bases de données existantes et de les visualiser au même endroit : TRANSISCOPE
Collectif Yeswiki
L'outil libre facilitant la coopération ouverte.
YesWiki est un logiciel libre né du croisement des discussions et savoir-faire de développeurs et animateurs de projets coopératifs.
A l'image d'une page blanche, ses usages sont quasiment illimités : ils dépendront de votre créativité !
YesWiki est aujourd'hui maintenu et amélioré par une communauté de professionnels issus d'horizons différents qui prend du plaisir à partager ses rêves, ses créations et ses développements.
[1] YesWiki est un logiciel libre né du croisement des discussions et savoir-faire de développeurs et animateurs de projets coopératifs. A l'image d'une page blanche, ses usages sont quasiment illimités : ils dépendront de votre créativité. YesWiki est aujourd'hui maintenu et amélioré par une communauté de professionnels issus d'horizons différents qui prend du plaisir à partager ses rêves, ses créations et ses développements. texte repris de la page d'accueil de YesWiki
[2] voir l'article : Partage sincère, "tragédie du LSD", fonctionnement en archipel : dialogue autour de la coopération ouverte avec Laurent Marseault, 12 mars 2021.
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en Riposte pédagogique à la crise du Covid
Appel à communications du colloque International sur la Classe Dehors
Du 31 mai au 4 juin 2023 à Poitiers, les Rencontres Internationales de la Classe Dehors ont pour intention de dresser un état des lieux des approches de la classe dehors, avec la coopération de nombreux acteurs associés au monde de l'enseignement.
Au sein de ces Rencontres, le Colloque international sur la Classe Dehors sera un espace privilégié de débats, de rencontres, de partage pour les chercheuses et chercheurs et l'ensemble des publics concernés. Il permettra de confronter divers contextes de classe dehors, en France et dans d'autres pays, reflétant différentes visions des politiques éducatives et leur inscription dans le champ social, sanitaire et environnemental.
Que ce soit dans les jardins d'Aristote, par l'étude des milieux, en classe promenade, en classe de mer, avec les clubs connaître et protéger la nature, en pédagogie sociale ou sur les terrains d'aventures dans l'éducation populaire, la classe dehors est une réalité protéiforme qui s'inscrit dans la longue histoire des méthodes d'apprentissages formels et informels.
Davantage reconnue par le ministère de l'Éducation nationale pour ses vertus sociales et pédagogiques depuis la crise de Covid-19, la classe dehors est bien implantée dans plusieurs pays et se développe rapidement dans l'espace francophone sous divers termes. La réflexion s'intègre aussi bien dans les classes primaires et secondaires qu'au sein de formations universitaires tout en intégrant la question de l'enfant dans l'espace public.
Ce colloque a pour vocation d'accueillir et de rassembler des contributions pouvant émaner de disciplines variées, de travaux interdisciplinaires et de récits d'expériences qui éclairent la classe dehors au plus près du terrain, là où des réalités collectives impliquent une pluralité de regards et de sensibilités. Les communications sont organisées selon trois grands axes pour mettre en lumière, analyser les expériences de terrain, en montrant les logiques de coopération, de partage et d'hybridation des savoirs et des pratiques que la classe dehors favorise.
Axe I : Apprendre dehors : état des lieux de la connaissance
Cette première thématique vise à faire connaître les travaux des chercheur∙es et des praticiens.nes qui étudient ou mènent des expériences d'apprentissage dehors et analysent les effets/réactions des enfants et des jeunes aussi bien dans l'éveil d'une conscience écologique que dans l'acquisition des savoirs fondamentaux et le
développement des compétences psychosociales.
Cet axe invite à s'interroger sur les pratiques et les postures des enseignant.e.s et accompagnateur.ice.s, sur l'articulation entre les séances de classe dedans et dehors, entre les disciplines et s'intéresse à l'évolution de la formation des enseignant.e.s et des cadres de l'éducation nationale pour répondre au développement de la pratique de la classe dehors.
Enfin, ces formes de pédagogies et d'apprentissage ne pouvant être considérées comme des solutions miracles adaptées à toutes situations ou contextes d'éducation, cet axe invite à une prise de recul critique sur le concept lui-même mais aussi plus particulièrement sur la capacité à reproduire des inégalités sociales et/ou
des discriminations de cette praxis.
Axe II : Territoire apprenant : forme scolaire, cohabitation avec les milieux et enjeux citoyens
Le territoire, en tant qu'espace vécu, dans ses fonctionnalités, ses temporalités, mais aussi dans le champ du symbolique et de l'imaginaire, devient accessible aux enfants par l'expérience régulière du dehors et la reconnexion avec la nature.
Cet axe invite à une interprétation nouvelle de l'espace et du temps et pose la question de la frontière de l'école dans et hors les murs. La forme scolaire, le bâti scolaire, les politiques des villes et l'aménagement du territoire sont traversés, renouvelés par ces pratiques du dehors, là où la notion de risque est plus que jamais présente. Le « territoire » de l'apprentissage dehors, est appréhendé au regard d'enjeux écologiques et citoyens de plus en plus prégnants. Cette seconde thématique s'intéresse également aux initiatives pédagogiques hors les murs qui permettent de recréer du lien (social, écologique, symbolique) à l'échelle du territoire.
Cet axe s'intéresse enfin aux démarches en cours sur les organisations et territoires apprenants, et lorsque des enfants y sont associés, sur le hors les murs des institutions
Axe III : La classe dehors au prisme des communs
Penser l'École « comme un commun », c'est admettre l'idée que les processus pédagogiques n'émanent pas d'une seule instance, mais que l'apprentissage est le fruit d'une communauté aussi bien que d'apprentissages, intégrant les enseignants∙e∙s, les élèves, les familles, mais aussi des associations, des collectifs, des élu∙e∙s et d'autres acteurs à différentes échelles territoriales. Cette
conception de l'éducation comme processus partagé conduit à renforcer la place des collectifs avec l'idée que les ressources pédagogiques qu'elles produisent/transforment soient aussi pensées comme des « communs », partageables et libres de droits, autour desquelles se fédèrent des communautés
plurielles.
Le cadre théorique et pratique que constituent les communs pédagogiques est donc au coeur de cet axe thématique. Les propositions devront permettre de préciser et de cadrer la notion de commun pédagogique tout en l'articulant avec la classe dehors. Elles pourront également porter sur des hypothèses méthodologiques permettant d'enrichir la notion de communs pédagogiques, afin de faciliter leur appréhension par les acteurs de l'éducation.
Modalités de contribution
Les communications qui peuvent être soumises à cet appel seront retenues en fonction des trois axes d'intervention thématiques cités. Chaque axe thématique s'organisera autour de temps de conférences/tables rondes/dispositifs dédiés et ouverts à tous les publics (académiques ou non— académiques).
Les propositions de communication (titre et résumé de 1500 caractères espaces compris) sont attendues pour le 15 décembre 2022 au plus tard, accompagnées de vos noms, prénoms, affiliations, adresse électronique et de trois à cinq mots clefs.
La langue principale du colloque sera le français, mais les propositions sont acceptées également en anglais ou toute autre langue, si le comité d'organisation est prévenu suffisamment en amont et accepte. De même, les présentations se feront principalement en français ou anglais. D'autres langues pourront être envisagées si cela est demandé. Chaque proposition sera anonymisée et relue en double aveugle par des membres du comité scientifique.
Ce colloque fera l'objet des productions suivantes :
- La publication des actes du colloque (par défaut, nous proposerons une licence creative commons).
- Des notes politiques (policy brief) synthétisant les apports majeurs de la classe dehors ainsi que les enjeux et axes de transformation de l'action publique, sous forme de recommandations.
– *Des supports éditoriaux divers sous forme de fascicules, d'infographies et de posters, de contenus audios et vidéos, de dispositifs de médiation ou tout autre objet qui pourra être proposé par les répondant∙e∙s pour favoriser l'accès à la connaissance de toutes et tous.
Nous remercions les auteurs et les autrices de bien vouloir adresser conjointement et directement leurs propositions à : antoine.h@fabpeda.org et michael.r@fabpeda.org.
Calendrier
– Date limite de soumission : 15/12/2022
– Date de notification aux auteurs : 01/02/2023
– Date d'envoi de la version finale : 15/04/2023
– Parution des actes : fin 2023
Comité scientifique
Eric Lenoir, Paysagiste (France)
Yann Lheureux, Chorégraphe (France)
Théa Manola, AAU, ENSA Grenoble (France)
Lionel Maurel, CNRS (France)
Mohammed Melyani, CAREF, Université de Picardie (France)
Alexandre Monnin, ESC Clermont Business School (France)
Anne-Louise Nesme, La Méandre(France)
Laura Nicolas, IMAGER, Université Paris-Est Créteil (France)
Philippe Nicolas, Professeur des écoles, Académie de Nancy-Metz (France)
Laurent Ott, Intermèdes Robinson (France)
Thierry Paquot, Institut d'urbanisme de Paris, Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne (France)
Sophie Pène, DICEN-IDF, Université Paris Cité (France)
Irène Pereira, Université Paris-Est-Créteil (France)
Anne Philipson, Inspectrice de l'Éducation nationale, Académie de Toulouse (France)
Gilles Rabin, CNES (France)
Sophie Ricard, La preuve par 7 (France)
Michael Ricchetti, Fabpeda (France)
Caroline Rozenholc, LAVUE, ENSA Paris Val de Seine (France)
Arlette Sancery, Professeure honoraire, Université Paris IV (France)
Cristiana Teodorescu, Universitatea din Craiova (Romania)
Nicolas Tocquer, INSPE de Bretagne (France)
Anne Trespeuch-Berthelot, Histemé, Université de Caen (France)
Erwan Vappreau, Professeur des écoles, Académie de Rennes (France)
Christina Wolf, St. Gallen University of Teacher Education (Suisse)
Chris Younes, École Nationale d'Architecture de Paris (France)
Jean-Michel Zakhartchouk, Les Cahiers Pédagogiques (France)
Theodore Zeldin, Oxford University (UK)
Aurélie Zwang, LIRDEF, Université de Montpellier (France)
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Tais-toi et écoute ! Ou pas ? Il est temps de transformer l'enseignement supérieur.
Deux tiers d'une génération passe par l'enseignement supérieur. Pourtant, la plupart du corps enseignant n'est pas suffisamment formé à la pédagogie. Conséquences ? Encore trop de méthodes figées dans une institution qui ne facilite pas la transformation. Recentrer son enseignement sur l'engagement cognitif des élèves est l'une des clés de cette transformation.
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Coopération ouverte pour la transition écologique dans l'enseignement supérieur francophone (et en formation d'adultes) RV le 30 juin à 17h
Le groupe "Hybridation en coopération ouverte" créé à la sortie du premier confinement sur Riposte Créative Pédagogique montre l'intérêt d'un partage d'expériences, de ressources face à une crise qui bouleverse les conditions de formation. La vingtaine de webinaires réalisés ou en cours en sont un reflet vivant.
Face à une crise écologique qui touche à l'existence même de la société humaine sur terre, voici maintenant la création du groupe "Transition en coopération ouverte" justifiée par l'urgence de la crise. Ce nouveau groupe en coopération ouverte (pour un monde vivable et désirable) [1] privilégie les productions et contenus réutilisables .
L'agenda du groupe
Un second webinaire le 30 juin à 17h
Une rencontre pour échanger sur les coopérations possibles, les ressources à mutualiser et un programme à co-construire.
Proposition pour la rencontre
- Présentation de la dynamique
- Petit exercice collaboratif : souvenirs du futur
- Nos premier plus petit pas possibles
– pour participer au webinaire bientôt le lien pour s'inscrire
– pour s'abonner à la liste d'échanges
Et déjà une collecte sur le pad pour
- noter un liens sur la transition écologique dans l'enseignement supérieur
- indiquer une envie de faire
Et enrichir les bases de données ressources et initiatives
Avec les formulairer
– saisir une ressource,
– saisir une initiative
il est facile de signaler une ressource ou une initiative
autour de la transition écologique dans l'enseignement supérieur francophone qui complète la centaine de ressources déjà partagées.
De la mutualisation à la coopération ouverte
Depuis 6 ans, Le magazine Innovation pédagogique met en réseau les publications d'une trentaine de sites qui acceptent de partager leur contenu. Au fil des années, la production éditoriale et la notoriété du site se sont accrues comme en rend compte ce graphe des visiteurs mensuels :
Avec la crise du Covid, les échanges d'expériences, réflexions, se sont multipliés avec plus de 200 articles publiés autour de l'hybridation et de la "Riposte Pédagogique". Dans un temps de crise où le monde ne peut plus fonctionner comme avant, l'urgence pousse de nombreuses personnes à coopérer au delà de leur seul établissement.
Pour favoriser cette coopération ouverte, un espace collaboratif "Riposte Créative Pédagogique, a été créé à l'image de Riposte Créative Territoriale [2] initié avec la direction Innovation du CNFPT et d'une dizaine d'autres espaces s'appuyant sur le même outil et la même démarche d'écriture ouverte et de partage des contenus.
Nous y apprenons un partage de ressources, de retours d'expériences au delà de nos établissements [3] avec par exemple le groupe "Hybridation en coopération ouverte" et la vingtaine de webinaires réalisés.
Alors que les publications sur Innovation pédagogique sont proposées à la publication par leur auteur ou via un flux RSS, dans les "Riposte", l'écriture est directe, modifiable et révisable (on peut facilement revenir en arrière) ; c'est un wiki. Et comme à l'école nous n'avons pas écrit à écrire publiquement pour être lu, dans les Riposte nous proposons un petit pas, le plus simple possible, pour écrire, avec l'usage de formulaires, tel celui des fiches ressources.
Les deux espaces sont reliés : les articles d'Innovation Pédagogique sur l'hybridation et en riposte pédagogique à la crise du Covid sont proposés sur Riposte pédagogique. Et les webinaires sont relayés sur Innovation Pédagogique.
Sous le "capot" des Riposte se trouve le logiciel libre yeswiki [1], particulièrement facile à utiliser dans l'esprit d'outil convivial [4] développé par Ivan iIllitch, un outil qui
– augmente l'efficience sans dégrader l'autonomie personnelle ;
– ne suscite ni esclave, ni maître ;
– renforce le pouvoir d'agir
Les bases de données facilement modifiables, fournissent aussi une cartographie lorsque l'adresse d'une initiative est renseignée comme dans Riposte Créative Bretagne.
C'est cette démarche en coopération ouverte [5] que nous proposons pour la création de ce groupe autour de la transition écologique dans l'enseignement supérieur francophone et en formation d'adultes.
Pourquoi un groupe en coopération ouverte autour de la Transition écologique ?
Je reprends ici la page de présentation du groupe dans Riposte Pédagogique.
Ce groupe travaille sur la prise en compte de la transition écologique (climat, biodiversité, raréfaction des ressources, numérique responsable, résilience .. ) dans l'enseignement supérieur francophone et la formation des adultes. Face à une crise qui touche à l'existence même de la société humaine sur terre, nous faisons ici le choix d'une démarche en coopération ouverte à toutes et tous. L'urgence de la crise justifie à nos yeux une coopération ouverte (pour un monde vivable et désirable) qui privilégie les productions et contenus réutilisables (telles celles sous licences Creative Commons ; pour répondre aux nombreuses questions qui se posent
- Quelles transformations des contenus enseignés ?
- Quelles formes pédagogiques qui impliquent les étudiants et relient au territoire ?
- Quels enseignements spécifiques ?
- Quelles ressources éducatives libres ?
- Quels retours d'expériences, bilans, analyses ?
Cette initiative est complémentaire des démarches internes d'établissements ou de consortium qui ont mis ces questions à leur agenda. L'espace gare d'aiguillage est là pour faire le lien vers les autres initiatives rendues publiques (et ne pas refaire ce qui a déjà été fait, en précisant les conditions de leur réutilisabilité ou non).
La particularité de ce groupe en Riposte Pédagogique est son caractère ouvert avec une volonté de partage des ressources et de favoriser la réutilisabilité de ce ce qui existe déjà.
Comme nous le disions dans le préambule, l'urgence de la crise plaide pour un partage où chacun ne refasse pas dans son coin où nous enrichissons des apports des autres et inventons une intelligence collective autour de communs en actes !
Pour quoi faire ?
Espace collaboratif ouvert chacun.e peut y participer selon son envie, et même avec un petit temps disponible (il suffit de quelques minutes pour ajouter une ressource à la base de données par exemple, signaler une ressource à un collègue concerné, ajouter un lien à la gare d'aiguillage).
Que peut-on déjà faire ?
- Rejoindre le groupe transition en coopération ouverte
Pour rejoindre le groupe, il suffit de vous inscrire sur la liste sympa en cliquant ici [2]
– Participer au premier webinaire le 25 mai en s'inscrivant via le petit formulaire
– Consulter les articles issus d'Innovation Pédagogique
Une soixantaine d'articles sont proposés autour
- des initiatives de transition dans l'enseignement supérieur
- d'enseigner la transition
- des rapports sur enseignement supérieur et transition
- du numérique responsable
- et de résilience et éducation
Ces pages sont alimentées par les flux RSS associés à des mots clés mis sur les articles d'Innovation pédagogique et la page d'accueil qui présente les 5 derniers articles associés évolue au fil des publications, (d'autres sources pourront être ajoutées).
– Référencer une ressource
La base de données ressources permet de référencer ce que vous pensez être une ressource (retour d'expérience, programme, descriptif d'Unité d'Enseignement etc ..). Dés qu'un certain nombre de ressources seront disponibles elles seront proposées directement dans cet espace (via un filtre sur le mot clé transition).
– Documenter la gare d'aiguillage
Les Ripostes Créative fonctionnent dans un logique d'archipel [6, 7] et n'ont pas vocation à regroupe mais à relier. C'est l'idée de gare d'aiguillage [8] qui renvoie vers les ressources dejà existantes.
La gare d'aiguillage aussi appelée "gare centrale" dans les formations à l'animation de projets coopératifs Animacoop [9] est un espace de partage d'information qui rend visible tous les éléments utiles aux membres d'un collectif pour y agir en collaboration.
Pour la transition écologique dans l'enseignement supérieur une pagea été créée qu'il reste à documenter !
- Expérimenter un cercle d'apprentissage
L'archipel des Riposte Créative est aussi l'occasion d'un croisement des initiatives et nous pourrons nous inspirer des 10 cercles d'apprentissages mis en place par le CNFPT dans Riposte Créative Territoriale pour apprendre ensemble. Voir aussi le cercle apprenant sur la coopération entre ingénieurs, conseillers pédagogiques mis en place par le groupe hybridation en coopération ouverte (première réunion le 3 mai).
– Proposer un webinaire
Avec de 30 à 100 participants, la quinzaine de webinaires de Riposte Pédagogique ont été à la fois de riches temps de rencontres mais constituent aussi via les enregistrements et les ressources associées une base de contenus utiles sur différentes facettes de la pédagogie dans ce temps de crise.
là aussi une organisation collaborative où chacun.e peut proposer et organiser démultiplie le champs des possibles dans une organisation agile et frugale.
Voilà pour quelques propositions que nous avons déjà pratiquées [10] ; mais un groupe coopératif [9] ne manquera d'en faire émerger de nouvelles idées !
Toutes les coopérations avec des réseaux existants est bienvenue, ce groupe n'a aucune autre ambition que de faciliter la transition écologique dans un fonctionnement par consentement où celui qui a envie de faire fat dans la mesure où il n'y a pas d'objection sur le fond du projet !
Alors à bientôt pour croiser nos envies d'une transition écologique en actes dans l'enseignement supérieur francophone et ne formation des adultes.
Les publications citées
[1] Coopération ouverte pour un monde vivable et désirable, texte élaboré lors desrencontres Co-construire à Tournai, août 2019.
[2] La démarche Riposte Créative Territoriale, est présentée dans le film "Silence de l'innovation" réalisé par Thomas Troadec (54 mn), mars 2021.
[3] Ce que nous apprenons des Riposte Créative, une démarche d'écriture collaborative réutilisable, par Michel Briand et Laurent Marseault, 21 juin 2020.
[4] Le rôle du techno-pédagogue dans un « Riposte créative » espace en coopération ouverte, entretien avec Laurent Marseault et Florent Merlet, 15 avril 2021.
[5] La coopération, un changement de posture : vers une société de la coopération ouverte, diapos commentées et audio de la conférence de Michel Briand au colloque QPES 2019, dans Innovation Pédagogique, juin 2019.
[6] Partage sincère, "tragédie du LSD", fonctionnement en archipel : dialogue autour de la coopération ouverte avec Laurent Marseault, 12 mars 2021.
[7] - Agora des archipels, un espace de rencontres et de partage entre acteurs de la transition qui se retrouvent dans un fonctionnement u, qu'ils soient des individus, des collectifs en archipel.
[8] - La gare d'aiguillage aussi appelée "gare centrale" dans les formations Animacoop espace de partage d'information qui rend visible tous les éléments utiles aux membres d'un collectif pour y agir en collaboration, un exemple de circulation ds flux sur Riposte Creative Bretagne.
[9] Animacoop formation à l'animation de projets coopératifs ]] et aussi Interpole, l'espace ressource de la CIA (Collectif Inter Animacoop).
[10] Créer et animer une "Riposte Creative, formation action autour de la coopération ouverte proposée au CNFPT par Michel Briand et Laurent Marseault et mise en oeuvre pour le département de la Gironde avec Julie Chabaud (février, mars 2021).
Quelques liens autour de la coopération ouverte
– Autour des compétences qui favorisent la coopération : L'état d'esprit collaboratif, « faire avec » et « avoir le souci des communs » : trois pivots pour coopérer par Elzbieta Sanojca dans Innovation Pédagogique, 11 mars 2018.
– La compostabilité : pour un écosystème de projets vivaces par Romain Lalande et Laurent Marseault sur Vecam, 4 mars 2018.
– La coopération ouverte, un concept en émergence, par Elzbieta Sanojca, Michel Briand, dans Innovation Pédagogique, 15 mai 2018.
– E-book Cooptic un manuel à l'usage des animateurs de réseau et les contenus bonifiés par Gatien Bataille dans sa formation cooptic
– Histoires de coopération, une trentaine d'interview d'acteurs de la coopération ouverte sur le blog Coopérations, mars 2019.
Quelques projets en coopération ouverte
– Bretagne Créative
"L'innovation sociale ouverte, c'est donc donner à voir son projet/son idée, échanger avec les autres pour croiser et enrichir les savoirs-faire et compétences. Sources d'efficience et créatrices de lien social sur les territoires, les démarches collaboratives sont une manière de pérenniser et de multiplier ces initiatives tout en favorisant le bien commun."
– Riposte Créative Territoriale
L'objectif ? Co-construire, avec les collectivités territoriales, les réponses formatives innovantes pour faire face à ces défis complètement inédits, en mobilisant l'intelligence collective. Comment développer des modes d'apprentissage dans l'urgence, pour des solutions créatrices de valeur sociale pour le service public territorial et la démocratie locale ?
Notre intention fait écho à l'alerte de Bruno Latour : « Si on ne profite pas de cette situation incroyable pour changer, ce serait gâcher une crise. »
« Une marmite ne commence pas à bouillir par le couvercle, mais toujours par le fond ! » Proverbe de Haute-Bretagne un espace collaboratif ouvert pour
- donner à voir et mutualiser les initiatives en complémentarité des services et groupes mis en place
-* exprimer des besoins prenant en compte les personnes en précarité, en situation de fragilité et éloignées des services proposés - favoriser l'attention, le soin, et une convivialité, et ainsi contribuer au bien vivre ensemble
- favoriser des transformations créatives solidaires et en transition pour l'après
– Faire ecole ensemble
association - collégiale et à durée de vie limitée - qui facilite le soutien citoyen de la communauté éducative durant l'épidémie de COVID-19. Ses actions s'organisent par programmes et se destinent à être supportés par des coalitions d'organisations pérennes.
– Outils libres
Internet avait été conçu comme un réseau décentralisé, qui donne du pouvoir et de la liberté aux citoyens. Sortir nos informations des gros silos de données pour revenir à des petites structures ouvertes et inter-connectées, c'est possible avec un peu de savoir faire technique et de la bonne volonté. Dans le cadre du mouvement plus global des logiciels libres, et par sa rencontre et collaboration avec l'association Framasoft, Colibris a rejoint le Collectif d'Hébergeurs Alternatifs Transparents Ouverts, Neutres et Solidaires (CHATONS) et met à disposition gratuitement des solutions libres et respectueuses de la vie privée.
– Transiscope
Aujourd'hui, de nombreux d'acteurs de la transition et des alternatives ont entamé un travail de recensement et de cartographie de leurs organisations, actions et écosystèmes.
Dans la majorité des cas, néanmoins, ces informations sont éparpillées sur les sites de chacune de ces organisations et les données ne peuvent pas communiquer entre elles en raison de choix techniques différents : aucune visualisation agrégée n'était jusqu'à présent possible.
Pour permettre de relier ces alternatives, une dizaine de collectifs travaillent depuis deux ans pour développer des outils libres permettant de connecter les différentes bases de données existantes et de les visualiser au même endroit : TRANSISCOPE
– Collectif Yeswiki
L'outil libre facilitant la coopération ouverte.
YesWiki est un logiciel libre né du croisement des discussions et savoir-faire de développeurs et animateurs de projets coopératifs.
A l'image d'une page blanche, ses usages sont quasiment illimités : ils dépendront de votre créativité !
YesWiki est aujourd'hui maintenu et amélioré par une communauté de professionnels issus d'horizons différents qui prend du plaisir à partager ses rêves, ses créations et ses développements.
[1] YesWiki est un logiciel libre né du croisement des discussions et savoir-faire de développeurs et animateurs de projets coopératifs. A l'image d'une page blanche, ses usages sont quasiment illimités : ils dépendront de votre créativité. YesWiki est aujourd'hui maintenu et amélioré par une communauté de professionnels issus d'horizons différents qui prend du plaisir à partager ses rêves, ses créations et ses développements. texte repris de la page d'accueil de YesWiki
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Relations sociales : le numérique peut-il compenser le manque d'échanges directs ?
Comme de nombreux pays du monde, la France vit, depuis maintenant une année, une situation inédite : la pandémie de Covid-19. Source d'isolement social et de perte de contrôle sur son quotidien, la pandémie et les confinements qu'elle impose peuvent également amener des difficultés psychiques.
Dans une large enquête nationale en Chine, des chercheurs ont ainsi mis en évidence un certain nombre de troubles psychiques, notamment des troubles paniques mais aussi des syndromes d'anxiété et de dépression consécutifs aux mesures de confinement destinées à lutter contre la Covid-19.
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Comment le nouveau mode de vie imposé par la pandémie affecte notre santé mentale
Parmi les mesures sanitaires mises en place pour freiner la propagation du virus, la distanciation physique impose de réduire au maximum les contacts avec autrui et peut amener, par conséquent, à une distanciation sociale réduisant les interactions que nous avons avec autrui.
Or, de nombreuses recherches attestent de l'importance des relations aux autres sur le bien-être et la qualité de vie, aux différents âges de la vie.
Lien social et santé mentale
Chez les enfants, les relations familiales, les relations entre pairs, les loisirs et l'environnement scolaire sont perçus comme essentielles au bien-être et à une bonne qualité de vie. Dans le contexte d'une pandémie précédente, Stevenson et ses collègues avaient d'ailleurs évoqué que « la fermeture des écoles et autres stratégies de distanciation sociale [perturbent] les routines des enfants ».
De façon similaire, un sentiment de solitude, de moindres contacts avec les amis et un niveau bas de loisirs sont associés à une plus faible satisfaction de vie chez les adolescents. A cette période, le groupe est au centre de la vie quotidienne et les pairs apportent un soutien émotionnel. En grandissant, la transition vers l'âge adulte passe aussi par de nouvelles rencontres et de nouveaux modes d'interactions qui soutiennent les adultes émergents pour faire face aux challenges liés à l'autonomisation.
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Pour les adultes, les liens sociaux (familiaux, amicaux, professionnels) jouent également un rôle dans la gestion du stress, le bien-être et la santé mentale. Les relations sociales et le sentiment de ne pas être seul sont également un facteur de protection contre les troubles de l'humeur chez les personnes âgées.
Cela nous amène donc à réfléchir aux impacts des mesures sanitaires sur le quotidien des personnes, et surtout à la façon dont nous pouvons pallier cette réduction voire cette absence des interactions sociales.
Nouvelles interactions numériques
Les outils numériques permettent d'entrer en relation avec autrui sur un mode différent des relations en face à face. D'ailleurs, hors période de pandémie, les relations interpersonnelles sont une des principales motivations à utiliser les outils numériques (que ce soit par les réseaux sociaux, les appels vidéo, les messageries, les jeux en réseau…)
Les spécificités de ces outils – absence de contact direct ou de contrainte géographique – entraînent un autre rapport à autrui : tout en permettant un lien social, ils offrent l'opportunité d'avoir un certain contrôle sur la façon de se présenter, de répondre et d'être en relation. Les personnes pour qui être face à l'autre peut être source d'anxiété peuvent ainsi interagir dans un environnement où elles sont plus à l'aise.
Les relations numériques peuvent être de qualité et permettre intimité, authenticité, dévoilement de soi et réduire le sentiment de solitude. Par conséquent, les outils numériques peuvent répondre aux problématiques suscitées par la distanciation physique et sociale imposée par la pandémie de la Covid-19.
Le rapport de We Are Social sur le numérique dans le monde a montré que les usages numériques ont connu une forte hausse dès le début de la pandémie, au début de l'année 2020, et plus particulièrement dans les pays où les mesures de confinement et de distanciation physique étaient les plus strictes.
Cette augmentation du temps d'écran touche en particulier le smartphone (76 % déclarent une augmentation dans l'utilisation de son smartphone par rapport à leur usage avant la pandémie) et l'ordinateur portable. Elle concerne en particulier les usages sociaux qui ont connu une augmentation significative, avec un recours accru aux réseaux sociaux, messageries, appels vidéo.
Les grands-parents, souvent personnes à risque de complications en cas de contamination par la Covid, ont ainsi pu garder le contact avec leurs petits-enfants et parfois même s'en occuper pour les devoirs pendant que les parents étaient en télétravail. Les « apéros Zoom » se sont également multipliés de façon à conserver des moments de convivialité, de même que les visioconférences pour les réunions de travail.
Les réseaux sociaux (comme TikTok, Snapchat, HouseParty, ClubHouse) et les applications d'appel ou de visioconférence (ex : Zoom, GoogleMeet, WhatsApp) ont ainsi vu leur nombre d'utilisateurs fortement augmenter depuis le début de la pandémie.
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Cette augmentation de la socialisation numérique a touché toutes les classes d'âge mais reste plus importante pour les 16-34 ans, âge où le rapport à l'autre est essentiel, en particulier dans la construction de son identité. Par ailleurs, les jeunes de cet âge ont aussi rapporté un fort sentiment de solitude, ce qui pourrait expliquer le recours aux outils numériques.
Qualité de connexion
L'augmentation du sentiment de solitude a plus particulièrement touché les personnes vivant seules (avec ou sans enfant) ainsi que les jeunes (16-25 ans) et les personnes plus âgées (>70 ans). Les adolescents ont ainsi beaucoup fréquenté les réseaux sociaux pour maintenir un lien avec leur groupe d'amis et échanger par texte avec leurs amis proches.
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Les contacts virtuels étaient associés à une moindre solitude (Ellis et coll., 2020). Néanmoins, le recours aux réseaux sociaux était aussi associé à des niveaux de dépression plus élevés. Cela suggère le besoin de maintenir des liens privilégiés et pas uniquement être connectés de façon plus ou moins artificielle à d'autres personnes. Et cela peut s'expliquer aussi par le fait que, pendant cette période de pandémie, les adolescents ayant de plus hauts niveaux de dépression recherchent, à travers les relations en ligne, un soutien émotionnel.
Le groupe de pairs peut aussi être un lieu de co-rumination et de focalisation sur les émotions négatives, ce que la pandémie a pu amplifier dans la mesure où chacun doit faire face à un nouveau mode d'être à l'autre et au stress suscité par cette période.
Les connexions virtuelles ont eu un rôle de soutien social et semblent avoir permis de réduire l'impact de l'anxiété liée à la santé, surtout chez les personnes les plus isolées. Le sentiment de soutien social n'est d'ailleurs pas uniquement l'apanage des échanges vidéo ou téléphonique, la communication par texte semblant également être un bon moyen de se sentir soutenu lorsque les interactions physiques ne sont pas possibles.
En plus des modes d'interactions classiques via les outils numériques (chat, vidéo…), les enfants ont aussi utilisé la fonction vidéo pour être en présence de leurs amis, sans nécessairement échanger avec eux. En permettant aux enfants de maintenir les liens avec l'école, leurs amis et leur famille (grands-parents notamment), les outils numériques ont joué un rôle majeur dans la vie des enfants pendant cette période de pandémie.
Sans pouvoir se substituer aux interactions physiques, les interactions numériques semblent avoir permis de compenser, en partie, la réduction des interactions due à la distanciation physique imposée par la pandémie. Cette possibilité d'échanges numériques implique portant de posséder des outils numériques (smartphone, ordinateurs, tablettes), d'une connexion Internet correcte ainsi que de compétences numériques.
Cela pose la question des inégalités face aux usages numériques, en particulier sociales, quand on sait l'impact de l'isolement sur la santé mentale. L'illectronisme et le manque d'accès à Internet touchent particulièrement les personnes âgées ainsi que les personnes socialement défavorisées. Or, ce sont aussi ces personnes qui sont les plus à risque vis-à-vis des effets de la pandémie (contamination, perte d'emploi…) mais aussi vis-à-vis de l'isolement social.
Marie Danet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
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Le rôle du techno-pédagogue dans un « Riposte créative », espace en coopération ouverte
Dans le fonctionnement d'un projet coopératif, les contraintes du travail à distance ont amplifié la place des technologies. Encore faut-il que ces technologies soient au service des humains et du projet. A la lumière de l'expérience des Ripostes Créative et de projets en coopération ouverte, voici dans un entretien avec Laurent Marseault et Florent Merlet une présentation du rôle du techno-pédagoque dans une techno-socio-structure pour l'appropriation d'outils conviviaux qui augmentent l'efficience sans réduire l'autonomie, ne génèrent ni maître ni esclaves, et renforcent le pouvoir d'agir avec la proposition d'un réseau d'entraide entre techno-pédagoques.
Le terme « Riposte créative » est utilisé en référence à notre expérience de Riposte Créative Territoriale initié avec le CNFPT et prolongée dans un archipel de Riposte ou d'espaces comme l'agora des archipels ou plus largement d'espaces en coopération ouvertes partageant des choix d'une écriture ouverte, de contenus réutilisables (par des licences CC by sa) et d'une porosité rendue possible par l'outil.
Pour une découverte de la démarche Riposte Créative territoriale, voir le film "Silence de l'innovation" réalisé par Thomas Troadec (54 mn).
avec Laurent Marseault
Peux tu présenter les 3 notions d'outil convivial , d'animateur et de techno pédagogue dans un espace collaboratif en coopération ouverte ?
Peut-être en préambule expliquer pourquoi on associe ces 3 notions dans un projet coopératif. Si on parle de la partie technique et de la partie animation, ces éléments reliés forment une techno-socio-structure qui va permettre au groupe de fonctionner, en présence, à distance, avec des outils adaptés, des techniques d'animation. Bien souvent, ce que l'on peut voir dans des groupes, c'est que les techno-socio-structures sont confisquées parce que l'on a déjà choisi telle technologie qui est pensée pour le groupe et non par le groupe. Ceci fait qu'au bout d'un moment les outils et les process associés deviennent des outils qui ne correspondent plus au niveau de maturité du groupe, des outils sur lesquels le groupe ne peut plus interagir. Cela peut-être tout à fait préjudiciable, comme on peut le rencontrer dans les outils mis en place par les directions informatiques de grosses institutions ou de collectivités. Une des grosses souffrances des salariés au travail, c'est de
Les coopérations ouvertes thème du 8éme Forum des usages coopératifs à Brest du 3 au 6 juillet 2018. plus avoir la main sur les outils qu'ils utilisent pour exercer l'art de leur métier.
La notion de techno-socio-structure :
Ce sont tous les éléments techniques, les éléments qui sont du registre des accords de groupe, de l'animation, tous les éléments informatiques, numériques et humains qui permettent à un groupe de bien fonctionner. Dans des groupes qui fonctionnaient uniquement en présence, on était dans la socio-structure, avec des rôles, un mode de gouvernance. Maintenant avec la crise du Covid, nous avons des groupes qui sont uniquement à distance, en plein dans l'usage des technologies avec parfois des groupes qui pensent qu'en ne mettant que du techno cela fonctionnera. Insister sur la techno-socio-structure permet de montrer les liens féconds qui apparaissent quand on relie ces notions.
La notion d'outil convivial
la notion d'outil convivial est une notion chapeau qui nous est proposée par Ivan Illitch, sociologue des années70 qui a écrit notamment « La convivialité » qui nous explique que l'on s'est trompé dans le cahier des charges des outils, avec des humains qui sont, dès lors, devenus esclaves des outils alors que les outils étaient censés faciliter le travail des humains et être émancipateurs ; il a travaillé sur un certain nombre de conditions pour que les outils soient conviviaux. Lorsqu'il parle d'outils dans les années 70, il ne s'agit pas d'outils au sens numériques mais d'outils au sens organisation du terme. On peut ainsi dire qu'un vélo est un outil ou qu'un système éducatif est un outil. Pour Ivan Illitch un outil convivial doit respecter 3 règles fondamentales :
La première est que ces outils mis en place doivent augmenter l'efficience du groupe sans impacter l'autonomie individuelle. Si on met en place de l'organisation, des outils, des techniques d'animation, il faut que cela permette au groupe d'être plus efficient, c'est à dire arriver au résultat en consommant moins d'énergie, mais sans impacter l'autonomie individuelle, en permettant aux humains de garder une vision globale sur l'intégralité du système. On pourrait par exemple mettre des humains à faire du travail à la chaîne, on augmenterait l'efficience ; mais chaque maillon de la chaîne aurait perdu une maîtrise de l'entièreté du processus.
La seconde règle, c'est que les outils ne doivent générer ni maître ni esclave. Lorsque l'on met en place des modes opératoires, des outils numériques, bien souvent on va se retrouver avec un webmaster (« maître du web ») qui va avoir de super pouvoirs, qui aura le droit de créer de nouvelles rubriques, uniquement lui aura le doit d'écrire, de valider un contenu. Fabriquer un système qui ne génère ni maître ni esclave, c'est travailler à la fois l'horizontalité et le fait que cette techno-socio-structure soit co-portée par l'intégralité des personnes et que quiconque puisse à n'importe quel moment interagir avec le système.
La troisième règle est que ces outils proposés, avec le mot outil au sens le plus large du terme, doivent augmenter le pouvoir d'agir. Ce qui rejoint la notion d'encapacitation. Si une personne fait l'expérience d'un outil au sein d'un collectif, il faut que cela puisse lui donner des idées, lui donner de nouveaux pouvoirs. Que l'expérience acquise au sein du projet puisse être transposée ailleurs. D'où l'importance que les outils soient libres (au sens librement réutilisables) et que les humains soient libres. Par exemple si j'utilise un YesWiki [1] dans un Riposte et que je trouve cet outil pertinent pour le projet, il faut que je puisse l'utiliser à l'extérieur, dans un club de tai-chi ou dans ma collectivité. A l'inverse, si je fais l'expérience de l'holacratie ou de Jalios dans un projet, comme c'est une méthode qui est copyrightée, je ne peux pas l'utiliser dans un autre contexte.
Lorsque l'on va mettre en place des systèmes, des organisations, sans être dans la perfection de cette trilogie, le fait de garder cela dans un petit coin de la tête permet de les interroger : est ce que l'on a pris en compte le partage des pouvoirs ? est ce que les personnes sont dans des logiques de formation ? des logiques d'éducation populaire ?
« Une politique conviviale s'attacherait d'abord à définir ce qu'il est impossible d'obtenir soi-même quand on bâtit sa maison. En conséquence, elle assumerait à chacun l'accès à un minimum d'espace, d'eau, d'éléments préfabriqués, d'outils conviviaux allant de la perceuse au monte-charge, et, probablement aussi, l'accès à un minimum de crédit »1.
Illich définit trois critères indispensables pour qu'une instrumentation ou une institution soit considérée comme juste ou conviviale :
elle ne doit pas dégrader l'autonomie personnelle en se rendant indispensable ;
elle ne suscite ni esclave, ni maître ;
elle élargit le rayon d'action personnel.
Critères de convivialité dans l'article de wikipedia
L'articulation entre animateur et techno-pédagoque :
Pour mettre en place des techno-socio-structure, on voit très clairement apparaître le besoin d'une animation avec deux rôles qui émergent.
Une fonction d'animateur, celle de la personne qui va aider à caler les règles, à définir les objectifs, aider le groupe à avancer, à être productif, à grandir en maturité.
Mais ce que l'on voit de plus en plus c'est que les groupes n'ont pas la capacité à être en permanence autour d'une table pour travailler ou partager un temps convivial. Très souvent il va falloir travailler à distance, particulièrement dans le contexte de crise de la covid. La dynamique que l'on veut pouvoir impulser ou que l'on veut faire perdurer va se passer à distance, où l'on va avoir besoin d'outils numériques ; d'où l'intérêt d'aller solliciter le second métier celui de techno-pédagogue ; c'est à dire de personnes qui sont à l'articulation de la technique et de la pédagogie. Ce sont des personnes qui sont capables de repérer des outils et de les mettre au service de la communauté, au service de l'animation, et de ne pas choisir un outil qui encapsule le groupe dans un mode opératoire qui n'est pas le sien.
Ces deux rôles doivent être complices pour qu'à la fois l'animateur connaisse un petit peu ce que l'on peut faire techniquement et lui éviter de penser des dispositifs d'animation qui soient complètement impossibles à mettre en œuvre mais soit aussi à l'écoute de ce que permet le numérique. Et il y a aussi besoin d'une écoute du techno-pédagogue pour comprendre la logique de l'animation et la traduire par de la technique en se débrouillant pour la fluidifier pour que le numérique se mette au service de l'animation et aussi être en capacité de faire des propositions ; il y a un travail de pédagogie qui parfois n'est pas le plus grand fort des techniciens ou des « geek ».
D'où l'intérêt d'afficher ce rôle un peu particulier, qui n'est pas celui d'un informaticien mais d'une personne qui à la fois maîtrise les outils et fait preuve d'une capacité d'écoute et de pédagogie, un chaînon manquant assez rare aujourd'hui.
Peux tu préciser les fonctions du techno-pédagogue dans un espace collaboratif ouvert tel les « Riposte reative » ?
Un techno-pédagogue est d'abord quelqu'un qui fait de la veille sur toutes les possibilités qu'offre le numérique avec aujourd'hui un fourmillement d'outils pour faire de la visio, de l'écriture collaborative... Il faut que ce soit quelqu'un qui ait un sac à dos rempli de plein de petits outils utilisables en fonction des différents usage que l'on souhaitera outiller dans le groupe. Il y a donc ce travail de veille, de test, d'une suffisamment bonne connaissance des outils pour pouvoir les proposer en fonction du contexte dans lequel l'outil devra être déployé. Si je dois déployer un outil dans une collectivité territoriale qui est verrouillée par une DSI, il ne faudra pas choisir le même outil que dans une petite association. Et si je dois travailler dans un collectif où il y a , à la fois des personnes de collectivité et des associatifs, il va falloir proposer et tester l'outil qui conviendra au mieux au processus.
Deuxième élément : ne surtout pas devancer les besoins du groupe. Vraiment être en attention par rapport à ce dont le groupe aura besoin, voire même parfois surjouer le fait que les outils proposés soient un cran de moins fonctionnels par rapport aux besoins du groupe. Cela donne l'occasion au groupe ou à l'animateur de formuler lui-même ses besoins. Cela permet au groupe de maturer les usages qui ont besoin d'être outillés. Ce n'est pas du tout évident parce que, lorsque l'on a un peu l'habitude, on sait que dans un groupe il y aura besoin d'un trombinoscope, d'un annuaire, d'un porte document, et on pourrait facilement installer l'outil tip top. Mais les bons outils sont les outils fabriqués par le groupe et qui correspondent au degré de maturité du groupe. Le rôle du techno-pédagogue c'est d'avoir tout cela dans le sac à dos et de les activer, de les faire monter en puissance au fur et à mesure que le groupe en aura besoin.
Au démarrage d'un riposte :
A travers la mise en place d'une dizaine de sites "Riposte Créative" en coopération ouverte nous avons ritualisé une démarche d'apprendre en faisant. Partant d'un espace wiki vide les participant.e.s sont invité.e.s à se présenter, une écriture par fiche facile d'accès mais qui est déjà une écriture publique et non au sein d'un espace fermé. Le second exercice est l'aspiration d'une base de de données issue d'un autre riposte pour créer dans l'espace du groupe une base de données "ressource" ou "initiative". En quelques minutes la base est créée en écran partagé ; Sans vouloir en faire un savoir partagé cela montre que ce n'est pas très compliqué et surtout directement utilisable. Pour cela les participants sont répartis par groupe de deux pour remplir par interview croisée une fiche ressource. En un quart d'heure, au retour du groupe la base contient autant de fiches que de participants et dans la cas d'une fiche initiative localisées sur la carte associée au groupe !
Ces petites expériences irréversibles de coopération sont un des deux piliers (à côté d'apports sur la coopération ouverte dans un groupe) de la formation action "Créer et animer un Riposte Creative" que nous avons récemment mis en oeuvre pour le département de la Gironde avec le CNFPT. Comme tous les autres contenus en coopération ouverte ce descriptif est librement réutilisable (cc by sa).
Le faire au début pour le groupe, puis le faire devant le groupe et puis le faire avec le groupe et puis ensuite se débrouiller pour que le groupe puisse le faire lui-même.
Il y a là un travail d'"égo mesuré" lorsque l'on se retrouve le maître des clés, avec un nouveau lieu de pouvoir de l'organisation. Une des tâches du techno-pédagogue est de transférer ces compétences acquises et ce pouvoir pour que le groupe puisse se l'approprier et faire évoluer lui-même son propre processus. C'est quelque chose d'intéressant qui demande une certaine finesse.
Le troisième élément est plus méta qui est souvent un impensé dans un groupe naissant. Un groupe qui travaille va petit à petit se trouver en contact avec d'autres groupes, on parle souvent de logique d'archipel [2]. Il est assez naturel qu'un groupe qui commence à travailler soit plutôt centré sur lui, avec assez peu de porosité. Par contre un groupe qui va grandir va davantage échanger, comme par exemple les projets Riposte qui, petit à petit, sont de plus en plus en liens les unes avec les autres. Ce sont des choses que le techno-pédagogue doit aider à anticiper : se débrouiller pour que les outils mis en place soient des outils qui ne favorisent pas l'enclosure mais soient au contraire des outils qui favorisent la porosité, des outils qui permettent des flux entrants numériques et des flux sortants numériques. C'est un travail de vigilance à avoir dès le début du projet, l'animateur n'aura pas cette conscience là ; le groupe n'aura pas cette conscience là ; par contre il faut absolument que le techno-pédagogue l'ait pour que l'on puisse par exemple connecte un Riposte avec d'autres Riposte, le connecter avec Transiscope, avec un blog. On ne dit pas que ce projet sera connecté avec d'autres projets mais il ne faut pas que les choix techniques enclosent le projet parce que l'on n'aurait pas veillé à cette porosité.
Voilà les 3 notions, un travail plutôt individuel, un travail d'accompagnement au niveau du groupe et du processus avec un vrai transfert de compétences, un travail de formation et un troisième niveau, plus en anticipation : comment se débrouiller pour que ces outils permettent de continuer à faire du web au sens lien entre personnes et projets !
Quels sont les points d'attention pour une personne qui joue ce rôle ?
Le premier point d'attention est de comprendre que chaque groupe doit passer par ses propres étapes. Je me rappelle d'une techno-pédagogue qui avait acquis de l'expérience dans un projet et qui, quand elle est passée dans un autre groupe, a repris d'emblée tous les outils du groupe précédent. Elle s'est alors aperçue qu'elle avait complètement noyé les gens. Toutes les fonctionnalités potentiellement utiles étaient activées, mais le groupe étant débutant s'est trouvé complètement dispersé. Ce n'est pas parce que quelque chose marche dans un groupe qu'il devrait marcher dans un autre,la notion d'étape, de processus par lesquels passent un groupe est importante. Bien sur il y a un certain nombre d'invariants dans les groupes mais il y a aussi de nombreuses singularités.
L'autre point d'attention est celui de jardinage des espaces qui sont fabriqués. On a tendance à rajouter en permanence des pages, des rubriques, des fonctionnalités, des outils. Si on ne prend pas le temps de réorganiser, de retravailler à l'ergonomie, les gens vont être complètement perdus et seules les personnes qui ont suivi le projet depuis le début s'y retrouveront. On pourra alors imaginer plusieurs entrées lorsque l'on a des projets qui sont un peu matures, un peu complexes :
- une entrée avec un aiguillage vers toutes les pages pour ceux qui sont dans le projet depuis le début et qui savent ce qu'il y a derrière les pages et les outils ;
- une entrée pour les personnes qui n'ont pas beaucoup de temps où l'on va mettre en évidence les points importants du moment
- une entrée pour les nouveaux où l'on sera dans une interface extrêmement épurée et avec des moments d'accueil où on leur fera visiter cette techno structure
avec Florent Merlet
Peux-tu expliquer ton rôle dans Riposte Créative Territoriale : ?
On utilise le terme de techno-pédagogue mais je dirai plutôt celui d'un facilitateur en usage numérique au même titre que l'on peut avoir des facilitateurs en intelligence collective pour animer, faire émerger de l'intelligence collective. Mon rôle se rapproche beaucoup de celui d'un facilitateur mais du point de vue des usages et des outils associés.
Est-ce que tu peux expliciter quelques une de ces taches de facilitation ?
La première tâche, même si j'avais déjà pu travailler de mon côté avec des wikis (autres que YesWiki) a été d'apprendre moi-même quelles étaient les possibilités de l'outil et m'y former. J'ai beaucoup travaillé avec Laurent Marseault au début pour bien comprendre jusqu'où pouvait aller l'outil. Je me suis formé avec Laurent et en autonomie et de cette auto-formation accompagnée, j'ai pu proposer des tutoriels qui facilitaient la prise en main du wiki pour les utilisateurs ; pas assez à mon goût mais cela demande toujours pas mal de travail pour réaliser un tutoriel ou une vidéo.
Mais surtout, j'ai pu accompagner toutes les personnes qui avaient besoin de mettre des contenus en ligne à la prise en main du wiki et à développer leur autonomie ou mettre des dispositifs en place pour les aider à en mettre facilement, notamment à travers des bases de données comme celles des ressources, des acteurs et il y en a beaucoup d'autres, avec aujourd'hui 25 petites bases de données dans le wiki de Riposte Créative.
Un autre gros travail a été de faciliter en mettant en place des pages spécifiques, des outils particuliers pour permettre de travailler en session de travail à distance avec un grand nombre d'acteurs. C'est par exemple mettre des liens, des boutons sur des pages, rendre les choses visibles dans le programme d'une journée pour faciliter l'accès à des pads de prise de notes ou à des salles de réunion virtuelles pour des ateliers, l'aller-retour avec des salles de réunion plénières... Là où je passe beaucoup de temps sur le wiki c'est pour la création de ces pages spécifiques : déroulé, programme et accès aux différents outils pour une réunion de travail ou alors pour des pages de contenus qui sont là pour être lues à tête reposée par d'autres acteurs de la Riposte ou des personnes qui s'y intéressent.
Dans cet esprit de facilitation, tu as été très présent aux réunions de coordination de Riposte Créative Territoriale, quels ont été les points de difficulté ?
Très présent, oui, je dirai même presque trop. J'en viens à ce point de vigilance sur la posture du techno-pédagogue dans ce cadre-là. A quel moment va-t-il travailler sur l'autonomisation et à quel moment va-t-il plutôt donner un petit coup de pouce pour que cela aille plus vite ? C'est un des écueils et j'ai toujours du mal à en sortir. Ma préférence va toujours lorsque l'on me pose une question « tiens j'aimerais faire ça sur le wiki, comment cela se passe ? » à « tiens passons un moment ensemble je t'explique comment on le fait et tu le fais, toi ». Mais souvent les utilisateurs, et j'avoue ne pas avoir résolu cette problématique, sont dans une forme d'urgence et ils ont l'impression que cela va être plus long d'apprendre et de le mettre en place eux, alors qu'ils vont rentrer dans un apprentissage, plutôt que je le fasse moi-même. Et souvent j'entends « oui mais là c'est spécifique, c'est urgent, je n'ai pas le temps, il faudrait que cela soit mis en place tout de suite, est-ce que tu peux le faire, s'il te plait ? » et souvent j'accepte parce que l'urgence fait que... Et souvent pour moi ce sont des étapes un petit peu loupées de possibilités d'apprentissage nouveau pour les différents acteurs de la Riposte. C'est vraiment un écueil que j'ai rencontré sur l'accompagnement que je peux proposer : comment arriver à montrer aux gens que ce n'est pas si long d'apprendre, que faire n'est pas si compliqué ?
C'est aussi comment dépasser la peur de casser, il y a beaucoup de personnes qui ont peur de casser et c'est vrai que cela arrive mais ce n'est jamais un problème. On a eu plein de choses qui ont été cassées dans des pages d'accueil mais en deux clics cela se répare. Les difficultés rencontrées sont autour de ces deux notions : « ce n'est pas parce que c'est urgent qu'il ne faut pas passer par un petit temps d'apprentissage pour pouvoir le faire ensuite en autonomie plus facilement » et « ne pas avoir peur de casser » ; ce sont deux notions que j'ai du mal à faire passer avec cet outil du wiki.
C'est peut-être lié au contexte de cet outil qui était complétement ouvert en écriture, est ce que cela t'a amené des problématiques nouvelles ?
La problématique nouvelle que l'on a rencontré avec l'ouverture du wiki, c'est la vision des RSI (Responsable Sécurité Informatique), pas forcément des nôtres, mais des RSI qui ont pris contact avec nous assez rapidement pour nous dire : « attention votre wiki est ouvert, n'importe qui peut mettre du contenu en place » et notre réponse a été : « oui, c'est l'idée ! ». Cela a fait beaucoup peur à quelques RSI qui nous ont fait remarquer que tous nos contenus étaient ouverts, modifiables, supprimables... Je les ai quand même rassurés en leur disant qu'il y avait des filets de sécurité. On a eu le cas de notre page d'accueil qui a été piratée par un petit malin qui avait mis une publicité pour un produit qui n'avait rien à voir avec la Riposte. Quelqu'un l'a vu en disant « mince qu'est ce qui se passe », on l'a corrigé dans les 10 minutes et ce n'est jamais revenu.
Il est arrivé aussi que beaucoup de gens cassent la page d'accueil et cela devient complètement illisible, mais en deux clics on revient à la version précédente et c'est assez simple à corriger ; Ce sont toujours les peurs de casser ou que notre contenu disparaisse, mais techniquement cela n'arrive pas et on peut y remédier facilement.
Mais surtout, ayant l'habitude proposer des outils numériques à beaucoup d'acteurs dans tout ce que l'on peut mettre en place au laboratoire d'innovation du CNFPT, même avant l'arrivée de Riposte, une des grandes problématiques reste les mots de passe parce que les gens oublient leur mot de passe, ne savent plus comment on se connecte, ne savent pas comment installer l'application qui va avec... Là, avec Riposte, on est dans la cadre d'une proposition où il n'y a pas de mot de passe, je fais un simple clic, je peux modifier, un autre clic pour enregistrer, si j'ai fait une bêtise on revient facilement en arrière. On ne sait pas forcément qui fait quoi, c'est une petite mise en garde, et à quel moment sur le wiki, mais finalement cela ne nous a jamais posé de problème. Les gens n'ont rien besoin de se souvenir, juste l'adresse de la Riposte ; ils s'y rendent et ils font, cela c'est vraiment un gros plus et quand on arrive à canaliser cette peur de casser, les gens prennent de plus en plus la main dessus.
Souvent c'est encore moi qui met en place la page d'accueil parce qu'il y a des petits éléments graphiques un peu plus complexes, mais j'ai des collègues qui habituellement ne sont pas du tout à l'aise avec les outils, le numérique cela leur fait peur. Quand il faut corriger un mot dans un texte sur le wiki, pour eux c'est très facile aujourd'hui, et du coup cela va très vite. On n'a plus de mel qui dit « Florent il faudrait corriger la page », c'e sont plutôt des mel qui disent « Il y avait une faute sur la page d'accueil, t'inquiètes pas c'est moi qui l'ai corrigée, c'est fait » et parfois il y a un petit message à côté « en revanche la mise en forme a un peu cassé, si tu peux regarder ». Comme cela on est plusieurs à travailler sur le contenu et pas seulement un exécutant, je déteste avoir cette posture d'exécutant qui fait parce qu'il a la technicité. Comme la technicité est simplifiée, on est dans des actions un peu plus intéressantes pour chacun de nous.
Est-ce que tu penses que ce type d'espace collaboratif ouvert peut intéresser d'autres projets au CNFPT ?
Clairement oui, après la formation qui a été faite avec le département de la Gironde (Créer et animer un Riposte Créative) le collègue du CNFPT qui l'organisait m'a tout de suite appelé, et pour lui ce wiki est potentiellement une base de travail pour tellement de projets, même sur des projets qui ne travaillent pas forcément sur la notion de coopération, la posture de collaboration dans laquelle on est permet d'aller sur tellement de terrains qu'il faut absolument creuser cette question-là. On n'a pas encore eu le temps de se poser pour y réfléchir pleinement mais c'est quelque chose qui ouvre un champ des possibles très large et qui peut aller très loin pour nous, surtout dans le champ de la formation où l'on parle souvent de communauté, de communauté apprenante, et le wiki sur n'importe quelle thématique est une vraie base de travail pour une communauté pour produire du contenu, garder des éléments intéressants, avoir des espaces qui sont faciles à mettre en place en trois clics.
Les contenus de Riposte sont sous une licence qui en permet la réutilisation ce qui est un peu nouveau pour le CNFPT est ce que dans ton vécu avec les personnes contributrices du Riposte cela a posé problème et est ce que l'idée de communs peut faire son chemin ?
L'idée de communs a déjà fait son chemin parmi nos acteurs. Je n'ai pas souvenir de difficulté dans le cadre de la Riposte. C'est une des premières choses que l'on avait posé au démarrage du projet : sur la Riposte, par défaut les contenus sont sous une licence Creative Commons by SA, pour que l'auteur soit cité (ndr et qu'il n'y ait pas d'enclosure). Cela me semble important d'être dans cette démarche et surtout personne n'a trouvé argument pour aller à l'encontre de celle-ci. Tout le monde y voit l'intérêt ; moi-même à titre personnel, cela fait 20 ans que, lorsque j'étais enseignant, mes cours étaient accessibles en ligne et partagés, il n'y avait pas forcément la licence creative commons, mais les contenus étaient réutilisables, modifiables. C'est une posture qui est vraiment partagée dans la communauté. Il y a vraiment cette idée d'avancer ensemble, la posture de nos acteurs est plutôt dans le partage, pour faire avancer les choses, ces notions de coopération de collectif, de comment on fait mieux ensemble, et s'il n'y avait pas ce partage des contenus on serait incohérent. De mon souvenir, on a dû croiser 300 ou 400 personnes autour de la démarche de la Riposte avec plus ou moins d'acteurs réellement engagés dans le processus, mais personne ne nous a fait remonter l'idée comme quoi ce serait bien de « protéger » nos contenus.
Vers un réseau d'entraide entre techno-pédagoque
Oui c'est une idée intéressante. Techno pédagogue est un métier qui est un peu nouveau, qui commence à s'affirmer, Ces personnes sont trop souvent dans l'ombre alors qu'elle sont aussi déterminantes que des bons animateurs et il est important de leur donner un peu plus de place et de visibilité au sein du projet. Ce sont des personnes qui restent souvent isolées dans leur structure. Quand un projet a un techno-pédagogue c'est plutôt bien. Quand je parlais de veille sur des outils, de tester ces outils avant de les proposer, cela milite pour l'intérêt d'un fonctionnement en réseau. C'est aussi relier des techno-pédagoques impliqués dans des structures de formation éloignées par le public concerné et qui ne coopèrent pas naturellement. Un réseau pourrait aider à structurer ce métier en devenir avec des formation ou à minima des contenus partagés entre techno-pédagoques.
ndr : il s'agit d'un groupe d'entraide entre personnes ayant ce rôle dans un espace en coopération ouverte, si tel est votre cas et que ce groupe vous intéresse, merci de contacter Laurent Marseault.
Quelques mots pour se présenter :
Laurent Marseault : Animateur nature durant une vingtaine d'année, passionné de pédagogie, des relations homme / nature et des insectes, j'accompagne et forme autour des postures, méthodes et outils qui permettent aux collectifs de grandir en coopération. Je suis un des co-créateurs de l'association Outils-Réseaux, de la formation animacoop mais aussi de YesWiki. Je suis accessoirement pompier volontaire, élu et papa.
Florent Merlet : Technopédagogue au sein de la mission innovation et du laboratoire d'apprentissage du CNFPT, mon action consiste principalement à proposer des outils méthodologiques et numériques, reposant sur l'intelligence collective et la collaboration, au service de la transformation de l'action publique et de la formation. Je porte AVEC de nombreux acteurs engagés la démarche Riposte Créative Territoriale et pilote l'Université de l'Innovation Publique Territoriale.
Michel Briand : Après une activité d'élu local à Brest et professionnelle(responsable de formation d'ingénieur à l'IMT Atlantique) ancrée dans une démarche contributive, et la participation au Conseil National du Numérique [3] je suis en retraite professionnelle et d'élu. Je m'implique dans des projets coopératifs au croisement des innovations pédagogiques, des innovations sociales, des transitions et des communs.
Aller plus loin :
Quelques liens sur explorer des facettes de la coopération ouverte :
- Animacoop formation à l'animation de projets coopératifs ]] et aussi Interpole, l'espace ressource de la CIA (Collectif Inter Animacoop).
Archipélisation : comment Framasoft conçoit les relations qu'elle tisse, sur le blog de Framasoft, 10 décembre 2019.
Agora des archipels, un espace de rencontres et de partage entre acteurs de la transition qui se retrouvent dans un fonctionnement u, qu'ils soient des individus, des collectifs en archipel.
Autour des compétences qui favorisent la coopération : L'état d'esprit collaboratif, « faire avec » et « avoir le souci des communs » : trois pivots pour coopérer par Elzbieta Sanojca dans Innovation Pédagogique, 11 mars 2018.
Ce que nous apprenons des Riposte Créative, une démarche d'écriture collaborative réutilisable, par Michel Briand et Laurent Marseault, 21 juin 2020.
La compostabilité : pour un écosystème de projets vivaces par Romain Lalande et Laurent Marseault sur Vecam, 4 mars 2018.
La coopération, un changement de posture : vers une société de la coopération ouverte, diapos commentées et audio de la conférence de Michel Briand au colloque QPES 2019, dans Innovation Pédagogique, juin 2019.
Créer et animer une "Riposte Creative, formation action autour de la coopération ouverte proposée au CNFPT par Michel Briand et Laurent Marseault et mise en oeuvre pour le département de la Gironde avec Julie Chabaud (février, mars 2021).
E-book Cooptic un manuel à l'usage des animateurs de réseau et les contenus bonifiés par Gatien Bataille dans sa formation cooptic
La gare d'aiguillage aussi appelée "gare centrale" dans les formations Animacoop espace de partage d'information qui rend visible tous les éléments utiles aux membres d'un collectif pour y agir en collaboration, un exemple de circulation ds flux sur Riposte Creative Bretagne.
Histoires de coopération, une trentaine d'interview d'acteurs de la coopération ouverte sur le blog Coopérations, mars 2019.
Partage sincère, "tragédie du LSD", fonctionnement en archipel : dialogue autour de la coopération ouverte avec Laurent Marseault, 12 mars 2021.
Le rôle du techno-pédagogue dans un « Riposte créative » espace en coopération ouverte, entretien avec Laurent Marseault et Florent Merlet, 15 avril 2021.
Quelques projets auxquels nous participons autour de la coopération ouverte
Bretagne Creative
"L'innovation sociale ouverte, c'est donc donner à voir son projet/son idée, échanger avec les autres pour croiser et enrichir les savoirs-faire et compétences. Sources d'efficience et créatrices de lien social sur les territoires, les démarches collaboratives sont une manière de pérenniser et de multiplier ces initiatives tout en favorisant le bien commun."
Riposte Creative Territoriale
L'objectif ? Co-construire, avec les collectivités territoriales, les réponses formatives innovantes pour faire face à ces défis complètement inédits, en mobilisant l'intelligence collective. Comment développer des modes d'apprentissage dans l'urgence, pour des solutions créatrices de valeur sociale pour le service public territorial et la démocratie locale ?
Notre intention fait écho à l'alerte de Bruno Latour : « Si on ne profite pas de cette situation incroyable pour changer, ce serait gâcher une crise. »
Riposte Creative Bretagne
« Une marmite ne commence pas à bouillir par le couvercle, mais toujours par le fond ! » Proverbe de Haute-Bretagne un espace collabortaif ouvert pour
- donner à voir et mutualiser les initiatives en complémentarité des services et groupes mis en place
-* exprimer des besoins prenant en compte les personnes en précarité, en situation de fragilité et éloignées des services proposés - favoriser l'attention, le soin, et une convivialité, et ainsi contribuer au bien vivre ensemble
- favoriser des transformations créatives solidaires et en transition pour l'après
Faire ecole ensemble
association - collégiale et à durée de vie limitée - qui facilite le soutien citoyen de la communauté éducative durant l'épidémie de COVID-19. Ses actions s'organisent par programmes et se destinent à être supportés par des coalitions d'organisations pérennes.
Outils libres
Internet avait été conçu comme un réseau décentralisé, qui donne du pouvoir et de la liberté aux citoyens. Sortir nos informations des gros silos de données pour revenir à des petites structures ouvertes et inter-connectées, c'est possible avec un peu de savoir faire technique et de la bonne volonté. Dans le cadre du mouvement plus global des logiciels libres, et par sa rencontre et collaboration avec l'association Framasoft, Colibris a rejoint le Collectif d'Hébergeurs Alternatifs Transparents Ouverts, Neutres et Solidaires (CHATONS) et met à disposition gratuitement des solutions libres et respectueuses de la vie privée.
Transiscope
Aujourd'hui, de nombreux d'acteurs de la transition et des alternatives ont entamé un travail de recensement et de cartographie de leurs organisations, actions et écosystèmes.
Dans la majorité des cas, néanmoins, ces informations sont éparpillées sur les sites de chacune de ces organisations et les données ne peuvent pas communiquer entre elles en raison de choix techniques différents : aucune visualisation agrégée n'était jusqu'à présent possible.
Pour permettre de relier ces alternatives, une dizaine de collectifs travaillent depuis deux ans pour développer des outils libres permettant de connecter les différentes bases de données existantes et de les visualiser au même endroit : TRANSISCOPE
Collectif Yeswiki
L'outil libre facilitant la coopération ouverte.
YesWiki est un logiciel libre né du croisement des discussions et savoir-faire de développeurs et animateurs de projets coopératifs.
A l'image d'une page blanche, ses usages sont quasiment illimités : ils dépendront de votre créativité !
YesWiki est aujourd'hui maintenu et amélioré par une communauté de professionnels issus d'horizons différents qui prend du plaisir à partager ses rêves, ses créations et ses développements.
[1] YesWiki est un logiciel libre né du croisement des discussions et savoir-faire de développeurs et animateurs de projets coopératifs. A l'image d'une page blanche, ses usages sont quasiment illimités : ils dépendront de votre créativité. YesWiki est aujourd'hui maintenu et amélioré par une communauté de professionnels issus d'horizons différents qui prend du plaisir à partager ses rêves, ses créations et ses développements. texte repris de la page d'accueil de YesWiki
[2] voir l'article : Partage sincère, "tragédie du LSD", fonctionnement en archipel : dialogue autour de la coopération ouverte avec Laurent Marseault, 12 mars 2021.
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Sédentarité : des initiatives pédagogiques pour atténuer la souffrance des étudiants
De nombreuses études alertent sur les effets de l'enseignement à distance et de l'isolement sur la santé mentale des jeunes. Entre stress, crises d'angoisse, sous-alimentation, et sédentarité, le monde étudiant est très touché par les mesures de confinement prises pour lutter contre la pandémie de coronavirus.
Face à cet état de fait, les équipes responsables de l'éducation physique et sportive dans les grandes écoles et universités s'efforcent de mettre en place des pédagogies innovantes pour aider les étudiants à mieux gérer leur vie physique, et les inciter à rester actifs, tout en créant du lien.
L'activité physique, un besoin essentiel
Au Canada, l'étude de l'USask (Université de la Saskatchewan) souligne les effets néfastes des contraintes sanitaires, et des confinements à répétition sur le mode de vie des étudiants. Les préjudices sur la santé physique et mentale sont significatifs et avérés. Les résultats présentés dans la revue Applied Physiology, Nutrition and Metabolism, soulignent l'urgence de la situation et la nécessité d'utiliser de nouvelles pédagogies incitatives soutenant l'activité physique régulière des jeunes.
En France, le constat est tout aussi alarmant. À la fin du premier confinement, l'étude CoviPrev confirmait déjà une dégradation, problématique, de la santé mentale des jeunes (18-24 ans), avec une prévalence des états dépressifs et anxieux.
Dans le même sens, l'Observatoire de la Vie étudiante a également réalisé une enquête sur la vie d'étudiant confiné. Elle montre que la crise sanitaire a eu un impact sur leurs conditions de vie et sur leur cursus académique. Les signes de détresse psychologiques ont été dans l'ensemble plus nombreux dans la population étudiante pendant cette période de confinement, de même que la consommation d'alcool ou le renoncement aux soins. Les restrictions liées à la crise sanitaire jouent sur le moral des étudiants et sur leur niveau de performance cognitive.
Pour lutter contre l'isolement, la sédentarité, l'activité physique apparaît aux yeux de nombreux scientifiques et chercheurs comme l'un des leviers majeurs ; « le seul moyen d'améliorer l'immunité » souligne le professeur François Carré. L'allocution de cet éminent cardiologue et chercheur à l'Inserm n'est pas passée inaperçue. Auditionné par le Sénat, il pointe les méfaits de la sédentarité qui ne cesse de se renforcer. Pour lui, « l'activité physique est une cause nationale » ; « bouger est vital pour notre santé ! ».
Réinventer l'offre
Face au mal-être étudiant, l'enseignement supérieur a déployé des dispositifs de soutien psychologique, des accompagnements personnalisés, de multiples concertations. Concernant l'activité physique, les principales initiatives et innovations sont véhiculées par les enseignants d'éducation physique et sportive en charge des services des sports dans les grandes écoles et universités, notamment sous l'impulsion du groupe APSCGE. La Fédération française du Sport universitaire propose, elle aussi, des challenges inédits pour dynamiser les étudiants sur la dimension compétitive.
Trois difficultés majeures se posent à ces acteurs. En premier lieu, les questions de protocole et d'effectifs limitent fortement le champ des possibles. Ensuite, de nombreuses difficultés apparaissent du fait des couvre-feux, le sport et l'activité physique se pratiquant, habituellement, pour une grande part des étudiants, le soir, à partir de 18h. Comment déplacer tous ces cours le jeudi après-midi sans pouvoir disposer des infrastructures nécessaires à leur mise en œuvre ? Enfin, la gestion des étudiants dans un contexte ou l'activité physique n'est pas, dans tous les cas, considérée comme obligatoire et dotée de crédits, n'est pas simple. Trop souvent, le jeudi après-midi est phagocyté par d'autres enseignements, jugés plus sérieux.
En outre, isolement, dépression, stress, sous-alimentation, phobie, angoisse, vie en colocation ou retour chez les parents sont autant de paramètres à gérer pour l'enseignant du supérieur. La transformation des habitudes, le manque de liberté, les nouveaux soucis à gérer, dans cette période compliquée, donnent aux étudiants de multiples raisons de se laisser aller. Il faut donc lutter en permanence pour limiter l'absentéisme, l'investissement sporadique, et les déviances d'un nouveau genre.
Dans ce contexte, raccrocher les étudiants à une activité physique régulière est un vrai challenge. L'offre s'est diversifiée pour s'adresser au plus grand nombre. Elle s'est même digitalisée ce qui peut paraître paradoxal en termes de bienfaits sur la santé. Les enseignants d'EPS et vacataires spécialisés se sont formés pour produire des cours online pouvant s'inviter dans les appartements, colocations et foyers familiaux.
De nombreuses écoles et universités ont ainsi proposé aux étudiants, aux personnels mais également au grand public, des programmes d'activité physique, respectant des charges et des plages d'intensité précises. Les plates-formes de type Zoom ou Teams, ont été fortement utilisées pour assurer un suivi synchrone des étudiants sur des activités sportives, interdites en présentiel (séances de renforcement musculaire en live, fitness, yoga etc.).
Des cours asynchrones ont également été proposés avec un accompagnement à distance et des ressources en ligne ont été mises à disposition des étudiants pour qu'ils puissent se prendre en main. De nombreuses vidéos ont régulièrement été postées sur des plates-formes de streaming en réseau fermé ou ouvert (Youtube, Stream etc.).
Plus en marge, des applications ont été utilisées pour que l'étudiant puisse vivre l'activité physique, tester sa condition physique et se mettre en projet individuellement ou collectivement. Ces initiatives, ces innovations pédagogiques ont été grandement relayées sur les réseaux sociaux pour faciliter leur accessibilité et leur diffusion dans le monde étudiant.
Mais au-delà de cette proposition, c'est bien le sport en live et l'activité physique connectée qui ont su tirer leur épingle du jeu. Car, c'est bien le fait de vivre l'activité physique en direct et en groupe qui a généré le plus de plaisir et d'enthousiasme.
Sur ce registre, les propositions de la Fédération sportive du Sport universitaire ont ouvert la voie à des pratiques hybrides à la fois physiques et digitales, activités très attrayantes auprès des étudiants. Après la U'RUN, course à pied connectée (970 000 kms parcourus par 13 500 étudiants inscrits et 450 établissements classés), la U'RIDE sur vélos connectés, les étudiants auront même la possibilité de participer à la U'ROW, une compétition de rameurs connectés.
Si ces propositions digitales sont très intéressantes d'un point de vue pédagogique, elles ne doivent cependant pas occulter l'essentiel. Tout comme le vaccin qui nous laisse entrevoir une fin de crise sanitaire, c'est bien l'activité physique « réelle et régulière », pratiquée sur les terrains de sports, qui aura un impact positif sur le monde étudiant. Avant toute chose, l'activité physique doit se vivre, s'éprouver pour être ressentie et avoir un impact sur la santé physique, psychologique et sociale.
Franck Luccisano does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organization that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.
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Essai collectif d'un jeu sur les licences animé par Marie Latour et Thomas Planques, le 31 mars à 14h
Ce webinaire est la suite logique du webinaire proposé par Marie Latour "Des jeux sérieux réutilisables pour l'apprentissage autour de la documentation" le 22 janvier 2021. Elle nous propose aujourd'hui de tester ensemble un nouveau jeu de documentation et de revenir sur le comment il a été construit.
un article repris de la page des webinaires du groupe Hybridation en coopération ouverte
Pour vous inscrire et obtenir le lien de connexion par retour de mail, merci de compléter le questionnaire d'inscription
Depuis 2015, le SCD de l'Université de Guyane s'est engagé dans un renouvellement de sa pédagogie : des séquences de jeux sont régulièrement introduites dans ses formations à la recherche documentaire afin de favoriser l'interactivité et le plaisir de l'apprentissage. Dans ce cadre, neuf jeux de plateau sérieux ont été créés (dont trois ont été traduits en anglais) ainsi qu'une bande-dessinée pédagogique (pour plus d'informations, voir l'enregistrement du premier webinaire).
Devant la généralisation du distanciel induite par la crise sanitaire mondiale traversée actuellement, le SCD de l'Université de Guyane a adhéré au consortium national « Games for Citizens » afin de créer des adaptations de ses créations en tables de jeu numériques jouables en solo ou en multijoueurs, sur ordinateur ou sur smartphone. Les équipes travaillent actuellement sur l'adaptation numérique d'un premier jeu de plateau, « Licences to kill », portant sur la connaissance des grandes licences de la propriété intellectuelle (Copyright, Domaine public, Copyleft et Creative commons).
Dans ce cadre, nous vous proposons, de manière très expérimentale, de tester en avant-première le prototype du jeu non encore achevé. Le webinaire s'organisera en trois temps : après une courte présentation du projet de des acteurs de 15-20 minutes environ, vous pourrez ensuite tester le jeu en solo. Enfin, à l'issue d'une courte séance de discussion autour de vos premières impressions sur le jeu, nous vous demanderons de remplir un court questionnaire qui nous permettra de travailler à l'amélioration de la version en cours. Vos avis comptent, et feront partie d'une vaste campagne de bêta-tests qui nous permettra de sortir la version la plus ergonomique possible et la mieux adaptée aux besoins des étudiants !
Les intervenants seront Marie Latour, directrice adjointe du l'Université de Guyane et porteuse du projet, et Thomas Planques, chef de projet pour la réalisation technique du jeu au sein du consortium "Games for Citizens".
La prise de notes pendant le webinaire sera collaborative sur ce pad : https://lite1.infini.fr/p/testonsEnsembleJeu
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Partage sincère, "tragédie du LSD", fonctionnement en archipel : dialogue autour de la coopération ouverte avec Laurent Marseault
Au fil de nos nos implications et accompagnements de projets autour des transitions les questions de coopération ouverte, des silos culturels et du fonctionnement en archipel reviennent fréquemment. Le but de cet article est de les expliciter et d'éclairer leur interaction dans un monde confronté à l'urgence des crises sanitaires, climatiques et à la montée des inégalités.
Et d'abord quelques mots pour se présenter :
Laurent Marseault : Animateur nature durant une vingtaine d'année, passionné de pédagogie, des relations homme / nature et des insectes, j'accompagne et forme autour des postures, méthodes et outils qui permettent aux collectifs de grandir en coopération. Je suis un des co-créateurs de l'association Outils-Réseaux, de la formation animacoop mais aussi de YesWiki. Je suis accessoirement pompier volontaire, élu et papa.
Michel Briand : Après une activité d'élu local à Brest et professionnelle(responsable de formation d'ingénieur à l'IMT Atlantique) ancrée dans une démarche contributive, et la participation au Conseil National du Numérique [1] je suis en retraite professionnelle et d'élu. Je m'implique dans des projets coopératifs au croisement des innovations pédagogiques, des innovations sociales, des transitions et des communs.
voir une liste de quelques projets auxquels nous participons en fin d'article.
Pourquoi parler de coopération ouverte ?
MB : La coopération et les pratiques collaboratives sont d'actualité dans un monde en crise (avec son pendant "force obscure" des replis identitaires, de l'autoritarisme et du déni de la catastrophe climatique et environnementales...). Mais pourquoi ce besoin de distinguer la "coopération ouverte" ? où se situe la différence ?
LM : L'idée de coopération se retrouve un peu partout, on a même des super méthodes et logiciels qui permettent de faire de la coopération au sein des équipes. Mais notre humanité est actuellement confrontée quelques petits problèmes qui nous obligent à une autre urgence pour que les problèmes des uns, les réussites des autres puissent être beaucoup plus partagés, échangés. Si quelqu'un produit des contenus, des réalisations intelligentes, il est urgentissime que ces expérimentations, ces questions puissent être visibles, accessibles par d'autres personnes que celles du petit groupe avec qui il a coopéré.
Parler de coopération ouverte c'est arrêter d'enkyster les groupes de réflexion, c'est arrêter, sans en avoir toujours conscience, de se mettre en concurrence avec la collectivité d'à côté, l'association d'à côté. Par rapport aux enjeux que certains qualifient "d'objectifs suprêmes", comment arriver à dépasser les logiques de structure, les logiques d'entre soi pour que ce qui est fait par l'un puisse servir à l'autre.
Les coopérations ouvertes thème du 8éme Forum des usages coopératifs à Brest du 3 au 6 juillet 2018.
MB : La coopération ouverte est un profond changement de culture dans une société où le travail est organisé de manière cloisonnée et hiérarchique. Apprendre à donner à voir, copier, réutiliser, partager demande du temps parce que ce n'est pas dans nos habitudes. Aujourd'hui l'innovation ouverte progresse dans les entreprises où elle stimule la créativité, dans les services où elle favorise l'implication des personnes, dans le tiers secteur où elle est facteur d'innovation sociale, dans "Territoires en réseaux : d'internet aux innovations sociales ouvertes'. [2]
- conf : Cooperation ouverte, un changement de posture par Julie Boiveau à QPES 2019,( cc by sa nc)
LM : Pour donner un exemple, lors d'une réunion à laquelle j'assistais entre un grand réseau Sesamath, un réseau de prof de math qui co-produisent des contenus et un autre réseau qui s'appelle les rallyes mathématiques au Québec où l'on s'apercevait que les contenus de l'un pouvaient s'amplifier avec les contenus de l'autre et réciproquement. Et pour des raisons d'imperméabilité entre les deux structures, les contenus ne pouvaient pas se bonifier. Il y a eu tout un travail de discussion pour dépasser des peurs, qui sont courantes en amont de la coopération ouverte et qu'il serait d'ailleurs intéressant à analyser. Une fois cela résolu, on a pu se débrouiller pour que, pour résoudre les questions apprenantes développées au sein d'un rallye mathématique, les élèves puissent utiliser les notions fort bien développées dans les cours de Sesamath. Et d'un autre côté cela a permis que les contenus parfois un peu théoriques de Sesamath soient nourris par les questions apprenantes des rallyes mathématiques.
Dans le monde la transition, on a énormément de structures qui inventent, qui expérimentent sur les territoires. Le fantasme c'était de fabriquer une carte qui référencerait toutes ces initiatives. Et plutôt que d'alimenter la concurrence entre structures qui voulaient être cette carte centralisée des initiatives en transition, c'est une approche collaborative agrégeant une trentaine se sources qui a émergé. Transiscope a convaincu toutes ces structures à partager leur données en permettant à d'autres de les réutiliser. Et ainsi Transiscope cartographie plus de 30 000 initiatives en France avec de nombreuses nouvelles sources de données qui s'y agrègent au fil du temps.
MB : Et c'est dans un contexte de monde en crise que la coopération ouverte prend tout son sens comme nous l'exprimions dans Coopération ouverte pour un monde vivable et désirable, lors des rencontres co-construire à Tournai le 30 aout 2019.
Face à l'urgence climatique nous proposons aux un-es et aux autres de faire un pas vers une coopération ouverte et un partage sincère.
- L'urgence ne nous permet plus d'attendre, il n'est pas possible de réinventer chacun dans son coin. Le partage sincère c'est permettre aux autres de réutiliser ses contenus de formation, ses techniques d'animation, ses retours d'expérience et ne pas les garder pour soi ou son groupe.
- Agir ensemble demande une confiance, une ouverture à l'autre qui reconnaît, en humilité les compétences, les savoir faire de chacun.e.
- Le vivre ensemble des futurs désirables demande un changement de posture où nous enrichissons de la diversité de nos pratiques de nos histoires, nous démultiplions nos forces en transition.
Une vidéo de Laurent Marseault pour le parcours Numérique Ethique de l'université des Colibris et le texte associé, le texte publié dans Innovation Pédagogique le 19 ocrobre 2020.
Dépasser le fonctionnement en silo, la "tragédie du LSD, Libre, Solidaire et Durable"
MB : Dans cette urgence de la transition il y a aussi besoin de faire en sorte que des personnes issues de monde différents travaillent ensemble , ce que nous avons appelé la "Tragédie du LSD, Libre, Solidaire et Durable"
LM : C'est une appellation imaginée lors d'une discussion autour de la coopération en réseau avec Jean Michel Cornu [3] sur les bancs d'une crêperie à Brest en 2012. En partageant nos expériences d'accompagnement de structures dans différents domaines, on s'apercevait que toutes ces structures avaient des finalités semblables, des envies d'un monde meilleur, de changements de posture, de pratiques plus coopératives. Mais ces structures s'ignoraient les unes, les autres. En prenant plaisir à inventer des mots, on a parlé de "tragédie du LSD". La tragédie du Libre Solidaire et Durable c'est le constat que le silo des Libristes, celui des Solidaristes et celui des Durabilistes ont tendance à travailler les uns à côté des autres, parce que chacun a son histoire, son vocabulaire, sa culture. Et en côtoyant une diversité de structures on voyait que le problème d'un silo était résolu dans le silo d'à côté. Si on arrivait à établir un peu plus de lien, de porosité entre ces silos, il serait possible que cela permette à la fois à ces silos d'avancer mais surtout de passer à l'échelle au delà de leur propre cercle. Les sujets auxquels nous sommes confrontés, sont trop vaste pour que nous les traitions seuls.
On s'est arrêté sur tragédie du LSD avec ces 3 mondes là parce que cela sonne bien, mais on pourrait aussi ajouter le monde de la culture, de l'économie sociale, d'entreprises qui s'impliquent dans la transition, de certaines formes d'organisations territoriales qui fonctionnent un peu différemment (conseil de développement participatifs, réseau tels Bruded en Bretagne, le RTES pour l'économie sociale et solidaire)...
Quelles sont les richesses mais aussi les handicaps de ces différents silos, en étant un peu caricatural, dans l'intention d'enclencher des débats et surtout pas de choquer qui que ce soit.
Si l'on prend le monde des "libristes", leur grande richesse c'est que des humains sont capables de travailler à distance pour faire du Wikipedia, de l'Open Street Map, ou de développer du code Linux avec des milliers de personnes tout autour de la planète sans jamais se rencontrer. C'est quand même une sacré prouesse. Leur difficulté est un manque de pédagogie en étant un peu entre soi, en parlant entre spécialistes. Un autre élément fabuleux des libristes c'est que dès son démarrage le projet est blindé comme étant un commun avec des licences juridiques qui permettent de protéger les codes sources comme étant des communs.
Si on passe au silo d'à côté, les "solidaristes", leur dimension fabuleuse c'est l'histoire de la pensée politique, des mots en expliquant par exemple les différences entre libertaires et anarchistes et en les situant dans l'histoire et leur conséquence aujourd'hui. Mais dans leur fonctionnement on a souvent des réunions un peu tristounettes qui n'ont pas changé depuis des décennies. Mais ils sont sur des sujets hyper impliquant avec des capacités de mobilisation extrêmement intéressantes.
Si on passe du côté des "durabilistes", il y a un côté un peu rigolo, dans la dimension pédagogiques avec des techniques assez sympathiques de communication et d'animation. Avec des contenus scientifiques qui sont parfois un peu fragiles alors que paradoxalement ils s'appuient sur des données scientifiques qui sont parfois un peu obsolètes. Chez eux la notion des communs est souvent un impensé.
Si l'on fait ce petit pas de recul en repérant ce qui est bien dans nos différents silos mais aussi en se moquant de nous pour voir les points sur lesquels on n'est pas bon on s'aperçoit
que la pédagogie des durabilistes pourrait tout à fait servir aux solidaristes mais aussi aux libristes,
que l'idée de travailler sur des communs et de savoir les protéger juridiquement pourrait servir aux solidaristes et aux durabilistes,
qu'il ne suffit pas que ce soit libre pour que ce soit bon et rajouter l'histoire des idées peut donner plus de sens...
C'est en travaillant sur nos forces à partager mais aussi et surtout sur nos faiblesses à travailler que les liens entre ces silos deviennent évidents et hyper efficients.
Pour donner un exemple : la rencontre entre Framasoft et les Colibris lors du Forum des usages coopératifs 2018 à Brest. Les colibris agrègent des dizaines de milliers de personnes qui veulent travailler ensemble mais qui n'étaient pas bon du tout en terme d'outils collaboratifs. Est-ce que vous pourriez nous aider à utiliser les outils de Framasoft que l'on puisse en retour aider à les améliorer ? Framasoft était honoré de cette sollicitation et en réciproque, les Colibris avec la quantité de projets et de personnes qui en avaient besoin ont permis des retours d'usage très intéressants et permis d'ajouter aussi un peu d'esthétique et de pédagogie tel le parcours outils libres réalisé par les Colibris qui sont des contenus de formation utiles aussi à Framasoft. Cette porosité, cette perméabilité entre Framasoft et les Colibris est un exemple de passerelle entre le monde des libristes et celui des durabilistes.
MB : Dans le même esprit on pourrait parler de passerelle avec la dimension créativité des artistes, la dimension service public des collectivités locales qui pourraient enrichir d'autres silos.
Le fonctionnement en archipel
LM : Ce qui est important au delà de la liste "LSD" donnée en exemple c'est à la fois de repérer ce sur quoi on est bon et de se laisser transformer. On s'approche de la notion d'archipel : repérer ce sur quoi nous sommes bon, c'est travailler sur notre identité racine : qu'est ce qui fait que l'on n'est pas l'autre, quelle est ma singularité ? Qu'est ce que je sais faire et aussi qu'est ce que je ne sais pas faire ? A partir du moment où, en conscience, on arrive à repérer nos forces et nos faiblesses, cela permet de travailler sur une seconde notion qui est la notion d'identité relation : ce qui va me permettre de me chaîner à l'autre. Comment va-t-on pouvoir établir de la relation ou de l'échange avec le silo d'à côté. Et il n'y a identité relation que s'il y a transformation de part et d'autre d'autre de la relation. L'idée, ce n'est pas de dire moi j'ai raison, et mon projet doit se diffuser à un niveau intergalactique et quand tout le monde fera comme moi le monde sera sauvé, mais plutôt de gagner en humilité de structure en disant cela on sait faire, cela on ne sait pas faire et de travailler en liens, des liens qui remettent de la vie dans les différents petits îlots que sont nos projets, que sont nos structures.
MB : En quoi cette notion d'archipel apporte quelque chose aux besoins de transition ?
La notion d'archipel est un apport un peu poétique d'une idée travaillée par Édouard Glissant, poéte et philosophe proche d'aimé Césaire et qui a beaucoup parlé des notions d'archipelisation en contre-pied de la centralisation, produit historique de l'état français.
La notion d'archipel remet en cause l'idée de la centralité. Et pour les acteurs de la transition, peut-être qu'une idée forte est d'arrêter de dire qu'il y a une de nos structures qui va prendre le "lead" sur toutes les autres. Comment pour faire la transition ? Pensons -nous comme différentes petites îles et réfléchissons à comment nous allons nous mettre en lien pour faire projet commun sans chercher à ce qu'une île devienne plus grosse que les autres et prenne le commandement sur la totalité des autres.
Donc déjà deux notions :
Pas de centralité et être plutôt dans une distribution des savoirs et des pouvoirs
Des identités racine travaillées et visibles et des identités relations fécondes de transformations.
Ce qui va être intéressant c'est certes que l'on travaille sur nos identités, sur la coopération au sein de notre structure mais aussi d'identifier les flux d'informations entre les différentes îles. Bien souvent, les structures, je ne sais s'il s'agit d'une question d'égo de structure, ont tendance à imaginer que ce qu'elles font est central pour leur problématique. A partir du moment où je me vois comme une petite île dans un projet qui me transcende, on va se mettre à travailler sur les flux d'information entre les îles et cela va obliger les structures à repenser leur porosité. C'est une notion qui est très féconde dans l'idée d'archipel : comment se débrouiller et réfléchir aux conditions qui vont faire que les données, les contenus puissent circuler d'une île à l'autre et ainsi fabriquer des idées, des concepts qui vont complètement nous dépasser.
- carte illustrant l'archipel des lowtech en france publié par le lowtechlab un site sous licence CC by par défaut
Pour que cette coopération ouverte, cette porosité entre les îles soit possible il y a 3 grandes conditions :
Le premier est la porosité politique, comment va-t-on afficher ce que l'on est ? décrire ce que l'on est mais surtout le rendre visible aux autres. Certains parlent de code social [4] Voyant le code social de l'île d'à coté j'aurais plus ou moins envie de travailler avec elle ou travailler sur tel point et pas sur tel autre plutôt que d'avoir un jugement à priori. Cela concerne aussi les postures, la volonté de partage sincère.
Le second élément concerne les conditions juridiques de l'archipelisation. Comment, si on parle de partage sincère, les contenus que j'ai fabriqué vont pouvoir sortir de ma structure ? comment est ce que je vais spécifier que d'autres vont pouvoir réutiliser mes contenus ? Est ce que ces contenus ont les bonnes licences juridiques qui permettent d'emblée que les personnes qui les voient sachent qu'ils peuvent les modifier, les réutiliser dans leurs projets, que les usages commerciaux sont possibles ou pas ? Sans alignement sur des licences comme les Creative Commons by Sa et GNU GPL et autres licences qui permettent un partage sincère, nous ne pourrons pas connecter nos contenus pour en faire du meilleur. Cela se chaîne avec la notion de compostabilité de nos contenus
Et troisième élément enfin et seulement enfin, des conditions numériques qui permettent à nos interfaces, et autres plateformes de retrouver leurs porosités : comment va-t-on se débrouiller pour que les technostructures que l'on va mettre en place au sein de nos îles puissent diffuser de l'information, vont pouvoir recevoir de l'information ou envoyer de l'information d'autres îles. On parle de flux entrants et sortants, de flux rss, xml, json qui permettent de faire des Transiscopes et autres nouveaux niveaux de communs. Cela va obliger les structures à réfléchir non plus sur elles, mais sur quelles sont les conditions pour que l'on puisse se connecter avec l'îlot d'à côté et faire des veines et des artères de communication entre îlots qui vont faire transition.
l'exemple de framasoft :
L'association Framasoft a fait le choix d'une démarche en archipel au croisement de la mise en place des Chatons [5], d'une rencontre avec l'association québecoise FACiL, d'échange avec les Colibris au « Forum des Usages Coopératifs » de Brest, en 2018, et des lectures d'Édouard Glissant (1928-2011).
« J'appelle créolisation la rencontre, l'interférence, le choc, les harmonies et les dysharmonies entre les cultures. » Par ces mots, Édouard Glissant fait de la « créolisation » une décontinentalisation, qu'il nomme archipélisation, et qu'il corrèle à ce qu'il appelle le « tout-monde ». Le monde entier, pour lui, se créolise et s'archipélise.
Cette notion, si elle est associée à celle des outils conviviaux d'Ivan Illich ou la figure du rhizome, héritée de Deleuze et Gattari, déjoue l'opposition entre centre et périphérie. Il s'agit donc de passer d'une vision continentale, où on essaye de faire continent tous ensemble, à une « archipélisation » d'îlots de résistance émergents.
dans Archipélisation : comment Framasoft conçoit les relations qu'elle tisse, sur le blog de Framasoft
MB Ces trois élements condition d'une coopération ouverte pour les archipels sont tout aussi pertinents pour des associations, collectifs, établissements, entrepreneurs intéressés par un fonctionnement en réseau ouvert.
Et en particulier toutes celle et ceux qui se sentent concerné.es. par l'urgence des transitions !
Un chemin autour de multiples expériences irréversibles de coopérations fait de belles rencontres et d'apprentissages qui se renouvellent.
Aller plus loin :
Quelques liens sur explorer des facettes de la coopération ouverte :
- Animacoop formation à l'animation de projets coopératifs ]] et aussi Interpole, l'espace ressource de la CIA (Collectif Inter Animacoop).
Archipélisation : comment Framasoft conçoit les relations qu'elle tisse, sur le blog de Framasoft, 10 décembre 2019.
Archipel Citoyen "osons les jours heureux, un chemin vers une autre gouvernance et une page biblio sur la notion d'archipel sur Riposte Creative Bretagne et en perspective une agora des archipels.
Autour des compétences qui favorisent la coopération L'état d'esprit collaboratif, « faire avec » et « avoir le souci des communs » : trois pivots pour coopérer âr Elzbieta Sanojca dans Innovation Pédagogique, 11 mars 2018.
Ce que nous apprenons des Riposte Créative, une démarche d'écriture collaborative réutilisable, par Michel Briand et Laurent Marseault, 21 juin 2
La compostabilité : pour un écosystème de projets vivaces par Romain Lalande et Laurent Marseault sur Vecam, 4 mars 2018.
La coopération, un changement de posture : vers une société de la coopération ouverte, diapos commentées et audio de la conférence de Michel Briand au colloque QPES 2019, dans Innovation Pédagogique, juin 2019.
Créer et animer une "Riposte Creative, formation action autour de la coopération ouverte proposée au CNFPT par Michel Briand et Laurent Marseault et mise en oeuvre pour le département de la Gironde avec Julie Chabaud (février, mars 2021).
E-book Cooptic un manuel à l'usage des animateurs de réseau et les contenus bonifiés par Gatien Bataille dans sa formation cooptic
La gare d'aiguillage aussi appelée "gare centrale" dans les formations Animacoop espace de partage d'information qui rend visible tous les éléments utiles aux membres d'un collectif pour y agir en collaboration, un exemple de circulation ds flux sur Riposte Creative Bretagne.
Histoires de coopération une trentaine d'interview d'acteurs de la coopération ouverte sur le blog Coopérations, mars 2019.
Quelques projets auxquels nous participons autour de la coopération ouverte
Bretagne Creative
"L'innovation sociale ouverte, c'est donc donner à voir son projet/son idée, échanger avec les autres pour croiser et enrichir les savoirs-faire et compétences. Sources d'efficience et créatrices de lien social sur les territoires, les démarches collaboratives sont une manière de pérenniser et de multiplier ces initiatives tout en favorisant le bien commun."
Riposte Creative Territoriale
L'objectif ? Co-construire, avec les collectivités territoriales, les réponses formatives innovantes pour faire face à ces défis complètement inédits, en mobilisant l'intelligence collective. Comment développer des modes d'apprentissage dans l'urgence, pour des solutions créatrices de valeur sociale pour le service public territorial et la démocratie locale ?
Notre intention fait écho à l'alerte de Bruno Latour : « Si on ne profite pas de cette situation incroyable pour changer, ce serait gâcher une crise. »
Riposte Creative Bretagne
« Une marmite ne commence pas à bouillir par le couvercle, mais toujours par le fond ! » Proverbe de Haute-Bretagne un espace collabortaif ouvert pour
- donner à voir et mutualiser les initiatives en complémentarité des services et groupes mis en place
-* exprimer des besoins prenant en compte les personnes en précarité, en situation de fragilité et éloignées des services proposés - favoriser l'attention, le soin, et une convivialité, et ainsi contribuer au bien vivre ensemble
- favoriser des transformations créatives solidaires et en transition pour l'après
Faire ecole ensemble
association - collégiale et à durée de vie limitée - qui facilite le soutien citoyen de la communauté éducative durant l'épidémie de COVID-19. Ses actions s'organisent par programmes et se destinent à être supportés par des coalitions d'organisations pérennes.
Outils libres
Internet avait été conçu comme un réseau décentralisé, qui donne du pouvoir et de la liberté aux citoyens. Sortir nos informations des gros silos de données pour revenir à des petites structures ouvertes et inter-connectées, c'est possible avec un peu de savoir faire technique et de la bonne volonté. Dans le cadre du mouvement plus global des logiciels libres, et par sa rencontre et collaboration avec l'association Framasoft, Colibris a rejoint le Collectif d'Hébergeurs Alternatifs Transparents Ouverts, Neutres et Solidaires (CHATONS) et met à disposition gratuitement des solutions libres et respectueuses de la vie privée.
Transiscope
Aujourd'hui, de nombreux d'acteurs de la transition et des alternatives ont entamé un travail de recensement et de cartographie de leurs organisations, actions et écosystèmes.
Dans la majorité des cas, néanmoins, ces informations sont éparpillées sur les sites de chacune de ces organisations et les données ne peuvent pas communiquer entre elles en raison de choix techniques différents : aucune visualisation agrégée n'était jusqu'à présent possible.
Pour permettre de relier ces alternatives, une dizaine de collectifs travaillent depuis deux ans pour développer des outils libres permettant de connecter les différentes bases de données existantes et de les visualiser au même endroit : TRANSISCOPE
Collectif Yeswiki
L'outil libre facilitant la coopération ouverte.
YesWiki est un logiciel libre né du croisement des discussions et savoir-faire de développeurs et animateurs de projets coopératifs.
A l'image d'une page blanche, ses usages sont quasiment illimités : ils dépendront de votre créativité !
YesWiki est aujourd'hui maintenu et amélioré par une communauté de professionnels issus d'horizons différents qui prend du plaisir à partager ses rêves, ses créations et ses développements.
[1] voir par exemple Citoyens d'une société numérique, - accès, littératie, médiations, pouvoir d'agir, pour une nouvelle politique d'inclusion
[2] intervention à la journée du département de Loire Atlantique, article en ligne sur a-brest, 9 octobre 2012 (et enregistrement) ; voir aussi La coopération ouverte, un concept en émergence par Elzbieta Sanojca et Michel Briand sur Innovation pédagogique le 18 mai 2018 et La coopération ouverte : principes et tentative de définition sur le blog “Travail en Réseau et Coopération Ouverte”, de Lilian Ricaud, 4 février 2013 et Pourquoi coopérer, par Joel Candeau dansTerrain anthropologie &sciences humaines, 58, 4-25, mars 2012.
[3] La coopération, nouvelles approches. Livre en ligne
[4] La démarche #CodeSocial est un modèle de description des intentions et des actions d'une organisation. Cette démarche est à destination des acteurs souhaitant s'inscrire dans des démarches de transparence, de reliance, d'efficience, de résilience, de collaboration, de transition et de cohérence. extrait du site Code socia initié en 2019 par Mathieu Coste, d'autres trames de documentation du comment faire sont librement réutilisables telle les recettes libres initiées au Forum des usages coopératifs 2012 et aux rencontre Moustic 2013 : "Territoires en réseaux et diffusion de nos innovations Recettes libres, codes sources, écrivons le comment faire de nos innovations sociales, mai 2013, et les codes sources mises en oeuvre pour les Tiers lieux open source par Movilab
[5]
CHATONS est le Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires. Ce collectif vise à rassembler des structures proposant des services en ligne libres, éthiques et décentralisés afin de permettre aux utilisateur⋅ices de trouver rapidement des alternatives respectueuses de leurs données et de leur vie privée aux services proposés par les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft). CHATONS est un collectif initié par l'association Framasoft en 2016 suite au succès de sa campagne Dégooglisons Internet.
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L'ÉCOLE À LA MAISON PENDANT LE CONFINEMENT DU PRINTEMPS 2020
Les enseignements de l'enquête Marsouin sur les usages numériques des élèves, des enseignants et des familles pendant le confinement.
Pascal Plantard, CREAD-Marsouin
Avec la contribution de Fabien Collas et Géraldine Guérillot, Marsouin
Et de Didier Perret, Mathhieu Serreau et Sandrine Guérin, CREAD-Marsouin
Le numérique nous a-t-il aidé à bien vivre confinés ? C'est la question que se sont posés les chercheurs de Marsouin dans une enquête exceptionnelle intitulée « CAPUNI crise » réalisée pendant le premier confinement. Une enquête qui fait écho à l'enquête « CAPUNI » menée auprès des individus un an auparavant (2019) mais aussi aux travaux menés par les laboratoires membres du GIS sur l'e-éducation (ANR-INECUC, collèges connectés, eFRAN-IDÉE, Gtnum…).
CAPUNIcrise est soutenue par la Région Bretagne et l'Agence Nationale de la Cohésion des Territoires, « CAPUNI crise » a permis d'interroger 2317 Français (métropolitains).
Introduction
La crise du COVID-19 et surtout les mesures déployées pour lutter contre la propagation de l'épidémie ont mis à rude épreuve le monde éducatif et plus globalement l'organisation entre l'école et la famille au printemps 2020. Le confinement a entraîné le développement du travail scolaire à distance. L'école à la maison s'est développée en parallèle de l'apprivoisement des Technologies Numériques (TN) qui a permis, dans une certaine mesure, la « continuité pédagogique » et le maintien des liens entre les familles et les enseignants.
L'objectif de cette note est de révéler la perception des familles, des élèves et des enseignants pour apporter des éléments de réponse sur la place et les apports du numérique comme appui au maintien des activités pédagogiques et éducatives pendant la période de confinement du printemps 2020. Elle fait suite aux différents « workpapers » qui concerne l'analyse de la vie quotidienne des Français et des Bretons pendant le confinement ainsi que des focales sur le télétravail en France et en Bretagne publiées sur le site Marsouin.
1 • Les familles
Nos données CAPUNI Crise indiquent que 40 % des parents, qui se disent très impliqués avec leurs enfants pendant l'épisode école à la maison du confinement, estiment savoir réaliser aujourd'hui beaucoup plus de choses avec le numérique. Elles indiquent aussi que 17 % des parents concernés par l'école à la maison ont rencontré des difficultés, dont 9 % liées à l'usage des technologies et 11% liées au suivi scolaire. Dans les familles, tous nos répondants ou presque pointent l'absence d'un ou plusieurs enseignants avec, comme en écho, beaucoup d'enseignants qui stigmatisent la distance des familles vis-à-vis de l'école (Fiévez, 2017).
Qui accompagne les enfants dans leur scolarité ?
Source : CAPUNI Crise 2020
Commençons par un panorama de la parentalité scolaire.
• Sexe : Les hommes, quand ils sont impliqués, le sont plus souvent comme référent secondaire (40% Oui, mais pas référent principal | 31% Oui, très impliqué)
• Tranche d'âge : Les 18-29 ans (59% non) et 60-74 ans (58% non) sont plus rarement impliqués, à l'inverse des 30-44 ans (20% non) qui sont dans la moyenne d'âge des parents d'élèves.
• ZRI : Les personnes de Zone Rurale Isolée se sont plus souvent déclarées “Très impliqué” : 53% (Total : 40 %). L'hypothèse d'un renforcement de la vigilance des parents de ZRI dû aux caractéristiques éducatives sur leurs territoires reste à creuser dans la continuité de l'ANR INEDUC qui démontre que si les territoires sont importants pour lutter contre les inégalités par la mise à disposition des ressources éducatives, les capitaux économiques, sociaux et culturels des familles sont déterminants dans l'appropriation de ces ressources territoriales par les adolescents (Danic et all, 2021)
• Niveau d'études : Les personnes ayant un CAP/BEP, quand elles sont impliquées, le sont moins souvent comme référent principal (44% Oui, mais pas référent principal | 25% Oui, très impliqué)
• CSP : Les personnes sans activités professionnelles ont plus forte tendance à ne pas s'impliquer dans l'accompagnement scolaire (54% Non) tandis que les professions intermédiaires, quand elles sont impliquées, le sont plus souvent en tant que référent principal (52% Oui, très impliqué). Et les ouvriers à l'inverse, sont, quand ils sont impliqués, plutôt référents secondaire (43% Oui, mais pas référent principal)
• Perception du niveau de vie : Les personnes déclarant trouver leur vie difficile se déclarent moins souvent “Très impliqué” dans l'accompagnement scolaire (24%)
• S'est amélioré avec le numérique depuis le confinement : Les personnes déclarant s'être améliorées avec le numérique durant le confinement étaient plus impliquées dans l'accompagnement scolaire (Non 19% | Oui, très impliqué 50%)
• Composition du foyer en termes d'adultes et mineurs : Les personnes seules avec des mineurs ont plus forte tendance à ne pas être impliquées dans l'accompagnement (Non 42%) [1].
• Présence d'enfants de la maternelle au collège : Lorsqu'il n'y a pas d'enfants de la maternelle au collège dans le foyer (autrement dit lorsqu'il y a uniquement des lycéens), les répondants ont tendance à ne pas être impliqués dans l'accompagnement scolaire (Non : 46%)
• Présence d'enfants en primaire uniquement : Lorsqu'il y a un ou des enfants au primaire (et uniquement au primaire) dans le foyer, les répondants ont tendance à être plutôt très impliqués dans l'accompagnement (54% Oui, très impliqués)
Le degré d'équipement des foyers avec des enfants scolarisés
Dans le baromètre du numérique 2019 du CREDOC, plusieurs éléments sont à noter pour avoir une idée de la situation avant le confinement :
• 86 % des Français ont accès à internet à domicile (Capuni : 91 %)
• 77 % des Français possèdent au moins un ordinateur et 25 % plusieurs. Ces courbes d'équipements baissent depuis 2012 et, en 2019, le smartphone devient le premier mode d'accès à internet.
• 42 % des Français possèdent au moins une tablette.
Depuis le plan informatique pour tous de 1986, l'argument de la réussite scolaire est un puissant levier marketing pour la vente de biens et de services technologiques, ce que démontre une nouvelle fois nos données CAPUNI Crise.
Source : CAPUNI Crise 2020
Lecture : 9% des foyers avec enfants scolarisés n'ont pas d'ordinateur et plus de la moitié en possède 2 ou plus (54%).
• 91 % des familles possèdent au moins un ordinateur (Credoc : - 5 pts)
• 60 % des familles possèdent au moins une tablette (Credoc : - 18 pts)
• 80 % des familles possèdent au moins une imprimante / scanner
• 95 des familles possèdent au moins un smartphone avec accès internet (Credoc : - 18 pts)
Ce qui donne, en négatif, 9 % des familles sans ordinateur, 40% sans tablette, 20% sans imprimante-scanner et 5% sans smartphone avec accès internet.
Les écarts très nets entre les deux enquêtes ne peuvent s'expliquer par différences méthodologiques ou des achats massifs entre juin 2019 (CREDOC) et avril 2020 (CAPUNI crise) mais bien par le suréquipement des familles avec des enfants scolarisés par rapport à la moyenne nationale. Si le confinement a pu révéler des inégalités entre les familles, il a aussi montré que la notion de fracture numérique est caricaturale et idéologique. Personne n'est véritablement in ou out vis-à-vis du numérique. Résumer le décrochage des élèves de milieu populaire au manque d'équipement numérique, c'est faire fi des autres problématiques (économique, sociale, culturelle, etc.) qui touchent ces populations et qui expliquent en grande partie leur éloignement de l'institution scolaire. Ce qu'a mis en avant de manière plus surprenante la crise, ce sont les fragilités numériques de tous les autres. L'envahissement du numérique via l'école à la maison et le télétravail a mis en difficulté nombre de familles traditionnelles, recomposées, monoparentales, des personnes modestes comme des « cadres sup » ayant fait de bonnes études. Par exemple, de nombreux citadins partis se confiner dans leur maison de campagne se sont vite aperçus qu'ils ne disposaient pas d'assez de réseau.
Normes d'usages du numérique VS normes scolaires
En référence à Michel De Certeau (1980), nous définissons les « usages » comme des normes sociales d'usages afin de pouvoir analyser à partir des données de CAPUNI Crise la continuité entre les pratiques sociales, culturelles ou scolaires et les pratiques numériques (Plantard, 2016). Nous avons constaté une potentielle dépendance entre le niveau d'études des parents et le type de difficultés rencontrées lors du confinement, soit vis-à-vis de la dimension proprement technologique du suivi ou de la dimension scolaire. C'est ce que l'on retrouve dans le graphe suivant.
Lecture : Difficultés technologiques : (-) Bac +3/+4 : 1% | (+) CAP BEP : 16% // Difficultés liées au suivi scolaire : (-) Bac +5 et plus : 4% | (+) Sans diplôme : 38%
On constate donc une nette prévalence du rapport des parents à l'école dans les difficultés évoquées. Là où les « sans diplôme » sont 14 % à avoir des difficultés avec la technologie, ils sont 38 % à déclarer avoir eu des difficultés avec le suivi scolaire (VS Bac +5 et plus : 4%). Ce qui confirmerait que l'apprentissage expérientiel des pratiques numériques est moins discriminant que le vécu scolaire des parents peu ou pas diplômés. Ce qui rejoint les travaux constatant le poids des déterminants sociaux et académiques sur l'accompagnement des élèves en situation de confinement (Sanrey & all, 2020).
En compressant les données relatives aux niveaux d'études des parents, l'effet est encore bien visible.
Le bricolage (Levi-Strauss, 1962) numérique a néanmoins ses limites dans le sentiment d'auto-efficacité. En effet, si 31 % des répondants considèrent savoir faire plus de choses avec le numérique depuis le confinement, ils sont 57 % chez les Bac +3/+4 et seulement 15 % chez les niveaux Bac et inférieur.
La communication entre les familles et les enseignants
C'est probablement là un des effets majeurs de la pandémie de 2020 que d'avoir augmenté la fréquence des échanges autour de la scolarité avec des différences notables entre le 1er et le 2nd degrés ainsi que dans les classes « pivot » que sont la grande section de maternelle, le CM2, la 3ème et la Terminale.
Pour les familles ayant des enfants scolarisés dans le 1er degré, les échanges avec les enseignants ont littéralement explosé pendant le confinement avec 65 % d'échanges habituels et 30 % d'échanges ponctuels soit 95 % sur un échantillon représentatif de la population française. Lorsqu'on interroge cet échantillon sur la situation avant le confinement, 78 % répondent que ces échanges n'existaient pas. Serait-ce le signe d'un nouveau dialogue entre les enseignants et les familles ? La différence est moins nette en ce qui concerne les échanges entre parents (38 % Vs 59 %) qui se sont peu développés et qui sont très discriminés socialement comme avait pu le démontrer, entre autres travaux, l'ANR INEDUC (Danic et al., 2021). Pour le suivi de l'orientation, l'évolution est aussi moins nette (33 % Vs 24%) et l'on peut évoquer au moins deux raisons à cela. L'impératif de la « continuité pédagogique » a reculé dans le temps et dans le rang des priorités ; les questions d'orientation dans le 1er degré et les effets de palier d'orientation sont moins forts dans le 1er que dans le 2nd degré.
Pour le 2nd degré, les échanges avec les enseignants sont très proches de ceux du 1er degré avec 63 % d'échanges habituels et 31 % d'échanges ponctuels soit 94 %. C'est la situation de départ qui était différente puisque qu'avant le confinement, 55 % de ceux qui ont échangés pendant le confinement (1er degré : 78 %) répondent que ces échanges n'existaient pas. Il s'agit plus d'un développement que d'une explosion. Rappelons aussi que les « Environnement Numérique de Travail » (ENT) permettant une communication institutionnelle ne sont pas encore tous déployés dans le 1er degré et, en conséquence, les enseignants du 1er degré en avaient moins l'expérience. Les échanges entre parents sont encore moins développés (2nd : 26 % Vs 55 % ; 1er : 38 % Vs 59 %) ce qui peut s'expliquer par une socialisation parentale plus forte autour de l'école quand les enfants sont petits. Par ailleurs, le suivi de l'orientation a été plus fort pendant le confinement (2nd : 58 % Vs 53 % ; 1er : 33 % Vs 24%), essentiellement autour des paliers d'orientation de la troisième et de la terminale.
Quid de l'école à la maison pour les enseignants et les personnels de santé ?
Dans notre échantillon, 14 % des parents sont enseignants et 12 % soignants. Sur d'aussi faibles effectifs, on ne peut avoir de résultats véritablement significatifs statistiquement mais on peut noter des tendances à approfondir dans des recherches ultérieures :
• Seul 1% des parents enseignants ont déclaré avoir des enfants ayant des difficultés liées au suivi scolaire contre 11% sur l'ensemble des personnes interrogées.
• Ils semblent aussi être plus souvent très impliqués dans l'accompagnement (60% contre 48%).
• À l'inverse des parents dans l'enseignement, les parents travaillant dans le domaine de la santé déclarent plus souvent que leurs enfants ont rencontré des difficultés liées au suivi scolaire (24% contre 11%).
• Il est important de noter que si l'on regarde les professions dans le détail, mis à part un cadre de santé, le reste des répondants ont l'un des métiers suivants : infirmier, aide-soignant, secrétaire médicale. La période, particulière pour ces professions au « front » du Covid, pourrait expliquer ces difficultés sur le suivi mais cela peut également être lié aux modalités particulières d'accueil par l'éducation nationale des enfants de soignants ou par le rapport à l'école de ces familles.
2 • Les enseignants
Notre point d'entrée vis-à-vis des pratiques numériques des enseignants est l'enquête en ligne EFRAN-IDÉE [2] effectuée en décembre 2019 sur un effectif 936 enseignants du 2nd degré en Bretagne. L'échantillon est déclaratif et n'est donc pas représentatif de la population enseignante mais suffisamment proche des moyennes pour faire des projections. Sur l'ensemble des données encore à travailler, nous retiendrons le tableau suivant :
En assemblant différentes catégories, on arrive au constat global suivant :
• 1/4 des enseignants étaient acculturés aux technologies numériques (Ex : 25 % « Tous les jours ou presque » : ligne 6)
• 1/2 des enseignants avaient des usages simples (Ex : 51 % « Tous les jours ou presque » : ligne 2)
• 1/4 des enseignants n'avaient pas ou peu d'usages (Ex : 22,5 % « jamais ou rarement » : moyennes des lignes 1 à 6)
Les résultats sont similaires au niveau du type d'établissement (collège, LP, LEGT).
A partir de ce constat de départ, nous avons relancé une enquête en ligne [3] comparable à celle de décembre 2019 mais adaptée au contexte de « l'école à la maison ». Elle s'est déployée, dans le cadre de activités Marsouin, en parallèle de CAPUNI Crise sur un effectif de 525 enseignants du 2nd degré en Bretagne au printemps 2020.
Si la comparaison « toutes choses égales par ailleurs » est impossible statistiquement, elle nous donne des indications de tendances intéressantes pour poursuivre les recherches. Nous avons réduit le tableau « modalités pédagogiques » à 3 entrées (sur 15 initiales) pour le tableau suivant :
Q26 - Modalités pédagogiques
Cette enquête nous indique que le confinement aurait poussé les enseignants des 50 % médian vers des usages plus importants dans la mise à disposition de ressources pédagogiques, de scénarisation de cours et d'enseignement à distance.
Les données qualitatives du volet 1 [4] du projet eFRAN-IDÉE permettent d'identifier six facteurs déterminants de l'engagement des enseignants dans la continuité pédagogique :
• La peur de perdre le contact avec les élèves et les familles les plus fragiles, ce qui renvoie, historiquement, au fondement de la pédagogie [5].
• L'ouverture aux propositions des élèves.
• L'effet prescriptif des enseignants sur les environnements numériques éducatifs utilisés par les familles qui représente probablement un nouvel espace de liberté pédagogique.
• Le rôle des chefs d'établissement : le chef d'orchestre chargé du pilotage, de la dynamique et de l'organisation de l'enseignement hybride ou à distance.
• La distance réflexive des enseignants par rapport aux injonctions paradoxales produites par les discours politiques et médiatiques vis-à-vis des réalités de terrain (Perret et Plantard, 2020).
• Les cultures numériques des enseignants où la formation entre pairs et/ou avec l'entourage personnel devient fondamentale [6].
La situation du quart dans lequel on trouve les enseignants décrocheurs de la continuité pédagogique est préoccupante. S'il y a des situations critiques de santé, de technophobie ou de burn out, il y a aussi des enseignants minés par des conflits de légitimité entre la forme scolaire classique à laquelle ils sont arrimés et cette évolution rapide, pendant le confinement, s'appuyant sur les technologies numériques qui passent de l'illusion du contrôle, dans l'enseignement présentiel classique au devoir d'accompagnement dans l'enseignement hybride ou à distance (Peraya, D. 2020).
3 • Les élèves
En 2018-2019, dans le projet eFRAN-IDÉE, l'équipe d'économistes du CREM [7] a mené une expérience « contrôlée » à base de jeux en classe sur tablette pour observer et révéler les préférences individuelles et sociales autour des thèmes de la coopération, l'altruisme et du goût pour la compétition avec 432 collégiens. Dans ce protocole d'économie expérimentale, l'égoïsme et la compétition semblent beaucoup plus rentables scolairement que l'altruisme et la coopération ce qui questionne les valeurs promues par l'école. La première campagne d'enquête du projet eFRAN-IDÉE menée par les sociologues [8] du CREAD sur 1685 élèves de 5ème de collège et leur famille en 2017-2018 donne des indications précieuses sur le travail scolaire hors temps d'école qui permet d'éclairer certains aspects du confinement. On constate que les très bons élèves ont tendance à travailler moins leurs devoirs à la maison que les autres dans les trois disciplines étudiées (mathématiques, histoire-géographie, anglais) alors que les bulletins scolaires des élèves les plus faibles sont remplis de critiques sur leur manque de travail et d'injonction à se mettre au travail. Dans la même enquête, on constate aussi que ce sont les élèves les plus faibles qui mettent le plus de temps à rechercher des ressources sur internet pendant leurs devoirs à la maison. Avant le confinement, les difficultés scolaires n'étaient donc pas réductibles à un manque de travail ou d'investissement chez les élèves les plus fragiles mais de dispositions à apprendre dans la forme scolaire actuelle qui, là aussi, questionnent les objectifs de l'école.
La parole des élèves, qu'on a très peu entendus tant qu'ils étaient enfermés chez eux, se libère. Ce qu'ils ont vu d'hésitations ou d'insuffisances dans les établissements peut nourrir une mise en cause qu'ils verbalisent souvent sans filtre. Eux aussi ont entendu dire autour d'eux que « tout se passait au mieux », que l'enseignement était assuré « presque comme d'habitude », que le CNED [9] les aiderait. Ce discours volontariste, déconnecté de leurs difficultés quotidiennes, a pu être très mal vécu. Nous aimerions aujourd'hui faire entendre la parole de ces lycéens pendant le premier confinement du printemps 2020, pour ce faire nous avons mis en place en février 2021 un questionnaire ouvert et en ligne avec de larges plages qualitatives destinées aux étudiants de 1ère année de licence de Rennes qui étaient lycéens l'an passé. Voilà quelques verbatims qui semblent indiquer les signes d'une auto-organisation coopérative :
« Nous avions un camarade qui a créé un serveur discord pour tous les élèves et les professeurs, il était très bien organisé et tenu c'était très pratique. Puis les professeurs ont voulu changer de plateforme ce qui a été plus complexe. Mais nous communiquions toujours sur ce serveur entre nous. (Bac S, Carentan les Marais) »
Ce que confirme cet enseignant de Lycée lors d'atelier de recherche coopérative organisé dans le cadre du Forum Recherche et Éducation du 2 février 2021, mais pas pour toutes les classes :
« J'ai créé tout de suite dès le premier jour du confinement un groupe messenger et ça a extrêmement bien marché parce qu'ils étaient concernés par leur scolarité. Ça a nettement moins bien marché avec des Secondes... C'est beaucoup beaucoup plus difficile avec des élèves par exemple de Seconde, qui ont vu dès le début l'occasion évidemment de perdre le fil et de ne pas travailler, enfin de moins travailler. Donc avec les Secondes, ça a été un autre outil, ça a été plutôt l'outil officiel. Malheureusement l'outil officiel a eu très très vite ses limites et ça a été un vrai problème. Donc autant messenger finalement en tant que réseau social a très très bien fonctionné, autant l'outil officiel moi je suis très très dubitatif sur ça . Parce que les familles ne jouent pas le jeu non plus. »
On peut émettre l'hypothèse que les élèves de Terminale ont des échéances mais sont globalement dans un état de maturité plus important que les collégiens, les secondes et les premières. On constate aussi une perméabilité très importante entre les pratiques numériques ordinaires et les pratiques numériques scolaires des élèves (Cottier & Burban, 2016).
Les Lycéens pointent aussi une diversité dans la communication avec les enseignants :
« Pour certains, il y avait une meilleure communication mais pour d'autre on avait du mal à les contacter et j'ai eu certains cours que je n'avais plus à partir du confinement, mes camarades et moi-même n'avons eu aucun devoir, ni polycopié de leur part (Bac professionnel service à la personne, Bain-de-Bretagne). »
Ou témoigne d'une profonde détresse :
« […] être enfermé, ne pas avoir pu passer le bac, ne pas sentir le mériter, de se battre pour avoir son bac, ne pas avoir eu le bal de fin d'année, ne pas avoir pu finir le lycée comme tout le monde, être dans le déni tout le temps, ne plus pouvoir sortir, ne plus voir ses amis, avoir l'impression d'être privé de sa jeunesse (Bac ES, Dol-de-Bretagne) »
Conclusion
Dès le début du confinement, la recherche française [10] a saisi le sujet de l'École à la maison. Les enquêtes sont en cours d'analyses et le travail conceptuel est à approfondir car il règne une confusion sémantique autour des notions d'école à la maison, de continuité pédagogique (Cerisier, 2020), d'enseignement hybride, en ligne ou à̀ distance (Frau-Meigs, 2020). Au niveau international [11], on voit se dessiner deux tendances, la première qui interroge les aléas institutionnels de la massification de l'enseignement à distance et l'autre qui identifie assez clairement l'augmentation des inégalités éducatives sur des bases territoriales, culturelles ou économiques. Le confinement a placé les enseignants, les élèves et les familles dans des conditions inédites et difficiles. L'Éducation nationale, en tant qu'institution, n'était pas du tout préparée à ce fait social total numérique qu'a été le confinement. Depuis quarante ans, malgré la succession des plans, le numérique s'articule encore mal avec l'univers scolaire (Amadieu et Tricot, 2014). Au-delà des difficultés matérielles, des difficultés de connexion, ce sont surtout des difficultés de pratique du numérique pédagogique qui ont été dévoilées par le confinement articulées avec des expériences préalables et des capitaux culturels numériques très inégaux chez les enseignants mais aussi chez les élèves envahis par l'économie de l‘attention et les sollicitations des réseaux sociaux, des jeux vidéo et des plate-forme de VOD [12] ainsi que dans les familles aux prises avec le dessaisissement parental vis-à-vis du numérique. Si on prend très au sérieux le concept de Fait Social Total Numérique, il est probable que la sortie de la crise éducative que nous traversons se situe plus autour des processus coopératifs de médiation, d'accompagnement et de formation que du côté des solutions technologiques proposées par les EdTech et les GAFAM. A travers l'analyse des pratiques numériques éducatives, c'est aussi la communication transgénérationnelle qui est en jeu car on ne peut imaginer priver plus longtemps la jeunesse de sa jeunesse.
Bibliographie
Amadieu, F., & Tricot, A. (2014). Apprendre avec le numérique. Mythes et réalité. Retz Eds.
Cerisier, J-F. (2020). Covid-19 : heurs et malheurs de la continuité pédagogique à la française. The Conversation, 17 mars 2020.
Cottier, P. & Burban, F. (2016). Le Lycée en régime numérique – Usages et recomposition des acteurs. Octares.
Danic I., Hardouin M., Keerle R., Plantard P. et David O. [dir.] (2021), Adolescentes et adolescents des villes et des champs : la construction spatiale des inégalités éducatives, Rennes, PUR
De Certeau, M. (1990). L'invention du quotidien, T.1, Arts de faire. Gallimard. (Édition originale, 1980)
Fiévez, A. (2017). L'intégration des TIC en contexte éducatif : Modèles, réalités et enjeux. Presses de l'université du Québec.
Frau-Meigs, D. (2020). Pédagogie à distance : les enseignements du e-confinement. The Conversation, 3 mai 2020.
Jouët, J. (2000). Retour critique sur la sociologie des usages. Réseaux. Communication - Technologie - Société, 18(100). 487-521 ; https://doi.org/10.3406/reso.2000.2235
Lapassade, G. (2016). Observation participante. Dans Jacqueline Barus-Michel (dir.) Vocabulaire de psychosociologie : Références et positions (p. 392-407). ERES. https://doi.org/10.3917/eres.barus.2016.01.0392
Levi-Strauss, C. (1990). La pensée sauvage. Paris : Plon. (Édition originale, 1962)
Peraya, D. (2020). Conférence de conclusion des états généraux du numérique pour l'éducation en Bretagne, 15 octobre
Perret, D. & Plantard, P. (2020). Pratiques numériques des enseignants en Bretagne pendant le confinement. Analyse anthropologique des premières données qualitatives et quantitatives. Formation et profession, 28(4 hors-série), 1-12.
Plantard, P. (2016). Temps numériques et contretemps pédagogiques en collège connecté. Distances et médiations des savoirs, 16 https://doi.org/10.4000/dms.1660
Sanrey, C., Stanczak, A., Goudeau, S. & Darnon, C. (2020). Confinement et école à la maison : l'illusion de la solution numérique. Psychologie & Éducation, AFPEN, 2020. hal-02978531
Encadré sur l'enquête CAPUNI Crise
L'enquête CAPUNI Crise a été réalisée par le Groupement d'Intérêt Scientifique Marsouin. Soutenue par la Région Bretagne et l'Agence Nationale de la Cohésion des Territoires, « CAPUNI crise » a permis d'interroger par téléphone un échantillon représentatif de la population nationale (2 317 individus). La représentativité est assurée par la méthode des quotas sur les critères d'âge, de sexe, de catégorie socioprofessionnelle, de taille d'unité urbaine de résidence et de département. CAPUNI crise a pour but d'objectiver les évolutions des pratiques numériques pendant le confinement. Nous avons effectué la collecte au téléphone à partir d'un questionnaire pour éviter le biais de la collecte en ligne.
L'enquête a porté sur les équipements et usages numériques avant et pendant le confinement, ainsi que sur l'école à la maison et le télétravail.
Pour plus d'informations, https://www.marsouin.org/article1214.html.
Le Groupement d'Intérêt Scientifique Marsouin a été créé en 2002 à l'initiative du Conseil Régional de Bretagne. Il rassemble les équipes de recherche en sciences humaines et sociales des quatre universités bretonnes et de trois grandes écoles, soit 18 laboratoires, qui travaillent sur les usages et transformations numériques.
[1] Nous indiquons ici une tendance car le % est non significatif statistiquement (effectif trop petit de 41 foyers).
[2] Remerciements à Agnès Leprince pour la mise en forme des données statistiques.
[3] Un autre biais est identifiable dans notre méthodologie d'enquête volontaire en ligne, la culpabilité de déclarer ses difficultés en ligne que nous connaissons bien avec nos enquêtes antérieures sur le non-usage. Nous continuerons les travaux avec des observations et des entretiens qualitatifs d'enseignants non-usagers des technologies numériques.
[4] Voir thèse en cours : Dynamiques collectives et parcours individuels dans l'appropriation des instruments numériques par les enseignants du second degré par Didier Perret, CREAD-Marsouin, Université Rennes 2
[5] On doit noter une forte convergence des études francophones de 2020 sur ce point : IFÉ, Pascale Haag, Pierre-Olivier Wiess, Thierry Karsenti et Simon Parent …
[6] Ex : Les Coopératives Pédagogiques Numériques (Inter@ctik, Bretagne) et “la maîtresse part en live” sur YouTube (Marie-Solène Letoqueux, Fougère, 35)
[7] Voir Thèse en cours : Le numérique est-il vraiment un facteur de réduction de l'inégalité scolaire ? par Étienne Dagorn, CREM-Marsouin, Université de Rennes 1
[8] Agnès Leprince, Laurent Mell et Lila Le Trividic.
[9] Centre national d'enseignement à distance
[12] Vidéo à la demande.
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Comment la pandémie aggrave le mal-être des étudiants
Préoccupante depuis un certain nombre d'années, la souffrance étudiante est actuellement sous les feux de l'actualité, la crise sanitaire accentuant l'isolement des jeunes et les problèmes de précarité mis à jour depuis l'immolation par le feu d'un étudiant à Lyon, en novembre 2009.
Y a-t-il des éléments qui contribuent au mal-être de la jeunesse, et qui sont spécifiques à l'Hexagone ?
Dans le modèle français valorisé du devenir adulte, on considère que l'indépendance économique de l'étudiant ne devrait pas relever de la responsabilité de la famille. Mais les aides de l'État envers les étudiants ne leur permettent pas de les prendre complètement en charge si les familles ne sont pas au rendez-vous.
Dans les pays nordiques, l'État finance l'autonomie des étudiants et dans des pays comme l'Espagne le modèle familialiste prédomine.
La pression du logement
Pendant la période de la jeunesse, en France, il est admis que, pour s'autonomiser, deux conditions doivent être réunies : la séparation physique de la famille et la vie en solo, au moins, pendant une période. Nous estimons à près de 40 % le nombre des étudiants qui habitent seuls (dans leur logement, en résidence universitaire ou dans un logement de la famille).
La construction des logements des étudiants du CROUS (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires) a été pensée, depuis les années 1960, en adéquation avec ce modèle et la majorité des logements (plus de 90 %) sont de petites surfaces conçues pour des étudiants en solo, principalement des chambres individuelles. Le parc privé suit la même tendance.
En temps de pandémie, où apparaît plus que jamais l'importance de l'autre et du lien social dans la vie, la crise met en lumière les limites de ce modèle d'autonomisation de soi qui établit un lien entre bonheur individuel et vie en solo. Or nous assistons à une vie en solo H24.
Dans d'autres pays, par exemple en Espagne, il n'y a pas un lien établi et socialement valorisé entre devenir adulte et vivre seul, être seul physiquement – ni pendant l'enfance, ni pendant la jeunesse, ni au moment de la maladie ou du vieillissement.
Les étudiants choisissent les résidences étudiantes où les repas ont lieu collectivement, ou les appartements en colocation, sur le mode de l'auberge espagnole – n France, cela ne concerne que 11 % des étudiants, selon l'enquête OVE 2016. Ceci a comme conséquence qu'en temps de pandémie, bien qu'affrontant aussi les difficultés de l'enseignement à distance, les jeunes se sentent moins seuls.
Conditions d'études plus complexes
Un deuxième aspect central de la vie étudiante est la pression que subissent les étudiants, compte tenu de la valeur accordée au diplôme, garant et déterminant de la position que les jeunes occuperont dans leur vie professionnelle future, comme l'a montré Cécile Van de Velde dans son ouvrage Devenir adulte, ce qui ajoute une couche de stress à cette période de la vie où il faut subir pour grandir. Et la question se pose aujourd'hui de la valeur des diplômes de la génération Covid.
La France accueille de nombreux étudiants étrangers. Ceci est possible pour certains, compte tenu des tarifs d'inscription dans les universités, du prix des résidences du CROUS et de leur job étudiant. La plupart d'entre eux ont perdu ce travail, ils se retrouvent dans des chambres et des résidences pas toujours agréables.
À ceci s'ajoute qu'ils n'ont pas toujours le matériel informatique adéquat et se trouvent contraints de continuer l'année universitaire avec pour seul outil leur téléphone portable, comme nous l'avons observé dans notre université avant le prêt d'ordinateurs. Les données nationales sont inexistantes à ce jour.
S'y ajoutent d'autres problématiques plus globales de la jeunesse : trouver sa voie. C'est une période où de nombreux jeunes s'interrogent sur le choix de leurs études, leur avenir et où ils découvrent que finalement ils voudraient changer. D'où la création de nombreuses possibilités de bifurcation, par exemple à la fin du premier semestre et tout au long de certains parcours universitaires.
Le distanciel ajoute une difficulté supplémentaire pour échanger et rencontrer les interlocuteurs chargés de la réorientation. Puis, il y a la peur et l'insécurité pour affronter le marché du travail, après des années à entendre recommander l'importance des stages et à faire des projets tout en en stand-by.
Injonction à l'autonomie
L'injonction à l'autonomie est très importante au sein de la jeunesse. Certains ressentent aujourd'hui un sentiment d'échec, étant donné qu'ils ont préféré, ou ont été contraints, de retourner chez leurs parents, privés d'une autonomie censée s'apprendre progressivement, comme nous l'avons observé dans les entretiens auprès d'étudiants retournés chez leurs parents pendant le premier et le deuxième confinement.
Leur image d'eux-mêmes se détériore à l'idée de ne pas voir le moyen, ni le moment de s'éloigner de la famille. Sans compter que le départ pour les études avait permis à certain·e·s de quitter des environnements toxiques. Ces jeunes ne trouvent pas toujours dans le distanciel la force de volonté nécessaire pour s'organiser, pour préparer des travaux à présenter parfois six semaines plus tard, des textes à lire, etc.
Pour les autres, restés dans leur chambre ou dans leur studio, l'échec est celui de voir qu'ils vivent mal, que la vie en solo mais sans lien avec les autres, à la fac ou dans les soirées, est dure, voire déprimante. Même les étudiants en master trouvent ceci difficile. Leurs seules sorties se limitent à faire les courses ; ils n'ont pas la force de volonté de s'habiller pour les cours par visio et ils éprouvent le sentiment d'être les seuls confinés avec les personnes âgées.
La société continue à fonctionner et eux sont mis à l'écart. Le poids de la solitude s'accentue lorsqu'il y a un cumul des difficultés, notamment financières. Avant la pandémie, les jeunes avaient des stratégies pour y remédier, parmi lesquelles la fréquentation des amis était centrale. Aujourd'hui, elles ne peuvent plus être déployées comme le témoignent les étudiants interviewés.
Le jeune doit apprendre à être seul avec lui-même et à se sentir bien : il serait ainsi mieux armé pour affronter le monde des adultes et la société dans laquelle il vit. La souffrance pendant la jeunesse est souvent associée à la trop forte dépendance familiale, conjugale, professionnelle, et le bonheur à la liberté.
La crise montre que le modèle français du logement étudiant de taille réduite pour des étudiants seuls comme symbole de l'autonomie acquise pendant la jeunesse doit être repensé. Nous assistons à l'expérimentation réelle et collective de la limite de la vie en solo pendant la jeunesse en temps de pandémie.
Sandra Gaviria ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
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